La Sainte Trinité par P. Claude TASSIN (Spiritain)

  Commentaires des Lectures du dimanche 31 Mai 2015

 

 

Deutéronome 4, 32-34.39-40 (« C’est le Seigneur qui est Dieu, là-haut dans le ciel comme ici-bas sur la terre ; il n’y en a pas d’autre ») 

Le Deutéronome, c’est-à-dire « seconde Loi », reprend des traditions déjà connues par les premiers livres de l’Ancien Testament. Il est écrit par des sages, à une époque où Israël, déjà sédentaire, vit une crise de la foi. Certains d’entre nous perdent leurs racines religieuses parce qu’ils changent de lieu et de mode de vie. De même, les Israélites se demandent si le Dieu du temps où ils nomadisaient est encore utile. Les sages doivent donc faire parler de nouveau Moïse et réveiller la mémoire de la foi : « Interroge les temps anciens ! »

  Ils rappellent les signes et les prodiges par lesquels Dieu a fait passer Israël de l’esclavage jusqu’à la Terre promise. Il n’y a pas un Dieu d’autrefois, que l’on mettrait au rebut, et de nouveaux dieux, qui seraient plus utiles. Dieu est unique, « il n’y en a pas d’autre ». Parlant « du milieu de la flamme » du Sinaï, il s’est manifesté comme le Tout Autre. Mais il leur a bel et bien parlé. Ses « exploits terrifiants » ne visaient qu’à conduire ses amis au pays de la liberté, dans la mesure où ils se sont rangés à ses commandements et à ses ordres.

  Ce Dieu est celui qui nous a parlé par son Fils, qui nous parle par son Esprit. Ses commandements visent aussi à nous conduire vers la liberté. Mais, à partir de l’Ancien Testament, la découverte de la Trinité est *une révélation progressive. 

* Une révélation progressive. « L’Ancien Testament a clairement manifesté le Père, obscurément le Fils. Le Nouveau Testament a révélé le Fils et a insinué la divinité de l’Esprit. Aujourd’hui, l’Esprit vit parmi nous et il se fait plus clairement connaitre. Car il eût été périlleux, alors que la divinité du Père n’était point reconnue, de prêcher ouvertement le Fils et, tant que la divinité du Fils n’était point admise, d’imposer, si j’ose dire, comme une surcharge le Saint-Esprit » (saint Grégoire du Nazianze, 4e siècle).

Romains 8, 14-17 (« Vous avez reçu une Esprit qui fait de vous des fils ; en lui nous crions : Abba, Père ! ») 

Le mystère de la Trinité n’est pas une énigme, mais notre expérience de croyants : Dieu se situe envers nous comme Père. Son Esprit nous le révèle en refaçonnant notre être à l’image de son Fils. Pour Paul, « l’Esprit de Dieu » nous habite et se joint « à notre esprit ». Il oriente nos pensées comme un *ami particulièrement proche réussit à nous faire voir les choses à sa manière. Cet Esprit influence surtout notre façon de nous situer devant Dieu dans la liberté aimante et respectueuse qui fut celle de Jésus.

  Paul précise cette attitude par l’idée de filiation. Il songe aux grandes maisonnées antiques. S’y côtoient, d’une part, les esclaves soumis au maître, dont ils sont parfois les bâtards, et, d’autre part, les fils reconnus, libres et confiants en face du père. Ceux-là, à leur majorité, reçoivent l’héritage. Or l’Esprit fait de nous non des esclaves apeurés, mais des fils, frères du Christ. Car notre prière proclame « Abba (= « papa », en araméen), le Père », comme Jésus appelait Dieu (cf. Marc 14, 36) et comme nous le disons dans le Notre Père.

  Bref, dès à présent, grâce à l’Esprit, nous partageons la relation de Jésus avec son Père. Nous la vivrons pleinement, « dans la gloire » du Christ ressuscité, si nous acceptons de  « souffrir avec lui », pour que se vérifie notre fidélité. 

