1

La Jérusalem Céleste, mystère d’Amour entre Dieu et les hommes (Ap 21,1-8)

            Lisons tout d’abord Ap 21,1-4 : « Alors j’ai vu un ciel nouveau et une terre nouvelle, car le premier ciel et la première terre s’en étaient allés et, de mer, il n’y en a plus. (2) Et la Ville sainte, la Jérusalem nouvelle, je l’ai vue qui descendait du ciel, d’auprès de Dieu, prête pour les noces, comme une épouse parée pour son mari. (3) Et j’entendis une voix forte qui venait du Trône. Elle disait : « Voici la demeure de Dieu avec les hommes ; il demeurera avec eux, et ils seront ses peuples, et lui-même, Dieu avec eux, sera leur Dieu. (4) Il essuiera toute larme de leurs yeux, et la mort ne sera plus, et il n’y aura plus ni deuil, ni cri, ni douleur : ce qui était en premier s’en est allé. »

 

L’appel à la conversion 

            St Jean fait ici allusion au prophète Isaïe (65,17) : « Oui, voici : je vais créer un ciel nouveau et une terre nouvelle »…

            Le contexte est celui d’un peuple pécheur, infidèle à Dieu… « Je me suis laissé approcher par qui ne me demandait rien, je me suis laissé trouver par ceux qui ne me cherchaient pas. J’ai dit : « Me voici ! Me voici ! » à une nation qui n’invoquait pas mon nom. (2) J’ai tendu les mains, tout le jour, vers un peuple rebelle, vers ceux qui suivent le mauvais chemin, entraînés par leurs pensées. (3) Ce peuple m’offense, ouvertement, sans cesse : ils sacrifient dans les jardins, brûlent de l’encens sur des briques, (4) ils habitent dans les tombeaux, passent la nuit dans des cachettes, ils mangent de la viande de porc, avec des sauces impures dans leurs plats » (Is 65,1‑4). Et à propos de cette dernière précision, la Bible de Jérusalem explique en note : « Il s’agit de rites païens qui se pratiquèrent en secret à Jérusalem pendant l’Exil à Babylone (587 – 538 av JC), et que la communauté eut à combattre à son retour ».

            dieu_amourEt un peu plus loin, Isaïe écrit : « J’ai appelé, et vous n’avez pas répondu, j’ai parlé, et vous n’avez pas écouté ; vous avez fait ce qui est mal à mes yeux, et vous avez choisi ce qui me déplaît » (Is 65,12).

            Cette notion de choix renvoie à la nécessaire décision des hommes vis-à-vis de leur Créateur et Père, ces hommes qu’il a voulu libres. Il les a tous « créés à son image et ressemblance » (Gn 1,26-27). Il les aime tous, car Il Est Amour (1Jn 4,8.16), et il les a tous créés par Amour pour les combler de son Amour : « Tu aimes en effet tout ce qui existe, et tu n’as de dégoût pour rien de ce que tu as fait ; car si tu avais haï quelque chose, tu ne l’aurais pas formé » (Sg 11,24).

            Mais qui dit Amour dit Liberté… L’Amour ne peut contraindre l’autre à se laisser aimer, à aimer… L’Amour ne peut que venir à la rencontre de l’être aimé, se proposer et attendre sa réponse, espérer son « oui »… « J’ai dit : « Me voici ! Me voici ! » à une nation qui n’invoquait pas mon nom. (2) J’ai tendu les mains, tout le jour, vers un peuple rebelle »… « Voici, je me tiens à la porte et je frappe ; si quelqu’un entend ma voix et ouvre la porte, j’entrerai chez lui pour souper, moi près de lui et lui près de moi » (Ap 3,20). Et si la porte ne s’ouvre pas, il restera là, à attendre… C’est pourquoi celui qui le cherche de tout cœur, et décide enfin de lui ouvrir la porte de son cœur et de sa vie, ne peut que le trouver… Il est déjà là ! « La Sagesse est brillante, elle ne se flétrit pas. Elle se laisse facilement contempler par ceux qui l’aiment, elle se laisse trouver par ceux qui la cherchent. Elle prévient ceux qui la désirent en se faisant connaître la première. Qui se lève tôt pour la chercher n’aura pas à peiner : il la trouvera assise à sa porte » (Sg 6,12-14)…

            Dieu est là, présent, à la porte de chacun d’entre nous, et il frappe… Quel sera notre choix ? Nous savons que si nous décidons de lui ouvrir, cela suppose au même moment que nous nous détournions de tout ce qui lui est contraire, et qui peut néanmoins, nous apporter une satisfaction temporaire, mensongère, illusoire… Il n’est pas facile à un pécheur d’y renoncer, et Jésus le sait bien… Mais tel est « le » renoncement qu’il attend de nous, un renoncement possible si nous « luttons » avec Lui, avec le secours de sa grâce, de son soutien… « Entrez par la porte étroite. Large, en effet, et spacieux est le chemin qui mène à la perdition, et il en est beaucoup qui s’y engagent ; mais étroite est la porte et resserré le chemin qui mène à la Vie, et il en est peu qui le trouvent… Luttez donc pour entrer par la porte étroite, car beaucoup, je vous le dis, chercheront à entrer et ne pourront pas » (Mt 7,13-14 ; Lc 13,24).

chemin-croix

 

            Ce « bon choix », Dieu Lui-même nous encourage à le faire :

LES DEUX VOIES (Dt 30,15-20)

Introduction : 

Vois, je te propose            aujourd’hui        (1)           vie et bonheur,

                                                                       (2)          mort et malheur.

(1) La voie de la vie et du bonheur : la relation à Dieu 

(16)   (a) Ecouter la Loi de Dieu 

                       Si tu écoutes les commandements du Seigneur ton Dieu

                                                                                      que je te prescris aujourd’hui,

         (b) aimer Dieu 

                      et que tu aimes le Seigneur ton Dieu,

         (c) Mettre en pratique sa Parole 

                      que tu marches dans ses voies,

          (d) Rester fidèle dans le temps 

                      que tu gardes ses commandements, ses lois et ses coutumes,

 

Conséquences : – Accomplissement des Promesses de l’Alliance – 

                                                     vie, prospérité du Peuple, bénédiction sur la terre promise 

                       (1) – tu vivras

                       (2) – et tu multiplieras, (Gn 12,1-3 ; 13,16 ; 15,5 ; 18,18 ; 22,17 ; 26,4 ; 28,3.14…)

                       (3) – Le Seigneur ton Dieu te bénira (Gn 12,1-3 ; 17,16 ; 22,17-18  25,11 ; 26,3-4…)

                       (4) –     dans le pays où tu entres pour en prendre possession.

                                                          (Gn 12,1.5-7 ; 13,15.17 ; 15,7.18 ; 17,8 ; 26,3.24…)

 

(2) La voie de la mort et du malheur : l’abandon de Dieu… 

(17)        (a) Se détourner de cœur 

                     Mais si ton cœur se détourne,

            (b) Ne pas écouter 

                     si tu n’écoutes point

            (c) Mal agir en servant les idoles 

                     et si tu te laisses entraîner à te prosterner devant d’autres dieux et à les servir,

                

 Conséquences : mort, sur la terre que Dieu donne, fidèle malgré tout à son Alliance

                                                                                             et à ses promesses. 

(18)        je vous déclare aujourd’hui

(1) – que vous périrez certainement et que vous ne vivrez pas de longs jours sur la terre où vous pénétrerez pour en prendre possession en passant le Jourdain.

          

 Conclusion : appel de Dieu à choisir la vie !

 

(19)        Je prends aujourd’hui à témoin contre vous le ciel et la terre :

   Liberté de l’homme 

            je te propose       (1) la vie                               ou           (2) la mort,                         

                                          (1) la bénédiction             ou           (2) la malédiction.

    Appel de Dieu à choisir la vie ! 

Choisis donc      (1) la vie, pour que toi et ta postérité vous viviez,             

(20)        (b’)         aimer Dieu                aimant le Seigneur ton Dieu,

(a’)                       écouter sa voix         écoutant sa voix,

(d’)                       rester fidèle               t’attachant à lui ;

car là est ta vie (1)ainsi que la longue durée de ton séjour sur la terre que le Seigneur a juré   à tes pères, Abraham, Isaac et Jacob, de leur donner.

 

aimer c'est tout donner

            « Dieu est Amour » (1Jn 4,8.16), et « aimer, c’est tout donner et se donner soi‑même » (Ste Thérèse de Lisieux). C’est ainsi que « le Père aime le Fils et il a tout donné dans sa main » (Jn 3,35) de telle sorte que « tout ce qu’a le Père est à moi » (Jn 16,15). Le Père est Dieu ? Le Fils est Dieu né de Dieu. Le Père est Lumière ? Le Fils est Lumière née de la Lumière. Le Père a la vie en lui-même ? « Comme le Père a la vie en lui-même, de même a-t-il donné au Fils d’avoir aussi la vie en lui‑même » (Jn 5,26). Et le Fils « demeure en son amour » (Jn 15,10), « tourné de tout cœur vers le sein du Père » (Jn 1,18), accueillant ce « Don de Dieu », ce Don de l’Eau Vive de l’Esprit (Jn 4,10-14 ; 7,37-39), que le Père ne cesse de lui faire, l’engendrant ainsi en Fils de même nature que le Père…

            Or, nous dit St Paul, nous sommes tous appelés, dans notre condition de créatures, à « reproduire l’image du Fils afin qu’il soit l’aîné d’une multitude de frères » (Rm 8,29). Choisir librement de se tourner de tout cœur vers le Père, avec Lui et grâce à son soutien, sera au même moment recevoir avec Lui ce qu’il reçoit du Père depuis toujours et pour toujours : sa Bénédiction qui est Vie ! Dans son Amour, le Père ne sait que bénir, et en bénissant, il donne la vie, la Plénitude de la vie… Et il est le premier à se réjouir du bonheur qui en résulte pour ses enfants… Se détourner de cœur de cette source équivaudrait, pour notre malheur et la tristesse de Dieu, à nous « priver » (Rm 3,23) de cette Vie, ce que les textes bibliques évoquent en terne de « mort » : « Le salaire du péché, c’est la mort ; mais le don gratuit de Dieu, c’est la vie éternelle dans le Christ Jésus notre Seigneur » (Rm 6,23). Et puisque ce Don est tout en même temps sa bénédiction, s’en priver, c’est ce que le Livre du Deutéronome appelle « la malédiction ». En soi, elle n’est rien sinon une privation de bénédiction, tout comme la mort est une absence de vie…

            Et Dieu dans son Amour nous presse de faire le bon choix : celui de la bénédiction, et avec elle, celui de la Plénitude de la Vie. « Je prends aujourd’hui à témoin contre vous le ciel et la terre : je te propose la vie ou la mort, la bénédiction ou la malédiction. Choisis donc la vie, pour que toi et ta postérité vous viviez ! » Il suffit de se tourner de tout cœur vers Lui, de s’ouvrir à Lui, de se laisser aimer, combler, remplir, comme un petit enfant qui reçoit dans les bras de sa mère la meilleure nourriture qui soit, pour sa vie, une vie qui fera tout le bonheur de ses parents…

Accueillir librement le Don de l’Esprit par lequel Dieu fait toutes choses nouvelles. 

      croix glorieuse     

De cette réponse libre et consciente à l’Amour de Dieu, de ce choix de Dieu de tout cœur, naîtra, par le Don de l’Esprit Saint, cet Esprit qui est vie (Jn 6,63 ; 2Co 3,6 ; Ga 5,25), « un cœur nouveau », « un esprit nouveau », « un homme nouveau », « une créature nouvelle » :

            « Je répandrai sur vous une eau pure et vous serez purifiés ; de toutes vos souillures et de toutes vos ordures je vous purifierai. Et je vous donnerai un cœur nouveau, je mettrai en vous un esprit nouveau, j’ôterai de votre chair le cœur de pierre et je vous donnerai un cœur de chair. Je mettrai mon Esprit en vous et je ferai que vous marchiez selon mes lois et que vous observiez et pratiquiez mes coutumes » (Ez 36,25-27). « Le jour où apparurent la bonté de Dieu notre Sauveur et son amour pour les hommes, il ne s’est pas occupé des œuvres de justice que nous avions pu accomplir, mais, poussé par sa seule miséricorde, il nous a sauvés par le bain de la régénération » (nouvelle naissance) « et de la rénovation en l’Esprit Saint. Et cet Esprit, il l’a répandu sur nous à profusion, par Jésus Christ notre Sauveur, afin que, justifiés par la grâce du Christ, nous obtenions en espérance l’héritage de la vie éternelle » (Tt 3,4-7). « Le Christ Jésus a voulu créer en sa personne un seul Homme nouveau et faire la paix » (Ep 2,15). « Si quelqu’un est dans le Christ, c’est une création nouvelle : l’être ancien a disparu, un être nouveau est là. Et le tout vient de Dieu, qui nous a réconciliés avec Lui par le Christ » (2Co 5,17-18). 

            « Il nous a donné de son Esprit » (1Th 4,8) : c’est fait… « L’être ancien a disparu, un être nouveau est là »… Le dernier verbe est au présent… Le Don de Dieu est donc pour l’aujourd’hui de notre foi, un trésor à accueillir au plus profond de nous‑mêmes alors même que tout notre être est encore marqué par ses blessures, ses échardes, ses fragilités, ses faiblesses (2Co 12,7-10). Nous portons ce « trésor » de l’Esprit dans « des vases d’argile » (2Co 4,7), écrit St Paul, en faisant allusion au second récit de la création où l’homme apparaît comme un être vivant une fois que Dieu eut soufflé son haleine de vie, le souffle de l’Esprit, dans la statue de glaise, d’argile, qu’il avait préalablement façonnée (Gn 2,4b-7).

souffle de l'Esprit Saint

            « Je vis un ciel nouveau, une terre nouvelle »… Certes l’Apocalypse nous invite à contempler l’au-delà de cette vie, un au-delà que nous ne découvrirons vraiment que le jour où nous y arriverons. Mais son germe habite déjà notre humanité blessée, ‘ancienne’… Au jour de la Pentecôte, l’Eglise est remplie de l’Esprit Saint (Ac 2,4), l’Esprit de Lumière (Jn 4,24 et 1Jn 1,5), « l’Esprit de gloire,  l’Esprit de Dieu » (1P 4,14). D’où cette affirmation de St Jean : « Les ténèbres s’en vont », mais elles sont toujours là, « et que la véritable lumière brille déjà », mais pas encore pleinement (1Jn 2,8). Il n’empêche, par « le Don gratuit » (Rm 6,23) du « Père des Miséricordes » (2Co 1,3), « le Père des Lumières » (Jc 1,17), la véritable Lumière habite déjà notre humanité blessée, la Paix du Christ commence à régner sur toutes nos tempêtes, la création nouvelle commence à émerger de notre chaos. Qu’allons‑nous donc regarder ? Le mal qui nous habite, toutes nos imperfections, au risque de perdre cœur ? Ou cette divine Présence qui ne nous fait jamais défaut et se donne, imperturbablement fidèle, Don gratuit de l’Amour, trésor immérité, et cela au cœur même de tous nos combats et de toutes nos défaillances ?

            Nous l’avons vu : « le salaire du péché, c’est la mort » (Rm 6,23), une mort à comprendre en termes d’absence de Plénitude de Vie. Le pécheur, alors même qu’il agit mal, est bien vivant ! Et Jésus s’adresse tout particulièrement à ces « morts vivants » que nous sommes tous, pour nous permettre de trouver avec Lui cette Plénitude de Vie dont nous étions privés par suite de nos fautes : « En vérité, en vérité, je vous le dis, l’heure vient – et c’est maintenant – où les morts entendront la voix du Fils de Dieu, et ceux qui l’auront entendue vivront » (Jn 5,25). Or, le thème de la voix en St Jean renvoie à celui de l’Esprit Saint, qui joint toujours sa voix à celle de Jésus pour lui rendre témoignage : « Le vent (ou l’Esprit, pneuma en grec) souffle où il veut et tu entends sa voix, mais tu ne sais pas d’où il vient ni où il va. Ainsi en est-il de quiconque est né de l’Esprit… Et cet Esprit de vérité qui vient du Père me rendra témoignage… Oui, c’est l’Esprit qui rend témoignage. Celui qui croit au Fils de Dieu a ce témoignage en lui. Et voici ce témoignage : c’est que Dieu nous a donné la vie éternelle, et que cette vie est dans son Fils. Qui a le Fils, par le oui de sa foi, a la vie » (Jn 3,8 ; 15,26 ; 1Jn 5,5-13). C’est ainsi qu’en lui ayant ouvert son cœur, St Pierre accueillait tout à la fois la Parole de Jésus prononcée par la bouche de chair du « Verbe fait chair » (Jn 1,14), et la voix de l’Esprit qui se joint toujours à elle et qui est « vie » dans les cœurs. Il pouvait alors dire à Jésus : « Tu as les Paroles de la vie éternelle » (Jn 6,68). Faisons donc attention à ce qu’il nous est donné de vivre au moment où nous lisons ou écoutons la Parole de Dieu…

victoire

            Ce ciel nouveau et cette terre nouvelle promise aux pécheurs par le Père des Miséricordes sera donc « Vie » là où régnait « la mort », « Lumière » là où régnaient « les ténèbres », « Paix » là où il n’y avait que tourments… Cette réalité commence dès maintenant, par le oui de notre foi et dans la foi, et elle fait déjà ici-bas notre bonheur, notre vraie joie… Mais nous attendons toujours son plein accomplissement dans cet au-delà de notre mort qui sera pleinement Vie, Joie, Paix… E c’est bien ce qu’écrit ici St Jean : « Dieu essuiera toute larme de leurs yeux, et la mort ne sera plus, et il n’y aura plus ni deuil, ni cri, ni douleur : ce qui était en premier s’en est allé. » Ainsi est Dieu… Face à la douleur de son enfant, il n’a qu’une réaction : consolation ! A Moïse, il avait révélé son Nom : « Je Suis Celui qui Est » (Ex 3,14 ; littéralement : Je Suis l’Etant). Avec Isaïe, il le précise : « Je Suis, Je Suis Celui qui te console (Is 51,12 ; littéralement : Je Suis Je Suis le Consolant toi). Autrement dit, « le Père des Miséricordes », en tout son Être n’est que Consolation, Compassion, Réconfort… L’homme est-il responsable de sa souffrance par le mal qu’il commet, puisque « souffrance et angoisse à toute âme humaine qui fait le mal » (Rm 2,9) ? Dieu Père se fera proche, une Présence de Consolation, à laquelle se joindra tout en même temps un pressant appel à « cesser de faire ce mal » (Is 1,16) qui fait d’abord du mal à celui qui le commet !

            Nous sommes ici au cœur de l’Evangile, déjà si bien résumé en Ap 7,13-17. Souvenons-nous : « « Ces gens vêtus de robes blanches » (la plus belle robe de la Maison du Père, la robe du Père même, celle qui est donnée au fils prodigue qui accepte de revenir au Père en se repentant de tout cœur (Lc 15,22) !) « viennent de la grande épreuve », l’épreuve de cette vie sur la terre ; « ils ont lavé leurs robes, ils les ont blanchies par le sang de l’Agneau » : ils ont lavé leur cœur, et purifié leur vie en accueillant par le oui de leur foi « le sang de l’Alliance nouvelle et éternelle versé pour la multitude en rémission des péchés » (Mt 26,28). « C’est pourquoi ils sont devant letrône de Dieu », car c’est par la grâce qu’ils sont sauvés, moyennant la foi. Ce salut ne vient pas d’eux, il est un Don de Dieu (Ep 2,4-10) ; « et ils le servent, jour et nuit, dans son sanctuaire. Celui qui siège sur le Trône établira sa demeure chez eux » : ce n’est donc pas l’homme qui va habiter chez Dieu, c’est Dieu qui vient habiter chez l’homme, dans son cœur, dans sa vie, par le Don de l’Esprit ! C’est la même logique que celle de l’Incarnation. Avec le Fils et par le Fils, Dieu vient « dresser sa tente » au milieu des hommes (Jn 1,14) ! Et Jésus déclare encore à ses disciples, juste avant sa Passion, pour évoquer tout ce temps qui suivra sa mort et sa résurrection, et donc notre temps, aujourd’hui, maintenant : « Si quelqu’un m’aime, il gardera ma parole ; mon Père l’aimera, nous viendrons vers lui et nous nous ferons une demeure chez lui » (Jn 14,23). Là encore, même logique : ce n’est pas nous qui allons à Dieu, c’est Lui qui vient à nous et agit pour nous, en serviteur de notre vie, de notre Plénitude, de notre Joie, en nous donnant l’Esprit qui nous unit à Lui. Allons-nous le laisser faire ? En pensant à Ste Thérèse de Lisieux, on pourrait dire : « C’est par la confiance et rien que la confiance que l’on accueille l’Amour ! »

coeur2

 

Par l’accueil du Don de l’Esprit, devenir fils à l’image du Fils 

            Et si tel est le cas, alors, poursuit St Jean dans l’Apocalypse : « Ils n’auront plus faim, ils n’auront plus soif », ils seront comblés, comme l’affirme aussi Jésus en Jn 6,35 : « Je Suis le pain de la vie. Celui qui vient à moi n’aura jamais faim ; celui qui croit en moi n’aura jamais soif ».

            « Ni le soleil ni la chaleur ne les accablera, puisque l’Agneau qui se tient au milieu du Trône sera leur pasteur pour les conduire aux sources des eaux de la vie. Et Dieu essuiera toute larme de leurs yeux. » Toute la mission de l’Agneau, le Fils, vrai Dieu puisque « au milieu du Trône » de Dieu, est ici résumée par « nous conduire aux sources des eaux de la vie », c’est-à-dire au Père qui est pour lui, le Fils Unique « engendré non pas créé », la source éternelle du Mystère de son Être ! Souvenons‑nous : « Comme le Père a la vie en lui-même, de même a-t-il donné au Fils d’avoir aussi la vie en lui-même » (Jn 5,26). Et le Père lui donne d’avoir la vie en lui‑même en l’engendrant en Fils, « Dieu né de Dieu, Lumière née de la Lumière, vrai Dieu né du vrai Dieu ». Autrement dit, le Père est Dieu ? Il donne au Fils tout ce qu’il est, tout ce qui fait qu’il est Dieu, et le Fils est Dieu né de Dieu. Le Père est Lumière ? Il donne au Fils tout ce qu’il est, tout ce qui fait qu’il est Lumière, et le Fils est Lumière née de la Lumière. Mais si « Dieu est Lumière » (1Jn 1,5), « Dieu est aussi Esprit » (Jn 4,24). Lui donner toute sa Lumière, c’est lui donner tout son Esprit, et c’est ainsi qu’il engendre le Fils, qu’il lui donne d’avoir aussi la vie en lui-même… Donner l’Esprit, c’est donner la vie. L’Esprit est vie… « Si tu savais le Don de Dieu », dit Jésus à la Samaritaine… Lui, il le connaît, ce Don est toute sa vie !

            Le Fils nous conduit donc au Père, « la Source des eaux de la vie » pour que nous puissions aussi en être abreuvés nous aussi, et recevoir ainsi avec le Fils ce que le Fils reçoit de toute éternité du Père, « l’Eau Vive de l’Esprit » (Jn 4,10-14 ; 7,37‑39), cette réalité qui l’engendre à la vie, qui fait de lui qu’il est ce qu’il est, Dieu né de Dieu, vrai Dieu né du vrai Dieu… Et c’est cela même que nous sommes invités à recevoir selon notre condition de créature… Nous vivrons alors en personne humaine créée ce que le Fils vit de toute éternité, en Personne divine engendrée non pas créée ! Notre vocation à « reproduire l’image du Fils afin qu’il soit l’aîné d’une multitude de frères » sera pleinement accomplie ! En accueillant le Don de Dieu, en nous laissant remplir par l’Esprit Saint (Ac 2,4), « Dieu sera alors tout en tous » (1Co 15,28) !

 

Dieu triomphe de tout mal par l’Esprit 

 

 117          Or « Dieu est Lumière, en lui point de ténèbres » (1Jn 1,5). Si vraiment « Dieu est tout en tous », alors, il n’y aura plus de ténèbres, plus de mal… L’Apocalypse nous laisse d’ailleurs pressentir la disparition totale du mal : « le premier ciel et la première terre ont disparu, et de mer, il n’y en a plus ». Or la mer dans la Bible symbolise souvent les puissances du mal, comme l’explique en note la Bible de Jérusalem : « La mer, habitat du Dragon et symbole du mal disparaîtra »… Et ce sera toujours le fruit du Don de l’Esprit, donné gratuitement, et accueilli avec reconnaissance… « Dieu est Esprit »  (Jn 4,24), « Dieu est Lumière » (1Jn 1,5), « et la Lumière luit dans les ténèbres et les ténèbres ne l’ont pas saisie » (Jn 1,5). Par sa simple Présence, la Lumière de l’Esprit chasse les ténèbres de nos cœurs et de nos vies (1Jn 2,8), le silence et la paix de l’Esprit se proposent de régner sur le tumulte du mal : « « Silence ! Tais-toi ! » Et le vent tomba et il se fit un grand calme ». « Que la paix du Christ règne dans vos cœurs » (Mc 4,39 ; Col 3,15), un mystère à accueillir instant après instant… D’où le « veillez et priez » si souvent rappelé de Jésus (Mc 13,33-37 ; 14,34.38 ; Lc 21,36 ; Ep 6,18)…

 

La Jérusalem céleste, accomplissement de l’Alliance entre Dieu et les hommes

 

            « Et je vis la Cité sainte, Jérusalem nouvelle, qui descendait du ciel, de chez Dieu ; elle s’est faite belle, comme une jeune mariée parée pour son époux. » Cette « Jérusalem nouvelle » renvoie donc à l’humanité renouvelée par le Don de Dieu. Elle descend du ciel comme le Don de l’Esprit Saint avec lequel et par lequel Dieu fait toutes choses nouvelles… Elle est donc elle aussi tout entière le fruit du Don de Dieu !

  Communion des saints avec le Christ          « Elle s’est faite belle »… On pourrait aussi traduire : « elle a été préparée », de telle sorte qu’elle est « prête » (Osty). Cette forme passive renvoie alors à Dieu comme le premier à avoir agi pour qu’il en soit ainsi… Tel est par exemple le point de vue d’Ezéchiel lorsqu’il nous présente l’histoire d’Israël en prenant l’image d’une jeune femme arrivée à « l’âge des amours » (Ez 16,8-14) : « Je me suis engagé envers toi par serment, je suis entré en alliance avec toi – oracle du Seigneur Dieu – et tu as été à moi. Je t’ai plongée dans l’eau, je t’ai nettoyée de ton sang, je t’ai parfumée avec de l’huile. Je t’ai revêtue d’habits chamarrés, je t’ai chaussée de souliers en cuir fin, je t’ai donné une ceinture de lin précieux, je t’ai couverte de soie. Je t’ai parée de joyaux : des bracelets à tes poignets, un collier à ton cou, un anneau à ton nez, des boucles à tes oreilles, et sur ta tête un diadème magnifique. Tu étais parée d’or et d’argent, vêtue de lin précieux, de soie et d’étoffes chamarrées. La fleur de farine, le miel et l’huile étaient ta nourriture. Tu devins de plus en plus belle et digne de la royauté. Ta renommée se répandit parmi les nations, à cause de ta beauté, car elle était parfaite, grâce à ma splendeur dont je t’avais revêtue. »

 

 pentecote 2           Nous retrouvons ici tous les éléments des relations de Dieu avec les hommes pécheurs : son alliance éternelle avec l’humanité tout entière (Gn 9,8-17) et donc avec Israël appelé à être serviteur de cette alliance pour « toutes les familles de le terre » (Gn 12,1-4 ; 15 ; 17) ; sa Miséricorde inlassable qui ne cesse de laver, nettoyer, purifier ce qui doit l’être (Ez 36,25) ; son Amour qui se donne pour parer de sa Beauté même l’être aimé… « Bénis le Seigneur, ô mon âme ; Seigneur mon Dieu, tu es si grand ! Revêtu de magnificence, tu as pour manteau la lumière ! » (Ps 104(103),1-2). Et Ezéchiel écrit ici : « Tu devins de plus en plus belle et digne de la royauté… grâce à ma splendeur dont je t’avais revêtue »… Pensons à la plus belle robe de la Maison du Père donnée au fils prodigue. Nous retrouvons ces éléments avec Isaïe (Is 61,10-62,5) et un vocabulaire de salut, de justice où transparaît la gratuité de l’Amour de Dieu à notre égard : « Je tressaille de joie dans le Seigneur, mon âme exulte en mon Dieu. Car il m’a vêtue des vêtements du salut, il m’a couverte du manteau de la justice, comme le jeune marié orné du diadème, la jeune mariée que parent ses joyaux… Les nations verront ta justice ; tous les rois verront ta gloire… Tu seras une couronne brillante dans la main du Seigneur, un diadème royal entre les doigts de ton Dieu ».

Saint Jean         L’image des noces entre Dieu et les hommes apparaît également dans ce dernier texte, comme dans notre verset de l’Apocalypse : « prête pour les noces, comme une épouse parée pour son mari ». Un des textes les plus anciens où apparaît cette image est celui d’Osée 2 ; citons juste Os 2,21-22 : « Je ferai de toi mon épouse pour toujours, je ferai de toi mon épouse dans la justice et le droit, dans la fidélité et la tendresse ; je ferai de toi mon épouse dans la loyauté, et tu connaîtras le Seigneur ». Le chiffre trois dans la Bible symbolise souvent Dieu en tant qu’il agit. Ce triple « je ferai » nous situe donc, par excellence, dans le cadre de l’action de Dieu à notre égard. Ce sera vraiment Lui qui « fera que »… ce qui suppose de notre côté un abandon actif entre ses mains. En hébreu, la langue de l’Ancien Testament, nous avons le verbe « fiancer dans… », et ce qui suit la préposition « dans » décrit habituellement la dot que le fiancé offre à sa fiancée. Dans ce Mystère d’Amour et de Noce, qu’offrira donc le Seigneur à son épouse souffrante, blessée, malade ? Son injustice accueillera « la justice et le droit », et grâce à ce Don, elle sera juste… Son infidélité chronique accueillera « la fidélité », et grâce à ce Don, elle pourra enfin être fidèle… La dureté de son cœur de pierre (Ez 36,26) accueillera « la tendresse », et grâce à ce Don elle deviendra plus humaine, avec un cœur de chair… Elle était prisonnière du mensonge, elle se cachait dans les ténèbres ? Elle recevra le Don de « la loyauté » qui l’aidera à faire la vérité sur sa condition blessée, et à tout abandonner entre les mains de son cher médecin (Lc 5,31-32) : « Ce ne sont pas les gens en bonne santé qui ont besoin du médecin, mais les malades. Je ne suis pas venu appeler des justes mais des pécheurs, pour qu’ils se convertissent. »

            Et « pouvoir se convertir » est encore un Don à recevoir du Seigneur : « Réponds-moi, Seigneur, réponds-moi, pour que ce peuple sache que c’est toi, Seigneur, qui es Dieu et qui convertis leur cœur ! » (1R 18,37). « C’est lui, le Christ, que Dieu, par sa main droite, a élevé, en faisant de lui le Prince et le Sauveur, pour accorder à Israël la conversion et le pardon des péchés… Et même aux nations païennes, Dieu a donné la conversion qui fait entrer dans la vie ! » (Ac 5,31 ; 11,18).

