Introduction à l’Evangile selon St Luc

1 – Auteur, date et lieu de rédaction

       Parole de dieu     L’Evangile lui-même ne donne aucune indication quant à son auteur… Par contre, des textes anciens parlent de St Luc :

  • Le « canon de Muratori », écrit très certainement à Rome vers la fin du 2°siècle après Jésus Christ : « Le troisième livre de l’Evangile est selon Luc. Luc est ce médecin qui, après l’ascension du Christ, fut emmené par Paul comme compagnon de voyage et qui écrivit en son nom selon sa pensée ; cependant, il ne vit pas lui-même le Seigneur en sa chair ; pour cela, il commence son récit à partir de la naissance de Jean ».

  • Irénée, premier Evêque de Lyon, écrit vers 180 après Jésus Christ : « Luc, le compagnon de Paul, a consigné en un livre l’évangile que celui-ci prêchait ». Il dit ailleurs qu’il aurait écrit après la mort de Paul.

  • Clément d’Alexandrie (mort vers 210-215 après Jésus Christ) justifie son affirmation que le Christ est né sous Auguste en disant : « C’est écrit dans l’Evangile de Luc ». Et il compare la relation que Marc avait avec Pierre à celle de Luc avec Paul.

  • Dans le Prologue antimarcionite (écrit du début du 4° siècle après Jésus Christ contre l’hérésie développée par Marcion : il rejetait le « Dieu de l’Ancien Testament » pour ne retenir que « le Dieu de Jésus Christ »… Cette position est extrême car l’Ancien Testament prépare la venue du Christ et permet de mieux le découvrir. Par contre, il est vrai qu’il contient des affirmations « dépassées et imparfaites » (Concile Vatican II) qui témoignent du lent cheminement d’Israël, à la lumière de l’Esprit Saint, vers la vérité toute entière…).

St Luc peignant Marie (Rogier van der Weyden, environ 1440 ao.JC

St Luc peignant la Vierge Marie (Rogier van der Weyden, environ 1440 av.JC).

Ce « Prologue antimarcionite » nous présente donc St Luc comme un « Syrien originaire d’Antioche, médecin, disciple des Apôtres ; plus tard, il a suivi Paul jusqu’à son martyre. Servant le Seigneur sans faute, il n’eut pas de femme, il n’engendra pas d’enfant, il mourut en Béotie, plein du Saint Esprit, âgé de 80 ans. Ainsi donc, comme des évangiles avaient déjà été écrits, par Matthieu en Judée, par Marc en Italie, c’est sur l’inspiration du Saint Esprit qu’il écrivit dans les régions de l’Achaïe (Grèce) cet évangile ; il expliquait au début que d’autres (évangiles) avaient été écrits avant le sien, mais qu’il lui avait paru de toute nécessité d’exposer à l’intention des fidèles d’origine grecque un récit complet et soigné des évènements »…

            A ces quelques éléments de la tradition, ajoutons le fait que le Livre des Actes des Apôtres, qui décrit l’expansion de l’Eglise primitive grâce au dynamisme de l’Esprit Saint, a été lui aussi écrit par St Luc. Au départ, il l’avait voulu comme la suite logique de son Evangile et les deux ouvrages n’en formaient qu’un seul. Mais très vite, l’Eglise primitive sépara tout ce qui concernait plus spécialement la vie et le ministère de Jésus, sa Passion, sa mort et sa Résurrection pour l’associer aux trois autres Evangiles, ceux de St Matthieu, de St Marc et de St Jean.

          miniature  Nous avons vu que la tradition nous parle souvent d’un lien entre Luc et Paul. De fait, le Livre des Actes des Apôtres nous transmet un certain nombre de passages où l’auteur emploie des « nous » qui l’associent à St Paul (Actes 16,10-17 ; 20,5‑21,18 ; 27,1‑28,16). Ces textes semblent donc confirmer que St Luc était bien un compagnon de voyage de St Paul dans les années 55-60. Enfin, notons que la finale de la lettre aux Colossiens, écrite par St Paul ou l’un de ses disciples, parle de St Luc en termes de « cher médecin » : « Vous avez les salutations de Luc, le cher médecin, et de Démas » (Colossiens 4,14 ; cf. Philémon 24 et 2Timothée 4,11).

