Le ministère de Jean-Baptiste : « Préparez le chemin du Seigneur ! » (Lc 3, 1-20)

 La vocation prophétique de Jean-Baptiste (Luc 3,1-6)

Jean Baptiste

(1)       L’an quinze du règne de l’empereur Tibère,

            Ponce Pilate étant gouverneur de la Judée,

            Hérode prince de Galilée,

            son frère Philippe prince du pays d’Iturée et de Traconitide,

            Lysanias prince d’Abilène,

(2)       les grands prêtres étant Anne et Caïphe,

            la parole de Dieu fut adressée dans le désert à Jean, fils de Zacharie.

(3)       Il parcourut toute la région du Jourdain ;

            il proclamait un baptême de conversion pour le pardon des péchés,

(4)       comme il est écrit dans le livre du prophète Isaïe :

            A travers le désert, une voix crie :

            Préparez le chemin du Seigneur, aplanissez sa route.

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(5)       Tout ravin sera comblé,

            toute montagne et toute colline seront abaissées ;

            les passages tortueux deviendront droits,

            les routes déformées seront aplanies ;

(6)       et tout homme verra le salut de Dieu.

            Luc commence par situer son récit dans l’Histoire en nous offrant une liste conséquente de personnalités importantes de son époque. Comme l’indiquent les notes de nos Bibles :

                        1 – L’empereur romain Tibère « a succédé à Auguste le 19 août de l’an 14 après JC. La quinzième année va donc du 19 Août 28 au 18 Août 29, ou, selon la manière de calculer les années de règne en usage en Syrie, de septembre-octobre 27 à septembre-octobre 28. Jésus est alors âgé d’au moins trente-trois ans, peut être même trente-cinq ou trente-six. L’indication du verset 23 – « Jésus lors de ses débuts avait environ trente ans » –  est approximative et souligne peut-être seulement que Jésus avait l’âge requis pour exercer une mission publique. L’ère chrétienne (fixée par Denys le Petit, au VIe siècle, à Rome) vient de ce qu’on a pris le chiffre de trente ans avec rigueur : les 29 ans accomplis de Jésus, retranchés de l’an 782 de Rome (15e année de Tibère), ont donné 753 comme début de notre ère ». Ce calcul est toujours à la base de notre calendrier actuel, mais Denys s’est trompé de quelques années… En effet, dans St Matthieu, nous voyons les Mages rencontrer le roi « Hérode le Grand », et lui demander « Où est le roi des Juifs qui vient de naître ? ». Aussitôt, pris de jalousie et de crainte pour son trône, il décidera de tuer tous les enfants de moins de deux ans « dans Bethléem et tout son territoire » (Matthieu 2,1-12). Or nous savons qu’Hérode le Grand est mort en l’an 4 avant JC. Jésus est donc né dans les années 6‑4 avant JC, ce qui explique le texte de la note de la Bible de Jérusalem : au début de son ministère, il était « alors âgé d’au moins trente-trois ans, peut être même trente-cinq ou trente‑six ».

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                        2 – Ponce Pilate fut « procurateur romain de Judée de 26 à 36 après JC ». Il est connu des historiens profanes comme Philon, Flavius Josèphe, et l’écrivain Tacite le mentionne dans ses œuvres. En 1961, lors de fouilles entreprises dans le théâtre romain de Césarée Maritime , on trouva pour la première fois, un fragment d’inscription : « Tiberium… (Pont)ius Pilatus… (Prae)fectus Iuda(icae) »…

                        3 – Hérode tétrarque de Galilée est « Hérode Antipas », fils d’Hérode le Grand et de Malthaké. Il exerça ses fonctions de 4 avant JC à 39 après JC.

                        4 – Philippe son frère fut tétrarque du pays d’Iturée et de Trachonitide, au nord est de la Galilée, de 4 avant JC à 34 après JC. Il était le fils d’Hérode le Grand et de Cléopâtre.

 

                  – Lysanias, tétrarque d’Abilène, au nord de la Galilée, est connu par deux inscriptions.