 Dieu-Amour

            Jésus reprendra ce contexte des Noces pour accomplir son premier signe dans l’Evangile selon St Jean, lors des Noces de Cana, un nom qui en hébreu signifie « jaloux » : « Le Seigneur a pour nom Jaloux : c’est un Dieu jaloux ». Oui, dit-il, « je suis jaloux envers Jérusalem d’une grande jalousie ». Nous ne sommes pas loin de « Dieu est Amour ! » (Ex 34,14 ; Za 1,14 ; 1Jn 4,8.16). Dans ce contexte d’amour, Jésus donnera « le bon vin », signe du Don de l’Esprit Saint avec lequel et par lequel Dieu vient sceller son Alliance avec les hommes. Toutes les prophéties sont donc accomplies, puisque « le fruit » de « l’Esprit qui sanctifie » (Th 2,13) est « amour, joie, paix, patience, bonté, bienveillance, fidélité (cf. Os 2,22), douceur et maîtrise de soi » (Ga 5,22-23), « bonté, justice (cf. Os 2,21) et vérité » (Ep 5,9 avec Jn 4,24 et 1Jn 1,5 ; cf.  1Co 1,30 ; 6,11)…

 

            Ainsi est « la Jérusalem Nouvelle », car renouvelée par le Don de l’Esprit avec lequel et par lequel, pourrait-elle dire, « le Seigneur fait tout pour moi ! Seigneur éternel est ton amour, n’arrête pas l’œuvre de tes mains ! » (Ps 138(137),8). « Tous ont péché et sont privés de la gloire de Dieu » (Rm 3,23) ? « Père, je leur ai donné la gloire que tu m’as donnée » (Jn 17,22) en leur donnant « l’Esprit de gloire » (1P 4,14), l’Esprit de Lumière et de Beauté. Tel est, tout en même temps, « le vêtement du salut », un salut qui est « comme une torche allumée », Lumière et « gloire », « diadème », « turban royal », « couronne de splendeur » (Is 61,10-62,5)… « Soyons dans la joie, exultons, et rendons gloire à Dieu ! Car elles sont venues, les Noces de l’Agneau, et pour lui son épouse a revêtu sa parure. Un vêtement de lin fin lui a été donné, splendide et pur. Car le lin, ce sont les actions justes des saints » (Ap 19,7-8), qui sont les fruits de l’Esprit Saint (Ez 36,27 ; Ep 2,4-10)…

 

La formule de l’Alliance : « Ils seront son Peuple et Lui sera leur Dieu ».

 

            Nous ne pouvons que le constater : les premiers versets de ce chapitre 21 du Livre de l’Apocalypse récapitulent le projet de Dieu sur l’humanité par les thèmes de la Création nouvelle et des Noces entre Dieu et les hommes, le tout réalisé par le Don de l’Esprit Saint. Cette image des Noces est très présente dans la Bible pour évoquer l’Alliance entre Dieu et les hommes, une Alliance éternelle qui existe, du côté de Dieu, depuis que l’homme existe (Gn 9,8-17), et qui n’attend que l’assentiment de l’homme pour sa pleine réalisation.

            Pour évoquer cette Alliance, les auteurs bibliques ont aussi utilisé les formules qui étaient habituellement en usage dans les cérémonies des mariages à leur époque. « Je suis ton mari » déclarait le fiancé à sa fiancée. « Je suis ta femme » disait la fiancée à son fiancé. C’est ainsi que, dans le cadre de l’Alliance, Dieu dit à son peuple : « Je suis ton Dieu. » Et son peuple lui répond : « Nous sommes ton peuple ». C’est ainsi que le premier signe que Jésus accomplit dans l’Evangile selon St Jean à l’occasion des Noces de Cana (Jn 2,1-12) n’est rien de moins que le signe de l’Alliance Nouvelle et Eternelle qu’il est venu proposer à tout homme. Dans le cadre de cette Alliance, Dieu donne gratuitement « le bon vin » de l’Esprit Saint qui apporte avec Lui une Plénitude de Vie et de Joie, les arrhes de cette pleine « communion dans l’Esprit » (2Co 13,13 ; Ep 4,3) à laquelle Dieu appelle toute l’humanité…

 colombe_677

            Regardons quelques exemples de l’utilisation de cette formule de l’Alliance dans la Bible. Le Livre du Deutéronome s’inspire très fortement de ces célébrations de mariage faites à l’époque, avec une double « déclaration » (Dt 26,17-19) :

            « Aujourd’hui tu as obtenu du Seigneur cette déclaration : lui sera ton Dieu ; toi, tu suivras ses chemins, tu garderas ses décrets, ses commandements et ses ordonnances, tu écouteras sa voix.

            Aujourd’hui le Seigneur a obtenu de toi cette déclaration : tu seras son peuple, son domaine particulier, comme il te l’a dit, tu devras garder tous ses commandements.

            Il te fera dépasser en prestige, renommée et gloire toutes les nations qu’il a faites, et tu seras un peuple consacré au Seigneur ton Dieu, comme il l’a dit. »

            Les textes bibliques vont alors employer souvent des formules semblables à celle que nous avons ici : « Ils seront son peuple, et lui sera leur Dieu » (Ap 21,3). Elles traversent quasiment toute la Bible… Nous pouvons prendre le temps d’en lire et d’en relire quelques unes. Avec elles ne peut que grandir cette certitude que tout vient de Dieu, tout est Don de Dieu, jusqu’à notre conversion même…

 Fleurs...

            « Je vous prendrai pour mon peuple et je serai votre Dieu. Et vous saurez que je suis le Seigneur, votre Dieu, qui vous aura soustraits aux corvées des Égyptiens » (Ex 6,7). « Je vivrai au milieu de vous, je serai votre Dieu et vous serez mon peuple » (Lv 26,12). « Tu as établi ton peuple Israël pour qu’il soit à jamais ton peuple, et toi, Seigneur, tu es devenu leur Dieu » (2Sm 16,24). « Et voici ce que je leur ai ordonné : Écoutez ma voix, alors je serai votre Dieu et vous serez mon peuple. Suivez en tout la voie que je vous prescris pour votre bonheur » (Jr 7,23 ; 11,4). « Je leur donnerai un cœur pour connaître que je suis le Seigneur. Ils seront mon peuple et moi je serai leur Dieu, car ils reviendront à moi de tout leur cœur » (Jr 24,7 ; 30,22). « En ce temps-là – oracle du Seigneur – je serai le Dieu de toutes les familles d’Israël, et elles seront mon peuple » (Jr 31,1). « Et voici l’alliance que je conclurai avec la maison d’Israël après ces jours-là, oracle du Seigneur. Je mettrai ma Loi au fond de leur être et je l’écrirai sur leur cœur. Alors je serai leur Dieu et eux seront mon peuple. Ils n’auront plus à instruire chacun son prochain, chacun son frère, en disant : Ayez la connaissance du Seigneur !   Car tous me connaîtront, des plus petits jusqu’aux plus grands – oracle du Seigneur – parce que je vais pardonner leur crime et ne plus me souvenir de leur péché. » (Jr 31,33-34 ; 32,38). « Je leur donnerai un seul cœur et je mettrai en eux un esprit nouveau : j’extirperai de leur chair le cœur de pierre et je leur donnerai un cœur de chair, afin qu’ils marchent selon mes lois, qu’ils observent mes coutumes et qu’ils les mettent en pratique. Alors ils seront mon peuple et moi je serai leur Dieu » (Ez 11,20). « Ainsi la maison d’Israël ne s’égarera plus loin de moi et ne se souillera plus de tous ses crimes. Ils seront mon peuple et je serai leur Dieu, oracle du Seigneur Dieu » (Ez 14,11). « Alors on saura que c’est moi leur Dieu, qui suis avec eux, et qu’eux, la maison d’Israël, ils sont mon peuple, oracle du Seigneur Dieu » (Ez 34,30).

eau            Et citons à nouveau ce texte déjà lu précédemment et qui reprend les éléments d’Ez 11,20. Après avoir longuement évoqué l’infidélité d’Israël et ses conséquences catastrophiques, Dieu déclare : « Je vous prendrai parmi les nations, je vous rassemblerai de tous les pays étrangers et je vous ramènerai vers votre sol. Je répandrai sur vous une eau pure et vous serez purifiés ; de toutes vos souillures et de toutes vos ordures je vous purifierai. Et je vous donnerai un cœur nouveau, je mettrai en vous un esprit nouveau, j’ôterai de votre chair le cœur de pierre et je vous donnerai un cœur de chair. Je mettrai mon Esprit en vous et je ferai que vous marchiez selon mes lois et que vous observiez et pratiquiez mes coutumes. Vous habiterez le pays que j’ai donné à vos pères. Vous serez mon peuple et moi je serai votre Dieu » (Ez 36,24-28). « Ils ne se souilleront plus avec leurs ordures, leurs horreurs et tous leurs crimes. Je les sauverai des infidélités qu’ils ont commises et je les purifierai, ils seront mon peuple et je serai leur Dieu » (Ez 37,23). « Je conclurai avec eux une alliance de paix, ce sera avec eux une alliance éternelle. Je les établirai, je les multiplierai et j’établirai mon sanctuaire au milieu d’eux à jamais. Je ferai ma demeure au-dessus d’eux, je serai leur Dieu et ils seront mon peuple. Et les nations sauront que je suis le Seigneur qui sanctifie Israël, lorsque mon sanctuaire sera au milieu d’eux à jamais. » (Ez 37,26-28). « Je la sèmerai dans le pays, j’aurai pitié de Lo-Ruhamah, je dirai à Lo-Ammi[1] : Tu es mon peuple et lui dira : Mon Dieu ! » (Os 2,25 ; cf. 2,1). « Je les ramènerai pour qu’ils habitent au milieu de Jérusalem. Ils seront mon peuple et moi je serai leur Dieu, dans la fidélité et la justice » (Za 8,8). « Je les ferai entrer dans le feu ; je les épurerai comme on épure l’argent, je les éprouverai comme on éprouve l’or. Lui, il invoquera mon nom, et moi je lui répondrai; je dirai : Il est mon peuple !   et lui dira : le Seigneur est mon Dieu ! » (Za 13,9). « C’est lui notre Dieu, et nous le peuple de son bercail, le troupeau de sa main. Aujourd’hui si vous écoutiez sa voix ! » (Ps 95,7 ; 100,3).                 

 

L’Alliance accomplie : Dieu est Père ! « Je serai son Dieu et lui sera mon fils. »

            En Ap 21,5, « celui qui siège sur le trône déclara »… Dieu Lui-même reprend donc la parole, comme en 21,3 : « J’entendis une voix clamer du trône »… La Révélation (Apokalupsis en grec), initiée dès le début de notre Livre (Ap 1,10.12.15) se poursuit donc…

            Mais en 21,1-4, le titre de Dieu, répété quatre fois en clin d’œil d’universalité[2] (nous parlons bien d’une « terre nouvelle », « la première terre ayant disparu », toute la terre est concernée), ce Dieu créateur de tous les hommes, « à son image et ressemblance » (Gn 1,26-28), ce Dieu qui vit en alliance éternelle avec eux tous (Gn 9,8-17) est le même qui s’est révélé par le biais d’un peuple choisi, Israël. Et puisqu’il vit déjà en alliance avec tout homme, il vit bien en alliance avec eux : « Je serai votre Dieu et vous serez mon peuple ». De plus la citation « il essuiera toute larme de leurs yeux » est une allusion au prophète Isaïe, où la portée universaliste est manifeste : « Le Seigneur Sabaoth prépare pour tous les peuples, sur cette montagne, un festin de viandes grasses, un festin de bons vins, de viandes moelleuses, de vin dépouillés. Il a détruit sur cette montagne le voile qui voilait tous les peuples et le tissu tendu sur toutes les nations ; il a fait disparaître la mort à jamais. Le Seigneur Dieu a essuyé les pleurs sur tous les visages, il ôtera l’opprobre de son peuple sur toute la terre, car le Seigneur a parlé » (Is 25,6-8)… Souvenons-nous de notre texte : « Il essuiera toute larme de leurs yeux : De mort, il n’y en aura plus, de pleur, de cri, de peine, il n’y en aura plus »… Toute la mission de Jésus sera de nous inviter à nous tourner vers « le Seigneur Dieu, le Seigneur Sabaoth » en lui disant : « Notre Père »…

 Paris Surréalistes+annexes

            En Ap 21,5-8, nous l’avons dit, c’est toujours Dieu qui parle, mais le contenu de ses Paroles dirige aussi notre regard vers le Fils, Jésus Christ…

            « Voici, je fais l’univers nouveau » fait écho au « ciel nouveau » et la « terre nouvelle »… Et Celui qui parle est bien « l’Alpha et l’Oméga », première et dernière lettre de l’alphabet grec, une manière d’évoquer « le Principe et la Fin », un titre qui était apparu au tout début de notre Livre : « Je suis l’Alpha et l’Oméga, dit le Seigneur Dieu, Il est, Il était et Il vient , le Maître-de-tout » (Ap 1,8). Puis nous le retrouvons appliqué au Christ en Ap 1,17 et 2,8, « transposition au bénéfice du Christ d’une qualité de Dieu principe et fin de toutes choses ». Nous ne sommes pas loin, au niveau du sens, ce que St Jean écrit explicitement au tout début de son Evangile : « Au commencement », au principe, avant tout commencement, « était le Verbe et le Verbe était auprès de Dieu et le Verbe était Dieu ». Il siège donc bien sur le trône, il est même « au milieu du trône » (Ap 5,6). « Il était au commencement auprès de Dieu. Tout fut par lui, et sans lui rien ne fut » (Jn 1,1-3)… « Voici, je fais l’univers nouveau »…

            Puis, l’invitation lancée, « celui qui a soif, moi, je lui donnerai de la source de vie, gratuitement », est très proche de celle que Jésus lance en St Jean : « Jésus, debout, s’écria : « Si quelqu’un a soif, qu’il vienne à moi, et qu’il boive, celui qui croit en moi ! » selon le mot de l’Écriture : De son sein couleront des fleuves d’eau vive. Il parlait de l’Esprit que devaient recevoir ceux qui avaient cru en lui » (Jn 7,37‑39).             Cet adverbe « gratuitement, dôrean » souligne l’idée de « don, dôrea ». Avec Dieu, tout est Don, pour peu que l’on accepte de le recevoir en se tournant vers Lui de tout cœur, ce qui n’est pas possible sans sa grâce, nous l’avons vu précédemment… « Gratuitement »[3] interviendra aussi à la fin de l’Apocalypse, toujours en lien avec « l’eau de la vie », « l’Eau Vive » de l’Esprit Saint qui est vie et qui vivifie : « L’Esprit et l’Épouse disent : « Viens ! » Que celui qui entend dise : « Viens ! » Et que l’homme assoiffé s’approche, que l’homme de désir reçoive l’eau de la vie, gratuitement » (Ap 22,17).

Esprit Saint            « Le vainqueur » est donc celui qui accepte, envers et contre tout, de recevoir, par sa foi en Jésus, le Fils, ce Don que Lui-même reçoit du Père de toute éternité… « Au vainqueur, je donnerai de goûter à l’arbre de la vie qui est dans le paradis de Dieu… Au vainqueur je donnerai de la manne cachée, je lui donnerai aussi un nom nouveau (Ap 2,7.17.26 ; 3,21). Il est « vainqueur » non pas par lui-même, mais par ce Don qu’il reçoit, l’Amour Miséricordieux du Seigneur triomphant jour après jour de sa misère, la Lumière régnant sur ses ténèbres, la Vie comblant toutes ses morts…

            « Mais », poursuit le texte de l’Apocalypse, et là, plusieurs catégories de personnes sont évoquées, et elles nous concernent tous plus ou moins :

                        – « les lâches » : il est difficile pour un pécheur de dire « Non ! » au péché. Il a besoin de « l’Esprit de force et de maîtrise de soi » (2Tm 1,7), qui soutiendra son courage pour renoncer à lui-même, prendre sa croix (Mt 16,24), ce « joug » de Jésus (Mt 11,28-30) que le Christ est le premier à porter par le Don de l’Esprit, si l’on accepte, bien sûr, et de tout cœur de le laisser faire…

                        – « les renégats », qui renient leur foi au Christ Sauveur, en toute lucidité, comment pourraient-ils être sauvés par Celui qui respecte infiniment notre liberté, nous presse certes à le recevoir, en nous tendant toujours la main, mais sans jamais nous obliger, nous forcer ?

                        – « les dépravés », qui choisissent le mal plutôt que le bien, qui se complaisent dans le mal plutôt que dans le bien… Or le mal ne peut coexister avec Dieu, c’est impossible… Choisir d’entrer dans la Maison de Dieu ne peut qu’être synonyme de renoncer au mal de tout cœur, avec l’aide de sa grâce… « Ne savez-vous pas que les injustes n’hériteront pas du Royaume de Dieu ? Ne vous y trompez pas ! Ni impudiques, ni idolâtres, ni adultères, ni dépravés, ni gens de mœurs infâmes, ni voleurs, ni cupides, pas plus qu’ivrognes, insulteurs ou rapaces, n’hériteront du Royaume de Dieu. Et cela, vous l’étiez bien, quelques-uns. Mais vous vous êtes lavés, mais vous avez été sanctifiés, mais vous avez été justifiés par le nom du Seigneur Jésus Christ et par l’Esprit de notre Dieu » (1Co 6,9-11). « Et cela, vous l’étiez bien, quelques-uns », mais grâce au Bon Pasteur qui « cherche sa brebis perdue jusqu’à ce qu’il la retrouve, puis la met sur ses épaules et la ramène chez lui », dans la Maison du Père, ils ont pu revenir à Dieu (Lc 15,4-7)… « Mettre sur ses épaules », c’est cela « le joug du Christ », ce que le Christ Ressuscité ne cesse de faire aujourd’hui en donnant au pécheur la Force de son Esprit pour lui permettre de renoncer au mal…

            Suivent encore « les assassins (« Tu ne tueras pas » Ex 20,13), « les impurs, les sorciers, les idolâtres, bref, tous les hommes de mensonge »Ils sont tels car ils se confient à des réalités de mensonge, des idoles qui n’existent pas, qui ne sont rien et ne peuvent donc rien donner (Jr 2,5.11) : leur cœur ne peut qu’être vide, vide notamment du Don de Dieu, vide de la vraie Vie : c’est « la seconde mort ». « Vous êtes du diable, votre père, et ce sont les désirs de votre père que vous voulez accomplir. Il était homicide dès le commencement et n’était pas établi dans la vérité, parce qu’il n’y a pas de vérité en lui : quand il profère le mensonge, il parle de son propre fonds, parce qu’il est menteur et père du mensonge » (Jn 8,44). Toute la mission de l’Eglise consiste à tout faire pour « arracher » les hommes (Col 1,13-14), dans le respect de leur liberté, et cela « grâce à l’action de l’Esprit Saint », à ces ténèbres mensongères qui ne peuvent apporter le vrai Bonheur, mais plutôt un manque à toujours combler, un vide, un mal être, une souffrance, une angoisse (Rm 2,9)… « Je te délivrerai du peuple et des nations païennes, vers lesquelles je t’envoie, moi » dit le Christ à St Paul et à travers lui, à tous ses disciples (Jn 20,21 : « Comme le Père m’a envoyé, moi aussi, je vous envoie »), « pour leur ouvrir les yeux, afin qu’elles reviennent des ténèbres à la lumière et de l’empire de Satan à Dieu, et qu’elles obtiennent, par la foi en moi, la rémission de leurs péchés et une part d’héritage avec les sanctifiés » (Ac 26,17-18). Cette part d’héritage, c’est le Don de l’Esprit Saint, « l’Esprit qui sanctifie » (2Th 2,13), l’Esprit toujours donné gratuitement, en surabondance, par ce Dieu qui n’est qu’Amour (1Jn 4,8.16) et qui ne sait que donner (Jn 3,35). Voilà pourquoi nous sommes invités à « ne jamais désespérer de la miséricorde de Dieu » (St Benoît).

            Après cette énumération de sept termes, qui englobe symboliquement la plénitude « des hommes de mensonge », Dieu ne peut qu’exprimer les inévitables conséquences pour ceux qui se détournent de la Lumière, de la Source d’Eau Vive : « Leur lot se trouve dans l’étang brûlant de feu et de soufre : c’est la seconde mort », la mort spirituelle (Rm 6,23). Mais n’oublions jamais : « Dieu veut que tous les hommes soient sauvés » (1Tm 2,3-6). Tout pécheur est un « cherché par Dieu jusqu’à ce qu’il le retrouve » et l’Amour et la Patience de Dieu sont infinis… « N’entrera pas au ciel celui qui ne voudra pas y entrer » (P. Rodolphe, Abbaye de Ste Marie du Désert). Espérons que, librement, tôt ou tard, toutes les créatures de Dieu finiront par dire « Oui ! » à son Amour. Alors, « heureux le peuple dont le Seigneur est le Dieu, la nation qu’il s’est choisie en héritage » (Ps 33,12 ; 144,15), et Dieu a ‘choisi’ tous les hommes pour qu’ils soient avec Lui pour toujours, comblés par son Amour (Ap 21,3). A nous maintenant, jour après jour, de le choisir, et d’inviter le plus grand nombre à

[1] « Lo-Ruhamah » signifie en hébreu, « je n’ai pas pitié de », et « Lo-Ammi », « pas mon peuple ». Ces deux formules avaient été employées précédemment pour évoquer l’infidélité d’Israël (Os 1,6-8) ce qui, de leur côté, était donc une rupture d’Alliance. D’où la formule officielle de divorce, négation de celle du mariage : « Intentez procès à votre mère, intentez-lui procès ! Car elle n’est pas ma femme, et moi je ne suis pas son mari » (Os 2,4). Mais Dieu ne peut se résoudre à une telle situation, et il va partir à la recherche de ses créatures tant aimées ! « C’est pourquoi je vais la séduire, je la conduirai au désert et je parlerai à son cœur » (Os 2,16). Or « parler au cœur de… » appartient à cette époque au langage de l’amour… « Le cœur de Sichem s’attacha à Dina, fille de Jacob, il eut de l’amour pour la jeune fille et il parla à son cœur » (Gn 34,3)…

[2] Le chiffre quatre est symbole d’universalité : les quatre points cardinaux, le nord, le sud, l’est, l’ouest.

[3] « Gratuitement » intervient aussi en Mt 10,8 (Vous avez reçu gratuitement, donnez gratuitement ; cf 2Co 11,7), Rm 3,24 (ils sont justifiés gratuitement par sa grâce en vertu de la rédemption accomplie dans le Christ Jésus)…le faire, pour le Bonheur de tous, pour la plus grande Joie de Dieu (So 3,16-18) !   DJF

 

AP – SI – Fiche 35 – Ap 21,1-8 : Cliquer sur le titre précédent pour accéder au document PDF pour lecture ou éventuelle impression 




Le Règne de mille années du Christ et de l’Eglise (Ap 20)

Ap 20,1-15 : Puis je vis un Ange descendre du ciel, ayant en main la clef de l’Abîme, ainsi qu’une énorme chaîne. (2) Il maîtrisa le Dragon, l’antique Serpent, – c’est le Diable, Satan -, et l’enchaîna pour mille années. (3) Il le jeta dans l’Abîme, tira sur lui les verrous, apposa des scellés, afin qu’il cessât de fourvoyer les nations jusqu’à l’achèvement des mille années. Après quoi, il doit être relâché pour un peu de temps.

(4)        Puis je vis des trônes sur lesquels ils s’assirent, et on leur remit le jugement ; et aussi les âmes de ceux qui furent décapités pour le témoignage de Jésus et la Parole de Dieu, et tous ceux qui refusèrent d’adorer la Bête et son image, de se faire marquer sur le front ou sur la main; ils reprirent vie et régnèrent avec le Christ mille années. (5) Les autres morts ne purent reprendre vie avant l’achèvement des mille années. C’est la première résurrection. (6) Heureux et saint celui qui participe à la première résurrection ! La seconde mort n’a pas pouvoir sur eux, mais ils seront prêtres de Dieu et du Christ avec qui ils régneront mille années.

(7)        Les mille ans écoulés, Satan, relâché de sa prison, (8) s’en ira séduire les nations des quatre coins de la terre, Gog et Magog, et les rassembler pour la guerre, aussi nombreux que le sable de la mer ; (9) ils montèrent sur toute l’étendue du pays, puis ils investirent le camp des saints, la Cité bien-aimée. Mais un feu descendit du ciel et les dévora. (10) Alors, le diable, leur séducteur, fut jeté dans l’étang de feu et de soufre, y rejoignant la Bête et le faux prophète, et leur supplice durera jour et nuit, pour les siècles des siècles.

(11)        Puis je vis un trône blanc, très grand, et Celui qui siège dessus. Le ciel et la terre s’enfuirent de devant sa face sans laisser de traces. (12) Et je vis les morts, grands et petits, debout devant le trône; on ouvrit des livres, puis un autre livre, celui de la vie ; alors, les morts furent jugés d’après le contenu des livres, chacun selon ses œuvres. (13) Et la mer rendit les morts qu’elle gardait, la Mort et l’Hadès rendirent les morts qu’ils gardaient, et chacun fut jugé selon ses œuvres. (14) Alors la Mort et l’Hadès furent jetés dans l’étang de feu – c’est la seconde mort cet étang de feu – (15) et celui qui ne se trouva pas inscrit dans le livre de vie, on le jeta dans l’étang de feu.

Christ bénissant (Icône copte)

       « Je vis un Ange descendre du ciel »… Nous retrouvons ici l’Ange serviteur, messager, envoyé de Dieu pour introduire dans une révélation plus profonde du Mystère qui s’est révélé en Jésus Christ, « le Verbe fait chair, le Fils Unique-Engendré » (Jn 1,14), «  envoyé dans le monde non pas pour juger le monde, mais pour que le monde soit sauvé par Lui » (Jn 3,16-18). Cet Ange était déjà intervenu au tout début du Livre : « Révélation de Jésus Christ : Dieu la lui donna pour montrer à ses serviteurs ce qui doit arriver bientôt ; il envoya son Ange pour la faire connaître à Jean son serviteur » (1,1). Notons que ce terme de « serviteur », sous entendu ‘de Dieu’, employé ici pour St Jean, apparaît aussi en 15,3, pour Moïse, et en 22,9 pour l’Ange (littéralement « serviteur-avec, compagnon de service ») qui déclare à St Jean : « Je suis un serviteur comme toi et tes frères les prophètes et ceux qui gardent les paroles de ce livre ».

Vézelay, fraternité monastique de Jérusalem en prière       Cet Ange serviteur de Dieu a « en sa main la clef de l’Abîme. » « Avoir la clef » d’une réalité, c’est pouvoir en disposer librement : « Je te donnerai les clefs du Royaume des Cieux », avait dit Jésus à St Pierre : « quoi que tu lies sur la terre, ce sera tenu dans les cieux pour lié, et quoi que tu délies sur la terre, ce sera tenu dans les cieux pour délié » (Mt 16,19). Le Royaume des Cieux étant « justice, paix et joie dans l’Esprit Saint » (Rm 14,17), et donc Mystère de communion dans l’unité d’un même Esprit (2Co 13,13 ; Ph 2,1 ; Jn 10,30 ; 17,20-23 ; 1Co 1,9 ; 1Jn 1,1-4), l’Esprit d’Amour (Jn 4,24 avec 1Jn 4,8.16 ; et donc Rm 5,5 ; Ga 5,22), Pierre, « serviteur et apôtre de Jésus Christ » (2P,1,1), reçoit de Jésus, « le Serviteur » du Père (Ac 3,13.26 ; 4,27), tout pouvoir pour « se mettre au service » de ses frères dans l’ordre de l’Amour : tous les liens d’Amour qu’il aura contribué à tisser sur cette terre le seront encore dans les cieux, et tous les liens du péché et du mal qu’il aura contribué à délier sur cette terre pour une plus grande liberté des personnes concernées, et donc un plus grand amour, seront aussi déliés dans les cieux. En effet, « le Seigneur, c’est l’Esprit, et où est l’Esprit du Seigneur, là est la liberté » (2Co 3,17 ; Lc 4,18 ; Ga 5,1). Et « la création en attente aspire à la révélation des fils de Dieu : si elle fut assujettie à la vanité, – non qu’elle l’eût voulu, mais à cause de celui qui l’y a soumise, – c’est avec l’espérance d’être elle aussi libérée de la servitude de la corruption pour entrer dans la liberté de la gloire des enfants de Dieu » (Rm 8,19-21).

 Dieu-lumiere      L’Ange qui a « en main la clef de l’Abîme » a donc pour mission de révéler et de mettre en œuvre la souveraineté de Dieu sur l’Abîme, sur les profondeurs du Royaume des morts et des ténèbres… Sur Lui, « le Prince de ce Monde », le Prince de l’Abîme, « n’a aucun pouvoir » (Jn 14,30) : sa Lumière, par sa simple Présence, triomphe des ténèbres (Jn 1,5), sa Vie triomphe de la mort et cela au bénéfice de tous ceux et celles qui accepteront de lui ouvrir la porte de leur cœur (Ap 3,20), pour leur plus grand bonheur : « Je t’envoie, moi, vers les nations païennes, pour leur ouvrir les yeux, afin qu’elles reviennent des ténèbres à la Lumière et de l’empire de Satan à Dieu, et qu’elles obtiennent, par la foi en moi, la rémission de leurs péchés et une part d’héritage avec les sanctifiés » (Ac 26,17‑18). Et cette « part d’héritage » n’est autre que « le Don du Saint Esprit », cet Esprit promis dans l’Ancienne Alliance (Ez 36,24‑28 ; Joël 3,1-5), répandu en surabondance au jour de la Pentecôte (Ac 2,1‑41), « l’Esprit de la Promesse, l’Esprit Saint qui constitue les arrhes de notre héritage, et prépare la rédemption du Peuple que Dieu s’est acquis, pour la louange de sa gloire » (Ep 1,13-14). Et c’est dans l’accueil de ce Don offert gratuitement aux pécheurs (Lc 5,31-32), dans l’attitude de cœur sans cesse renouvelée d’un repentir sincère (Ac 2,38 ; 5,30-32 ; 1Th 4,8), que nous sommes invités, dès maintenant, dans la foi et par notre foi, à « trouver » notre « Plénitude » :

colombe_677« Et moi, je vous dis : demandez et l’on vous donnera ; cherchez et vous trouverez ; frappez et l’on vous ouvrira. Car quiconque demande reçoit ; qui cherche trouve ; et à qui frappe on ouvrira. Quel est d’entre vous le père auquel son fils demandera un poisson, et qui, à la place du poisson, lui remettra un serpent ? Ou encore s’il demande un œuf, lui remettra-t-il un scorpion ? Si donc vous, qui êtes mauvais, vous savez donner de bonnes choses à vos enfants, combien plus le Père du ciel donnera-t-il l’Esprit Saint à ceux qui l’en prient ! » (Lc 11,9-13). « Cherchez donc dans l’Esprit votre Plénitude » (Ep 5,18). En le recevant du Père, jour après jour, de repentir en repentir, de pardon en pardon, « l’homme intérieur se fortifiera en vous, le Christ habitera en vos cœurs par la foi et vous serez enracinés, fondés dans l’Amour. Vous recevrez ainsi la force de comprendre, avec tous les saints, ce qu’est la Largeur, la Longueur, la Hauteur et la Profondeur, vous connaîtrez l’Amour du Christ qui surpasse toute connaissance, et vous entrerez par votre Plénitude dans toute la Plénitude de Dieu » (Ep 3,14-21).