            Comme tous les auteurs du Nouveau Testament, St Luc écrit en grec, mais c’est lui qui a le plus beau style. « On peut en conclure », écrit François Bovon, « qu’il a fait de bonnes études… A mon avis, Luc est un Grec qui s’est tourné de bonne heure vers la religion juive. Il appartient à ce milieu de sympathisants que l’on caractérisait comme « craignant Dieu ». C’est dans ce milieu qu’il apprit à connaître l’Evangile et qu’il devint chrétien. Comme il le dit clairement dans le prologue, il appartient à la seconde ou à la troisième génération de l’Eglise et n’a donc pas de souvenirs personnels ni de contact direct avec les évènements qu’il relate » (L’Evangile selon Saint Luc (Genève 1991) p. 27). Contrairement à St Matthieu, St Marc et St Jean, St Luc n’a donc pas connu Jésus pendant sa vie terrestre, il ne l’a pas suivi sur les routes de Palestine… Il l’a rencontré dans la foi, comme nous, et il a découvert « les entrailles de Miséricorde » d’un Dieu tout spécialement attentif aux petits, aux pauvres, aux pécheurs, aux méprisés. Aussi, décrit-il le Christ, son Seigneur, avec beaucoup de respect et d’admiration en soulignant souvent sa majesté, la grandeur de son oeuvre de Salut et la joie qu’il ne cesse de semer autour de Lui. St Luc, qui n’a pas connu le Christ « en sa chair », est aussi l’Evangéliste qui met le plus en relief le rôle de l’Esprit Saint et l’importance de la prière, en nous offrant très souvent comme exemple le Seigneur Jésus Lui-même.

Joie-de-l-Evangile

2 – Les destinataires de l’Evangile              

            Si François Bovon s’imagine St Luc rédigeant son Evangile « installé sur le pont d’un bateau ou dans une maison accueillante » (L’œuvre de Luc (Lectio Divina 130, Paris 1987) p. 24-25), d’autres le voient écrivant en Grèce, à Antioche ou à Rome. Pierre Marie Beaude (Qu’est ce que l’Evangile ? (Cahiers Evangiles 96, Paris 1996)) constate en tout cas que « bien des indices pointent vers des croyants de culture grecque, peu familiers – comme St Luc, semble-t-il – de la Palestine ».

            Retenons trois exemples :

            a) Dans la guérison du paralytique, Luc parle d’un toit en tuiles de type gréco-romain, bien différent de ceux de Palestine faits de branchages et de terre battue (comparer Luc 5,19 et Marc 2,4).

            b) Luc explique la coutume de monter à Jérusalem pour la fête de la Pâque (Luc 2,41-42), ce qui, pour un Juif, est une évidence.

            c) Il précise enfin, comme on le ferait pour des interlocuteurs grecs, qu’Arimathie est « une ville juive » (23,51).

 

Le plan des deux premiers chapitres de l’Evangile selon St Luc 

 

            ookSyoGy1qcLMs6qDrdshq13LNIUn rapide regard sur ces deux premiers chapitres permet de découvrir deux personnages principaux : Jésus et Jean‑Baptiste. Tout s’articule et s’organise autour d’eux: annonciations de la naissance de l’un et de l’autre, rencontre des deux futures mères (la Visitation), puis récits de leur naissance. Une telle façon de faire permet de comparer ce qui est dit de Jésus avec ce qui a été dit de Jean-Baptiste. Si les parcours se ressemblent, des différences apparaissent : elles laissent percevoir toute l’originalité du mystère de Jésus, lui qui est tout à la fois vrai Dieu et vrai homme.

             A) Les deux annonciations (1,5-56)

Annonce de la naissance de Jean

(1,5-25)

Annonce de la naissance de Jésus

(1,26-38)

Présentation des parents

Apparition de l’Ange

Trouble de Zacharie

« Ne crains pas… »

Annonce de la naissance

Question: « Comment le saurai-je? »

Réponse – Réprimande de l’ange

Signe: « Voici que tu seras muet… »

Silence contraint de Zacharie

Départ de Zacharie

Présentation des parents

Entrée de l’Ange

Trouble de Marie

« Ne crains pas… »

Annonce de la naissance

Question: « Comment cela se fera-t-il? »

Réponse – Révélation de l’ange

Signe: « Voici que ta cousine… »

Réponse spontanée de Marie

Départ de l’Ange

Episode complémentaire: La visitation (1,39-56)

avec le Magnificat (1,46-55) et en conclusion le retour de Marie à Nazareth (1,56)

           Jean%20A

             B) Les deux naissances (1,56 – 2,52)

Naissance de Jean (1,57-58)

Naissance de Jésus (2,1-20)

Joie autour de la naissance

avec des éléments de cantique en 1,58.

Joie autour de la naissance

Cantique des Anges et des bergers

Circoncision et manifestation

de Jean (1,57-80)

Circoncision et manifestation

de Jésus (2,21)

Première manifestation du Prophète

Cantique de Zacharie (Benedictus)

Conclusion: refrain de la croissance (1,80)

Manifestation du Sauveur à Jérusalem

Cantique de Syméon (Nunc Dimitis)

Episode d’Anne (1,36-38)

Conclusion: refrain de la croissance (2,40)

Episode complémentaire: Jésus au Temple parmi les docteurs (2,41-52)

avec en conclusion le refrain de la croissance (2,52)

                                                                                                                        D. Jacques Fournier

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