Famille-1

            Avec cette liste impressionnante de personnalités bien repérables dans l’histoire de ces contrées, St Luc insiste sur le mystère de l’Incarnation. Le Fils Unique de Dieu, « le Verbe », Celui qui existe depuis toujours et pour toujours (Jean 1,1-2 ; Philippiens 2,6-8 ; Jean 17,5) « s’est vraiment fait chair » (Jean 1,14) dans un pays donné, à une époque bien précise. Avec Lui, Dieu nous a visités au cœur de notre humanité en se faisant l’un de nous. Le Mystère de Dieu s’est donc révélé au cœur d’une relation humaine vécue entre Jésus, son Fils, et tous ceux et celles qu’il a rencontrés. En agissant ainsi, Dieu souligne l’importance de nos relations humaines, car c’est avec elle et en elle qu’il continue d’habiter notre monde. Ainsi, quiconque s’ouvre de tout cœur et avec bienveillance à son prochain, s’ouvre au même moment aux Mystères du Royaume. Car avec ce prochain, « créé à l’image et ressemblance de Dieu » par « le Souffle » de l’Esprit (Genèse 1,26-28 ; 2,4b-7), c’est Dieu Lui-même qu’il accueille. La démarche est identique. En effet, « si quelqu’un dit : « J’aime Dieu » et qu’il déteste son frère, c’est un menteur : celui qui n’aime pas son frère qu’il voit, ne saurait aimer le Dieu qu’il ne voit pas. Oui, voilà le commandement que nous avons reçu de lui : que celui qui aime Dieu aime aussi son frère » (1Jean 4,20-21). Et tel est bien le grand commandement de Jésus : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de tout ton esprit : voilà le plus grand et le premier commandement. Le second lui est semblable : Tu aimeras ton prochain comme toi-même.

commandementÀ ces deux commandements se rattache toute la Loi, ainsi que les Prophètes » (Matthieu 22,37-40). Et Jésus ne cessera d’insister sur l’identité de la démarche entre « aimer Dieu et aimer son prochain ». « Tout ce que vous avez fait aux plus petits de mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait ». Oui, « j’ai eu faim et vous m’avez donné à manger, j’ai eu soif et vous m’avez donné à boire, j’étais un étranger et vous m’avez accueilli, nu et vous m’avez vêtu, malade et vous m’avez visité, prisonnier et vous êtes venus me voir » (Matthieu 25,31‑46). Après sa résurrection, il dira à St Paul qui persécutait les chrétiens : « Je suis Jésus que tu persécutes » (Actes 9,4-5 ; 22,7-8 ; 26,14-15). Et lorsqu’il se présentera Vivant à Marie Madeleine, trois jours après sa mort et sa mise au tombeau, il prendra l’apparence d’un homme si ordinaire qu’elle le prendra pour « le jardinier » (Jean 20,11-18)… Les deux disciples d’Emmaüs le regarderont, eux, comme « un quelconque habitant de Jérusalem » (Luc 24,13-35). Et Pierre et Jean, qui le verront eux aussi au bord du lac de Tibériade, ne le reconnaîtront pas non plus immédiatement. Et pourtant, ils venaient de vivre avec lui pendant des années, et leur Maître n’était mort que depuis trois jours seulement… Jean sera d’ailleurs le premier, dans un regard de foi, à le reconnaître : « C’est le Seigneur ! », la seule parole que « le disciple bien aimé » prononce dans tout cet Evangile. Et tous vivront eux aussi cette reconnaissance dans la foi, une démarche qui, à première vue, est loin d’être évidente : « Aucun des disciples n’osait lui demander : « Qui es-tu ? », sachant que c’était le Seigneur » (Jean 21,1-14).