       A « la clef de l’Abîme » est associée « une énorme chaîne », une image qui renvoie encore à la Maîtrise de Dieu sur toute forme de mal. Si, par cette « chaîne », Dieu « maîtrise le Dragon, l’antique Serpent, le Diable, Satan », s’il « l’enchaîne pour mille années », au même moment « les chaînes tombent des mains » (Ac 12,7) de celles et ceux qui étaient esclaves du mal, opprimés par le mal, prisonniers du mal (Lc 4,18-19 ; Rm 6), et donc finalement ‘mal-heureux’ (Rm 2,9 ; 7,15.19.24-25 ; Ap 3,17 ; Lc 6,24‑26)… « En effet, ce n’est pas un esprit de crainte que Dieu nous a donné, mais un Esprit de Force, d’Amour et de Maîtrise de soi » (2Tm 1,7). Satan est jugé, « jeté dehors », dans ses ténèbres, tandis que tous les hommes pécheurs (Rm 3,9‑24) qui, d’une manière ou d’une autre, étaient pris dans ses filets par leur connivence avec le mal, sont invités à se laisser attirer vers Dieu : « C’est maintenant le jugement de ce monde ; maintenant le Prince de ce monde va être jeté bas ; et moi, une fois élevé de terre, j’attirerai tous les hommes à moi » (Jn 12,31-32). Et c’est encore Lui qui, en les rejoignant (Lc 15,4-7) les aidera à se repentir (Ac 5,30), à se tourner vers Lui de tout cœur, tels qu’ils sont, avec « toutes leurs ordures et toutes leurs souillures ». baptemeAlors, dit‑il, « je verserai sur vous une eau pure et vous serez purifiés ; de toutes vos souillures et de toutes vos ordures je vous purifierai » (Ez 36,25). Cela se réalisera, très concrètement, par l’Eau Pure et Vive de l’Esprit Saint qui purifie et vivifie (Jn 4,10-14 ; 7,37-39), sanctifie, justifie (1Co 6,9-11). Et pour Dieu, un homme ‘juste’ est un homme qui correspond à son projet lorsqu’il décida de le créer. Or Dieu nous a tous faits « à son image et ressemblance » (Gn 1,26-27) pour que nous soyons comme Lui en participant à la Plénitude de sa nature divine (2P 1,4), comblé par elle, et donc « remplis » par son Esprit Saint, puisque « Dieu est Esprit » (Jn 4,24) et « Dieu est Saint » (Lv 11,45 ; 19,2 ; Is 6,3 ; 1P 1,16). « Le salaire du péché, c’est la mort », au sens de privation d’une Plénitude de Vie (Rm 6,23) ? La situation d’un tel homme n’est pas « juste ». Aussi, Dieu travaillera-t-il à ce que justice soit faite en mettant tout en œuvre pour que cet état « injuste » cesse enfin : et il lui proposera un pardon surabondant que son repentir sincère ne pourra qu’accueillir… Et avec ce pardon, il sera comblé de cette Vie divine pour laquelle Dieu nous a tous créés. « Prenant la parole, Jésus leur dit : Ce ne sont pas les gens en bonne santé qui ont besoin de médecin, mais les malades ; je ne suis pas venu appeler les justes, mais les pécheurs, au repentir. » « Le voleur ne vient que pour voler, égorger et faire périr. Moi, je suis venu pour qu’on ait la vie et qu’on l’ait surabondante » (Lc 5,31-32 ; Jn 10,10). « Le salaire du péché, c’est la mort ? Le don gratuit de Dieu, c’est la vie éternelle dans le Christ Jésus notre Seigneur » (Rm 6,23). « Tous ont péché et sont privés de la gloire de Dieu ? » (Rm 3,23). Cette situation n’est pas juste aux yeux de Dieu ! Le Père a donc envoyé son Fils dans le monde « pour accomplir toute justice » (Mt 3,15) en comblant les pécheurs repentant par la surabondance de sa Miséricorde (Rm 5,20), et en leur donnant gratuitement, par amour, tout ce dont ils étaient privés par suite de leur faute : « Père », disait Jésus, « je leur ai donné la gloire que tu m’as donnée » (Jn 17,22), en leur donnant cet Esprit Saint par lequel le Père engendre le Fils de toute éternité… Esprit Saint« Dieu vous a fait le don de son Esprit Saint » (1Th 4,8), « l’Esprit de gloire, l’Esprit de Dieu » (1P 4,14). « Cherchez donc dans l’Esprit votre plénitude » (Ep 5,18). Là Est la Vraie Joie (1Th 1,7). Et Dieu sera le premier à se réjouir (So 3,14-18) en voyant sa Joie régner au cœur de ses créatures (Jn 15,10). Voilà pour Lui ce qui est « juste » ! « Heureux celles et ceux qui croient » (Jn 20,29)…

       Cet Ange, avec lequel et par lequel Dieu agit, « enchaîna le Diable pour mille années (…) afin qu’il cessât de fourvoyer les nations jusqu’à l’achèvement des mille années »… Cette expression « mille années » intervient encore quatre fois par la suite (20,4.5.6.7), soit six fois en tout. Or le chiffre six, sept moins un, sept étant symbole de perfection, renvoie à une réalité imparfaite. Nous avons donc ici un premier élément pour l’interprétation de ces « mille années ».

       Ce chiffre grec « χίλιοι, mille » intervient également en Ap 11,3 et 12,6, où il évoque la durée symbolique de 1260 jours, soit trois années et demi, la moitié de sept années, une durée qui peut certes être longue à l’échelle humaine, mais qui en soit est très limitée. En Ap 14,20 ce sang versé « hors de la ville » de Jérusalem « monta jusqu’au mors des chevaux sur une étendue de mille six cents stades ». Or, écrit Jean-Pierre Prévost, « plutôt que de voir dans cette scène l’effusion du sang des ennemis (cf. Is 63,1‑6), il est plus indiqué d’y voir une Martyr chrétien Mosaïqueréférence au sang versé des martyrs chrétiens (cf. 6,10 ; 16,6 ; 19,2), dont la mise à mort s’est faite, comme celle de Jésus (Hb 13,12) « hors de la ville » (cf. Lc 4,29 ; 23,33 ; Ac 7,58 ; 14,19). Quant à l’ampleur du phénomène, la description de Jean est manifestement hyperbolique : le texte grec parle d’une étendue de « mille six cents stades ». Jouant sur les propriétés du chiffre quatre », symbole d’universalité (les quatre points cardinaux : le nord, le sud, l’est, l’ouest), « et de son multiple quarante (40×40), Jean voudrait ainsi indiquer l’universalité : le sang des martyrs aura une influence décisive sur l’issue du jugement universel » (L’Apocalypse ; Bayard Editions/Centurion ; Paris 1995 ; p. 119).

       Le mot « χιλιάς, millier » apparaît quant à lui en Ap 5,11 ; 7,4-8 ; 11,13 ; 14,1.3 et 21,16. Son usage est à nouveau symbolique pour évoquer une réalité immense et donc en fait innombrable :

  • « La multitude des Anges rassemblés autour du Trône, qui se comptent en myriades de myriades et par milliers de milliers » (Ap 5,11). La myriade, quant à elle, équivaut à « 10 à la puissance de quatre », soit 10.000…

multitude d'anges

  • « Attendez, pour malmener la terre et la mer et les arbres, que nous ayons marqué au front les serviteurs de notre Dieu. Et j’appris combien furent alors marqués du sceau : cent quarante-quatre mille de toutes les tribus des fils d’Israël. » Suit alors l’énumération des « douze mille » des douze tribus d’Israël (Ap 7,4-8). Mais puisque la vision concerne le ciel, et donc la fin ultime de l’Histoire humaine, bien après la période historique des douze tribus d’Israël et la mort sur la Croix à Jérusalem du Fils Unique, ce chiffre de 144.000 évoque la foule des hommes de tous les temps qui auront accepté de s’en remettre avec confiance à l’Amour de leur Créateur et Père. Elle est d’ailleurs évoquée juste après, au verset 9, par une expression qui emploie quatre termes pour la décrire, le chiffre 4 étant symbole d’universalité : « Après quoi, voici qu’apparut à mes yeux une foule immense, que nul ne pouvait dénombrer, de toute nation (1), race (2), peuple (3) et langue (4) ; debout devant le trône et devant l’Agneau, vêtus de robes blanches, des palmes à la main, ils crient d’une voix puissante : Le salut est donné par notre Dieu, Lui qui siège sur le trône, et par l’Agneau ! » St Jean évoque ainsi de manière symbolique, l’accomplissement de la volonté de Dieu exprimée si clairement par St Paul : Jésus Eglise« Voilà ce qui est bon et ce qui plaît à Dieu notre Sauveur, lui qui veut que tous les hommes soient sauvés et parviennent à la connaissance de la vérité. Car Dieu est unique, unique aussi le médiateur entre Dieu et les hommes, le Christ Jésus, homme luimême, qui s’est livré en rançon pour tous » (1Tm 2,3-6). « Dieu notre Sauveur veut que tous les hommes soient sauvés », tous, sans aucune exception, et « tout ce que veut le Seigneur, il le fait au ciel et sur la terre, dans les mers et jusqu’au fond des abîmes » (Ps 135(134),6 ; 115(113B),3). Et comment le fait-il ? St Jean a déjà répondu : « Le salut est donné par notre Dieu, Lui qui siège sur le trône, et par l’Agneau ! » (cf. Ep 2,4-10). L’Esprit Saint est donné, gratuitement, par Amour : «  Dieu vous a fait le don de son Esprit Saint » (1Th 4,8). A nous maintenant de consentir à ce que sa volonté soit faite, envers et contre tout… Sa Miséricorde est infinie… Et la première démarche à laquelle Dieu nous invite lorsque nous acceptons de répondre à son appel est celle du baptême où nous recevons « le sceau de l’Esprit Saint ». Or, ce « sceau » est celui-là même que le Fils reçoit du Père de toute éternité, ce Don qui le constitue en Fils « né du Père avant tous les siècles, Dieu né de Dieu, vrai Dieu né du vrai Dieu, de même nature que le Père » (Crédo), et le Père est Esprit, le Père est Saint… « Travaillez donc non pour la nourriture qui se perd, mais pour la nourriture qui demeure en vie éternelle, celle que vous donnera le Fils de l’homme, car c’est lui que le Père, Dieu, a marqué de son sceau » (Jn 6,27). C’est ce que Jean-Baptiste a « vu » au moment du baptême de Jésus, une réalité qui, pour le Fils, est en fait éternelle : « Et Jean rendit témoignage en disant : J’ai vu l’Esprit descendre, tel une colombe venant du ciel », venant du Père, « et demeurer sur lui » (Jn 1,32). Or, tout homme a été créé pour recevoir ce même sceau et devenir ainsi, selon sa condition de créature, comme le Fils, « reproduisant l’image du Fils » en participant à ce que le Fils Est en Lui-même ! Il sera alors « l’aîné d’une multitude de frères ». Voilà ce à quoi tout homme a été « prédestiné ». Et d’une manière ou d’une autre, le Père nous « appelle » tous, ne serait-ce que par notre conscience, à nous tourner de tout cœur vers Lui pour recevoir avec le Fils ce que le Fils reçoit du Père de toute éternité ! Quiconque répond de tout cœur à cet appel, faisant ce qu’il peut pour que toute sa vie réponde à cette exigence de justice et de vérité qu’il porte déjà au plus profond de lui‑même, ne peut donc que recevoir ce Don de l’Esprit Feuille lumière viequi ne cesse de jaillir du Père engendrant son Fils, et cet Esprit va lui donner d’être en cet état « juste » que Dieu veut pour nous tous : comblés par l’Esprit, glorifiés par sa simple Présence en nos cœurs… « Et nous savons qu’avec ceux qui l’aiment, Dieu collabore en tout pour leur bien, avec ceux qu’il a appelés selon son dessein. Car ceux que d’avance il a discernés, il les a aussi prédestinés à reproduire l’image de son Fils, afin qu’il soit l’aîné d’une multitude de frères ; et ceux qu’il a prédestinés, il les a aussi appelés ; ceux qu’il a appelés, il les a aussi justifiés ; ceux qu’il a justifiés, il les a aussi glorifiés » (Rm 8,28‑30) par le Don de cet « Esprit de Gloire » (1P 4,14). Ce Don résume et englobe en lui-même « toutes les bénédictions spirituelles » dont Dieu veut nous combler, et qu’il destine tout particulièrement aux pécheurs car ce sont eux qui en ont le plus besoin, eux qui sont privés de tous ces Biens par suite de leurs fautes…

       Le Don de cet « Esprit qui vivifie » (Jn 6,63 ; 2Co 3,6 ; Rm 8,2.11 ; Ga 5,25) sera pleinement manifesté, avec une intensité insoutenable, lorsque le soldat romain transpercera le Cœur du Fils sur la Croix (Jn 19,33-35)… Ce qui remplit son Cœur sera alors totalement répandu, totalement donné… Or les anciens croyaient que « la vie de la chair est dans le sang » (Lv 17,11), « la vie de toute chair, c’est son sang » (Lv 17,14). Ce sang si cruellement versé renvoie donc à la Vie de Jésus, cette Vie qu’il reçoit du Père en Fils (Jn 5,26 ; 6,57) « né du Père avant tous les siècles, engendré non pas créé » (Crédo). Et le Père l’engendre en se donnant totalement à Lui, en lui donnant « l’Esprit qui vivifie », c’est-à-dire tout ce qu’Il Est Lui-même, Lui qui Est Esprit, Lui qui Est Vie. Le Cœur de Jésus est ainsi « rempli par l’Esprit » (Lc 4,1) qui vient du Père, et cela depuis toujours et pour toujours, et cet Esprit est Vie… Son sang qui coule de son Cœur de chair transpercé par le soldat, est donc une Parole silencieuse adressée à tout homme : l’Esprit de Vie qu’il reçoit du Père et qui remplit son Cœur est totalement répandu, totalement donné, gratuitement, par Amour, à quiconque consentira à le recevoir par son repentir sincère… Avec ce Don de l’Esprit librement accueilli source_de_vies’accomplira alors le Mystère de notre Rédemption car c’est « l’Esprit Saint qui sanctifie » (2Th 2,13) les pécheurs, « l’Esprit de Gloire » qui glorifie les pécheurs, « l’Esprit de Justice » (Is 28,6 ; Rm 14,17) qui justifie les pécheurs en leur donnant de retrouver cet état « juste » pour lequel Dieu nous a tous créés : que nous soyons tous « remplis par l’Esprit » (Lc 1,15.41.67 ; Ac 2,4 ; 4,8.31 ; 6,3.5 ; 7,55 ; 9,17 ; 11,24 ; 13,9.52), et donc par le Lumière et la Vie du Dieu Vivant… « Béni soit le Dieu et Père de notre Seigneur Jésus Christ, qui nous a bénis par toutes sortes de bénédictions spirituelles, aux cieux, dans le Christ. C’est ainsi qu’Il nous a élus en lui, dès avant la fondation du monde, pour être saints et immaculés en sa présence, dans l’amour, déterminant d’avance que nous serions pour Lui des fils adoptifs par Jésus Christ. Tel fut le bon plaisir de sa volonté, à la louange de gloire de sa grâce, dont Il nous a gratifiés dans le Bien-aimé. En lui nous trouvons la rédemption, par son sang, la rémission des fautes, selon la richesse de sa grâce, qu’Il nous a prodiguée, en toute sagesse et intelligence : Il nous a fait connaître le mystère de sa volonté, ce dessein bienveillant qu’Il avait formé en lui par avance, pour le réaliser quand les temps seraient accomplis : ramener toutes choses sous un seul Chef, le Christ, les êtres célestes comme les terrestres… C’est en lui que vous aussi », les païens, « après avoir entendu la Parole de vérité, l’Évangile de votre salut, et y avoir cru, vous avez été marqués d’un sceau par l’Esprit de la Promesse, cet Esprit Saint qui constitue les arrhes de notre héritage, et prépare la rédemption du Peuple que Dieu s’est acquis, pour la louange de sa gloire » (Ep 1,3-10).

 foule      Et St Jean rapporte dans le Livre de l’Apocalypse ce qu’il a « vu » de la réalisation de ce projet de Dieu : « Attendez, pour malmener la terre et la mer et les arbres, que nous ayons marqué au front les serviteurs de notre Dieu. Et j’appris combien furent alors marqués du sceau : cent quarante-quatre mille de toutes les tribus des fils d’Israël », un chiffre qui renvoie, nous l’avons vu, à l’humanité toute entière appelée à consentir à l’œuvre de Dieu, Lui qui se propose de nous marquer d’un sceau et de mettre dans nos cœurs les arrhes de l’Esprit (2Co 1,22)… Et tout notre « travail » consistera ensuite, jour après jour, soutenus par la Miséricorde de Dieu, à essayer de contrister le moins possible cet Esprit qui habite en nous : « Ne contristez pas l’Esprit Saint de Dieu, qui vous a marqués de son sceau pour le jour de la rédemption » (Ep 4,30).

  • En Ap 11,13, nous lisons : « À cette heure-là, il se fit un violent tremblement de terre, et le dixième de la ville croula, et dans le cataclysme périrent sept mille personnes. Les survivants, saisis d’effroi, rendirent gloire au Dieu du ciel. » Et la note de la Bible de Jérusalem précise : « Chiffre symbolique : des gens de toutes les catégories (7), en grand nombre (1000) ».

  • En Ap 14,1.3, nous retrouvons le chiffre de 144.000 qui renvoie à l’humanité tout entière appelée au salut… Et Jean voit cette multitude innombrable de celles et ceux qui ont ainsi consenti à l’Amour gratuit de Dieu et se sont laissés racheter par Lui en offrant la vérité de leurs misères à la Vérité de sa Miséricorde : « Voici que l’Agneau apparut à mes yeux ; il se tenait sur le mont Sion, avec cent quarante-quatre milliers de gens portant inscrits sur le front son nom et le nom de son Père ». On se souvient que le « nom » dans la Bible renvoie au Mystère de celui qui le porte, et donc ici au Mystère de Dieu Lui-même… Or « Dieu Est Esprit » (Jn 4,24) et « Dieu Est Saint » (Lv 11,45). Ainsi, « le nom » du Fils et le « nom » du Père sont identiques en tant que le Père est Dieu, et que le Fils « est Dieu né de Dieu, vrai Dieu né du vrai Dieu, de même nature que le Père », c’est-à-dire « Esprit » et « Saint ». ‘Recevoir le sceau de l’Esprit Saint’ ou ‘porter inscrit sur son front le nom du Fils et le nom de son Père’ sont donc deux expressions qui renvoie à une seule et même réalité : participer à ce que Dieu Est, à sa « nature divine » (2P 1,4), celle que le Fils reçoit du Père de toute éternité, et telle est la vocation de tout homme sur cette terre.

 que-joie

      Et puisque « tous ont péché et sont privés de la Gloire de Dieu » (Rm 3,23), rachetés, ils ont ainsi retrouvé avec le Don de ce « Nom » divin, « l’Esprit de Gloire », tout ce qu’ils avaient perdu par suite de leurs fautes… Et « ils chantent un cantique nouveau devant le trône et devant les quatre Vivants et les Vieillards. Et nul ne pouvait apprendre le cantique, hormis les cent quarante-quatre milliers, les rachetés à la terre », eux qui ont accepté, librement, de recevoir le Don de Dieu. Souvenons-nous d’ailleurs de ce « cantique nouveau » chanté par « les rachetés de la terre », tel qu’il a déjà été présenté en Ap 5,9-10 : « Ils chantaient un cantique nouveau : Tu es digne de prendre le livre et d’en ouvrir les sceaux, car tu fus égorgé et tu rachetas pour Dieu, au prix de ton sang, des hommes de toute race, langue, peuple et nation ; tu as fait d’eux pour notre Dieu une Royauté de Prêtres régnant sur la terre ». Et rappelons-nous ce que chantent, en Ap 7,9, ces « cent quarante quatre mille », cette « foule immense de toute nation, race, peuple et langue » : « Le salut est donné par notre Dieu, Lui qui siège sur le Trône, et par l’Agneau ».

Agneau Mystique

  • Enfin, en Ap 21,16, nous découvrons les « mesures » de la Jérusalem, la Cité Sainte : « Celui qui me parlait tenait une mesure, un roseau d’or, pour mesurer la ville, ses portes et son rempart ; cette ville dessine un carré », signe de perfection, précise en note la Bible de Jérusalem : « sa longueur égale sa largeur. Il la mesura donc à l’aide du roseau, soit douze mille stades ; longueur, largeur et hauteur y sont égales ». Et à nouveau, une note précise : « 12 (le nombre de l’Israël nouveau) multiplié par mille (multitude) ».

      En conclusion, nous ne pouvons que constater que le chiffre 1000 ou la notion de milliers ont toujours, dans le Livre de l’Apocalypse, une signification symbolique, comme la plupart des autres chiffres qui y sont employés.

       L’interprétation du règne de « mille années » est donc à rechercher dans ce sens d’une multitude d’années, quasiment innombrables…

       Quel est son contenu, à quelle réalité renvoie-t-il ? Notons ce qui est dit de lui :

  • « Le Dragon, l’antique Serpent, le Diable, Satan » est « maîtrisé », « enchaîné », toujours bien vivant, mais ‘impuissant’ dans le cœur et la vie de celles et ceux qui s’en remettent, instant après instant, au Christ Vainqueur, Celui qui « s’appelle Fidèle et Vrai » (Ap 19,11), et qui ne peut donc que dire la vérité lorsqu’il déclare juste avant sa Passion et sa Résurrection : « C’est maintenant le jugement de ce monde ; maintenant le Prince de ce monde va être jeté bas ; et moi, une fois élevé de terre, j’attirerai tous les hommes à moi ». Et la note de la Bible de Jérusalem précise : « Satan dominait le monde (1Jn 5,19) ; la mort de Jésus affranchit les hommes de sa tyrannie ». Et encore : « En lui », Jésus, le Fils, « était la Vie, et la Vie était la Lumière des hommes, et la Lumière brille dans les ténèbres, et les ténèbres ne l’ont pas saisie »… Et il déclare : « Moi, Lumière, je suis venu dans le monde, pour que quiconque croit en moi ne demeure pas dans les ténèbres. » « Je Suis la Lumière du monde. Qui me suit ne marchera pas dans les ténèbres, mais il aura la Lumière de la Vie » (Jn 1,4-5 ; 12,46 ; 8,12).

 Croix Alain Dumas

      Nous retrouvons ainsi cette Promesse de Jésus faite à Pierre : « Eh bien ! moi je te dis : Tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Église, et les Portes de l’Hadès ne tiendront pas contre elle » (Mt 16,18).

  • « Puis je vis des trônes sur lesquels ils s’assirent et on leur remit le jugement » ; St Jean ne précise pas de qui il s’agit. On peut penser à cette Parole de Jésus adressée aux Apôtres peu avant sa Passion, et à travers eux à la communauté tout entière des croyants : « Vous êtes, vous, ceux qui sont demeurés constamment avec moi dans mes épreuves ; et moi je dispose pour vous du Royaume, comme mon Père en a disposé pour moi : vous mangerez et boirez à ma table en mon Royaume, et vous siégerez sur des trônes pour juger les douze tribus d’Israël » (Lc 22,28-30). Et en Ap 3,21 le Christ ressuscité, en s’adressant « au vainqueur », c’est-à-dire à celui qui lui a remis sa confiance et sa foi, déclare : « Le vainqueur, je lui donnerai de siéger avec moi sur mon trône, comme moi-même, après ma victoire, j’ai siégé avec mon Père sur son trône » (Ap 3,21). foule 2Nous aurions donc ici « les 144.000 », la multitude des « rachetés », qui œuvrent avec Dieu au salut du monde puisque, pour Dieu, « juger » c’est « sauver » (Jn 3,16-18 ; 5,22-30 ; 8,1-12). « Je veux passer mon Ciel à faire du bien sur la terre » disait Ste Thérèse de Lieux. Et St Jean poursuit : je vis « aussi les âmes de ceux qui furent décapités pour le témoignage de Jésus et la Parole de Dieu, et tous ceux qui refusèrent d’adorer la Bête et son image, de se faire marquer sur le front ou sur la main (remarquer la similitude d’expression avec « le sceau », « le Nom sur le front » du baptême chrétien : dans son désir de prendre sa place, la Bête ‘singe’ Dieu, mais elle, ce n’est pas un ‘plus’ qu’elle propose, même si elle veut, bien sûr, nous faire croire le contraire, mais un ‘moins’, un ‘vide’, un ‘manque’, une ‘privation’ de la seule Plénitude qui peut nous combler, celle qui vient de Dieu, celle pour laquelle nous avons tous été créés) ; ils reprirent vie et régnèrent avec le Christ mille années. » Et la Bible de Jérusalem d’écrire en note : « Cette « résurrection » des martyrs est symbolique : c’est le renouveau de l’Eglise après la fin de la persécution romaine » qui s’achèvera avec la conversion de l’Empereur Constantin en 312, « renouveau de même durée que la captivité du Dragon. Les martyrs qui attendent sous l’autel (6,9-11) sont dès maintenant heureux avec le Christ (cf. Lc 23,43 ; 1Th 4,14 ; Sg 3,1-9). Le « règne de mille ans » est donc la phase terrestre du Règne de Dieu, de la chute de Rome à la venue du Christ » au dernier jour du monde.

croix dans le ciel

       St Jean vient donc d’évoquer les martyrs et tous ceux qui ont « refusé d’adorer la Bête et son image » : ce sont les chrétiens qui ont répondu, et qui répondent chaque jour, à l’appel de Jésus : « Le temps est accompli et le Royaume de Dieu est tout proche : repentez-vous et croyez à la Bonne Nouvelle » (Mc 1,15). Pécheurs, ils recommencent et recommencent encore à suivre Jésus, jour après jour, de nouveau départ en nouveau départ, en s’appuyant sur la Miséricorde de Dieu qui ne fera jamais défaut… « Si nous sommes infidèles, Dieu, lui reste fidèle, car il ne peut se renier lui-même » (2Tm 2,13). En effet, « Dieu est Amour » (1Jn 4,8.16), Il n’Est qu’Amour, désirant, recherchant, poursuivant instant après instant le seul bien de tous les hommes qu’il aime… En nous créant « esprit » (1Th 5,23) « à son image » (Gn 1,26-27), Lui qui Est « Esprit » (Jn 4,24), il s’est déjà donné Lui-même tout entier pour que nous surgissions dans l’existence, et il ne cesse de le faire pour nous y maintenir : « S’il tournait vers Lui son cœur, s’il concentrait en lui son souffle et son haleine, toute chair expirerait à la fois et l’homme retournerait à la poussière » (Job 34,14-15). De plus, Il est le premier à mettre en pratique pour nous ce qu’il nous invite à faire pour Lui : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme, de tout ton esprit et de toute ta force » (Mc 12,30). Et c’est bien ce qu’il déclare en Jérémie. Son peuple l’a abandonné ? Ils sont partis de tous côtés, loin de sa Maison ? « Moi, je vais les rassembler de tous les pays » où ils se sont dispersés par suite de leurs fautes ; « en ce lieu je les ramènerai et les ferai demeurer en sécurité. Alors Visage de Jésusils seront mon peuple et moi, je serai leur Dieu. Je leur donnerai un seul cœur et une seule manière d’agir, de façon qu’ils me craignent toujours, pour leur bien et celui de leurs enfants après eux. Je conclurai avec eux une alliance éternelle : je ne cesserai pas de les suivre pour leur faire du bien et je mettrai ma crainte en leur cœur pour qu’ils ne s’écartent plus de moi. Je trouverai ma joie à leur faire du bien et je les planterai solidement en ce pays, de tout mon cœur et de toute mon âme » (Jr 32,37-42). Or, « aimer, c’est tout donner et se donner soi-même » (Ste Thérèse de Lisieux), une phrase à prendre pour Dieu au pied de la lettre, comme nous le voyons dans le contexte éternel des relations entre le Père et le Fils : « Le Père aime le Fils et il a tout donné dans sa main » (Jn 3,35), tout, tout ce qu’Il Est, tout ce qu’Il a. « Tout ce qu’a le Père est à moi » (Jn 16,15). « Tout ce qui est à toi est à moi » (Jn 17,10). Et cela tout simplement parce que le Père est éternellement Amour, et donc éternellement Don de Lui-même… Or, il en est de même pour nous tous : telle est la Présence qui, instant après instant, s’offre à notre foi, non pas parce que nous le méritons, nous sommes pécheurs, mais parce qu’Il Est ce qu’Il Est : Amour, et donc Don de Lui‑même, de tout ce qu’Il Est… « Dieu Est Esprit » (Jn 4,24), « Dieu Est Lumière » (1Jn 1,5), Dieu Est Vie (Jn 1,4)… Ce Don de l’Esprit qui est Lumière et Vie ne cesse de frapper à la porte de nos cœurs (Ap 3,20), car il ne cesse de rayonner de ce Dieu qui Est « Soleil, qui donne la grâce, qui donne la gloire » (Ps 84(83),12). Tel est le Mystère que le Fils, le Verbe fait chair, est venu révéler aux hommes pécheurs… Qu’ils l’écoutent de tout cœur, qu’ils lui ouvrent leur cœur, et aussitôt cette réalité de Lumière et de Vie éternellement donnée par Dieu triomphera en eux de leurs ténèbres et de leur mort : « En vérité, en vérité, je vous le dis, l’heure vient – et c’est maintenant – où les morts », les morts spirituels, les pécheurs que nous sommes tous, « entendront la voix du Fils de Dieu, et ceux qui l’auront entendue vivront. Comme le Père en effet a la vie en lui-même, de même a-t-il donné au Fils d’avoir aussi la vie en lui-même et il lui a donné pouvoir d’exercer le jugement parce qu’il est Fils d’homme » (Jn 5,25‑27). Et exercer le jugement, pour Dieu, c’est donner la Vie aux pécheurs qui en étaient privés par suite de leurs fautes (Rm 6,23). Toute la Mission du Fils consiste donc à proposer à notre foi ce qu’il reçoit du Père de toute éternité : cette Plénitude de l’Esprit qui est Vie et qui le constitue en « vrai Dieu né du vrai Dieu »… « Dieu s’est fait homme pour que l’homme devienne Dieu » (St Irénée), et cela selon sa condition de créature… Christ souriant« Je suis venu pour qu’on ait la Vie et qu’on l’ait en surabondance… Père, l’heure est venue : glorifie ton Fils, afin que ton Fils te glorifie et que, selon le pouvoir que tu lui as donné sur toute chair, il donne la vie éternelle à tous ceux que tu lui as donnés ! En vérité, en vérité, je vous le dis, celui qui croit a la vie éternelle » (Jn 10,10 ; 17,1-2 ; 6,47). Et le Père a donné au Fils le monde entier à sauver (Jn 3,16‑18 ; 4,42)… Quiconque croit, quiconque se repent de tout cœur, quiconque « produit un fruit qui exprime sa conversion » (Mt 3,8), ne peut que recevoir de celui qui est venu « baptiser dans l’Esprit Saint et le Feu » (Mt 3,11), ce Don de l’Esprit qui est Lumière et Vie. Tel est le grand Don qui jaillit éternellement du Dieu Amour et Don de Lui-même, un Don accueilli au Baptême, à la Confirmation, et renouvelé ensuite dans la célébration de tous les sacrements : Réconciliation, Eucharistie, Sacrement des malades, etc…

       Par ce Baptême, le disciple de Jésus devient prêtre, prophète et roi à l’image du Fils Prêtre, Prophète et Roi. En effet, tout ce qu’Est le Fils, il le doit au Don que le Père lui fait de Lui-même, Don de la Lumière qui règne sur les ténèbres (Jn 1,5), Don de l’Amour qui règne sur la haine (Lc 22,34), Don de la Vie qui règne sur la mort (Jn 5,26 ; 6,57 ; Rm 8,11). Autrement dit, le Fils est Roi non pas par Lui-même, mais par le Don qu’il reçoit de son Père de toute éternité (cf. 1Co 15,28). Et il en est de même pour sa dimension de Prêtre et de Prophète… Recevant par sa foi au Fils d’avoir part lui aussi à ce Don que le Fils reçoit du Père de toute éternité, le chrétien devient lui aussi, par ce Don même qu’il reçoit, Prêtre, Prophète et Roi. Il ne le doit pas à lui-même, à ses qualités, à ses mérites… Il le doit au « Don 6de Dieu » (Jn 4,10-14 ; 7,37-39), fruit de son Amour gratuit, cet Esprit qui vient du Père et qui unit dans un même Mystère de Communion la terre et le Ciel, cet Esprit qui inspire des Paroles d’Amour et de Paix, cet Esprit qui règne sur le mal, ce dernier n’ayant sur lui aucun pouvoir (Jn 14,30). C’est ainsi que les chrétiens, jusqu’à la fin des temps, une ‘durée’ évoquée ici avec l’image des « mille années », « seront prêtres de Dieu et du Christ avec qui il règneront mille années », et cela dans « l’unité d’un même Esprit » (Ap 20,6 ; Ep 4,3). Car « Jésus Christ, le témoin fidèle, le Premier-né d’entre les morts, le Prince des rois de la terre, nous aime et nous a lavés de nos péchés par son sang », c’est-à-dire par l’Esprit qui est Vie et Vivifie, par ce même Esprit « Eau Vive », Eau Pure qui purifie… Par ce Don de l’Esprit, « il a fait de nous une Royauté de Prêtres, pour son Dieu et Père : à lui donc la gloire et la puissance pour les siècles des siècles » (Ap 1,5-6).