* Ami. « Une caractéristique de l’amitié, c’est d’accorder sa volonté à la volonté de l’ami (…) Observons toutefois que l’Esprit Saint ne meut pas les fils de Dieu comme des esclaves, mais comme des hommes libres. Or l’homme libre est celui qui, maître de lui-même, agit par décision personnelle, par volonté. L’Esprit Saint, lui, faisant de nous les amis de Dieu, nous incline à agir de telle sorte que notre action soit volontaire. Fils de Dieu que nous sommes, l’Esprit nous donne d’agir librement, par amour, et non servilement, par crainte » (Saint Thomas d’Aquin).

Matthieu 28, 16-20 (« Baptizez-les au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit ») 

La finale de l’évangile de Matthieu est le seul passage de l’Écriture à annoncer un baptême en la Trinité. D’ordinaire, il s’agit du baptême dans le Christ, parfois dans l’Esprit. (comparer Actes 1, 5 ; 2, 38 ou Galates 3, 27). Replaçons cette annonce trinitaire dans son cadre. 

Le rendez-vous sur la montagne 

La rencontre des disciples avec le Ressuscité se situe en Galilée, symbole du monde païen pour l’évangéliste, « sur la montagne ». Et le lecteur revoit, en fondu enchaîné, toutes les montagnes de l’évangile : celle où le démon proposait à Jésus tous les royaumes de la terre ; celle où le Maître proclamait les béatitudes ; et le mont de la Transfiguration où s’était manifestée par avance la gloire du Christ. Les disciples, qui avaient fui, se prosternent maintenant devant Jésus. Leur foi retrouvée ne se dégage pas encore du doute. Mieux que la traduction « Mais certains eurent des doutes », comprenons plutôt : » mais eux doutèrent. ‘Jésus ne fait rien pour les rassurer. Désormais, la foi reste un risque et c’est par l’engagement missionnaire que les disciples vaincront leurs doutes, en découvrant le pouvoir du Christ à travers les succès de la mission 

Le pouvoir universel du Christ ressuscité 

Daniel 7, 14 contemplait le Fils de l’homme céleste « à qui fut donné tout pouvoir ». À la fin de la Bible hébraïque, Cyrus déclarait : « Le Dieu du ciel m’a donné tous les royaumes de la terre » (2 Chroniques 36, 23). Ici, à la fin de l’évangile, nulle vision grandiose. Mais cette royauté universelle, évoquée en Matthieu 25, 31, Jésus affirme que Dieu l’en a désormais investi. Il faut en tirer les conséquences. 

Une mission universelle, concrétisée par le baptême 

« Allez faire disciples toutes les nations. » L’accent porte non sur une conquête géographique, mais sur l’ouverture à tous les groupes humains. Si Jésus a « tout pouvoir », tous les hommes pourront se fier à ce pouvoir. Pour Matthieu, la mission consiste en ceci : des disciples qui ont laissé l’enseignement de Jésus transformer leur vie partagent aux autres cette expérience.

  Cette mission aboutira à une communauté qui s’identifie par le rite d’un baptême « au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit ». Grammaticalement, il s’agit d’une formule d’appartenance. Une seule chose unira ces gens : ils misent ensemble leur existence sur le pouvoir universel de Jésus et sur ses commandements qui se résument en une loi d’amour. Dès lors, ils appartiennent au Père, au Fils qui a révélé le vrai visage de Dieu, et au Saint-Esprit qui, dans le Jourdain, a consacré le Fils pour sa mission (cf. 3, 16-17). 

L’horizon d’une promesse 

Vous qui doutez, conclut Jésus, risquez-vous au témoignage. Vous verrez des gens inattendus demander ce baptême. Alors, vous découvrirez qu’effectivement « tout pouvoir m’a été donné » et que « Moi, avec vous Je Suis ». Le Ressuscité reste à jamais présent comme l’Emmanuel, « avec-nous-Dieu  », comme l’annonçait le début de l’évangile (cf. Matthieu 1, 23). 

  Par le baptême, nous appartenons à un Dieu que notre vie spirituelle nous révèle comme Père, Fils et Esprit. Cette Trinité n’est pas un mystère abstrait, c’est une expérience que nous découvrons par Jésus, à l’écoute de son évangile.

 

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