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            La leçon est donc claire. Le Fils a voulu nous rejoindre en se faisant l’un de nous, et il nous a révélé son Mystère au cœur de ces relations humaines qu’il a voulu vivre avec nous. Ressuscité, non seulement il continue de se présenter comme l’un de nous, mais en plus il apparaît avec une apparence différente de celle qu’il avait autrefois avec ses disciples… Et quand il les rejoint, il le fait toujours comme quelqu’un qui aurait besoin d’eux : « Donne-moi à boire » (Jean 4,7) avait-il dit autrefois à la Samaritaine. Ici, il demande à ses disciples (Jean 21,5) : « Mes enfants, n’auriez-vous rien à manger ? » « J’ai eu faim et vous m’avez donné à manger, j’ai eu soif et vous m’avez donné à boire » (Matthieu 25,35). La leçon est claire… Quiconque accueille un inconnu en étant prêt à répondre fraternellement à son besoin, c’est Jésus Lui-même qu’il accueille… Tel est le regard de foi où le Christ veut nous entraîner dans toutes nos relations humaines. Il s’est ainsi inséré dans l’Histoire pour valoriser notre histoire et donner un poids d’éternité à toutes nos rencontres. En agissant ainsi, il accomplit son Œuvre : construire une humanité « communion » à l’image et ressemblance de ce Dieu qui est Lui-même « Communion ». Son désir est que tous les hommes puissent vivre une authentique fraternité au cœur de laquelle le Père de tous agira en tous, par tous et pour tous… Telle devrait être l’unique famille humaine où chacun reçoit du « Père des Miséricordes » (2Corinthiens 1,3), par son Envoyé, « l’Agneau de Dieu qui enlève le péché du monde » (Jean 1,29 ; 6,47.57 ; 1Jean 5,13), cette unique Vie éternelle qui construit entre tous un Mystère de Communion dans « l’unité de l’Esprit » (Ephésiens 4,1-6), cet Esprit d’Amour (Romains 5,5) qui vivifie (Jean 6,63 ; Galates 5,25), purifie (1Corinthiens 6,9-11), pacifie (Galates 5,22-23 ; Romains 8,6 ; 14,17 ; 15,13 ; Ephésiens 2,17-18 ; 4,3 ; Colossiens 3,15)…

 Dieu-Amour

            Avec son Fils et par son Fils, Dieu s’est donc inséré dans l’Histoire. Il s’est fait en tout semblable à nous hormis le péché (Philippiens 2,6-8), non pas pour condamner le monde mais pour le sauver (Jean 3,16-17) en le réconciliant avec Lui (2Corinthiens 5,16-21), lui donnant ainsi d’entrer dans son Mystère de Communion et de Vie (Jean 17,20-23 ; Ephésiens 2,14-18 ; 1Jean 4,1-4). Cette initiative de venir nous rejoindre là où le péché nous avait conduits est celle d’un Dieu qui n’est que « Miséricorde Toute Puissante », comme l’a chanté la Vierge Marie (Luc 1,49-50). Ainsi, « l’Astre d’En Haut nous a visités dans les entrailles de Miséricorde de notre Dieu » (Luc 1,76-79). S’il est né du sein de Marie, nous le devons donc à « ces entrailles de Miséricorde » qui n’ont pas supporté de voir l’humanité se perdre sans réagir. Et tout ce que le Christ a dit ou fait par la suite, il l’a dit et fait « dans les entrailles de Miséricorde de notre Dieu », manifestant ainsi de quel Amour de Miséricorde nous sommes tous aimés par celui qui, jour après jour, ne désire et ne poursuit que notre bien (Jérémie 32,40-41). Ainsi, partout où Jésus passait, il faisait le bien (Actes 10,37-38), délivrant du péché tous ceux qui étaient emprisonnés dans ses filets, venant éclairer de l’intérieur nos ténèbres qui sont pourtant les conséquences de nos fautes, tout comme cette mort qu’il a vaincue par la Toute Puissance de l’Esprit de Vie…

 Jésus serviteur

            Cette perspective ne devra jamais être oubliée par la suite… Et de fait, toute l’œuvre de Jean Baptiste sera de préparer les chemins du Sauveur en apprenant aux foules à se reconnaître pécheur pour leur permettre de recevoir par la suite ce que le Christ est venu offrir à tous : le pardon de toutes nos fautes… Il viendra donc « dans toute la région du Jourdain, proclamant un baptême de repentir en vue de la rémission des péchés »…