       Telle est « la première résurrection », accueillie par la foi, où il est déjà donné dès maintenant de vivre « quelque chose » qui est de l’ordre même de « la Vie éternelle » (Jn 6,47), de la Paix éternelle (Jn 14,27), de la Lumière éternelle (Jn 12,46 ; 1Jn 2,8). Cette réalité spirituelle accueillie par la foi et vécue dans la foi constitue dès ici-bas les fondements intérieurs (Mt 7,24‑27) du seul vrai Bonheur… Et ils sont inébranlables car, indépendamment de nous, Dieu Est toujours ce qu’Il Est : Amour, Eternel Don de Lui-même, de sa Paix, de sa Lumière, de sa Vie… Et cette réalité demeure ‘stable’ au plus profond de nous-mêmes, fusse au milieu des pires tempêtes de la vie. « Je m’arrange, même au milieu de la tempête, de Theresefaçon à me conserver bien en paix au dedans… Si mon âme n’était pas toute remplie d’avance par l’abandon à la volonté du bon Dieu, s’il fallait qu’elle se laisse submerger par les sentiments de joie ou de tristesse qui se succèdent si vite sur la terre, ce serait un flot de douleur bien amer, et je ne pourrais le supporter. Mais ces alternatives ne touchent que la surface de mon âme… Ah ! Ce sont pourtant de grandes épreuves… (Mais) mon cœur est plein de la volonté du bon Dieu ; aussi, quand on verse quelque chose par-dessus, cela ne pénètre pas à l’intérieur ; c’est un rien qui glisse facilement, comme l’huile qui ne peut se mélanger avec l’eau. Je reste toujours au fond dans une paix profonde que rien ne peut troubler » (Ste Thérèse de Lisieux).

       « Heureux » donc qui, avec l’aide de Dieu, se détourne de tout cœur de tout ce qui Lui est contraire, pour se laisser combler (Ga 5,22 ; 1Th 1,6) et sanctifier (2Th 2,13) par ce Don de l’Esprit Saint : « il participe à la première résurrection ! La seconde mort, » la mort spirituelle et éternelle, la privation de la Plénitude divine de Lumière et de Vie, « n’a pas de pouvoir sur lui » car il s’est justement ouvert par sa foi à ce cadeau de Lumière et de Vie qui se propose de régner dans nos cœurs et cela dès maintenant sur la terre ! « La Lumière brille dans les ténèbres et les ténèbres ne l’ont pas saisie » (Jn 1,5).

Saint Jean

       St Paul évoque aussi dans sa Lettre aux Ephésiens cette « première résurrection » qui renvoie en fait à notre vie de foi ici-bas : « Dieu, qui est riche en miséricorde, à cause du grand amour dont Il nous a aimés, alors que nous étions morts par suite de nos fautes, nous a fait revivre avec le Christ – c’est par grâce que vous êtes sauvés! -, avec lui Il nous a ressuscités et fait asseoir aux cieux, dans le Christ Jésus. Il a voulu par là démontrer dans les siècles à venir l’extraordinaire richesse de sa grâce, par sa bonté pour nous dans le Christ Jésus. Car c’est bien par la grâce que vous êtes sauvés, moyennant la foi. Ce salut ne vient pas de vous, il est un don de Dieu ; il ne vient pas des œuvres, car nul ne doit pouvoir se glorifier. Nous sommes en effet son ouvrage, créés dans le Christ Jésus en vue des bonnes œuvres que Dieu a préparées d’avance pour que nous les pratiquions » (Ep 2,4-10). C’est à ce cadeau de la grâce de l’Esprit qui vivifie que nous acquiesçons par le « Oui ! » de notre foi, ce « Oui ! » qui est par excellence celui donné au jour de notre Baptême, de notre Confirmation, ou de la (re)découverte plus tard de ces trésors offerts à la foi : « Baptisés dans le Christ Jésus, c’est dans sa mort que tous nous avons été baptisés », une mort qui est « une mort au péché »… Mourir au péché est donc un Don de Dieu… « Nous avons donc été ensevelis avec lui par le baptême dans la mort, afin que, comme le Christ est ressuscité des morts par la gloire du Père, nous vivions nous aussi dans une vie nouvelle… Si donc nous sommes morts » au péché « avec le Christ, nous croyons que nous vivons aussi avec lui » (Noter le présent). « Sa mort fut une mort au péché, une fois pour toutes ; mais sa vie est une vie à Dieu. Considérez que vous êtes morts au péché et vivants à Dieu dans le Christ Jésus » (Rm 6,1-11).

resurrection2

       Cette réalité de foi apparaît aussi dans les Paroles de Jésus à Marthe : « Je Suis la Résurrection et la Vie. Celui qui croit en moi, même s’il meurt, vivra. Et quiconque vit et croit en moi ne mourra absolument jamais pour toujours (Triple négation !). Crois-tu cela ? » (Jn 11,26). En effet, « celui qui croit (en moi) a la vie éternelle », dans le présent de sa foi (Jn 6,47)… Comment donc pourrait-il mourir puisqu’il est déjà habité par une réalité éternelle et indestructible ? Ce qu’il a commencé à vivre dès ici‑bas dans la foi ne pourra que s’épanouir en Plénitude par-delà la mort… Ste Thérèse de Lisieux - Lourdes« Je ne meurs pas, j’entre dans la vie » disait Ste Thérèse de Lisieux, elle qui avait reconnu cette Présence spirituelle qui s’offre dès maintenant, jour après jour, à notre foi : « « La vie est bien mystérieuse. Nous ne savons rien, nous ne voyons rien, et pourtant, Jésus a déjà découvert à nos âmes ce que l’œil de l’homme n’a pas vu. Oui, notre cœur pressent ce que le cœur ne saurait comprendre, puisque parfois nous sommes sans pensée pour exprimer un « je ne sais quoi » que nous sentons dans notre âme ». « Après tout, cela m’est égal de vivre ou de mourir. Je ne vois pas bien ce que j’aurais de plus après la mort que je n’aie déjà en cette vie. Je verrai le bon Dieu, c’est vrai ! mais pour être avec lui, j’y suis déjà tout à fait sur la terre ».

Statue de Ste Thérèse de Lisieux, esplanade de Lourdes

       Par contre, celui qui refuse de croire, de consentir à la vérité – vérité de sa misère, vérité de la Miséricorde de Dieu -, celui qui refuse de faire preuve tout simplement de bonne volonté en restant dans l’injustice, le mensonge et l’hypocrisie (Mt 6,2.5.16 ; 15,7 ; 22,18 ; 23,13.15.23.25.27.29 ; 24,51), celui-là ne peut pas recevoir ce « je ne sais quoi » qui vient de Dieu, et qui est déjà, dans la foi, Lumière et Vie… « Les autres morts ne purent reprendre vie avant l’achèvement des mille années » (Ap 20,5).

       Mais l’expression « pas… avant l’achèvement des milles années » ouvre un espoir… En effet, que se passera-t-il donc après ? Jésus déclare en St Jean, à propos cette fois des morts à cette vie terrestre : « N’en soyez pas étonnés, car elle vient l’heure où tous ceux qui sont dans les tombeaux entendront la voix du Fils de l’Homme, et sortiront : ceux qui auront fait le bien, pour une résurrection de vie, ceux qui auront fait le mal, pour une résurrection de jugement » (Jn 5,28-29). Nous venons de le voir avec Ep 2,4-10 et l’expression de St Paul, « pratiquer des bonnes œuvres », « faire le bien », comme dit ici St Jean, est un Don de Dieu car « hors de moi, vous ne pouvez rien faire, » nous dit Jésus (Jn 15,5). La bonne volonté demande certes à être éclairée par la foi, mais elle suffit, en s’ouvrant à la justice, à la vérité, au respect de l’autre, dans la recherche de son bien, à s’ouvrir à Dieu qui Est en Plénitude Justice, Vérité, Respect de l’Autre, Recherche du Bien de tous… Cette bonne volonté de cœur – encore mieux si elle s’accompagne d’une démarche de foi consciente – s’ouvre ainsi au Don de Dieu : l’Esprit d’Amour, de Lumière et de Vie, une Force donnée pour aimer et accomplir ainsi des « bonnes œuvres »… Celui qui est dans cette démarche accueille donc déjà en son cœur un Don de l’ordre de la Vie éternelle… Lors du passage par la mort de la terre au ciel, cette dynamique ne pourra que se poursuivre dans « une résurrection de Vie »… C’était « la première résurrection » vue précédemment…

Amour, pardon, réconciliation

       Mais « ceux qui auront fait le mal » sortiront des tombeaux, écrit St Jean, et cela « pour une résurrection de jugement »… La Résurrection est donc pour tous… Or, nous l’avons déjà vu, « juger », pour Dieu, c’est « sauver » (Jn 3,16‑18 ; 5,22-30 ; 8,1-12). Souvenons-nous des Paroles de Jésus à cette femme surprise en flagrant délit d’adultère : « « Femme, où sont-ils ? Personne ne t’a condamnée ? » Elle dit : « Personne, Seigneur. » Alors Jésus dit : « Moi non plus, je ne te condamne pas. Va, désormais, ne pèche plus », car « le temps est accompli et le Royaume de Dieu est tout proche : repenstoi et croie à la Bonne Nouvelle » (Mc 1,15), Bonne Nouvelle d’un Dieu qui n’est qu’Amour et qui ne cherche, ne poursuis que ton Bien… Bien en accord avec notre expression du Livre de l’Apocalypse, « pas… avant l’achèvement des milles années », qui suggère une possibilité de fin heureuse pour celles et ceux qui ne se seraient pas repentis pendant cette vie sur terre, la notion de « résurrection de jugement » en St Jean la prolonge et la précise en ouvrant une porte d’Espérance. Dieu proposera une nouvelle fois à la liberté de ses enfants la surabondance de son Amour et de sa Miséricorde, pour leur plus grand bien, pour leur Bonheur et leur Plénitude éternelle, pour leur Sainteté qui sera, à nouveau, le Fruit du Don de « l’Esprit qui sanctifie »…

       La suite du Livre de l’Apocalypse évoque un Satan « relâché de sa prison », « séduisant les nations des quatre coins de la terre » par « la séduction du péché » (Hb 3,13). A l’universalité de la perspective, doublement évoqué par le pluriel « les nations » et le chiffre quatre (les quatre points cardinaux), se joint l’énormité de la menace, « rassemblés pour la guerre, aussi nombreux que le sable de la mer », à tel point qu’ils sont capables de monter « sur toute l’étendue du pays » et là « ils investirent le camp des saints, la Cité Bien-aimée », « P1120145figure de toute l’Eglise » comme l’indique en note la Bible de Jérusalem. Humainement parlant, tout semble dit : la victoire de ces forces du mal ne semblent faire aucun doute… Mais la promesse faite autrefois à Pierre demeure jusqu’à la fin des temps :
«  Tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Église, et les Portes de l’Hadès ne tiendront pas contre elle » (Mt 16,18). Alors que tout semble perdu, « un feu descendit du ciel et les dévora »… Ce feu est celui de l’Esprit Saint (Mt 3,12 où la Bible de Jérusalem donne en note : « Le feu, moyen de purification moins matériel et plus efficace que l’eau, symbolise déjà dans l’Ancien Testament (Is 1,25 ; Za 13,9 ; Ml 3,2-3 ; Si 2,5), l’intervention souveraine de Dieu et de son Esprit purifiant les consciences ».

       Et la victoire de Dieu est ici totale : « Alors, le diable, leur séducteur, fut jeté dans l’étang de feu et de soufre, y rejoignant la Bête et le faux prophète, et leur supplice durera jour et nuit, pour les siècles des siècles » et cela aussi longtemps que durera leur « non ! ». La Lumière de l’Esprit est Vie, Douceur et Paix pour quiconque y consent. Et cette même Lumière est « grincement de dents » (Mt 8,12 ; 13,42.50 ; 22,13 ; 24,51 ; 25,30), « charbons ardents » (Rm 12,20) pour quiconque la refuse et demeure ainsi dans les « supplices » intérieurs de la jalousie et de l’orgueil (Rm 2,9)…

       La perspective se termine sur celle du jugement final… Le Trône est « blanc », symbole, dans le Livre de l’Apocalypse, de cette nature divine (Ap 1,14 ; 6,2 ; 19,11.14 ; 14,14) que Dieu veut communiquer à tout homme (Ap  2,17 ; 3,4.5.18 ; 4,4 ; 6,11 ; 2P 1,4). Il est « très grand », à la mesure sans mesure de Dieu Lui-même et de son projet d’y faire « asseoir » la multitude innombrable de ses créatures (Ap 3,21). Comme en Ap 4,2, avec « siégeant sur le Trône, Quelqu’un », St Jean ne le nomme pas directement et l’évoque par l’expression « Celui qui siège dessus »… Et nous avons vu que l’Agneau Immolé est Lui aussi « au milieu de ce trône et des quatre vivants » (Ap 5,6 littéral), à la place centrale de Dieu Lui-même, une nouvelle façon d’affirmer indirectement le Mystère de sa divinité…

jésus enseignant 2

       « Le ciel et la terre s’enfuirent de devant sa face sans laisser de traces ». Nous sommes donc au dernier jour du monde… « Et je vis les morts, grands et petits, debout devant le Trône ». Notons leur position : ils sont « devant » le Trône, et non pas « assis » sur lui. Or cet accueil de Dieu ‘sur son Trône’ commence dès la mort pour les pécheurs qui se confient en sa Miséricorde infinie : « En vérité, je te le dis, aujourd’hui tu seras avec moi dans le Paradis » (Lc 23,43 ; cf. Ap 4,9-10 ; 6,9-11 ; 7,9‑17). « Les morts, grands et petits » qui apparaissent ici, sont donc plutôt ceux évoqués précédemment, « ces autres morts », qui « ne purent reprendre vie avant l’achèvement des mille années », autrement dit les pécheurs qui, sur terre, ont refusé de se repentir… Chacun est alors « jugé selon ses œuvres », évoquées ici par l’expression « on ouvrit des livres », les livres des vies de chacun… « Les premiers livres ouverts contiennent inscrites les actions bonnes ou mauvaises des hommes » (Bible de Jérusalem). « Puis (on ouvrit) un autre livre, celui de la vie » ; « le livre de vie (3,5) contient le nom des prédestinés (3,5 ; 17,8 ; 20,12.15 ; 21,27 ; cf Ph 4,3 ; Ac 13,48) » (Bible de Jérusalem) c’est-à-dire les nomes de tous les hommes de tous les temps puisque « Dieu veut que tous les hommes soient sauvés » (1Tm 2,4).

je suis la vraie vigne

       Ces pécheurs qui, sur terre ont refusé de se repentir, sont donc « jugés selon leurs œuvres »… Mais souvenons-nous que Dieu ne juge pas au sens de condamner… Son jugement est certes selon la Vérité, mais il est Celui de la Miséricorde, de l’Amour éternel, de la Bonté, qui ne recherche et ne poursuit que le Bien de ses créatures, et cela inlassablement… Si la bonne volonté est au rendez-vous, alors chacun sera « jugé » en vérité « selon ses œuvres », de telle sorte que « là où le péché a abondé, la grâce a surabondé » (Rm 5,20), triomphant finalement de tout mal et de toutes ses conséquences…

       « Alors, la Mort et l’Hadés », le séjour des morts, « furent jetés dans l’étang de feu »… Eux disparaissent totalement… Il ne reste plus que la Vie, le Triomphe de la Vie, enfin réalisé pour le Bien éternel de celles et ceux qui auront accepté qu’il en soit ainsi…

       « Et celui qui ne se trouva pas inscrit dans le livre de vie, on, le jeta dans l’étang de feu »… Nous avons noté le singulier « celui »… Existe-t-il, puisque Dieu a tout créé pour la vie ? « Ne recherchez pas la mort par les égarements de votre vie et n’attirez pas sur vous la ruine par les œuvres de vos mains. Car Dieu n’a pas fait la mort, il ne prend pas plaisir à la perte des vivants. Il a tout créé pour l’être ; les générations dans le monde sont salutaires, en elles il n’est aucun poison destructeur, et l’Hadès ne règne pas sur la terre ; car la justice est immortelle » (Sg 1,12-15). Et la Bible de Jérusalem donne en note : « Dieu, « Celui qui Est » (Ex 3,14), a créé toutes choses pour qu’elles « soient », pour qu’elles aient une vie réelle, solide, durable ». Toutes ses créatures, sans aucune exception, sont donc « inscrites au livre de vie »… « Oui, Dieu a créé l’homme pour l’incorruptibilité, il en a fait une image de sa propre nature », une expression qui sous-entend une participation à « sa propre nature », et la « nature divine » est éternelle… Nous le retrouvons dans le simple fait que « Dieu qui Est Esprit » (Jn 4,24) a créé l’homme « esprit » (1Th 5,23) en « insufflant » en lui « une haleine de vie » (Gn 2,4b-7), le souffle de Dieu, dans la Bible, renvoyant à l’Esprit Saint : « Ainsi parle Dieu, le Seigneur, qui a créé les cieux et les a déployés, qui a affermi la terre et ce qu’elle produit, qui a donné le Souffle au peuple qui l’habite, et l’Esprit à ceux qui la parcourent » (Is 42,5). « C’est l’Esprit de Dieu qui m’a fait, le Souffle de Shaddaï qui m’anime » (Job 33,4). « Baptême de Jésus (2)Prophétise donc à l’Esprit, prophétise, fils d’homme. Tu diras à l’Esprit : ainsi parle le Seigneur Dieu. Viens des quatre vents, Esprit, souffle sur ces morts, et qu’ils vivent » (Ez 37,9). « Le vent (pneuma, en grec) souffle où il veut et tu entends sa voix, mais tu ne sais pas d’où il vient ni où il va. Ainsi en est-il de quiconque est né de l’Esprit (pneuma) » (Jn 3,8). Tout homme, par le simple fait qu’il existe, qu’il a été créé, participe donc de par sa nature humaine à la nature divine qui est Esprit… Il est donc, par nature, immortel… « L’Église enseigne que chaque âme spirituelle est immédiatement créée par Dieu (cf. Pie XII, enc.  » Humani generis « , 1950 : DS 3896) – elle n’est pas « produite » par les parents – ; elle nous apprend aussi qu’elle est immortelle (cf. Cc. Latran V en 1513 : DS 1440) : elle ne périt pas lors de sa séparation du corps dans la mort, et s’unira de nouveau au corps lors de la résurrection finale » (Catéchisme Eglise Catholique & 366).

       Et maintenant, pour que sa vie soit pleine, heureuse, comblée, Dieu, dans le respect infini de sa liberté, l’appelle inlassablement sa créature faire le choix de l’Amour… « Tu fais Miséricorde à tous, parce que tu peux tout, tu fermes les yeux sur les péchés des hommes, pour qu’ils se repentent. Tu aimes en effet tout ce qui existe, et tu n’as de dégoût pour rien de ce que tu as fait ; car si tu avais haï quelque chose, tu ne l’aurais pas formé. Et comment une chose aurait-elle subsisté, si tu ne l’avais voulue ? Ou comment ce que tu n’aurais pas appelé aurait-il été conservé ? En réalité, tu épargnes tout, parce que tout est à toi, Maître ami de la vie ! Car ton Esprit incorruptible est en toutes choses ! Aussi est-ce peu à peu que tu reprends ceux qui tombent ; tu les avertis, leur rappelant en quoi ils pèchent, pour que, s’étant débarrassés du mal, ils croient en toi, Seigneur » (Sg 11,23-12,2), et pour qu’en croyant, ils reçoivent de toi de pouvoir participer à la Plénitude de ta Vie éternelle. « En vérité, en vérité, je vous le dis, celui qui croit a la vie éternelle » (Jn 6,47).

la transfiguration 4

       Oui, « voilà ce qui est bon et ce qui plaît à Dieu notre Sauveur, lui qui veut que tous les hommes soient sauvés et parviennent à la connaissance de la vérité. Car Dieu est unique, unique aussi le médiateur entre Dieu et les hommes, le Christ Jésus, homme lui-même, qui s’est livré en rançon pour tous » (1Tm 2,3-6)…

                                                                                                                      D. Jacques Fournier

AP – SI – Fiche 34 – Ap 20 : en cliquant sur le titre précédent, vous accédez au document PDF de cet article, pour lecture ou impression.




« La victoire du Christ, le Verbe de Dieu » (Ap 19,11-21)

Toutes les illustrations de cet article ont été prises dans la crypte de la Cathédrale d’Auxerre où l’on peut voir cette magnifique fresque du Christ à cheval, peinte à la fin du 11e siècle ou au début du 12e siècle sous l’évêque Humbaud. Le grand Christ en majesté est d’inspiration byzantine. Il est nimbé, porte le sceptre et est vêtu d’un manteau blanc et d’une tunique rouge. Une telle représentation comme cavalier sur un cheval blanc est unique. Le Christ est flanqué de quatre anges cavaliers, figurant les armées du ciel. La scène illustre le triomphe du Christ selon le chapitre 19 de l’Apocalypse de saint Jean (Photos J. Fournier ; cf. http://www.bourgogneromane.com/edifices/auxerreCat.htm). 

 

Auxerre a

Crypte d’Auxerre, déambulatoire

            Ap 19,11-21 : Alors je vis le ciel ouvert, et voici un cheval blanc ; celui qui le monte s’appelle Fidèle et Vrai , il juge et fait la guerre avec justice. (12) Ses yeux ? Une flamme ardente ; sur sa tête, plusieurs diadèmes ; inscrit sur lui, un nom qu’il est seul à connaître ; (13) le manteau qui l’enveloppe est trempé de sang ; et son nom ? Le Verbe de Dieu. (14) Les armées du ciel le suivaient sur des chevaux blancs, vêtues de lin d’une blancheur parfaite. (15) De sa bouche sort une épée acérée pour en frapper les païens ; c’est lui qui les mènera avec un sceptre de fer ; c’est lui qui foule dans la cuve le vin de l’ardente colère de Dieu, le Maître-de-tout. (16) Un nom est inscrit sur son manteau et sur sa cuisse : Roi des rois et Seigneur des seigneurs.

 (17)    Puis je vis un Ange, debout sur le soleil, crier d’une voix puissante à tous les oiseaux qui volent au zénith : Venez, ralliez le grand festin de Dieu ! (18) Vous y avalerez chairs de rois, et chairs de grands capitaines, et chairs de héros, et chairs de chevaux avec leurs cavaliers, et chairs de toutes gens, libres et esclaves, petits et grands !

 (19)    Je vis alors la Bête, avec les rois de la terre et leurs armées rassemblés pour engager le combat contre le Cavalier et son armée. (20) Mais la Bête fut capturée, avec le faux prophète – celui qui accomplit au service de la Bête des prodiges par lesquels il fourvoyait les gens ayant reçu la marque de la Bête et les adorateurs de son image -, on les jeta tous deux, vivants, dans l’étang de feu, de soufre embrasé. (21) Tout le reste fut exterminé par l’épée du Cavalier, qui sort de sa bouche, et tous les oiseaux se repurent de leurs chairs.

 

Auxerre cAuxerre b

Auxerre d

Auxerre e

 

 

            La vision de Jean se poursuit. « Et voici un cheval blanc »… Nous l’avions déjà rencontré en Ap 6,1-8, premier de quatre chevaux : « Et voici qu’apparut à mes yeux un cheval blanc ; celui qui le montait tenait un arc (symbole de jugement) ; on lui donna une couronne et il partit en vainqueur, et pour vaincre encore ». C’est ainsi que St Jean présentait déjà le Jugement du Roi : condamnation du mal, mais salut offert aux pécheurs. En effet, si « le Prince de ce monde est jeté dehors » (Jn 12,31), les pécheurs qui acceptent de se repentir et de renoncer au mal sont saisis par Dieu qui les « arrache à l’empire des ténèbres et les transfère dans le Royaume de son Fils Bien-Aimé, en qui nous avons la Rédemption, la rémission des péchés » (Col 1,12-14 ; Ac 26,17-18). L’Amour et la Miséricorde de Dieu se révèlent alors victorieux de tout mal : « et il partit en vainqueur et pour vaincre encore »… Suivent en les chevaux de la guerre, de la famine et de la mort, tous vaincus (Ap 6,3-8). Cette même victoire contre toute forme de mal continue ici à se mettre en œuvre : « il juge et fait la guerre avec justice »…

Auxerre g

Auxerre h      Auxerre i

 

            Et qui est-il ? Il s’appelle « Fidèle »… Au tout début du Livre de l’Apocalypse, St Jean nous avait présenté « Jésus Christ, le témoin fidèle, le Premier-né d’entre les morts, le Prince des rois de la terre. Il nous aime et nous a lavés de nos péchés par son sang, il a fait de nous une Royauté de Prêtres, pour son Dieu et Père : à lui donc la gloire et la puissance pour les siècles des siècles. Amen » (Ap 1,5-6). C’est bien Lui, « le Verbe de Dieu » (Ap 19,13 ; Jn 1,1.14 ; 1Jn 1,1), « le Fils Unique » (Jn 1,14.18 ; 3,16.18) qui est venu parmi les hommes leur transmettre la Parole du Père (Jn 3,34 ; 7,16-17 ; 8,26.28.40 ; 12,49-50 ; 14,10.24 ; 15,15 ; 17,7-8). Il est « le Prince des Rois de la terre » qui porte « sur sa tête plusieurs diadèmes » (Ap 19,12), « le Roi des rois et le Seigneur des seigneurs » (19,16), lui qui mène les nations avec « un sceptre de fer » (19,15), la Toute Puissance de l’Esprit de Vérité, de Douceur et d’Amour… « Il s’appelle Fidèle et Vrai », « le Témoin fidèle et vrai » (Ap 3,14), « le Saint, le Vrai » (Ap 3,7), celui qui dit toujours « la vérité qu’il a entendue de Dieu » son Père (Jn 8,40 ;18,37).

 Auxerre j           Est « inscrit sur lui un nom qu’il est seul à connaître », et l’on se souvient que dans la Bible, le nom vise le Mystère de la personne qui le porte… Ici, il ne s’agit rien de moins que du Mystère de Dieu, Jésus étant tout à la fois vrai Dieu et vrai homme… « Au commencement était le Verbe, et le Verbe était auprès de Dieu, et le Verbe était Dieu » (Jn 1,1). « Il était de condition divine » (Ph 2,6), et ressuscité, il a reçu du Père « le Nom qui est au dessus de tout nom », le Nom de Dieu Lui-même (Ph 2,9)… Tel est le Mystère du Fils qui, de toute éternité, se reçoit du Père : « Lumière né de la Lumière, vrai Dieu né du vrai Dieu, engendré, non pas créé, il est de même nature que le Père » (Crédo)… Si le Père est Dieu, lui aussi est Dieu : « en lui habite corporellement toute la Plénitude de la Divinité » (Col 2,9). Si, dans le buisson ardent, Dieu révèle son nom à Moïse et lui dit « Je Suis » (Ex 3,14), Jésus peut dire lui aussi de lui-même : « Je Suis ». « En vérité, en vérité, je vous le dis, avant qu’Abraham existât, Je Suis » (Jn 8,58.28.24)… Et « il est seul à connaître » pleinement ce Nom car « qui donc entre les hommes sait ce qui concerne l’homme, sinon l’esprit de l’homme qui est en lui ? De même, nul ne connaît ce qui concerne Dieu, sinon l’Esprit de Dieu » (1Co 10,11), cet Esprit qu’en tant que vrai Dieu il reçoit de son Père en Plénitude de toute éternité… Mais le Fils est venu nous partager son Mystère. Il est venu nous offrir son Esprit de Fils pour que nous devenions à notre tour des fils et des filles de Dieu à son image et ressemblance (Rm 8,9 ; Ga 4,6 ; Rm 8,15-17) ; 8,29-30 ; 1Co 15,49 ; 2Co 3,18). Et nul ne peut connaître ce « nom nouveau » hormis celui ou celle qui le reçoit par sa foi au Fils : « Au vainqueur, je donnerai de la manne cachée et je lui donnerai aussi un caillou blanc, un caillou portant gravé un nom nouveau que nul ne connaît, hormis celui qui le reçoit » (Ap 2,17). 

Auxerre k« Le manteau qui l’enveloppe est trempé de sang », une allusion à cette Passion qu’il a vécue pour chacun d’entre nous, versant son sang, donnant sa vie pour que nous, pécheurs, nous puissions recevoir sa vie éternelle en surabondance… « C’est lui », en effet, « qui foule dans la cuve le vin de l’ardente colère de Dieu » (Ap 19,16). Et l’on se souvient que, dans la Bible, la notion de « colère de Dieu » décrit les conséquences du péché des hommes, de leur résistance à Dieu, de leur refus de croire, d’obéir à Celui qui ne désire que les combler de sa Vie : « Qui croit au Fils a la vie éternelle ; qui résiste au Fils ne verra pas la vie ; mais la colère de Dieu demeure sur lui » (Jn 3,36). Et le Christ est celui qui, par amour, a voulu prendre sur lui toute cette « colère » (Is 53,4-6 et 11-12 ; 2Co 5,21 ; 1P 2,21-25) pour nous en délivrer. Il est « celui qui nous délivre de la colère qui vient » (1Th 1,10), c’est-à-dire des ténèbres et de la mort… 

                    Anges cavaliers…

Auxerre m            « Les armées du ciel le suivaient sur des chevaux blancs », eux aussi, car les Anges et les saints, les pécheurs sauvés, participent, à leur mesure de créature, à « la nature divine » (2P 1,1-4) que symbolise le blanc dans le Livre de l’Apocalypse (cf. Ap 1,14 ; 6,2 ; 14,14 ; 19,11 ; 20,11 ; et donc, de par la volonté et l’agir de Dieu en son Fils Jésus Christ : Ap 7,13-17 ; 2,17 ; 3,4‑5.18 ; 4,4 ; 6,11 ; 7,9 ; 19,6-8). « Ils sont vêtus de lin d’une blancheur parfaite », conséquence du don de cette « nature divine », l’Esprit de Dieu (Jn 4,24), qui leur a permis d’accomplir de bonnes actions. Auxerre n« On lui a donné de se vêtir de lin d’une blancheur éclatante» – le lin, c’est en effet les bonnes actions des saints » (Ap 19,8). En effet, « Le salut est donné par notre Dieu, lui qui siège sur le Trône, et par l’Agneau » (Ap 7,10), « c’est par grâce que vous êtes sauvés » (Ep 2,5), « c’est bien par la grâce que vous êtes sauvés, moyennant la foi. Ce salut ne vient pas de vous, il est un don de Dieu » (Ep 2,8). Et ce Don de Dieu, c’est l’Esprit Saint offert gratuitement aux pécheurs pour les purifier, les arracher aux ténèbres, les fortifier, les vivifier (Jn 4,10 avec 7,37-39 et Ap 21,6 ; 22,17 ; 1Th 4,8)… Le fruit de l’Esprit reçu avec foi et dans la foi est ensuite « amour, joie, paix… » (Ga 5,22-23), « bonté, justice et vérité » (Ep 5,9)… Telles sont « les bonnes actions » que peuvent accomplir les pécheurs pardonnés grâce au Don de l’Esprit qu’ils ont reçu de la Miséricorde de Dieu (Ac 2,37‑39). Car « en dehors de moi », dit Jésus, en dehors de ce mystère de communion avec moi dans l’unité d’un même Esprit (Ep 4,1-4 ; 1Jn 1,1‑4 ; 1Co 1,9 ; 6,17 ; 1Th 5,9-10), « vous ne pouvez rien faire » (Jn 15,5)… 

Auxerre o

          « De sa bouche sort une épée acérée pour en frapper les païens », la Parole de Dieu, « plus tranchante qu’un glaive à deux tranchants » (Hb 4,12). Cette « Parole de Dieu est Vivante » par l’Esprit qui se joint toujours à elle (Jn 3,34 ; 15,26 ; 1Jn 5,5-13). Accueillant de tout cœur la Parole de Jésus et donc avec elle l’Esprit de Lumière et de Vie, Pierre pouvait dire à Jésus : « Tu as les Paroles de la Vie éternelle » (Jn 6,68). Et la Vie de Dieu remporte la victoire sur la mort, conséquence de nos péchés (Rm 6,23 avec 5,12 et 5,20), « et la Lumière de Dieu brille dans les ténèbres, et les ténèbres ne l’ont pas saisie » (Jn 1,4-5). Si nous reprenons « l’homme plein de lèpre » de l’Evangile (Lc 5,12s) qui représente l’humanité touchée par la maladie mortelle du péché, Jésus le « frappa » de sa Parole : « Je le veux, sois purifié ». « Aussitôt la lèpre le quitta »… Reste l’homme, pleinement homme, délivré de tout ce qui pouvait l’abîmer, le blesser, le tuer… 

salut de dieu            Suit « un rassemblement plutôt insolite pour « le grand festin de Dieu » (Ap 19,17-18), repas auquel sont convoqués « tous les oiseaux qui volent en plein ciel ». Repas insolite, en effet, et guère édifiant à première vue, puisqu’on y mange « la chair des rois » et de leurs acolytes. La scène revêt toutefois un sens symbolique, qu’on doit comprendre à la lumière d’un texte d’Ezéchiel (Ez 39,17-20 : Ez 39,17-20 : « Et toi, fils d’homme, ainsi parle le Seigneur Dieu. Dis aux oiseaux de toute espèce et à toutes les bêtes sauvages : Rassemblez-vous, venez, réunissez-vous de partout alentour pour le sacrifice que je vous offre, un grand sacrifice sur les montagnes d’Israël, et vous mangerez de la chair et vous boirez du sang. Vous mangerez la chair des héros, vous boirez le sang des princes de la terre. Ce sont tous des béliers, des agneaux, des boucs, des taureaux gras du Bashân. Vous mangerez de la graisse jusqu’à satiété et vous boirez du sang jusqu’à l’ivresse, en ce sacrifice que je vous offre. Vous vous rassasierez à ma table, de chevaux et de coursiers, de héros et de tout homme de guerre, oracle du Seigneur Dieu. »), selon lequel « la chair des héros », représentée par la figure mythique du Prince de Gog, est offerte en pâture aux oiseaux de proie et aux animaux sauvages » (PRÈVOST Jean-Pierre, « L’Apocalypse » p. 152)… « Figure mythique », car, écrit en note la Bible de Jérusalem, « il semble vain de chercher à l’identifier. Empruntant peut-être des traits à plusieurs personnages contemporains, il est présenté comme le type du conquérant barbare », source d’épreuves pour Israël… St Jean reprend donc ce texte d’Ezéchiel et l’applique au contexte de la persécution romaine pour annoncer une fois de plus la victoire prochaine de Dieu… Et c’est bien ce qu’il explique juste après (Ap 19,19-21) avec l’image de la Bête qui, en Ap 13, renvoyait déjà à « l’empire romain qui représente toutes les forces dressées contre le Christ et l’Eglise en s’arrogeant des pouvoirs divins » (Note Bible de Jérusalem). Et comme en Ap 16,13s, « le faux prophète » symbolise tous « les faiseurs de prodiges » qui, par leurs signes mensongers, égarent non seulement tous ceux et celles qui « portent la marque de la Bête et adorent son image », mais aussi, « s’il était possible, même les élus » (Mt 24,23-25). Mais tout ce mal est « exterminé par l’épée du Cavalier », la Parole de Dieu « qui sort de la bouche » de Jésus. Comme nous l’avons vu précédemment, Dieu remporte avec elle et par elle la victoire sur le mal en sauvant tous ceux et celles qui faisaient le mal… Mais pour cela, il faut qu’ils se repentent de tout cœur pour recevoir le pardon de Dieu toujours offert. Alors, avec le Christ et grâce au Christ, ils pourront repartir sur des chemins nouveaux où ils trouveront enfin la vraie Paix, la vraie Vie, la vraie Joie.

                                                                                                                       D. Jacques Fournier

Auxerre l

AP – SI – Fiche 31 – Ap 19,11-21  : Cliquer sur le titre précédent pour accéder au document PDF pour lecture ou éventuelle impression.

 

 




« Une foule immense au ciel chante le triomphe du Christ » (Ap 19,1-10)

            Ap 19,1-10 : Après quoi j’entendis comme un grand bruit de foule immense au ciel, qui clamait :

                        Alleluia ! Salut et gloire et puissance à notre Dieu,

(2)                   car ses jugements sont vrais et justes :

                        il a jugé la Prostituée fameuse

 

                        qui corrompait la terre par sa prostitution,

                        et vengé sur elle le sang de ses serviteurs.

(3)       Puis ils reprirent :

                        Alleluia !

                        Oui, sa fumée s’élève pour les siècles des siècles !

(4)       Alors, les vingt-quatre Vieil

 

lards et les quatre Vivants se prosternèrent pour adorer Dieu, qui siège sur le trône, en disant :

                        Amen, alléluia !

(5)       Puis une voix partit du trône :

                        Louez notre Dieu, vous tous qui le servez,

                        et vous qui le craignez, les petits et les grands.

(6)      Alors j’entendis comme le bruit d’une foule immense, comme le mugissement des grandes eaux, comme le grondement de violents tonnerres ; on clamait :

    

jésus christ 1

                    Alleluia ! Car il a pris possession de son règne,

                        le Seigneur, le Dieu Maître-de-tout.

(7)                  Soyons dans l’allégresse et dans la joie,

                        rendons gloire à Dieu,

                        car voici les noces de l’Agneau,

                        et son épouse s’est faite belle :

(8)                  on lui a donné de se vêtir de lin d’une blancheur éclatante

                        – le lin, c’est en effet les bonnes actions des saints.

(9)       Puis il me dit : Écris :

                        Heureux les gens invités au festin de noce de l’Agneau.

                        Ces paroles de Dieu, ajouta-t-il, sont vraies.

(10)    Alors je me prosternai à ses pieds pour l’adorer, mais lui me dit :

            Non, attention, je suis un serviteur comme toi et comme tes frères

            qui possèdent le témoignage de Jésus. C’est Dieu que tu dois adorer.

            Le témoignage de Jésus, c’est l’Esprit de prophétie.

 

117

  Christ Roi, Mosaïque de la Basilique St Marc (Venise)

          « Après avoir consacré deux chapitres à la chute de Babylone (Ap 17 et 18), dont la contrepartie positive (le salut de Jérusalem) en compte autant (Ap 21 et 22), Jean a placé au centre de la dernière section deux autres chapitres (Ap 19 et 20), dédiés à la victoire totale et absolue du Christ ressuscité sur les forces du mal. La symétrie est parfaite, et entier le renversement de perspective : tout est orienté désormais vers la contemplation et l’acclamation du salut final » (PRÈVOST Jean-Pierre, « L’Apocalypse » (Bayard Éditions / Centurion ; Paris 1995) p. 146).

            « Trois » catégories de personnes s’étaient lamentées sur la chute de Babylone qui, ne l’oublions pas, représente ici Rome et son empire : « les rois de la terre » (Ap 18,9), « les trafiquants » (18,15) et les marins (18,17). Et cette chute, bien que non encore arrivée, est considérée comme déjà accomplie… Ce n’est plus qu’une question de temps… D’où cette louange «  au ciel »», une perspective qui ne peut qu’encourager l’espérance des chrétiens qui souffrent encore, au moment où Jean écrit, de cette persécution déclenchée par les romains…

            A ces « trois » lamentations vont succéder « trois » louanges : « la foule immense au ciel » (Ap 19,1-3.6.8), puis « les vingt quatre Anciens et les quatre Vivants » (19,4) et enfin « une voix qui venait du trône » (19,5). Ce chiffre « trois » reviendra souvent par la suite : il renvoie dans la Bible à Dieu en tant qu’il agit, et souligne ainsi que cette victoire sur le mal est Son Œuvre… « La foule immense au ciel » des saints et des anges « clamait » ainsi : « Alléluia ! », c’est-à-dire en hébreu « Louez Dieu ! ». Ce mot n’intervient qu’ici dans tout le Nouveau Testament, et quatre fois (Ap 19,1.3.4.6), un chiffre qui est symbole d’universalité (les quatre points cardinaux : le nord, le sud, l’est et l’ouest) : toute la création, visible et invisible, est invitée à chanter les louanges du Dieu Sauveur, une louange est elle-même constituée de « trois » termes : « Salut, gloire et puissance à notre Dieu ». C’est donc bien Dieu qui a agi et fait naître cette louange…

alléluia louange

« Le salaire du péché, c’est la mort » (Rm 6,23), écrit St Paul, au sens d’absence de Plénitude de vie. Or « Dieu ne veut pas la mort du pécheur, mais qu’il se convertisse et qu’il vive » (Ez 18,23.32 ; 33,11). Pour lui permettre ce changement, Dieu ne va pas cesser de lui manifester son Amour, sa Tendresse, et sa Miséricorde en lui offrant inlassablement son pardon pour toutes les fautes qu’il a pu commettre. Il l’aidera ainsi à prendre conscience, petit à petit, que ce mal le tue et le prive d’une qualité de vie incomparable, celle de Dieu lui-même… Or Dieu nous a tous créés pour sa vie : son seul désir est donc de la voir régner en nos cœurs en Plénitude… 

Christ Rédempteur (Rio de Janeiro)

« Repentez-vous donc et convertissez-vous, afin que vos péchés soient effacés… Repentez-vous et que chacun de vous se fasse baptiser au nom de Jésus Christ pour la rémission de ses péchés, et vous recevrez alors le don du Saint Esprit », « l’Esprit qui vivifie » (Ac 3,19, 2,38 ; Jn 6,63). Voilà le seul et unique désir de Dieu pour chacun d’entre nous, sans exception, Lui qui « veut que tous les hommes soient sauvés » (1Tm 2,3).  Il luttera donc inlassablement avec les pécheurs et pour les pécheurs contre le mal qu’ils commettent, un mal qui finalement les détruit… 

C’est ainsi qu’il faut comprendre le thème du jugement… Dieu ne juge jamais au sens de « condamner »… En effet, « il a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils unique afin que quiconque croit en lui ne se perde pas, mais ait la vie éternelle. Car Dieu n’a pas envoyé son Fils dans le monde pour juger le monde, mais pour que le monde soit sauvé par lui » (Jn 3,16-17 ; 8,11 ; 6,37-40). Tous les pécheurs sont en effet toujours et avant tout ses enfants : il les regarde avec amour et ne désire que leur bien… Et c’est justement parce qu’il ne désire que leur bien qu’il ne peut supporter ce qui les opprime, les blesse et les détruit… « Souffrance et angoisse pour toute âme humaine qui commet le mal » (Rm 2,9 ; 5,12 ; 6,23)… Christ Rédempteur (Rio de Janeiro, de nuit)Aussi va-t-il se battre avec la toute Puissance de son Esprit de Tendresse, de Douceur et de Paix contre ce mal qui sème la désolation parmi ses enfants, aussi bien au cœur de tous ceux et celles qui le commettent que dans la vie de tous ceux et celles qui le subissent… Et en Jésus Christ, son Amour va le vaincre… Ainsi, le mal est-il irrémédiablement condamné, dès maintenant et pour toujours : « C’est maintenant le jugement de ce monde ; maintenant le Prince de ce monde va être jeté dehors ; et moi, une fois élevé de terre, j’attirerai tous les hommes à moi » (Jn 12,31-32), pour leur proposer le salut, le pardon et la paix…

Ainsi, « le salut est donné par notre Dieu, lui qui siège sur le Trône, et par l’Agneau » (Ap 7,10). « Dieu, qui est riche en miséricorde, à cause du grand amour dont Il nous a aimés, alors que nous étions morts par suite de nos fautes, nous a fait revivre avec le Christ – c’est par grâce que vous êtes sauvés! –, avec lui Il nous a ressuscités et fait asseoir aux cieux, dans le Christ Jésus » (Ep 2,4-6). Mais si, du côté de Dieu, tout est donné gratuitement, par amour, en surabondance (Jn 10,10 ; Rm 5,20 ; 2Co 1,5 ; 7,4 ; 9,10.14 ; 1Th 1,5 ; 1Tm 1,14 ; 1P 1,2) encore faut-il de notre côté consentir à recevoir ce don de Dieu… C’est la foi (cf. Ep 2,8)… Croire, c’est recevoir et finalement obéir à Celui qui veut tout nous donner…

Christ Rédempteur-Rio-de-Janeiro

Jn 1,12 :         A – « A tous ceux qui l’ont accueilli (le Verbe, le Fils Unique),

                                                                 B – il a donné pouvoir de devenir enfants de Dieu,

                        A’ – à ceux qui croient en son nom ».

 

 Esprit Saint           On le voit bien avec ce verset de St Jean : « croire au Nom de Jésus Christ », c’est « l’accueillir »… Or le Christ ne cesse de donner, dans sa Miséricorde, ce pardon qui nous permet jour après jour de nous détacher de tout ce qui nous prive de la Plénitude de la Vie … Ainsi, accueillir le Christ Miséricordieux, c’est recevoir de lui « la possibilité de devenir enfants de Dieu », vivants pleinement de sa Vie par « l’Esprit qui vivifie » (Jn 6,63 ; Ga 5,25)…

           Mais accueillir le pardon du Christ Sauveur, c’est tout à la fois accepter de reconnaître le mal que nous avons pu faire, et le regretter de tout cœur… Alors, ce repentir sincère pourra recevoir en vérité le pardon de Dieu, et avec lui la Paix, la Lumière et la Vie dont nous étions privés par suite de nos fautes… « Tous ont péché et sont privés de la gloire de Dieu » (Rm 3,23) ? « Je leur ai donné la gloire que tu m’as donnée » (Jn 17,22)… Alors, « salut, gloire et puissance à notre Dieu » (Ap 19,1)…

            Nous l’avons dit, « s’il a jugé la prostituée fameuse qui corrompait la terre de sa prostitution » (Ap 19,2), Rome et son empire, ce jugement est « condamnation du mal commis » et « volonté de sauver les pécheurs »… « Je ne te condamne pas. Va, désormais, ne pèche plus » dit Jésus à la femme surprise en flagrant délit d’adultère (Jn 8,11). Il en est 

Christ bénissant (Icône copte)

de même ici : condamnation du mal et des persécutions menées par l’empire romain, et volonté de sauver tous ceux qui ont participé à ces persécutions… Et si vraiment « le sang des serviteurs » de Dieu tombe sur eux, mêlé à Celui du Christ, le Serviteur par excellence, il sera « le sang de l’Alliance répandu pour une multitude en rémission des péchés » (Mt 26,28 ; 27,25). Heureux alors seront-ils s’ils acceptent de se repentir en vérité de tout le malqu’ils ont pu commettre… Par ce repentir, ils recevront les fruits de la Croix, le nouvel « arbre de vie » (Gn 2,9 ; Jn 6,51-58 ; Ep 1,7 ; 2,13 ; Col 1,20 ; Hb 9,14 ; 1P 1,18-20 ; 1Jn 1,7), car « c’est pour eux que le Père a ressuscité son Serviteur et l’a envoyé les bénir, du moment que chacun d’eux se détourne de ses perversités » (Ac 3,26)… 

 

            Par sa mort et sa résurrection, le Christ a donc vaincu le mal et la mort… D’une manière ou d’une autre, tôt ou tard, ces persécutions cesseront, c’est une certitude… Aussi, « la foule immense du ciel » chante déjà : « Alléluia ! Oui, la fumée de Rome et de son empire s’élève pour les siècles des siècles ! » Alors, « les vingt quatre Vieillards » qui représentent toute la communion des saints au ciel, ceux de l’ancienne Alliance et ceux de la Nouvelle, et « les quatre Vivants » qui eux renvoient à l’action de Dieu sur toute la terre, soulignent à quel point la victoire revient à « celui qui siège sur le Trône » et à lui seul : « Amen », « oui, c’est vrai » en hébreu, « Alléluia ! », « louez Dieu » ! 

Vézelay, fraternité monastique de Jérusalem en prière

  Fraternité monastique de Jérusalem, Vézelay.

          « Et une voix partit du trône : « Louez notre Dieu, vous tous qui le servez, et vous qui le craignez, les petits et les grands. » » « Trois » verbes servent à décrire l’attitude des serviteurs de Dieu… Nous avons vu que le chiffre « trois » renvoie à Dieu en tant qu’il agit : cette attitude sera donc avant tout, en eux et dans leur vie, le fruit de la grâce reçue de Dieu… « Ils le craignent », c’est-à-dire ils tiennent compte de lui, ils l’écoutent, ils lui obéissent, ils gardent sa parole, en un mot, ils l’aiment… Et tel est bien le fruit de « l’Esprit de crainte du Seigneur », un des multiples dons de l’Esprit décrit en Isaïe 11,1‑3. « Moi, je vais les rassembler de tous les pays » où ils furent dispersés par suite de leurs fautes, écrit le prophète Jérémie. « En ce lieu je les ramènerai et les ferai demeurer en sécurité. Alors ils seront mon peuple et moi, je serai leur Dieu (formule de l’Alliance). Je leur donnerai un seul cœur et une seule manière d’agir, de façon qu’ils me craignent toujours, pour leur bien (« Bien, bon, bonheur » est un seul et même mot en hébreu.) et celui de Paris Surréalistes+annexesleurs enfants après eux. Je conclurai avec eux une alliance éternelle : je ne cesserai pas de les suivre pour leur faire du bien et je mettrai ma crainte en leur cœur pour qu’ils ne s’écartent plus de moi. Je trouverai ma joie à leur faire du bien et je les planterai solidement en ce pays, de tout mon cœur et de toute mon âme » (Jr 32,37-41). Si Dieu est « Source d’Eau Vive » (Jr 2,13 ; 17,13), si nous avons tous été créés pour cette Eau Vive de l’Esprit qui, seule, peut nous apporter le vrai et profond bonheur du cœur, alors, le plus grand cadeau que Dieu peut offrir aux pécheurs que nous sommes, est de faire en sorte que nous ne nous écartions plus jamais de cette Source de Vie… C’est la prière du prêtre juste avant la communion : « Seigneur Jésus Christ, Fils du Dieu vivant, selon la volonté du Père et avec la puissance du Saint Esprit, tu as donné, par ta mort, la vie au monde ; que ton corps et ton sang me délivrent de mes péchés et de tout mal ; fais que je demeure fidèle à tes commandements et que jamais je ne sois séparé de toi », une prière qui rejoint le désir de Dieu pour chacun d’entre nous… « Je mettrai ma crainte en leur cœur pour qu’ils ne s’écartent plus de moi »…

 Sourds-muets-et-aveugles-en-fete-avec-le-pape-Francois_article_popin           Les serviteurs de Dieu « le craignent et le servent » (Ap 19,5). Or, dit Jésus, « là où Je Suis, là aussi sera mon serviteur » (Jn 12,26). Or Jésus est « dans le Père » (Jn 14,10), uni au Père dans la Communion d’un même Esprit (Jn 10,30), qui est Plénitude de Vie et de Joie… Aussi, « louez notre Dieu, les petits et les grands », c’est-à-dire tous les serviteurs de Dieu qui, par le « oui ! » de leur foi, un « oui ! » de tout cœur et qui engage toute leur vie, sont entrés dans « la joie de leur Seigneur » (Mt 25,21.23)…

            Et c’est bien ce qui arrive… Ils vont louer Dieu, source de leur joie profonde, une joie reçue gratuitement de la Miséricorde de Celui qui ne désire que leur joie… Pour décrire cette louange, l’auteur va employer à nouveau « trois » expressions, pour souligner à nouveau combien tout est don de Dieu… « Le bruit d’une foule immense » est celui de la communion des saints (Souvenons-nous des « 144 000 », un chiffre qui apparaît « trois » fois dans le Livre de l’Apocalypse : Ap 7,4 ; 14,1.3… Ils représentent la multitude des sauvés de tous les temps : 12 (tribus d’Israël : tout le temps de l’ancienne Alliance, avant le Christ) x 12 (Apôtres : tout le temps de la Nouvelle Alliance, après la mort et la st jeanrésurrection du Christ) x 1000 (symbole d’une multitude innombrable, la culture hébraïque n’ayant pas la notion d’infini)…) et des anges déjà évoquée en 19,1. Puis « le mugissement des grandes eaux » évoque « la voix de Dieu » (cf. Ap 1,15), « la voix de l’Esprit » (Jn 3,8), un Esprit auquel participe la multitude des sauvés ; poussés par cet Esprit, leur voix se joint donc à celle de Dieu pour exprimer une seule et même Joie : la Joie de Dieu (Ap 14,1-5)… Enfin, le « grondement de violents tonnerres » renvoie aux manifestations divines (Ex 19,16-25 ; 20,18 ; Ap 4,5 ; 6,1 ; 8,5 ; 11,19 ; 16,18)… Tout le ciel chante donc la Joie d’un bonheur donné, la Joie d’un bonheur reçu… « Alléluia ! » 

« Alleluia ! Car il a pris possession de son règne, le Seigneur, le Dieu Maître-de-tout ». Or, que veut dire pour Dieu « prendre possession de son Règne » ? C’est la Lumière qui vient régner dans les ténèbres, pour tous ceux et celles qui étaient dans ces « régions sombres de la mort » (Mt 4,16-17 ; Lc 1,76-79)… C’est la vie qui vient arracher tous ceux et celles qui étaient pris dans les filets du péché et de la mort (Ps 25(24),15 ; 31(30),3-9 ; 124(123))… C’est la Miséricorde qui vient toujours dire le dernier mot dans sa rencontre avec notre misère (Ps 130(129),4 ; 103(102),1-13)… C’est la force qui vient relever et soutenir notre faiblesse (2Co 12,7-10 ; Ph 4,13)… En un mot, c’est le salut, le bonheur retrouvé et la paix pour tous ceux et celles qui étaient perdus par suite de leurs Visage de Jésusfautes… « Qu’ils sont beaux, sur les montagnes, les pieds du messager qui annonce la paix, du messager de bonnes nouvelles qui annonce le salut, qui dit à Sion : « Ton Dieu règne. » C’est la voix de tes guetteurs : ils élèvent la voix, ensemble ils poussent des cris de joie, car ils ont vu de leurs propres yeux le Seigneur qui revient à Sion. Ensemble poussez des cris, des cris de joie, ruines de Jérusalem ! car le Seigneur a consolé son peuple, il a racheté Jérusalem. Le Seigneur a découvert son bras de sainteté aux yeux de toutes les nations, et tous les confins de la terre ont vu le salut de notre Dieu » (Is 52,7-10). Nous le voyons avec ce texte d’Isaïe, « ton Dieu règne » est synonyme pour Israël pécheur de bonne nouvelle, de salut, de rachat, de consolation, de joie et de paix… Alors, « que ton Règne vienne, sur la terre comme au ciel ! »

            « Il a pris possession de son règne » ? « Soyons donc dans l’allégresse et la joie » car Dieu a remporté la victoire en Jésus Christ sur tout ce qui s’oppose au plein épanouissement de la vie ! « Rendons gloire à Dieu, car voici les noces de l’Agneau, et son épouse s’est faite belle : on lui a donné de se vêtir de lin d’une blancheur éclatante – le lin, c’est en effet les bonnes actions des saints. Puis il me dit : « Écris : Heureux les gens invités au festin de noce de l’Agneau. Ces paroles de Dieu, ajouta-t-il, sont vraies » (Ap 19,6-9). Nous avons ici un résumé de l’Evangile… « Dieu a tant aimé le monde qu’il a envoyé son Fils dans le monde »… « Et le Verbe s’est fait chair, et il a habité parmi nous »… « Le Christ Jésus ayant la condition de Dieu ne retint pas jalousement le rang qui l’égalait à Dieu. Mais il s’est anéanti, prenant la condition de serviteur. Devenu semblable aux hommes, reconnu homme à son aspect » (Jn 3,16 ; 1,14 ; Ph 2,6-11), il s’est pleinement christ-souriant-04uni à notre condition humaine pour nous donner, à nous pécheurs, d’être pleinement unis à sa condition divine. Telles sont les Noces de l’Agneau. Avec son Fils et par son Fils, Dieu nous a rejoints, par amour. Si nous l’acceptons, il vient s’unir à nous pour nous arracher à toutes nos ténèbres et nous donner de pouvoir partager sa Lumière et sa Vie (cf. Col 1,12-14 ; Jn 8,12 ; 12,46). Tout ceci se réalise très concrètement par le don de l’Esprit Saint… « Aussi bien est-ce en un seul Esprit que nous tous avons été baptisés pour former un seul corps, Juifs ou Grecs, esclaves ou hommes libres, et tous nous avons été abreuvés d’un seul Esprit » (1Co 12,13). Alors, quiconque le reçoit par le « oui » de sa foi, donné librement au jour de son baptême ou de sa confirmation, « s’unit ainsi au Seigneur : il est avec lui un seul Esprit » (1Co 6,17). Il était « impudique, idolâtre, adultère, dépravé, ivrogne, insulteur, rapace » ? « Il a été lavé, il a été sanctifié, il a été justifié par le nom du Seigneur Jésus Christ et par l’Esprit de notre Dieu » (1Co 6,9-11). Car dans le mystère de ses noces, « le Christ a aimé l’Eglise », son épouse. « Il s’est livré pour elle, afin de la sanctifier en la purifiant par le bain d’eau qu’une parole accompagne ; car il voulait se la présenter à lui-même toute resplendissante, sans tache ni ride ni rien de tel, mais sainte et immaculée » (Ep 5,25-27). Grâce à Lui, « son épouse s’est donc faite belle » (Ap 19,8)… 

Feuille lumière vieEt « c’est bien par la grâce qu’elle est sauvée, moyennant la foi. Ce salut ne vient pas de vous, il est un don de Dieu ; il ne vient pas des œuvres, car nul ne doit pouvoir se glorifier. Nous sommes en effet son ouvrage, créés dans le Christ Jésus en vue des bonnes œuvres que Dieu a préparées d’avance pour que nous les pratiquions » (Ep 2,8‑10). Les bonnes œuvres ne nous méritent donc pas la grâce : elles en sont la conséquence ! Ce n’est pas parce que nous accomplissons des bonnes œuvres que Dieu nous donne sa grâce, mais gratuitement, par amour. Et en nous comblant de grâce, il nous donne de pouvoir accomplir des bonnes œuvres. « On lui a donné de se vêtir de lin d’une blancheur éclatante – le lin, c’est en effet les bonnes actions des saints » (Ap 19,8), c’est-à-dire des pécheurs sanctifiés gratuitement, par amour, par le don de l’Esprit Saint.

Les bonnes œuvres sont donc le fruit de la Présence en nous de l’Esprit Saint reçu dans la foi… « Jadis vous étiez ténèbres, mais à présent vous êtes lumière dans le Seigneur ; conduisez-vous en enfants de lumière ; car le fruit de la lumière consiste en toute bonté, justice et vérité » (Ep 5,8‑9). « Dieu est Esprit » (Jn 4,24), « Dieu est Lumière » (1Jn 1,5). « Le fruit de la lumière » est donc « le fruit de l’Esprit », une expression reprise par St Paul en Ga 5,22s : « le fruit de l’Esprit est amour, joie, paix, longanimité, serviabilité, bonté, confiance dans les autres, douceur, maîtrise de soiPuisque l’Esprit est notre vie, que l’Esprit nous fasse aussi agir ». Ainsi, « il ne s’agit pas de l’homme qui veut et qui court, mais de Dieu qui fait miséricorde » (Rm 9,16), et qui « selon sa grande miséricorde, efface notre péché, nous lave tout entier de nos fautes, nous purifie de nos offenses » et « crée en nous un cœur pur ». Notre « esprit, au fond de nous est alors renouvelé, raffermi ». « L’Esprit généreux nous soutient » (Ps 51(50)) et nous donne de pouvoir accomplir de « bonnes actions », dans la joie de l’Esprit. « Que celui qui donne le fasse sans calcul ; celui qui préside, avec diligence ; celui qui exerce la miséricorde, en rayonnant de joie » (Rm 12,8 ; 14,17 ; 15,13 ; Ac 13,52)… « Heureux donc les gens invités au festin de noce de l’Agneau », quatrième béatitude d’un Livre qui en compte sept en signe de perfection et de plénitude (Ap 1,3 ; 14,13 ; 16,15 ; 19,9 ; 20,6 ; 22,7.14)… Le seul bonheur vrai, profond et plénier vient de Dieu et de Dieu seul…

ESPRIT SAINT 1

Alors St Jean se prosterne aux pieds de l’ange, mais tout de suite ce dernier le reprend : « Non, attention, je suis un serviteur comme toi et comme tes frères qui possèdent le témoignage de Jésus. C’est Dieu que tu dois adorer ». Et, précise-t-il, « le témoignage de Jésus, c’est l’Esprit de prophétie » (Ap 19,10), l’Esprit Saint qui rend témoignage à Jésus au plus profond des cœurs (Jn 15,26 ; 1Jn 5,6.10), un témoignage qui est de l’ordre de la Vie (1Jn 5,11). Cet « Esprit de prophétie » permet de « connaître le Mystère de la volonté de Dieu, ce dessein bienveillant qu’il a formé en lui par avance pour le réaliser quand les temps seraient accomplis : ramener toutes choses sous un seul Chef, le Christ, les êtres célestes comme les terrestres ». En illuminant les yeux du cœur, il nous donne de pressentir « l’à-venir » que Dieu prépare à tous les hommes ses enfants, « les trésors de gloire de son héritage parmi les saints » (Ep 1,9-10 ; 1,17‑23)…

                                                                                               D. Jacques Fournier

 

 

AP – SI – Fiche 30 – Ap 19,1-10 : Cliquer sur le titre précédent pour accéder au document PDF pour lecture ou éventuelle impression.




Les sept fléaux des sept coupes (Ap 15,5-16,21)

           Après quoi, ma vision se poursuivit. Au ciel s’ouvrit le temple, la Tente du Témoignage, (6) d’où sortirent les sept Anges aux sept fléaux, vêtus de robes de lin pur, éblouissantes, serrées à la taille par des ceintures en or. (7) Puis, l’un des quatre Vivants remit aux sept Anges sept coupes en or remplies de la colère du Dieu qui vit pour les siècles des siècles. (8) Et le temple se remplit d’une fumée produite par la gloire de Dieu et par sa puissance, en sorte que nul ne put y pénétrer jusqu’à la consommation des sept fléaux des sept Anges. 

            (16, 1) Et j’entendis une voix qui, du temple, criait aux sept Anges : Allez, répandez sur la terre les sept coupes de la colère de Dieu. (2) Et le premier s’en alla répandre sa coupe sur la terre; alors, ce fut un ulcère mauvais et pernicieux sur les gens qui portaient la marque de la Bête et se prosternaient devant son image. (3) Et le deuxième répandit sa coupe dans la mer ; alors, ce fut du sang – on aurait dit un meurtre ! – et tout être vivant mourut dans la mer. (4) Et le troisième répandit sa coupe dans les fleuves et les sources; alors, ce fut du sang. (5) Et j’entendis l’Ange des eaux qui disait : Tu es juste, Il est et Il était , le Saint, d’avoir ainsi châtié ; (6) c’est le sang des saints et des prophètes qu’ils ont versé, c’est donc du sang que tu leur as fait boire, ils le méritent ! (7) Et j’entendis l’autel dire : Oui, Seigneur, Dieu Maître-de-tout, tes châtiments sont vrais et justes. (8) Et le quatrième répandit sa coupe sur le soleil ; alors, il lui fut donné de brûler les hommes par le feu, (9) et les hommes furent brûlés par une chaleur torride. Mais, loin de se repentir en rendant gloire à Dieu, ils blasphémèrent le nom du Dieu qui détenait en son pouvoir de tels fléaux. (10) Et le cinquième répandit sa coupe sur le trône de la Bête ; alors, son royaume devint ténèbres, et l’on se mordait la langue de douleur. (11) Mais, loin de se repentir de leurs agissements, les hommes blasphémèrent le Dieu du ciel sous le coup des douleurs et des plaies. (12) Et le sixième répandit sa coupe sur le grand fleuve Euphrate; alors, ses eaux tarirent, livrant passage aux rois de l’Orient. (13) Puis, de la gueule du Dragon, et de la gueule de la Bête, et de la gueule du faux prophète, je vis surgir trois esprits impurs, comme des grenouilles – (14) et de fait, ce sont des esprits démoniaques, des faiseurs de prodiges, qui s’en vont rassembler les rois du monde entier pour la guerre, pour le grand Jour du Dieu Maître-de-tout. – (15) (Voici que je viens comme un voleur : heureux celui qui veille et garde ses vêtements pour ne pas aller nu et laisser voir sa honte.) (16) Ils les rassemblèrent au lieu dit, en hébreu, Harmagedôn. (17) Et le septième répandit sa coupe dans l’air; alors, partant du temple, une voix clama : C’en est fait ! (18) Et ce furent des éclairs et des voix et des tonnerres, avec un violent tremblement de terre ; non, depuis qu’il y a des hommes sur la terre, jamais on n’avait vu pareil tremblement de terre, aussi violent ! (19) La Grande Cité se scinda en trois parties, et les cités des nations croulèrent ; et Babylone la grande, Dieu s’en souvint pour lui donner la coupe où bouillonne le vin de sa colère. (20) Alors, toute île prit la fuite, et les montagnes disparurent. (21) Et des grêlons énormes – près de quatre-vingts livres ! – s’abattirent du ciel sur les hommes. Et les hommes blasphémèrent Dieu, à cause de cette grêle désastreuse ; oui, elle est bien cause d’un effrayant désastre.

 

 

            Comme l’indiquent les notes de nos Bibles, les allusions aux fléaux qui frappèrent les Egyptiens avant le départ de Moïse et du Peuple de Dieu se multiplient : l’ulcère mauvais et pernicieux (Ap 16,2 ; Ex 9,8-11), l’eau qui se change en sang (Ap 16,4 ; Ex 7,14-24), les ténèbres (Ap 16,10 ; Ex 10,21-23), les grenouilles (Ap 16,13 ; Ex 8,2-3), les grêlons énormes (Ap 16,21 ; Ex 9,22-26)… Cinq allusions… Or le chiffre cinq dans la Bible renvoie à la Loi, à la Parole de Dieu : la première partie de l’Ancien Testament, « la Loi » ou « la Torah » pour les Juifs, est en effet constituée de cinq livres… A travers ces allusions au Livre de l’Exode, Dieu adresse donc une Parole aux chrétiens persécutés par l’empire romain : tout comme Dieu sut vaincre autrefois les Egyptiens, il saura vaincre les Romains, ce n’est plus qu’une question de temps. Le premier fléau, « l’ulcère mauvais et pernicieux », s’abat d’ailleurs sur eux et sur tous ceux qui collaboraient avec eux, « ces gens qui portaient la marque de la Bête et se prosternaient devant son image ». Ce sont donc les premiers à faire le mal qui sont touchés, et nous retrouvons avec eux cette vérité générale : le mal commence par blesser celui qui le commet… Mais avec Dieu, il n’aura jamais le dernier mot. Après le temps de l’oppression, viendra pour ceux qui en souffrent celui de la libération et de l’entrée en Terre Promise. A l’époque de St Jean comme à la nôtre, cette Terre est à comprendre en termes de Royaume des Cieux, Mystère de Communion dans l’unité d’un même Esprit offert dès maintenant à notre foi (cf. Mt 12,28 ; Rm 14,17 ; Ep 4,3). Dans cette Communion, Dieu console tous ceux qui souffrent (2Co 1,3-7), il soutient les opprimés et encourage ceux qui ne savent plus quoi espérer (2Co 4,6-12). Certes, les épreuves sont toujours là, mais Dieu commence par son Esprit à mettre très concrètement en œuvre ce Jour où « il n’y aura plus de mort, de pleur, de cri et de peine », car l’ancien monde s’en sera allé (Ap 21,1-5 ; 7,13-17)… Mais cette disparition du mal pour celui qui en souffre n’est pas synonyme de destruction pour celui qui le commet. En effet, ce dernier se blesse lui aussi à « mort » (Rm 5,12 ; 6,23) en le faisant et « Dieu ne veut pas la mort du méchant, mais qu’il se convertisse et qu’il vive » (Ez 33,11 ; 18,23.32)… Mais hélas, malgré toutes ces épreuves qu’ils provoquent finalement eux-mêmes, « loin de se repentir en rendant gloire à Dieu », beaucoup continuèrent à « blasphémer le nom de Dieu » (Ap 16,9.11)…

misericordia

            Notons que ce refus de se repentir[1] fait encore écho au Livre de l’Exode où malgré les fléaux, le Pharaon d’Egypte refusait d’accéder aux demandes répétées de Moïse de laisser partir le Peuple de Dieu (Ex 7,13.22 ; 8,15 ; 9,35…). Et pourtant, malgré toutes ces résistances, c’est bien ce qui finira par arriver… Dieu finalement sera vainqueur, mais que de souffrances et de peines auraient pu être évitées s’ils avaient accepté de se convertir… Et c’est ce qui arrivera enfin au 4° siècle : l’empereur Constantin se convertira et les persécutions cesseront…

            A la lumière de toutes ces références au livre de l’Exode, nous voyons bien qu’il ne faut pas interpréter littéralement tous ces fléaux, et penser qu’ils arriveront tels quels dans l’histoire des hommes… Le message que St Jean veut faire passer est le suivant : des épreuves frapperont le monde par suite de la méchanceté des hommes (Mt 24,4-14). Mais Dieu est présent au cœur de notre histoire. Par son Esprit, il soutient l’innocent qui souffre et aide à combattre l’injustice par les armes de la douceur et de la paix… Et par ce même Esprit, il ne cesse de frapper à la porte de celui qui commet le mal pour l’inviter à la conversion, cette attitude de cœur qui lui permettra à lui aussi de trouver la vraie Vie et la vraie Paix, grâce à la Miséricorde Toute Puissante de Dieu… Alors, s’ils ont versé le sang du Christ et « le sang des saints et des prophètes », c’est ce même sang que Dieu leur offrira à boire « en rémission des péchés », pour leur salut (Ap 16,6 ; Mt 26,28)… Voilà ce que « mérite » leur grande misère… Car « là où le péché a abondé, la grâce a surabondé » (Rm 5,20)…

 

Lionello Spada (1576-1622), le retour de l'enfant prodigue

 Lionello Spada (1576-1622), le retour de l’enfant prodigue

           C’est donc par sa Miséricorde que Dieu a remporté en Jésus Christ la victoire sur toute forme de mal. Cette victoire est encore symbolisée dans notre passage par ces « esprits démoniaques, impurs, faiseurs de prodiges, qui sortent de la gueule du Dragon, de la gueule de la Bête et de la gueule du faux prophète » (Ap 16,13-14). Notons tout d’abord que ces « esprits impurs » peuvent accomplir des « prodiges »… Attention donc aux signes et merveilles que nous pouvons voir : ils ne viennent pas forcément de Dieu et demandent un discernement… Le Christ Lui-même nous a mis en garde : « Si quelqu’un vous dit : “Voici : le Christ est ici!” ou bien : “Il est là!”, n’en croyez rien. Il surgira, en effet, des faux Christs et des faux prophètes, qui produiront de grands signes et des prodiges, au point d’abuser, s’il était possible, même les élus. Voici que je vous ai prévenus » (Mt 24,23-24). C’est ce que St Jean nous répète ici avec ces « esprits impurs, faiseurs de prodiges » qui agissent par « la gueule du faux prophète »… Mais qu’ils viennent « de la gueule du Dragon », Satan, ou de celle de « la Bête », l’empire romain persécuteur, ou de celle encore du « faux prophète », s’ils rassemblent « les rois du monde entier pour la guerre », ce sera au lieu dit « en hébreu Harmagedôn », « c’est-à-dire la montagne de Meggido », nous précise en note la Bible de Jérusalem. « Cette ville de la plaine qui borde la chaîne du Carmel, lieu de la défaite du roi Josias, (2 R 23,29s), reste un symbole de désastre pour les armées qui s’y rassemblent (cf. Za 12,11) »… Et voilà une nouvelle annonce indirecte de la victoire de Dieu sur le mal…

dieu vous aime

            Cette annonce est encore reprise et abondamment développée par la suite pour « la Grande Cité, Babylone la grande », Rome, qui renvoie à tout l’empire romain… Il commencera par « se diviser », et « tout royaume divisé contre lui-même court à la ruine » (Mt 12,25)… Ses alliés en effet se retourneront contre elle et contribueront à son déclin (Ap 17,16-18). Elle-même se scindera « en trois », un chiffre qui évoque « Dieu en tant qu’il agit »… Et Dieu agit par sa simple Présence au cœur de l’histoire, une Présence évoquée en Ap 16,18 par « les éclairs, les voix, le tonnerre » (encore le chiffre trois). Or, Dieu est Lumière, et les ténèbres, si elles refusent de se convertir, ne peuvent tenir en sa Présence… En faisant le mal, Rome et « les cités des nations », ses alliées, s’autodétruiront par ce mal qu’elles commettent… Pour elles, ce sera un véritable « tremblement de terre »… « Et elles crouleront »…

 La suite ne fait qu’annoncer et annoncer encore ce désastre. « La Grande Cité », la « Bête écarlate portant sept têtes » (Ap 17,9 ; les sept collines de Rome) et « dix cornes » (Ap 17,12-13 ; évocation de sa puissance et de celle de ses alliés) devra donc subir les conséquences inévitables de « ses blasphèmes », de ses « abominations », des « souillures de sa prostitution » et de son refus de « se repentir en rendant gloire à Dieu » : elle boira « la coupe où bouillonne le vin de la colère »… Aussi, dit le Seigneur à ses fidèles qui seraient encore en ses murs : « Sortez, ô mon peuple, quittez‑la, de peur que, solidaires de ses fautes, vous n’ayez à pâtir de ses plaies ! Car ses péchés se sont amoncelés jusqu’au ciel… Payez-la de sa propre monnaie ! Rendez-lui au double de ses forfaits ! Dans la coupe de ses mixtures, mélangez une double dose ! À la mesure de son faste et de son luxe, donnez-lui tourments et malheurs ! » (Ap 18,4-7). Nous voyons bien à quel point toutes ces expressions renvoient aux conséquences du mal qu’elle commet… jesus-pleureEt, répétons-nous, Dieu est le premier à s’en désoler, lui qui s’est chargé en Jésus Christ de toutes les conséquences de nos fautes pour nous en délivrer… Relisons cet extrait de l’Evangile de Luc concernant Jérusalem en l’appliquant à notre contexte : « Quand il fut proche, à la vue de la ville, Jésus pleura sur elle, en disant : « Ah ! si en ce jour tu avais compris, toi aussi, le message de paix ! Mais non, il est demeuré caché à tes yeux. Oui, des jours viendront sur toi, où tes ennemis t’environneront de retranchements, t’investiront, te presseront de toute part. Ils t’écraseront sur le sol, toi et tes enfants au milieu de toi, et ils ne laisseront pas en toi pierre sur pierre, parce que tu n’as pas reconnu le temps où tu fus visitée ! » (Lc 19,41-44).

 

            « Elle est tombée, elle est tombée, Babylone la Grande », Rome et sa puissance (Ap 18,2) annonce donc St Jean aux chrétiens persécutés par elle… La victoire est acquise, ce n’est plus qu’une question de temps… Si l’empereur romain et ses soldats ont mené « campagne contre l’Agneau, l’Agneau les vaincra », c’est une certitude, « car il est le Seigneur des seigneurs et le Roi des rois, avec les siens : les appelés, les choisis, les fidèles ». Et nous retrouvons encore ce chiffre « trois » pour évoquer tous les disciples de Jésus, tous ceux et celles qui ont accepté de laisser l’Agneau, le Christ Sauveur, régner dans leur vie et les associer ainsi à sa victoire sur le mal et sur la mort… Jésus est « le Seigneur des seigneurs », il est « le Roi des rois » ? Avec Lui et par Lui, ils participent eux-aussi à sa royauté et donc à sa victoire… « Moi », disait Jésus, « je suis au milieu de vous comme celui qui sert », qui vous sert, vous lavant les pieds, vous purifiant de toutes vos fautes pour vous donner d’avoir part à mon Esprit, à ma Lumière et à ma Vie… «Vous êtes, vous, ceux qui sont demeurés constamment avec moi dans mes épreuves » vécues pour vous… « Et moi je dispose pour vous du Royaume, comme mon Père en a disposé pour moi : vous mangerez et boirez à ma table en mon Royaume, et vous siégerez sur des trônes » avec moi, près de moi, dans les cieux, pour toujours (Lc 22,27-30)…    

                                                                               D. Jacques Fournier

 

           

[1] Le verbe « repentir » intervient quatre fois dans tout le Livre de l’Apocalypse (Ap 2,21 ; 16,9.11). Le chiffre quatre étant un symbole d’universalité (les quatre points cardinaux : le nord, le sud, l’est, l’ouest), est-ce un clin d’œil de cet appel à la conversion que Dieu ne cesse de lancer à la terre entière, pour son salut, son bonheur et la plénitude de sa vie ?

 

AP – SI – Fiche 29 – Ap 15,5-16,21 : Cliquer sur le titre précédent pour accéder au document PDF pour lecture ou éventuelle impression.




L’annonce de la victoire du Christ sur toute forme de mal (Ap 15,1-4)

           Puis je vis dans le ciel encore un signe, grand et merveilleux : sept Anges, portant sept fléaux, les derniers puisqu’ils doivent consommer la colère de Dieu. (2) Et je vis comme une mer de cristal mêlée de feu, et ceux qui ont triomphé de la Bête, de son image et du chiffre de son nom, debout près de cette mer de cristal. S’accompagnant sur les harpes de Dieu, (3) ils chantent le cantique de Moïse, le serviteur de Dieu, et le cantique de l’Agneau : Grandes et merveilleuses sont tes œuvres, Seigneur, Dieu Maître-de-tout ; justes et droites sont tes voies, ô Roi des nations. (4) Qui ne craindrait, Seigneur, et ne glorifierait ton nom ? Car seul tu es saint ; et tous les païens viendront se prosterner devant toi, parce que tu as fait éclater tes vengeances.

   Vitrail Christ Ressuscité            La vision de Jean se poursuit… Dieu va lui donner de voir « encore un signe ». Or par définition, un signe demande à être interprété. Comme un panneau indicateur, il indique un but. Il ne s’agit donc pas de s’arrêter au signe mais de chercher son sens, pour découvrir à travers lui la réalité spirituelle qu’il évoque… 

            « Sept Anges »… « Sept » est symbole de plénitude, et un « ange » est un messager de Dieu… La plénitude de la Révélation du Mystère de Dieu et de son action en faveur des hommes se poursuit… Ils portent « sept » fléaux qui « doivent consommer la colère de Dieu »… Or, le thème de « la colère de Dieu » est une manière « imparfaite et dépassée »[1] de décrire, dans la Bible, les conséquences du péché des hommes. Notre mauvaise conduite pourrait-elle donc mettre Dieu en colère? Mais non ! Prenons un exemple. Un enfant est particulièrement dissipé. Son maître d’école, excédé, se met en colère et l’expulse de la classe… Et il se retrouve dehors… Voilà comment l’Ancien Testament décrit les conséquences du péché, en appliquant à Dieu des réactions bien humaines… Mais avec le Christ, nous découvrons qu’il n’en est pas ainsi… Le pécheur s’expulse lui-même de la communion avec Dieu par sa désobéissance… Ce n’est pas Dieu qui se met en colère et le chasse, c’est lui qui, en désobéissant, décide de partir et de sortir… Croix Alain DumasAlors si Dieu est Lumière, Paix et Joie, il va se retrouver dans les ténèbres (Rm 1,18-25)[1], l’angoisse (Rm 2,9) et la tristesse (Lc 18,18-23)… Et Jésus est ce Fils Unique qui, par amour pour chacun d’entre nous, s’est dévêtu de son manteau de Lumière pour assumer notre humanité telle que nous, pécheurs, nous la connaissons, c’est-à-dire « privée de gloire » (Rm 3,23). Et il est venu nous rejoindre dans nos ténèbres, « devenant semblable aux hommes » (Ph 2,6‑8). Bien plus, il les a prises sur lui, pour nous donner de retrouver grâce à Lui cette Lumière que nous avions perdue par suite de nos fautes. Ainsi, il prend nos ténèbres et nous donne sa Lumière…

            Pour illustrer ce thème de « la colère », prenons quelques exemples dans le Nouveau Testament. Dans la première Lettre aux Thessaloniciens, St Paul parle du Christ comme celui « qui nous délivre de la colère qui vient » (1Th 1,9-10). Si nous l’interprétons en termes de « colère de Dieu », cette colère serait donc celle de Dieu son Père… Le Fils nous délivrerait donc de la colère du Père, alors que, nous dit-il en St Jean, « moi et le Père nous sommes un » dans la communion d’un même Esprit (Jn 10,30). Ainsi, « tout ce que fait le Père, le Fils le fait pareillement » (Jn 5,19). Mais ici, l’agir du Fils s’opposerait à celui du Père ! Nous voyons bien qu’il est impossible d’interpréter ainsi « la colère de Dieu ».

 

[1] « L’Ancien Testament avait pour raison d’être majeure de préparer l’avènement du Christ Sauveur du monde, et de son royaume messianique, d’annoncer prophétiquement cet avènement (cf. Luc 24,44; Jean 5,39 ; 1Pierre 1,10) et de le signifier par diverses figures (cf. 1Cor 10,11). Compte tenu de la situation humaine qui précède le salut instauré par le Christ, les livres de l’Ancien Testament permettent à tous de connaître qui est Dieu et qui est l’homme, non moins que la manière dont Dieu dans sa justice et sa miséricorde agit avec les hommes. Ces livres, bien qu’ils contiennent de l’imparfait et du caduc, sont pourtant les témoins d’une véritable pédagogie divine. C’est pourquoi les chrétiens doivent les accepter avec vénération : en eux s’expriment un vif sens de Dieu ; en eux se trouvent de sublimes enseignements sur Dieu, une bienfaisante sagesse sur la vie humaine, d’admirables trésors de prières; en eux enfin se tient caché le mystère de notre salut » (Concile Vatican II, Dei Verbum & 15).

Christ apparaît aux Apôtres

Christ Ressuscité apparaît aux Apôtres, Cathédrale Notre Dame de Paris

St Jean n’utilise qu’une seule fois ce thème dans tout son Evangile, en Jn 3,36. Et nous voyons bien avec ce verset que « la colère de Dieu » décrit en fait les conséquences du péché : « Qui croit au Fils a la vie éternelle ; qui résiste au Fils ne verra pas la vie ; mais la colère de Dieu demeure sur lui. » « Résister à Dieu » pourrait être une définition du péché qui se manifeste ici par le refus de « croire au Fils ». On voit bien dans ce verset que « celui qui croit en Jésus » reçoit aussitôt de lui ce que Dieu est venu nous communiquer par lui : la Vie de son Esprit qui est Lumière… Celui qui, par contre, refuse de croire, ne verra pas cette Vie qui est Lumière… Il se prive par son refus de l’expérience de la Plénitude de Dieu… « La colère de Dieu (les ténèbres) demeure sur lui ». Quel dommage, et Jésus est le premier à le regretter (Lc 19,41-44) car « moi, Lumière », nous dit-il, « je suis venu dans le monde pour que quiconque croit en moi ne demeure pas dans les ténèbres mais ait la Lumière de la Vie » (Jn 8,12 ; 12,46)…

Résurrection du Christ, Basilique du Rosaire, Lourdes

Résurrection 2, Lourdes, Basilique du Rosaire

Enfin, St Paul écrit encore (1Th 5,9‑10) : « Dieu ne nous a pas réservés pour sa colère, mais pour entrer en possession du salut par notre Seigneur Jésus Christ, qui est mort pour nous afin que, éveillés ou endormis, nous vivions unis à lui. » Si cette « colère » était la sienne, Dieu le Père semblerait ici se battre contre lui-même… Mais non… La colère renvoie une fois de plus ici à ces ténèbres qui sont les conséquences de nos désobéissances… Certes, Dieu respecte infiniment notre liberté, et donc nos mauvais choix… Et aussitôt commis, ils nous plongent dans les ténèbres, la souffrance intérieure, l’absence de paix, le mal-être sans compter toutes les blessures « physiques » qui peuvent survenir… Et cela, Dieu le Père ne le supporte pas… Aussi ne cesse-t-il de nous inviter à revenir à Lui en cessant de faire le mal… « Reviens, rebelle Israël, car Je Suis miséricordieux » (Jr 3,12). Et inlassablement, il guérit nos blessures par la douceur de son Esprit, et nous communique par ce même Esprit cette Plénitude de Vie, de Lumière et de Paix que nous avions perdue par suite de nos fautes…

            Ainsi, Dieu ne répond pas à noRésurrection - Lourdes Basilique du Rosaires péchés par la colère, une colère qui le pousserait à punir, châtier… Il n’est qu’Amour (1Jn 4,8.16), Douceur (Mt 11,29), Bienveillance envers tous (Mt 5,43-45). Son seul désir ? Notre Plénitude, notre bonheur d’où ces neuf « heureux » dans les Béatitudes en St Matthieu (Mt 5,1‑12)… Or, le chiffre trois dans la Bible renvoie à Dieu en tant qu’il agit… Ces neuf Béatitudes (3×3) évoquent donc le bonheur parfait et total que connaîtra celui ou celle qui aura laissé le Christ agir dans sa vie. Il est en effet « l’Agneau de Dieu qui enlève le péché du monde » (Jn 1,29) en le prenant sur lui. Folie de l’Amour qui a voulu vivre en son cœur et en son corps toutes les conséquences de nos désobéissances afin que nous puissions bénéficier de tous les fruits de son obéissance éternelle ! « C’étaient nos péchés, qu’en son propre corps, il portait sur le bois, afin que morts à nos péchés, nous vivions pour la justice. Par ses blessures », qui sont en fait nos blessures qu’il a voulu vivre par amour pour nous, « nous sommes guéris » (1P 2,24). C’est pour cela qu’en regardant cette folie de l’amour de Dieu manifesté en Jésus Christ, St Paul s’écriait (2Co 5,20-21) : « Nous vous en supplions au nom du Christ : laissez-vous réconcilier avec Dieu. Celui qui n’avait pas connu le péché, Il l’a fait péché pour nous », au sens où le Christ a pris sur lui et vécu toutes les conséquences de nos fautes, « afin qu’en lui nous devenions justice de Dieu », c’est-à-dire parfaitement ajustés à Dieu dans la communion d’un même Esprit…

 

Christ Crucifié, Lumière

 

            C’est donc en regardant cette œuvre du Christ que nous interprèterons tous les « fléaux » évoqués dans le Livre de l’Apocalypse. Certes, ils sont les conséquences inévitables des péchés des hommes, ce que l’Ancien Testament appelait imparfaitement « la colère de Dieu »… Mais ces conséquences, cette « colère », Jésus la prise sur lui pour nous en délivrer… Et il est mort de notre mort pour que nous vivions de sa vie ! Dans un premier temps, le mal et ses conséquences ont semblé les plus forts : il est mort et a été mis au tombeau… Le mal s’est déchaîné, il ne pouvait rien faire de plus, il ne pouvait pas aller plus loin… Et c’est là, au cœur des ténèbres du tombeau qu’a resplendi la Lumière de la Toute Puissance de l’Esprit par laquelle le Père a ressuscité son Fils… « En lui était la Vie, et la Vie était la Lumière des hommes, et la Lumière brille dans les ténèbres, et les ténèbres ne l’ont pas saisie » (Jn 1,5). L’Evangile se termine comme les tout premiers versets l’annonçaient déjà : la Lumière a remporté la victoire sur les ténèbres, la Vie sur la mort, l’Amour sur le mal…

Crucifix, forêt de Bélouve, île de la Réunion

Crucifix, Forêt de Bélouve, Réunion            La logique du Livre de l’Apocalypse est la même : avant d’aborder tous les fléaux, qui ne sont que les conséquences des péchés des hommes, St Jean va d’abord présenter la victoire du Christ sur le mal, et donc la victoire de tous ceux et celles qui ont accepté de laisser le Christ régner dans leur cœur et dans leur vie… « Je vis comme une mer de cristal mêlée de feu, et ceux qui ont triomphé de la Bête, de son image et du chiffre de son nom, debout près de cette mer de cristal » (Ap 15,2). Cette « mer de cristal » était déjà apparue en Ap 4,6 lorsque St Jean avait vu « un trône dressé au ciel, et siégeant sur le trône, Quelqu’un… Celui qui siège est comme une vision de jaspe et de cornaline ; un arc-en-ciel autour du trône est comme une vision d’émeraude… Devant le trône, on dirait une mer, transparente autant que du cristal » (Ap 4,2-6)… Ici, cette « mer de cristal » est « mêlée de feu », un nouveau symbole qui nous renvoie à Dieu Lui-même, au Mystère de son Etre. Après la pureté, la transparence, la limpidité et la beauté du cristal, voici maintenant le feu qui éclaire et purifie… Si « Dieu est Esprit » nous dit St Jean (4,24), « un esprit saint, clair, sans souillure » (Sg 7,22-8,1), on pourrait dire aussi qu’Il est « feu » (Dt 4,24 ; Gn 15,17‑18 ; Ex 3,1-6). Et c’est bien « le feu » de l’Esprit que Jésus est venu jeter sur la terre (Lc 12,49), un feu dans lequel il désire que nous nous laissions tous plonger (Mt 3,11), un feu que les disciples ont reçu en surabondance lors de la Pentecôte (Ac 2,1-4)…

Christ Ressuscité, Basilique de Lisieux

Christ Ressuscité, Basilique de Lisieux

Nous nous rappelons que « la Bête » désigne ici l’empire romain, « son image » les emblèmes de sa puissance, « le chiffre de son nom » renvoyant à celui d’un empereur, « César-Néron » ou « César-dieu »… Et les armées romaines, en semant ruines, destructions et souffrances sur leur passage, et en persécutant les premiers chrétiens, se faisaient les instruments du mal, du Prince de ce monde… Mais ici, tout de suite, St Jean voit « ceux qui ont triomphé » de tout cela grâce à l’action de Dieu sur cette Bête : la triple mention de « la bête, de son image, du chiffre de son nom » suggère d’ailleurs cette action de Dieu[1], et donc « sa » victoire… « Ceux qui ont triomphé » sont d’ailleurs « debout », en signe de résurrection, « près de cette mer de cristal », tout près de Dieu et de son trône, en sa Présence, unis à Lui dans la communion d’un même Esprit (Ep 2,18)… Cette victoire du ciel commence dès ici‑bas sur la terre dans le cœur de tous ceux et celles qui, par leur foi et dans la foi, accueillent déjà au plus profond de leur être le Don de l’Esprit Saint (1Th 4,8) par lequel le Père ressuscita son Fils (Rm 8,11)…

[1] Noter le thème de « la colère » qui intervient dans ce texte, pour s’appliquer ensuite aux conséquences du péché : « ayant connu Dieu, ils ne lui ont pas rendu comme à un Dieu gloire ou actions de grâces, mais ils ont perdu le sens dans leurs raisonnements et leur cœur inintelligent s’est enténébré ». Les païens, écrit St Paul, pouvaient connaître Dieu en regardant les merveilles de la création. A travers elle se manifeste en effet sa Toute Puissance, et en elle brille « quelque chose » de la Gloire de Dieu pour celui qui la regarde avec un cœur pur… Mais ils se sont détournés de cette Présence de Dieu qui s’offrait si simplement à eux à travers la création pour se construire des idoles et se prosterner devant elles… Mais le Dieu Père ne les a pas abandonnés pour autant (cf. Sg 14,1-4)…

Sacré Coeur, Basilique de Vézelay

Sacré Coeur Vézelay 2 Pour dire cette relation avec Dieu, « ceux qui ont triomphé » chantent les louanges de ce Dieu Sauveur en « s’accompagnant sur les harpes de Dieu »… « La harpe » est l’instrument de la louange par excellence (cf. Ps 71(70),20-23 ; 33(32),2s ; 43,8-11 ; 81(80),2-3 ; 92(91),2-6 ; 98(97),1-6…). Mais ici, il s’agit « des harpes de Dieu », des harpes que Dieu lui-même utilise… L’expression suggère non seulement un don de Dieu mais une participation à la joie même de Dieu, à son chant de joie… « Je vous ai dit cela pour que ma joie soit en vous et que votre joie soit parfaite » (Jn 15,11), une joie qui est celle de l’Esprit Saint (1Th 1,6 ; Ga 5,22)… Ainsi la joie du ciel est avant tout celle de Dieu Lui-même, un Dieu de joie qui nous a créés pour nous partager sa joie (Lc 10,21). D’où ses multiples appels au bonheur (Mt 5,3-12 ; 11,6 ; 13,16 ; 16,17 ; 24,46), un bonheur qu’ont pressenti Pierre, Jacques et Jean au jour où ils virent le Christ transfiguré… Pour vivre cette expérience, ils ne pouvaient en effet qu’être remplis de l’Esprit de Lumière (Jn 4,24 et 1Jn 1,5) et de joie, qui, seul, permet de voir la Lumière (Ps 36(35),10)… Remplis de l’Esprit, unis à Dieu dans la communion d’un même Esprit, ils vivaient la joie de l’Esprit et faisaient donc l’expérience du bonheur du ciel : « Seigneur, il est heureux que nous soyons ici » (Mt 17,4)… 

            Et que chantent-ils ? Le cantique de Moïse (Ex 15,1-21), une louange adressée à Dieu après sa victoire sur les Egyptiens oppresseurs… Et ce fut bien sûr son Peuple qui en fut l’heureux bénéficiaire… « Je chante pour le Seigneur car il s’est couvert de gloire, il a jeté à la mer cheval et cavalier. Le Seigneur est ma force et mon chant, à lui je dois mon salut. Il est mon Dieu, je le célèbre, le Dieu de mon père et je l’exalte »… Mais cette action de Dieu ne faisait qu’annoncer sa victoire définitive sur toute forme de mal et d’oppression qu’il allait accomplir par son Fils, le nouveau Moïse, en faveur de tous ceux et celles qui accepteraient par leur foi d’en être les heureux bénéficiaires… Communion des saintsC’est pourquoi « ceux qui ont triomphé » en laissant Dieu triompher dans leur cœur et dans leur vie, chantent-ils ici « le cantique de Moïse, le serviteur de Dieu, et le cantique de l’Agneau », le Christ Jésus, le Serviteur de Dieu par excellence (cf. Mt 12,15-21 ; 20,28 ; Jn 4,34 ; 14,31)… « C’était Dieu en effet qui dans le Christ se réconciliait le monde, ne tenant plus compte des fautes des hommes » (2Co 5,19)… Et c’est Lui qui, avec son Fils, par son Fils et en Lui, a remporté la victoire contre la souffrance et le mal. Et cette victoire est dorénavant offerte à l’humanité tout entière, cette humanité blessée par le mal qu’elle commet, ce mal qui la détruit… « Père, pardonne leur », demandait Jésus pour ceux-là mêmes qui le tuaient, et à travers eux pour tous les hommes pécheurs de tous les temps… Car « Dieu veut en effet que tous les hommes soient sauvés » (1Tm 2,4)… Cette perspective universelle se retrouve dans notre passage lorsque St Jean désigne Dieu comme le « Roi des nations », et lorsqu’il affirme que « tous les païens viendront se prosterner devant lui », reconnaissant ainsi sa Royauté, une Royauté qui n’est que celle de son Amour, de sa Bonté et de sa Miséricorde envers toutes ses créatures qu’il désire associer à sa Vie… Ce geste de « tous les païens » qui acceptent pour eux‑mêmes cette Royauté ne peut donc qu’être synonyme pour eux de salut… Quelle perspective ! Quelle espérance ! Ce verset est d’ailleurs une citation du Ps 86(85) où le Psalmiste déclare aussi : prodigue« Seigneur, tu es pardon et bonté, plein d’amour pour tous ceux qui t’appellent… Je te rends grâces de tout mon cœur, Seigneur mon Dieu, toujours je rendrai gloire à ton nom ; il est grand, ton amour pour moi : tu m’as tiré de l’abîme des morts », une mort, un abîme de ténèbres, que l’on peut regarder ici comme étant la conséquence du péché… Et telle est justement l’œuvre de Dieu : nous arracher à cet abîme qui n’est pourtant que la conséquence directe de toutes nos désobéissances : « Il nous a en effet arrachés à l’empire des ténèbres et nous a transférés dans le Royaume de son Fils bien-aimé en qui nous avons la Rédemption, le pardon des péchés » (Col 1,13-14 ; Ac 26,12-18). Et c’est en vidant ainsi « l’empire des ténèbres » par son Amour Miséricordieux et la Toute Puissance de sa Douceur et de sa Bonté que Dieu « fait éclater ses vengeances » à l’encontre du mal (Ap 15,4)… Il suffit au pécheur d’accepter cette main que Dieu lui tend sans cesse pour « l’arracher aux ténèbres » et le « transférer » dans son Royaume de Lumière et de Paix… Et Dieu en sera le premier à en être heureux… Et le pécheur ainsi sauvé des conséquences de ses fautes ne pourra que constater à quel point « son amour envers nous s’est montré le plus fort » (Ps 117(116)… A nous maintenant d’accepter de nous laisser aimer tels que nous sommes, en lui offrant tout, jour après jour, le bien comme le mal que nous avons pu commettre en cette vie… Et aussitôt, il mettra « loin derrière nous tous nos péchés » (Ps 103(102),10-12)… Alors, nous nous retrouverons « saints et immaculés en sa Présence dans l’Amour » (Ep 1,4), chantant avec joie « sur les harpes de Dieu » la victoire de sa Miséricorde dans nos vies…

  dieu vous aime           Notons bien que St Jean a commencé par présenter cette perspective de salut et de victoire de Dieu sur toute forme de mal avant de décrire les fléaux qui vont toucher « la terre »… Ces fléaux ne seront que les conséquences inévitables du péché des hommes, mais le lecteur sait déjà que Dieu, dans son Amour et sa Miséricorde, a déjà triomphé de « tout cela », et notamment aussi de cette persécution que les chrétiens de l’époque subissaient de la part des Romains : « Qui nous séparera de l’amour du Christ ? la souffrance, l’angoisse[2], la persécution, la faim, la nudité, les périls, le glaive ? selon le mot de l’Écriture : À cause de toi, l’on nous met à mort tout le long du jour ; nous avons passé pour des brebis d’abattoir. Mais en tout cela nous sommes les grands vainqueurs par celui qui nous a aimés. Oui, j’en ai l’assurance, ni la mort ni la vie, ni les anges ni les principautés, ni le présent ni l’avenir, ni les puissances, ni hauteur ni profondeur, ni aucune autre créature, rien ne pourra nous séparer de l’amour de Dieu manifesté dans le Christ Jésus notre Seigneur » (Rm 8,35-39).

D. Jacques FOURNIER

 

[1] « Trois » est souvent le chiffre de Dieu en tant qu’il agit…

[2] Dieu apparaît ici aussi comme étant le Vainqueur des conséquences du péché, car les deux premiers termes, « souffrance et angoisse », les décrivent en Rm 2,9 : « Souffrance et angoisse à toute âme humaine qui s’adonne au mal, au Juif d’abord, puis au Grec »… Et à l’époque, ou bien on était Juif, ou bien on était Grec. La perspective est donc bien universelle, valable pour « toute âme humaine »…

 

AP – SI – Fiche 28 – Ap 15,1-4 : Cliquer sur le titre précédent pour accéder au document PDF pour lecture ou éventuelle impression.




La moisson et la vendange des nations (14,14-20)

       Et voici qu’apparut à mes yeux une nuée blanche et sur la nuée était assis comme un Fils d’homme, ayant sur la tête une couronne d’or et dans la main une faucille aiguisée. (15) Puis un autre Ange sortit du temple et cria d’une voix puissante à celui qui était assis sur la nuée : Jette ta faucille et moissonne, car c’est l’heure de moissonner, la moisson de la terre est mûre. (16) Alors celui qui était assis sur la nuée jeta sa faucille sur la terre, et la terre fut moissonnée. (17) Puis un autre Ange sortit du temple, au ciel, tenant également une faucille aiguisée. (18) Et un autre Ange sortit de l’autel – l’Ange préposé au feu – et cria d’une voix puissante à celui qui tenait la faucille : Jette ta faucille aiguisée, vendange les grappes dans la vigne de la terre, car ses raisins sont mûrs. (19) L’Ange alors jeta sa faucille sur la terre, il en vendangea la vigne et versa le tout dans la cuve de la colère de Dieu, cuve immense ! (20) Puis on la foula hors de la ville, et il en coula du sang qui monta jusqu’au mors des chevaux sur une étendue de mille six cents stades.

 

Christ, fresques d’Auxerre (fin 11° s)

Christ, fresque d'Auxerre (fin du 11°s)

            La vision se poursuit… Une nuée apparaît, et dans l’Ancien Testament, elle renvoie toujours à la Présence de Dieu Lui-même : « Le Seigneur marchait avec eux, le jour dans une colonne de nuée pour leur indiquer la route, et la nuit dans une colonne de feu pour les éclairer, afin qu’ils puissent marcher de jour et de nuit. La colonne de nuée ne se retirait pas le jour devant le peuple, ni la colonne de feu la nuit » (Ex 13,21‑22 ; 14,24 ; 16,10…).

             Cette nuée ici est « blanche », et, nous l’avons déjà vu à l’occasion de la vision inaugurale, « le blanc » dans le Livre de l’Apocalypse renvoie toujours à Dieu, à ce qu’Il est, à sa nature divine… En effet, dans le Livre de Daniel (Dn 7,9-14), Dieu est présenté comme le Roi de l’Univers visible et invisible… Le « blanc » de son vêtement comme celui des cheveux de sa tête, « purs comme la laine », renvoie au Mystère de sa Nature divine, car dans la Bible, les vêtements, tout comme les attributs d’une personne, disent quelque chose de ce qu’elle est… Et en Ap 20,11, c’est le trône de Dieu qui est « blanc », en Ap 19,11, le cheval du Christ ; en Ap 19,14 les armées du ciel sont elles aussi sur des chevaux blancs, vêtues de lin d’une blancheur parfaite car les Anges, ces créatures célestes, participent pleinement, selon leur condition de créature, à la nature divine… Et c’est ce que Dieu nous réserve à nous aussi : c’est pourquoi tous les « rachetés », au ciel, sont revêtus de blanc (cf. Ap 3,4-5 ; 3,18 ; 4,4 ; 6,11 ; 7,9.13-14)… 

Christ Ressuscité, cimetière des Pères Spiritains à Chevilly Larue.

 Christ ressuscité, cimetière des Pères Spiritains, Chevilly Larue           « Sur la nuée était assis comme un Fils d’Homme », le Christ Ressuscité, le Fils Unique, vrai homme et vrai Dieu, « ayant sur la tête une couronne d’or » car Il est Roi comme Dieu seul est Roi, « assis » car pleinement revêtu de l’autorité divine… 

« Et dans sa main, il tient une faucille aiguisée »… Ce mot « faucille » est utilisé sept fois dans ce seul passage et nulle part ailleurs dans le Livre de l’Apocalypse. Sept est symbole de perfection… Mais de toute façon, tout ce que fait le Christ ne peut qu’être parfait… Cette faucille dans sa main renvoie donc à une œuvre « parfaite », celle du salut qu’il ne cesse d’accomplir parmi les hommes… Nous retrouvons cette image en Jn 4,34‑38 où les champs « blancs pour la moisson » renvoyaient à tous ces Samaritains qui commençaient à croire en lui, et qui, par leur foi, recevaient déjà le don de la vie éternelle… Aujourd’hui encore, le Christ Ressuscité travaille ce monde par la Toute Puissance de son Esprit d’Amour, la collaboration de son Eglise (1Co 3,5‑9) et celle de tous les hommes de bonne volonté…

            Trois Anges vont ensuite se succéder, et le chiffre « trois » renvoie à Dieu en tant qu’il agit… Avec eux, c’est donc l’œuvre de Dieu le Père qui va s’accomplir… Et le premier Ange va d’ailleurs demander au Fils de jeter sa faucille sur la terre… Ce qu’il fait aussitôt… Nous retrouvons cette attitude fondamentale du Fils qui est d’obéir au Père, par amour, pour accomplir sa volonté (Jn 4,34 ; 6,38-39 ; 14,31)… Et sa volonté est le bien, la vie, le salut de tous les hommes (1Tm 2,3-6)… 

            Les deux autres Anges vont donc eux aussi s’inscrire dans cette perspective… « Ils sortent du Temple, du Ciel », c’est-à-dire de la Maison du Père, ou « de l’autel » qui renvoie à la Présence de Dieu lui-même… Et après l’heure de la moisson, vient celle de la vendange… Et il semble ici que l’auteur fasse allusion à l’œuvre de rédemption accomplie par le Christ. Lisons ce texte d’Isaïe en pensant à lui : « Pourquoi ce rouge à ton manteau, pourquoi es-tu vêtu comme celui qui foule au pressoir ? – À la cuve j’ai foulé solitaire, et des gens de mon peuple pas un n’était avec moi. Alors je les ai foulés dans ma colère, je les ai piétinés dans ma fureur, leur sang a giclé sur mes habits, et j’ai taché tous mes vêtements » (Is 63,2-3). Et c’est par ce sang offert et répandu sur le monde que le Christ va accomplir son salut… Et souvenons‑nous, St Jean avait vu « sous l’autel », cet Autel d’où sort également ici le troisième Ange, « les âmes de ceux qui furent égorgés pour la Parole de Dieu et le témoignage qu’ils avaient rendu » (Ap 7,9-11). Mosaïque romaine, martyr chrétienC’est leur sang, mêlé au sang du Christ, que St Jean évoque ici, avec l’image d’une quantité immense : « il en coula du sang qui monta jusqu’au mors des chevaux sur une étendue de mille six cents stades » (4x4x100, avec 4 symbole d’universalité : pour le monde entier). Le sang des martyrs s’unit donc à celui du Christ et participe ainsi au salut du monde entier… C’est ce que St Paul déclare en Col 1,24 : « En ce moment je trouve ma joie dans les souffrances que j’endure pour vous, et je complète ce qui manque aux tribulations du Christ en ma chair pour son Corps, qui est l’Église ». Avec les martyrs et par eux, le Christ continue donc de vivre sa Passion pour le salut de tous les hommes que Dieu aime et veut voir à ses côtés…   

                                                                                                               D. Jacques Fournier

 

AP – SI – Fiche 27 – Ap 14,14-20 :  Cliquer sur le titre précédent pour accéder au document PDF pour lecture ou éventuelle impression.




Des Anges annoncent l’heure du jugement (Ap 14,6-13)

             Puis je vis un autre Ange qui volait au zénith, ayant une bonne nouvelle éternelle à annoncer à ceux qui demeurent sur la terre, à toute nation, race, langue et peuple. (7) Il criait d’une voix puissante : Craignez Dieu et glorifiez-le, car voici l’heure de son Jugement; adorez donc Celui qui a fait le ciel et la terre et la mer et les sources.

(8)    Un autre Ange, un deuxième, le suivit en criant :  Elle est tombée, elle est tombée, Babylone la Grande, elle qui a abreuvé toutes les nations du vin de la colère.

(9)    Un autre Ange, un troisième, les suivit, criant d’une voix puissante :  Quiconque adore la Bête et son image, et se fait marquer sur le front ou sur la main, (10) lui aussi boira le vin de la fureur de Dieu, qui se trouve préparé, pur, dans la coupe de sa colère. Il subira le supplice du feu et du soufre, devant les saints Anges et devant l’Agneau. (11) Et la fumée de leur supplice s’élève pour les siècles des siècles ; non, point de repos, ni le jour ni la nuit, pour ceux qui adorent la Bête et son image, pour qui reçoit la marque de son nom. (12) Voilà qui fonde la constance des saints, ceux qui gardent les commandements de Dieu et la foi en Jésus.

(13)    Puis j’entendis une voix me dire, du ciel : Écris : Heureux les morts qui meurent dans le Seigneur ; dès maintenant – oui, dit l’Esprit – qu’ils se reposent de leurs fatigues, car leurs œuvres les accompagnent.  

 

            Un Ange, un messager de Dieu, s’apprête à annoncer « une Bonne Nouvelle » à « tous ceux qui demeurent sur la terre » : « nation, race, langue et peuple », quatre termes qui soulignent à nouveau l’universalité de la perspective, le chiffre « quatre » étant un symbole d’universalité (les quatre points cardinaux)… Tous les hommes sont donc concernés, et il ne peut qu’en être ainsi car « Dieu veut que tous les hommes soient sauvés » (1Tm 2,3-6 ; Jn 3,15-17)… Notons que cette « Bonne Nouvelle » est « éternelle » : elle concerne tous les hommes de tous les temps, et elle est nous rejoint déjà dans l’aujourd’hui de notre foi en attendant sa pleine réalisation au ciel… Nous retrouvons ainsi que tout ce que nous découvrons avec le Christ existait déjà avant le Christ… Dieu est notre Père depuis toujours, Dieu est tout proche de tous les hommes, avec eux, depuis toujours… Dieu vit en Alliance avec eux, depuis toujours (Gn 9,16)… Dieu les appelle à son Ciel, à sa Vie, à sa Paix, à sa Joie depuis toujours… L’œuvre de Rédemption accomplie par la mort et la Résurrection du Christ concerne ainsi tous les hommes ses enfants, depuis toujours et pour toujours… Mais ce n’est que grâce à la Révélation qu’il nous a transmise que nous avons pu en prendre conscience…

 la main

            Cet Ange crie donc d’une voix puissante pour être bien entendu de tous : « Craignez Dieu », c’est-à-dire « tenez compte de lui », « mettez le dans votre cœur et votre vie », « écoutez sa parole », « faites lui confiance », « obéissez lui »… Et comme Dieu ne désire que le bonheur de ses enfants, « sa miséricorde s’étend d’âge en âge sur tous ceux qui le craignent » (Lc 1,50), heureux sont-ils… « Ah ! si leur cœur pouvait toujours être ainsi, pour me craindre et garder mes commandements en sorte qu’ils soient heureux à jamais, eux et leurs fils » (Dt 5,29)… Oui, « puisses-tu écouter, Israël, garder et pratiquer ce qui te rendra heureux » (Dt 6,3) car « tu feras alors ce qui est juste et bon aux yeux du Seigneur afin d’être heureux » (Dt 6,18)…

 Crucifix vitrail

            Si tel est vraiment le cas, tous ceux et celles qui expérimenteront ce bonheur ne pourront que « glorifier » Dieu (Ap 14,7), comme ce lépreux purifié « qui revint sur ces pas en glorifiant Dieu » (Lc 17,15) ou cet aveugle guéri qui « suivait le Christ en glorifiant Dieu » (Lc 18,43)…

 

            Et quel est ici le motif d’action de grâce ? « Voici l’heure de son jugement »… Le Jugement de Dieu est donc « Bonne Nouvelle » pour chacun d’entre nous… En effet, quel est-il ? Ecoutons le Christ : « C’est maintenant le jugement de ce monde; maintenant le Prince de ce monde va être jeté dehors ; et moi, une fois élevé de terre, je les attirerai tous à moi » (Jn 12,31-32). Nous retrouvons ici avec le mot « maintenant », répété par deux fois, que cette « Bonne Nouvelle » du « jugement de ce monde » nous concerne dès « maintenant », dans la foi et par notre foi… « Le Prince de ce monde va être jeté dehors »… En effet, « la Lumière luit dans les ténèbres et les ténèbres ne l’ont pas saisie » (Jn 1,5). Bien plus, par sa simple Présence, la Lumière ne peut que chasser les ténèbres car ces dernières n’ont aucune prise sur elle, elles ne peuvent lui résister… « Je suis la Lumière du monde » (Jn 8,12), disait Jésus, « sur moi, le Prince de ce monde n’a aucun pouvoir » (Jn 14,30). Or, le Christ Lumière est venu nous rejoindre dans nos ténèbres pour nous offrir sa Lumière : « Moi, Lumière, je suis venu dans le monde, pour que quiconque croit en moi ne demeure pas dans les ténèbres », mais « ait la Lumière de la Vie » (Jn 12,46 ; 8,12). Et tout ceci s’accomplit par le Don gratuit de l’Esprit ; en effet, « Dieu est Esprit » (Jn 4,24), « Dieu est Lumière » (1Jn 1,5). Qui reçoit l’Esprit reçoit la Lumière, et la Lumière ne peut que chasser les ténèbres des cœurs qui l’accueillent avec confiance et simplicité : ils s’abandonnent à elle, ils la laissent accomplir son œuvre dans leur cœur et dans leur vie. Alors, ils ne pourront que constater que « les ténèbres s’en vont » et que « la véritable Lumière brille déjà » (1Jn 2,8). Car « déjà », dès maintenant, par leur foi et dans la foi, ils vivent en communion avec ce Dieu qui est Lumière toujours offerte à leurs ténèbres, Miséricorde toujours offerte à leur misère, Force toujours offerte à leur faiblesse… Crucifix égliseDe cœur, jour après jour, ils essayent de vivre vraiment leur foi en laissant le Christ Sauveur accomplir son œuvre de salut dans leur vie… Alors, dès maintenant, ils vivront « la Bonne Nouvelle » du « Jugement de Dieu » qui juge, condamne, expulse le Prince de ce Monde et ses ténèbres, mais aime, accueille, guérit, console le pécheur qui s’abandonne en sa Tendresse. Alors, quiconque s’en remet « aux entrailles de Miséricorde de notre Dieu » (Lc 1,78), n’est pas jugé-condamné car Dieu ne condamne jamais le pécheur son enfant. La seule chose qu’il désire c’est sa vie, la seule chose qu’il espère c’est sa conversion. Aussi ne cesse-t-il de le chercher (Lc 15,4-7 ; 19,10), de l’attirer à Lui (Jn 6,44 ; 6,65 ; 12,32), de frapper à la porte de son cœur (Ap 3,20), d’attendre son retour (Lc 15,20-24)… Quelle joie sera alors la sienne quand il acceptera de lui dire « oui », de se laisser aimer, combler, gratuitement… Alors le Père lui enlèvera sa robe de misère pour lui donner la plus belle robe du Ciel, il guérira toutes ses blessures, il remplira sa pauvreté reconnue, acceptée et offerte de sa Richesse, ses ténèbres de sa Lumière, sa mort de sa Vie…

 

            Ainsi, nous voyons que pour Dieu, juger, c’est condamner le mal et les ténèbres, certes, mais pour sauver le pécheur… Car le mal fait mal à celui qui l’accomplit. Il séduit, il se présente sous un beau visage, il promet le bonheur, mais tout en lui n’est que mensonge… Et le résultat final pour celui qui se laisse prendre n’est que « souffrance et angoisse » (Rm 2,9). Mais Dieu ne supporte pas de voir ses enfants abîmés, blessés, souffrants et malheureux… Aussi va-t-il se battre avec eux et pour eux contre ce mal qui leur fait du mal… Et ce combat, nous avons à le mener avec Lui, en lui remettant inlassablement tous nos échecs, et en nous relevant et en nous relevant encore grâce à sa Miséricorde chaque fois que nous avons pu défaillir… Alors, petit à petit, il nous affermira, nous permettra de le choisir avec toujours plus de détermination, et nous ne pourrons qu’expérimenter la Plénitude de sa Vie, de sa Paix, dès maintenant, dans la foi, en attendant de le voir au Ciel… « Le Jugement de Dieu » est donc pour nous pécheurs une « Bonne Nouvelle », car pour Lui, « juger », c’est nous sauver et nous délivrer de tout mal… A nous maintenant, soutenus par sa grâce, d’accepter de le laisser faire dans nos cœurs et dans nos vies… Offrons-lui « l’obéissance de notre foi » (Rm 1,5 ; 6,16-17 ; 10,16 ; 15,18 ; 16,19.26 ; Ac 5,32) en vivant vraiment la confiance…

 

Crucifix chapelle séminaire de Rennes« Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils, l’Unique-Engendré, afin que quiconque croit en lui ne se perde pas, mais ait la vie éternelle. Car Dieu n’a pas envoyé le Fils dans le monde pour juger le monde, mais pour que le monde soit sauvé par lui. Qui croit en lui n’est pas jugé ; qui ne croit pas est déjà jugé, parce qu’il n’a pas cru au nom du Fils Unique-Engendré de Dieu » (Jn 3,16-17 ; 8,1-11). 

 

            « Adorez donc Celui qui a fait le ciel et la terre et la mer et les sources » (Ap 14,7), quatre termes qui soulignent encore l’universalité de la perspective…

 

Crucifix de la chapelle du séminaire de Rennes

 

 Crucifix séminaire de Rennes           Ce « jugement-condamnation » du mal pour le salut des pécheurs repentants va maintenant être exposé par une conséquence concrète… Si le mal ne peut tenir devant Dieu, si Dieu est présent à l’histoire des hommes, alors, tôt ou tard, ce mal ne peut que s’écrouler. Et avec lui s’écrouleront tous ceux et celles qui tiennent à lui et refusent de se convertir, de se repentir… « Elle est tombée, elle est tombée, Babylone la Grande, elle qui a abreuvé toutes les nations du vin de la colère » (Ap 14,8). L’Ange annonce cette Nouvelle comme déjà accomplie, car ce n’est plus qu’une question de temps… « Babylone la Grande », c’est-à-dire l’empire romain, va s’effondrer… Et c’est bien ce qui arrivera… Alors, les persécutions contre les chrétiens cesseront… Bien plus, l’empereur Constantin, au quatrième siècle, se convertira et entraînera avec lui tout l’empire…

 

            « Elle qui a abreuvé toutes les nations du vin de la colère »… Nous voyons bien ici que « la colère » ne renvoie pas à « la colère de Dieu » en tant que telle, mais aux conséquences du péché, du refus de Dieu, de la désobéissance à Dieu… Dieu ne se met jamais en colère comme les hommes, qui, dans leur fureur, cassent, détruisent et sèment la désolation… « Mon peuple est cramponné à son infidélité. On les appelle en haut, pas un qui se relève ! Mais comment t’abandonnerais-je, Éphraïm… Mon cœur en moi est bouleversé, toutes mes entrailles frémissent… Je suis Dieu et non pas homme, au milieu de toi je suis le Saint, et je ne viendrai pas avec fureur » (Os 11,7‑9), même si humainement, ils le mériteraient bien… prodigueMais Dieu n’est pas ainsi… Il est le premier à mettre en œuvre les commandements qu’il nous donne : « Aimez vos ennemis, faites leur du bien » (Lc 6,27-35)… Tous les textes de l’Ancien Testament qui nous présentent un Dieu qui, dans sa colère, tape, frappe et punit sont donc « imparfaits et dépassés »[1], comme le déclare le Concile Vatican II. Ils reflètent une manière trop humaine de parler de Dieu… Et l’Esprit Saint, petit à petit, conduira les auteurs bibliques à modifier leur regard sur ce Dieu qui n’est que Tendresse et Miséricorde…

 

« Le vin de la colère » renvoie donc ici à tout ce mal et ces souffrances que l’empire romain, « Babylone la Grande », a semés de par le monde par ses guerres sans fin… Nous retrouvons ce sens en Jn 3,36, où la notion de « colère » décrit simplement les conséquences du refus de croire à la Bonne Nouvelle du Salut offert par le Christ : « Qui croit au Fils a la vie éternelle ; qui résiste au Fils ne verra pas la vie ; mais la colère de Dieu demeure sur lui ». Et Dieu, en Jésus Christ, est justement venu nous délivrer des conséquences du péché (ténèbres, mort, tristesse, mal-être…) car il ne peut se résoudre à nous voir demeurer dans ces ténèbres. Aussi nous a-t-il envoyé son Fils pour nous « sauver de la colère » (Rm 5,9), nous « délivrer de la colère » (1Th 1,10 ; 5,9 ; Ep 2,1‑10), c’est-à-dire nous arracher à toutes les conséquences de nos fautes, en nous donnant par amour tout ce dont nous étions privées à cause d’elles…


Coeur de Jésus- Paray le Monial
Nous retrouvons ce sens « colère de Dieu – fureur de Dieu / conséquences du péché » dans les lignes qui suivent… Ceux qui choisissent de faire le mal doivent aussi en assumer les conséquences… Ainsi, quiconque décide « d’adorer la Bête et son image » « boira le vin de la fureur de Dieu qui se trouve préparé, pur, dans la coupe de sa colère »… « Souffrance et angoisse à toute âme humaine qui fait le mal » (Rm 2,9)… Il ne peut en être autrement… Ces souffrances sont évoquées ici avec l’image du « feu et du soufre », un vrai « supplice »… Et pourtant, par amour, le Christ a voulu vivre en son cœur et en sa chair ces souffrances, ce « supplice », pour nous en délivrer… Mais nul ne prendra la décision de l’accueillir à notre place… Quel dommage pour les pécheurs qui le refusent ! Il est venu nous délivrer du fardeau de nos fautes, et eux ne veulent pas l’accueillir et entrer ainsi dans son repos… « A qui jura-t-il qu’ils n’entreraient pas dans son repos, sinon à ceux qui avaient désobéi ? » (Hb 3,18). « Non, point de repos ni le jour ni la nuit, pour ceux qui adorent la Bête et son image, pour qui reçoit la marque de son nom » (Ap 14,11). «Venez donc à moi, vous tous qui peinez et ployez sous le poids » de vos fautes, car par amour, je me suis chargé de toutes vos souffrances et de vos maladies (Mt 8,16-17). Venez – moi « et je vous soulagerai. Chargez-vous de mon joug et mettez-vous à mon école », acceptez de m’obéir et de me faire confiance, « car je suis doux et humble de cœur, et vous trouverez le repos pour vos âmes ». Car je suis « l’Agneau de Dieu qui enlève le péché du monde », et donc « la souffrance et l’angoisse » qui en sont les conséquences (Mt 11,28-30 ; Jn 1,29). Et à la place, je vous donnerai ma Paix (Jn 14,27), ma Vie (Jn 10,10) et ma Joie (Jn 15,11)…

 

Cette fidélité inébranlable du Christ, cette Présence Miséricordieuse offerte inlassablement à toutes nos infidélités, à toutes nos défaillances, pour notre bien, voilà le Roc sur lequel nous, fragiles et inconstants, nous pouvons construire la maison de notre vie, envers et contre tout… « La pluie est tombée, les torrents sont venus, les vents ont soufflé et se sont déchaînés contre cette maison, et elle n’a pas croulé : c’est qu’elle avait été fondée sur le roc » (cf. Mt 7,24-27). Visage de Jésus« Voilà donc ce qui fonde la constance des saints, ceux qui gardent les commandements de Dieu et la foi en Jésus », le Sauveur du monde, Celui qui nous entoure sans cesse de sa Tendresse et de sa Miséricorde pour que nous puissions prendre et reprendre grâce à Lui le Chemin de la Vie… « Heureux alors les morts qui meurent dans le Seigneur »… Unis à Lui dès cette terre par leur foi, ils vivent déjà mystérieusement de sa vie, ils connaissent sa Paix, ils expérimentent sa Force et sa Douceur… Bienheureux sont-ils déjà, un état qui ne pourra que déboucher dans le plein accomplissement de la Vie, au Ciel… C’est ce que Jésus déclarait à Marthe : « Je suis la Résurrection et la Vie. Qui croit en moi, même s’il meurt vivra ; et qui conque vit et croit en moi » sur cette terre, « ne mourra jamais » car il participe dès maintenant par sa foi et dans la foi à la vie éternelle… « En vérité, en vérité, celui qui croit a la vie éternelle » (Jn 11,25-26 ; 6,47)… Et quand il mourra, il passera dans la Plénitude de cette même Vie : « Heureux les morts qui meurent dans le Seigneur ; dès maintenant – oui, dit l’Esprit – qu’ils se reposent de leurs fatigues, car leurs œuvres les accompagnent » (Ap 14,13). Et leur œuvre la plus importante fut leur foi, leur confiance au Christ Sauveur par laquelle ils ont pu recevoir ce pardon que Dieu veut offrir à tous. Et avec ce pardon, « là où le péché avait abondé, la grâce a surabondé » (Rm 5,20)… Puis, leur vie de foi fut obéissance à cette grâce toujours offerte, une grâce qui leur a permis d’accomplir toute bonne œuvre (Ep 2,4-10 ; 1Co 15,9-10)… Elle était dans leur vie comme cette sève que le sarment reçoit de la vigne en décidant de demeurer attacher au cep, le Christ. Et cela est toujours possible, même lorsque nous nous détachons de lui par suite de nos faiblesses. Il suffit alors, aussi rapidement que nous le pouvons, d’accepter de nous laisser encore et encore aimer par cet Amour de Miséricorde qui ne cesse de nous entourer… Aussi, « demeurez en mon amour »… « Celui qui demeure en moi, et moi en lui, celui-là porte beaucoup de fruit ; car hors de moi vous ne pouvez rien faire » (Jn 15,4-5).

                                                                                                                  D. Jacques Fournier

[1] Dei Verbum (ch. 4 ; & 15) : « L’Ancien Testament » avait avant tout pour but de « préparer la venue du Christ Rédempteur de tous et du Règne messianique, pour l’annoncer prophétiquement » et le présenter « par diverses figures. Les livres de l’Ancien Testament présentent à tous, selon la situation du genre humain avant le salut apporté par le Christ, une connaissance de Dieu et de l’homme et des méthodes dont Dieu, qui est juste et miséricordieux, agit avec les hommes. 
Ces livres, bien qu’ils contiennent des choses imparfaites et provisoires, montrent pourtant la vraie pédagogie divine. Aussi ces mêmes livres, qui expriment un sens vivant de Dieu, dans lesquels sont dissimulés des enseignements élevés sur Dieu, une sagesse profitable sur la vie des hommes et de magnifiques trésors de prières, dans lesquels enfin est caché le mystère de notre salut, doivent être reçus avec piété par les chrétiens ».



Les compagnons de l’Agneau (Ap 14,1-5)

            Puis voici que l’Agneau apparut à mes yeux ; il se tenait sur le mont Sion, avec cent quarante-quatre milliers de gens portant inscrits sur le front leur nom et le nom de son Père.

(2) Et j’entendis un bruit venant du ciel, comme le mugissement des grandes eaux ou le grondement d’un orage violent, et ce bruit me faisait songer à des joueurs de harpe touchant de leurs instruments;

(3) ils chantent un cantique nouveau devant le trône et devant les quatre Vivants et les Vieillards. Et nul ne pouvait apprendre le cantique, hormis les cent quarante-quatre milliers, les rachetés à la terre.

(4) Ceux-là, ils ne se sont pas souillés avec des femmes, ils sont vierges; ceux-là suivent l’Agneau partout où il va; ceux-là ont été rachetés d’entre les hommes comme prémices pour Dieu et pour l’Agneau.

(5) Jamais leur bouche ne connut le mensonge : ils sont immaculés.

  

            st jeanLe Christ ressuscité apparaît à St Jean « sur la montagne de Sion », là où était le Temple du Seigneur, la Maison de Dieu. Mais ici, avec Lui, c’est le Temple Céleste, la Jérusalem Nouvelle qui s’offre à son regard, le Mystère accompli de la Communion de Dieu avec les hommes. « Cent quarante quatre mille » l’accompagnent, comme en Ap 7,4, un chiffre qui, souvenons-nous, renvoie à la multitude des hommes[1] de tous les temps que Dieu appelle au salut. Ils ne se sont pas laissés marquer du chiffre de la Bête ; ils ont dit « non » au mal, autant qu’il leur était possible… Et librement, ils ont accepté de tout cœur de dire « oui » à Dieu et à son œuvre, et ils se sont laissés marquer du sceau de l’Esprit (Ep 1,13-14 ; 4,30 ; 2Co 1,22). La promesse de Jésus s’est alors accomplie pour eux, ils sont bien avec Lui dans la Maison du Père, ce Mystère de communion en un seul Esprit (1Jn 1,1-4 ; Rm 14,17) : « Le vainqueur, je le ferai colonne dans le temple de mon Dieu ; il n’en sortira plus jamais et je graverai sur lui le nom de mon Dieu, et le nom de la Cité de mon Dieu, la nouvelle Jérusalem qui descend du Ciel, de chez mon Dieu, et le nom nouveau que je porte » (Ap 3,12). « Dieu est Esprit » (Jn 4,24) ; en recevant l’Esprit, ils ont reçu « le Nom de Dieu »[2]. Ils participent maintenant au Mystère de ce qu’Il Est (cf. Ex 3,14)… Tous ont reçu ce même Esprit, l’Esprit de Dieu. Par cet Esprit, ils sont en communion avec Dieu et entre eux : ils portent donc « le nom de la cité de Dieu » qui est « communion » (cf. Jn 10,30 ; 17,20-24)… De plus, le Père a ressuscité son Fils d’entre les morts par la puissance de ce même Esprit (Rm 1,4 ; 8,11). Tous ceux et celles qui reçoivent cet Esprit participent donc à la vie du Christ Ressuscité, déjà sur la terre dans la foi (Ep 2,4-6 ; Col 2,12-13), et bien sûr plus tard, dans la Plénitude du Ciel. Tous portent alors « le Nom nouveau » du Christ : « ressuscité »… Nous les retrouvons ici « portant inscrits sur leur front » le Nom de l’Agneau, le Christ, et celui de Dieu « son Père » et « notre Père » (Jn 20,17). « Dieu est tout en tous » (1Co 15,28), dans l’unité d’un même Esprit… Ils sont maintenant pleinement ses enfants « à son image et ressemblance » (Gn 1,26-28), vivants pleinement de sa Vie par le Souffle (Gn 2,4b-7) de l’Esprit qui vivifie (Jn 6,63 ; Ga 5,25)… Pour eux, le projet de Dieu sur tout homme est accompli… 

Christ en gloire. Tympan Vézelay

Vézelay, tympan intérieur, portail central du narthex

            Puis St Jean entend un « mugissement de grandes eaux » qui renvoie à une manifestation de Dieu Lui-même. Souvenons-nous : dans l’Apparition inaugurale, « la voix » du Christ Ressuscité était « comme la voix des grandes eaux » (Ap 1,15), c’est-à-dire comme celle de Dieu Lui-même (Ez 1,24 ; 43,2). Le Père est Dieu, le Fils est Dieu… Le Père et le Fils, bien que différents l’un de l’autre, sont « un » (Jn 10,30), dans la communion d’un même Esprit, d’une même Vie, d’un même Amour. Alors, dans ce Mystère de Communion, qui écoute le Fils écoute le Père (Jn 6,45 ; 8,28 ; 12,49-50)… Dans l’Ancien Testament, « le grondement de l’orage » (Ps 81(80),8) renvoie aussi aux manifestations divines, souvent évoquées par cette figure de l’orage ou du tonnerre (Ap 6,1 ; Ex 19,16.19 ; 20,18 ; Ps 77(76),19 ; 104(103),7). Mais ici, les 144 000, c’est-à-dire la multitude de tous les hommes de tous les temps ayant accepté de se laisser sauver par Dieu, unissent leur voix à celle de Dieu… Tous en fait chantent d’une seule voix dans ce Mystère de Communion qui les unit : Dieu sur son « trône », évoqué aussi avec l’image des « quatre vivants » (Ap 4,6), et « les Vieillards » (Ap 4,4) qui renvoient en fait aux 144 000 : la communion des saints (Ap 14,3)… Chacun est unique, chacun donne du sien, mais l’harmonie et la beauté de l’ensemble viennent de ce même Esprit que tous possèdent en Plénitude : Dieu Lui‑même bien sûr, Source de Toute Plénitude (Ep 3,14-21 ; 5,18 ; Col 1,18-20 ; 2,8‑10), et « les rachetés de la terre », les femmes et les hommes sauvés, chacun selon sa condition de créature… On pourrait dire que le résultat final, avec la collaboration de tous, est en fait « la voix de l’Esprit » (Jn 3,8), une voix qui s’unissait silencieusement à celle de Jésus lorsqu’il donnait au monde les Paroles qu’il avait reçues de son Père (Jn 3,34 BJ[3] ; 15,26 ; 1Jn 1,5,5-13). C’est pourquoi « jamais homme n’a parlé comme cela » (Jn 7,46). Et « ce cantique nouveau » que tous chantent d’une seule voix est un chant de louange qui célèbre le salut des hommes et la Vie de tous… « La harpe », dans les Psaumes, est en effet l’instrument de la louange par excellence (Ps 9,1 ; 33(32),2 ; 43(42),4 ; 57(56),8-10 ; 71(70),22…).


Christ Vézelay, tympan extérieur

Vézelay, tympan de la façade extérieure de la Basilique Ste Madeleine

            Comme nous le disions au tout début, « ces rachetés » ont choisi de se laisser racheter par Dieu. Jour après jour, ils lui ont offert leurs misères, leurs faiblesses, tout ce qui pouvait s’opposer à son amour… Et ils ont reçu en retour l’abondance de ses miséricordes (Rm 5,20 ; 2Co 1,3 ; 1P 1,3 ; Lc 1,49-50 ; 1,76-79) qui leur a permis de vivre, grâce à Lui, ce qu’ils n’auraient jamais pu vivre par eux-mêmes… En offrant jour après jour leur péché à « l’Agneau de Dieu qui enlève le péché du monde » (Jn 1,29), ils ont librement choisi de ne pas demeurer dans le péché… St Jean l’évoque avec l’image de la prostitution qui, dans l’Ancien Testament, renvoie au culte des idoles de toutes sortes (Jg 8,27 ; Lv 17,7 ; Ps 106(105),39 ; Jr 3,6 ; Ez 20,30 ; 23,19 ; Os 6,10…). En refusant que le péché ait le dernier mot dans leur vie, en s’abandonnant jour après jour entre les mains du Christ Sauveur, ils ne se sont pas définitivement « souillés avec des femmes ». Bien plus, ils ont retrouvé grâce à l’Eau Vive de l’Esprit Saint répandue sur eux en surabondance cette virginité de cœur qu’ils avaient perdue… En laissant le Christ avoir le dernier mot dans leur vie de pécheurs, d’êtres blessés, la prophétie d’Osée a pu pleinement s’accomplir pour eux : « Je te fiancerai à moi pour toujours ; je te fiancerai dans la justice et dans le droit, dans la tendresse et la miséricorde ; je te fiancerai à moi dans la fidélité, et tu connaîtras le Seigneur » (Os 2,21-22). La Bible de Jérusalem explique en note : « Ce verbe « fiancer » est utilisé dans la Bible uniquement à propos d’une jeune fille vierge. Dieu abolit ainsi totalement le passé adultère d’Israël, qui est comme une créature nouvelle » (cf. 2Co 5,17-21 ; Tt 3,4-7). « Ils sont vierges » déclare St Jean en Ap 14,4. Et, poursuit la note, « dans l’expression “ je te fiancerai dans (la justice) ”, ce qui suit la préposition “ dans ” désigne la dot que le fiancé offre à sa fiancée (même construction en 2 S 3,14). Ce que Dieu donne à Israël dans ces noces nouvelles ce ne sont plus les biens matériels de l’alliance ancienne, mais les dispositions intérieures requises pour que le peuple soit désormais fidèle à l’alliance. Nous avons déjà ici en germe tout ce qui sera développé par Jérémie et Ezéchiel : l’alliance nouvelle et éternelle (“ pour toujours ”, 2,21), la loi inscrite dans le cœur, le cœur nouveau, l’Esprit nouveau, (Jr 31,31-34 ; Ez 36,24-28). » 

Vézelay, fraternité monastique de Jérusalem en prière

Vézelay, Fraternité Monastique de Jérusalem en prière…

Mais en acceptant de s’abandonner avec confiance entre les mains du Christ, ils répondaient en fait à son appel pressant de se laisser aimer tels qu’ils étaient, avec toutes leurs faiblesses, leurs limites, leurs imperfections, leurs fragilités et leurs misères… Et jour après jour, fidèlement, l’Esprit du Christ les relevait et leur donnait inlassablement la possibilité de reprendre et de reprendre encore le chemin à sa suite : « ceux-là suivent l’Agneau partout où il va ». Et où va-t-il ? Vers la Plénitude de Lumière et de Vie que l’on trouve dans la Maison du Père, ce Mystère de Communion dans l’Esprit où Dieu veut que nous soyons, dès maintenant par la foi (Jn 17,24 ; 14,1‑3), et pour toujours au Ciel… Et c’est là où ils se retrouvent maintenant rassemblés dans un unique chant de louange… Dieu est heureux de leur bonheur, « il exulte pour eux de joie, il danse pour eux avec des cris de joie, comme aux jours de fête » (So 3,17-18 ; Lc 15,7). Et de leur côté, ils sont heureux de ce Bonheur de Dieu qui les remplit (Jn 15,10), et ils lui chantent à leur tour leur reconnaissance et leur joie…

         Sacré Coeur, Vézelay.

Sacré Coeur, Vézelay

Ils sont ainsi « les prémices pour Dieu et pour l’Agneau » en attendant la fin du monde et le rassemblement complet de toute l’humanité[4] qui, espérons-le, acceptera de répondre à la Miséricorde par la vérité d’une misère acceptée et offerte… C’est ainsi, en reconnaissant la vérité de leurs erreurs et de leurs mensonges passés, en les regrettant amèrement, qu’ils se retrouveront « saints et immaculés en Présence de Dieu dans l’Amour » (Ep 1,4) grâce à l’action purificatrice de l’Esprit Saint… Ils l’avaient reçu au jour de leur baptême, ils lui ont redit « oui » fidèlement tout au long de leur vie en acceptant de recevoir les sacrements de l’Eglise, et notamment ceux de la Réconciliation et de l’Eucharistie… Alors, au long des jours, de pardon en pardon, de grâce en grâce, la volonté du Seigneur s’est accomplie pour eux : « le Christ a aimé l’Église : il s’est livré pour elle, afin de la sanctifier en la purifiant par le bain d’eau qu’une parole accompagne ; car il voulait se la présenter à lui-même toute resplendissante, sans tache ni ride ni rien de tel, mais sainte et immaculée » (Ep 5,25-27 ; Ap 14,5).

                                                                                                                   D. Jacques Fournier

  

[1] Douze (les douze tribus d’Israël, et avec elles, tous ceux et celles qui ont vécu au temps de l’Ancienne Alliance) x Douze (les douze apôtres, et avec eux tous ceux et celles qui, après la mort et la Résurrection du Christ, ont vécu, vivent et vivront dans le régime de la Nouvelle Alliance, et cela jusqu’à la fin des temps) x 1000 (multitude innombrable).
[2] Dans la Bible, le nom d’une personne renvoie au Mystère de ce qu’elle est ; ainsi « être marqué du Nom de Dieu » c’est, quelque part, participer au Mystère de ce qu’Il Est. Et c’est bien ce qui arrive lorsque les croyants disent « oui » par leur foi et dans la foi au Don de Dieu, l’Esprit Saint… En recevant l’Esprit, ils participent par grâce à ce que Dieu est par nature, ils sont marqués de son Nom. Mais l’image dit encore plus : en portant le Nom de leur « Papa », leur vocation à devenir « enfant de Dieu », qui est la vocation de tout homme, s’accomplit pleinement… « Voyez quelle manifestation d’amour le Père nous a donnée pour que nous soyons appelés enfants de Dieu. Et nous le sommes! (…) Bien-aimés, dès maintenant, nous sommes enfants de Dieu, et ce que nous serons n’a pas encore été manifesté. Nous savons que lors de cette manifestation nous lui serons semblables, parce que nous le verrons tel qu’il est » (1Jn 3,1-2). 
[3] Jn 3,34 : « Celui que Dieu a envoyé (Jésus, le Fils Unique) prononce les paroles de Dieu, car il donne l’Esprit sans mesure ». 
[4] La Bible de Jérusalem donne en note pour « prémices » : « Vocabulaire sacrificiel. Les prémices représentaient toute la moisson (Dt 26,2), les premiers-nés toute la famille (Nb 3,12), etc. Les victimes offertes au vrai Dieu devaient être sans défaut, (Ex 12,5 ; 1 P 1,19). » Et elles le sont ici, vraiment, grâce à la Toute Puissance de la Miséricorde de Dieu : « Je verserai sur vous une eau pure, et vous serez lavés de toutes vos souillures » (Ez 36,25), dit le Seigneur…

AP – SI – Fiche 25 – Ap 14,1-5 : Cliquer sur le titre précédent pour accéder au document PDF pour lecture ou éventuelle impression.




Le Dragon transmet son pouvoir à la Bête (Ap 13,1-10)

            Alors je vis surgir de la mer une Bête ayant sept têtes et dix cornes, sur ses cornes dix diadèmes, et sur ses têtes des titres blasphématoires. (2) La Bête que je vis ressemblait à une panthère, avec les pattes comme celles d’un ours et la gueule comme une gueule de lion ; et le Dragon lui transmit sa puissance et son trône et un pouvoir immense. (3) L’une de ses têtes paraissait blessée à mort, mais sa plaie mortelle fut guérie; alors, émerveillée, la terre entière suivit la Bête. (4) On se prosterna devant le Dragon, parce qu’il avait remis le pouvoir à la Bête; et l’on se prosterna devant la Bête en disant :  Qui égale la Bête, et qui peut lutter contre elle ? (5) On lui donna de proférer des paroles d’orgueil et de blasphème ; on lui donna pouvoir d’agir durant quarante-deux mois ; (6) alors elle se mit à proférer des blasphèmes contre Dieu, à blasphémer son nom et sa demeure, ceux qui demeurent au ciel. (7) On lui donna de mener campagne contre les saints et de les vaincre; on lui donna pouvoir sur toute race, peuple, langue ou nation. (8) Et ils l’adoreront, tous les habitants de la terre dont le nom ne se trouve pas écrit, dès l’origine du monde, dans le livre de vie de l’Agneau égorgé. (9) Celui qui a des oreilles, qu’il entende ! (10) Les chaînes pour qui doit être enchaîné ; la mort par le glaive pour qui doit périr par le glaive ! Voilà qui fonde l’endurance et la confiance des saints.  

            Souvenons-nous : le Dragon est « l’antique Serpent, le Diable ou le Satan, comme on l’appelle, le séducteur du monde entier » (Ap 13,9). Jésus l’appelle le Mauvais (Mt 5,37 ; 6,13), « le Prince de ce monde » (Jn 12,31 ; 14,30 ; 16,11). St Paul parle du « dieu de ce monde » qui enténèbre le cœur, la pensée et l’intelligence (2Co 4,4) de ceux qui lui obéissent… Mais nul ne saurait comparer une créature de Dieu au Créateur lui‑même… Les actions, les manœuvres du Mauvais ne peuvent qu’être « petites » actions et « petites » manœuvres devant l’Infini du créateur… Aucune comparaison n’est donc possible entre le Serpent qui rampe sur la terre, et le Fils Unique qui vient du ciel… Le premier tremble devant le second, s’écrase et disparaît (Lc 8,28 ; Mc 1,23-26 ; Lc 4,33-37), comme les ténèbres ne peuvent que fuir et finalement disparaître devant la Lumière (Jn 1,4-5). En fait, le Serpent n’a d’autre poids que celui qu’on lui donne.  Dans son orgueil, il veut prendre le devant de la scène, il aime qu’on s’intéresse à lui, qu’on parle de lui, qu’on lui accorde de l’importance, une importance qu’il n’a pas devant le Seigneur…
victoire
Il est comme cette grenouille qui se gonfle démesurément pour faire peur… Mais une grenouille restera toujours une grenouille… Et le Seigneur est venu justement rétablir la vérité, remettre chacun à sa juste place et manifester sa Souveraineté sur ce monde des ténèbres… « Sur lui, il n’a aucun pouvoir » (Jn 16,11). Et puisque « la véritable Lumière brille déjà » dans le cœur de tous ceux et celles qui consentent à sa Présence (1Jn 2,8), les ténèbres ne peuvent que s’en aller. En effet, la mort et la résurrection du Christ sont déjà la victoire définitive de Dieu sur toutes les « Principautés, Puissances et Régisseurs de ce monde de ténèbres » (Ep 6,12 ; Col 2,15).  « Le Prince de ce monde est déjà condamné » (Jn 16,11) et les disciples de Jésus ont déjà vaincu le Mauvais (Jn 2,14) parce qu’ils ont accueilli la Parole du Christ, ils ont cru en elle… Et en accueillant cette Parole du Père transmise par le Fils, ils ont accueilli l’Esprit Saint qui se joint toujours à elle et qui a commencé à remplir leur cœur de sa Lumière… 

Esprit Saint

« En effet », nous dit Jean Baptiste, « celui que Dieu a envoyé », Jésus, « prononce les Paroles de Dieu car il donne l’Esprit sans mesure » (Jn 3,34). Qui accueille sa Parole accueille donc au même moment l’Esprit de ce Dieu qui est Esprit (Jn 4,24) et qui est tout en même temps « Lumière » (1Jn 1,5). Et cet Esprit de Lumière chassera bien vite les ténèbres des cœurs… A chacun ensuite d’essayer de son mieux de « garder sa Parole », car « garder la Parole », c’est « obéir à Dieu » qui « donne l’Esprit Saint à ceux qui lui obéissent » (Ac 5,32 ; Jn 14,15-17). « Garder la Parole », c’est donc « garder l’Esprit », veiller à demeurer de cœur dans la paix, ne pas éteindre sa Lumière en faisant ce qui est mal (1Th 5,19-22).
En agissant ainsi, soutenu par l’Esprit qui l’a libéré des chaînes de ses esclavages (cf. Jn 8,31-36 ; Ga 5,1 ; Rm 6,12-14), le disciple de Jésus décide librement et de tout cœur de suivre son Maître sur ses chemins de lumière (Jn 8,12 ; 12,46). Or, nous dit Jésus, « si quelqu’un me sert, qu’il me suive, et là où je suis, là aussi sera mon serviteur » (Jn 12,26). Et où est Jésus ? Uni au Père dans la communion d’un même Esprit, cet Esprit qui est tout en même temps Vie et Plénitude de Vie (Jn 6,63 ; Rm 8,2 ; 8,6 (TOB) ; fin de 2Co 3,6 ; Ga 5,25 ; fin de Ga 6,8 ; fin de 1P 3,18 ;fin de 1P 4,6 ; Ap 11,11), Lumière, Paix, Joie, Douceur (Ga 5,22-23)… Là est le vrai Bonheur… « Gloire, honneur et paix » à quiconque emprunte ce chemin… Mais qui se laisse emporter sur les chemins du mal ne pourra qu’être privé de tous ces biens… Au lieu de faire l’expérience d’une Plénitude discrète mais bienheureuse, il vivra un manque, un mal-être, un sentiment indéfini de vide, et donc une souffrance… « Souffrance et angoisse à toute âme humaine qui fait le mal » (Rm 2,9)… Notre vraie boussole intérieure est donc la paix sur laquelle il faut veiller comme sur un trésor, la paix qui est synonyme de Plénitude, la paix qui ne fait pas de bruit, qui est infiniment discrète et qui pourtant est déjà, quelque part, participation à la Plénitude de « l’insondable richesse du Christ » (Ep 3,8)… 
main 2
Récapitulons… Le mal fait du bruit, il veut occuper toute l’attention, il impressionne par sa force, sa violence, son aspect terrifiant… Il est rempli d’orgueil et de suffisance… Mais les apparences sont trompeuses… Il est en fait comme un colosse aux pieds d’argile, prêt à s’effondrer (Dn 2,31-45)… Dieu, Lui, est humble (Mt 11,29)… Il agit toujours dans la discrétion, la douceur et la paix … Face au mal, il semble faible… Apparemment écrasé, un instant, sa force silencieuse se révèle finalement invincible… 
Tel est le regard de foi que le disciple de Jésus s’est invité à porter sur les réalités qui l’entourent… Il demande une prière continuelle, « dans l’Esprit » (Ep 6,18), sa source inépuisable de tendresse, de miséricorde, de force, de douceur et de paix… Par cet Esprit, Dieu lui-même fait sa demeure dans son cœur (Jn 14,23), au sens où il l’établit dès maintenant, dans la foi et par sa foi, dans un Mystère de Communion avec Lui dans l’unité d’un même Esprit (Ep 4,1-6) : l’Esprit qu’il accueille en son cœur habite au même moment en Plénitude en Dieu Père, Fils et Saint Esprit… Or, sur Dieu et donc sur son Esprit, le Prince de ce monde n’a aucun pouvoir (Jn 16,11). Sa Lumière, par sa seule Présence, chasse les ténèbres (Jn 1,5)… Et c’est ainsi que le disciple de Jésus, par sa foi, peut triompher de tout mal…
colombe_677            Ainsi, notre préoccupation première ne doit pas être Satan, mais Jésus… Ce n’est pas à Satan qu’il faut donner de l’importance, mais à Jésus… Ce n’est pas de Satan qu’il faut parler, même pour inviter à se détourner de lui… C’est Jésus qu’il faut annoncer, c’est vers Lui qu’il faut tourner notre regard et notre cœur. Seul son Nom devrait habiter nos pensées… Plutôt que de se préoccuper de Satan, de le voir partout, d’avoir peur de lui (ce qui serait le signe d’un manque de foi[1]), il vaut mieux se tourner vers Jésus. « Il est avec nous tous les jours jusqu’à la fin du monde » (Mt 28,20), avec nous et pour nous1Co 1,30-31), offert à notre cœur pour que nous puissions bénéficier avec Lui des « fleuves d’Eau Vive » et de « paix » qu’il est venu nous offrir (Jn 7,37-39 ; Is 66,12). Alors, même si nous ne le voyons pas, nous le reconnaîtrons (Jn 14,21) par la qualité et l’intensité de cette vie qu’il nous apporte (Jn 10,10 ; 6,47 ; 20,30-31 ; 1Jn 5,13), par la paix qu’il nous communique (Jn 14,27), par le repos dans lequel il nous introduit (Mt 11,28-30 ; Hb 4,3.11). Discrétion toute puissante du Dieu Tout Puissant, face à celui qui s’agite et fait beaucoup de bruit, pour impressionner, faire peur, terroriser, alors qu’en définitive, il n’est rien… Alors que Dieu, Lui, Il Est (cf. Ex 3,13-15 ; Jn 8,24.28.58)… 

 

[1] Ceux qui ont peur se laissent impressionner ; en fait, ils ne voient que le mal : « Qui égale la Bête, qui peut lutter contre elle ? ». « Personne », pensent-ils, et ils se trompent… Ils oublient Dieu et ses serviteurs comme Mickaël dont le nom signifie : « Qui (est) comme Dieu ? » (cf. Ap 12,7-8). Et là, la seule réponse est : personne…

            Impressionnante… Telle est bien cette Bête « qui ressemble à une panthère, avec les pattes comme celles d’un ours et la gueule comme une gueule de lion » (Ap 13,2). Tout dit sa puissance et sa royauté : ses « dix cornes » et ses « dix diadèmes »… Mais si la corne est effectivement un symbole de force, le chiffre dix, tout en étant important, renvoie malgré tout à une puissance limitée… Cela est encore suggéré par l’expression : « on lui donna de mener campagne contre les saints et de les vaincre ; on lui donna pouvoir sur toute race, peuple, langue et nation » (Ap 13,7)… « On lui donna »… Ce n’est donc pas la Toute Puissance Libre et Souveraine de Dieu… Un jour ou l’autre, on lui reprendra, c’est-à-dire, la justice et la paix finiront toujours par triompher…
OLYMPUS DIGITAL CAMERA
            « Ses sept têtes » symbolisent les sept collines de Rome. La Bête de la mer est donc l’empire romain, avec sa puissante armée qui avait envahi à l’époque tout le monde connu, le bassin méditerranéen… « L’une de ses têtes paraissait blessée à mort, mais sa plaie mortelle fut guérie », et la Bible de Jérusalem écrit en note : « Allusion à quelque restauration de l‘empire momentanément ébranlé (Mort de César ? Troubles qui suivirent la mort de Néron ?). La Bête égorgée et guérie est une parodie du Christ mort et ressuscité. » Et en écrasant les peuples, en semant les inévitables souffrances et destructions des guerres de conquêtes, la Bête, l’empire romain, fait le jeu du mal, de Satan, le Dragon… C’est pourquoi l’auteur écrit : « le Dragon avait remis le pouvoir à la Bête ». 
            Et la Bête agit bien comme le Dragon : « paroles d’orgueil », le péché par excellence, « et de blasphème » : « sur sa tête, des titres blasphématoires » (Ap 13,1)… Elle blasphème car elle veut écarter Dieu et prendre sa place (cf. Lc 4,5‑8) : viendra « l’Adversaire, celui qui s’élève au dessus de tout ce qui porte le nom de Dieu ou reçoit un culte, allant jusqu’à s’asseoir en personne dans le sanctuaire de Dieu, se produisant lui‑même comme Dieu » (2Th 2,4). Les empereurs romains se faisaient d’ailleurs appeler « Sauveurs ». Certains se présentaient même comme l’incarnation des dieux, dieux eux‑mêmes, et ils se faisaient construire des temples. Mais seul le Christ est « Sauveur », « Fils Unique de Dieu », Dieu lui-même… Et il avait prévenu ses disciples : « Il surgira, en effet, des faux Christs et des faux prophètes, qui produiront de grands signes et des prodiges, au point d’abuser, s’il était possible, même les élus. Voici que je vous ai prévenus » (Mt 24,23-25)… 
Icône de la TrinitéCette Bête « se mit donc à proférer des blasphèmes contre Dieu, à blasphémer son nom et sa demeure, ceux qui demeurent au ciel » (Ap 13,5-6)… Si Dieu est Mystère de Communion de Trois Personnes divines, Père, Fils et Saint Esprit, dans l’unité d’un même Esprit, si Satan, l’Adversaire (2Th 2,3-4), s’attaque à Dieu, il ne peut donc au même moment que s’attaquer aussi à tous ceux et celles que Dieu, dans sa Miséricorde, a introduits dans son Mystère de Communion (Ep 2,18) par le pardon généreusement offert de toutes leurs fautes et le Don de l’Esprit Saint (Ac 2,38)…
D’où sa « campagne contre les saints » et son apparente victoire (Ap 12,7)… L’agneau aussi fut égorgé… Apparente victoire… Mais sa résurrection d’entre les morts a finalement manifesté la défaite de toutes les puissances du mal… « Ceux dont le nom se trouve écrit dans le Livre de Vie » (Ap 13,8), les disciples du Christ, participent dès maintenant, par leur foi et dans la foi à cette victoire : « Dieu, qui est riche en miséricorde, à cause du grand amour dont Il nous a aimés, alors que nous étions morts par suite de nos fautes, nous a fait revivre avec le Christ – c’est par grâce que vous êtes sauvés! –, avec lui Il nous a ressuscités et fait asseoir aux cieux, dans le Christ Jésus. Il a voulu par là démontrer dans les siècles à venir l’extraordinaire richesse de sa grâce, par sa bonté pour nous dans le Christ Jésus » (Ep 2,4-7). Et puisque Dieu veut que tous les hommes soient sauvés (1Tm 2,3-6), c’est cette Bonté, cet Amour et cette Miséricorde qu’il faut maintenant annoncer à temps et à contre-temps, pour que le plus possible de personnes puissent bénéficier du Mystère du « Livre de Vie »… Du côté de Dieu, leur nom y est déjà inscrit… Il leur reste juste à signer, à dire « oui » au Don déjà offert, une signature qui remplira de joie le cœur de Dieu (Lc 15,7.10 ; So 3,16‑17). En effet, dit Jésus, « je suis venu pour qu’on ait la vie, et qu’on l’ait en surabondance » (Jn 10,10)… Et tous ceux et celles qui acceptent de la recevoir, gratuitement, par amour, lui disent ainsi indirectement : « Merci, tu n’es pas venu pour rien, tu n’as pas souffert pour rien »… 
D. Jacques Fournier

 

AP – SI – Fiche 23 – Ap 13,1-10 : Cliquer sur le titre précédent pour accéder au document PDF pour lecture ou éventuelle impression.