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            En Luc 3,2, Jean-Baptiste est à nouveau présenté comme « le fils de Zacharie », et « Zacharie » signifie « Dieu se souvient ». Puis, en Luc 3,4, il évoquera sa vocation avec une citation du prophète Isaïe. « Dieu se souvient donc vraiment de son alliance » (Luc 1,72). Avec son Fils et par son Fils, il va maintenant accomplir toutes les promesses qu’il avait faites autrefois par ses prophètes. « Toutes les promesses de Dieu ont en effet leur oui en lui » (2 Corinthiens 1,20 ; Romains 15,8) par le don de « l’Esprit de la Promesse » (Ephésiens 1,13-14 ; Galates 3,13-14), cet Esprit Saint qui nous apporte toutes les grâces que Dieu veut nous communiquer…

        JB2    « Voix de celui qui crie dans le désert »… Jean-Baptiste se présente comme étant simplement « une voix » qui porte, proclame et fait entendre la Parole d’un Autre, ce Dieu qui l’a « envoyé rendre témoignage à la Lumière » et « préparer ainsi le chemin du Christ Seigneur », « Lumière du monde »  (Jean 8,12 ; 12,46). Le Christ lui aussi prêtera plus tard sa voix à la Parole de son Père, une voix bien humaine, comme celle de Jean-Baptiste, comme celle de nous tous si nous acceptons de mettre en pratique cet appel que le Christ lance à toute son Eglise : « Allez dans le monde entier, proclamez l’Evangile à toute la création » (Marc 16,15 ; cf. Marc 16,14-20 ; Matthieu 28,18-20).

Mais à la voix du Christ, à la voix de Jean-Baptiste, à la voix de l’Eglise se joint toujours une autre voix, silencieuse mais Toute Puissante, qui seule peut gagner les cœurs à l’Evangile, « la voix de l’Esprit Saint » (1Corinthiens 2,1-5). Jésus avait en effet bien conscience de donner l’Esprit Saint sans mesure lorsqu’il donnait ces Paroles qu’il avait reçues de son Père. En effet, « celui que Dieu a envoyé », disait-il, « prononce les Paroles de Dieu car il donne l’Esprit sans mesure » (Jean 3,30). Or, « l’Esprit », ou « le vent » (autre traduction possible du mot grec, pneûma), « souffle où il veut et tu entends sa voix, mais tu ne sais pas ni d’où il vient, ni où il va » (Jean 3,8)… Or cet Esprit est toujours synonyme de « vie », il est « l’Esprit qui vivifie » (Jean 6,63).

Esprit SaintLorsqu’il joint  « sa voix » à celle qui porte la Parole, il lui rend témoignage (Jean 15,26) en la transformant en « Parole de vie éternelle » (Jean 6,68), une « Parole vivante, efficace et plus incisive qu’aucun glaive à deux tranchants, qui pénètre jusqu’au point de division de l’âme et de l’esprit » (Hébreu 4,12). Sous son action vivifiante, les cœurs brûlent de son feu (Luc 24,32 ; Matthieu 3,11). Et c’est ainsi qu’il emporte l’adhésion de ceux et celles qui l’accueillent en s’ouvrant de tout cœur à la Parole qu’ils entendent… Jean-Baptiste a ainsi prêté sa voix à cette Parole de Dieu, tout comme Jésus… A nous maintenant de prendre le relais et de prêter notre voix à cette Parole que l’Esprit transforme toujours par son action en « Parole de vie éternelle ».  Alors, ceux et celles qui l’accueilleront recevront avec elle cette « vie éternelle » qui est participation, dès maintenant, à « quelque chose » de la Plénitude du Christ. Telles sont les prémices de ce Bonheur que Dieu nous promet en surabondance par-delà cette vie (Apocalypse 21,1-4), et qu’il est possible d’accueillir dès maintenant par notre foi et dans la foi (Matthieu 5,3 ; 13,16 ; 16,17). Mais pour cela, il faut que l’Evangile soit proclamé (Romains 10,12-17). Accepterons-nous donc de prêter notre voix à cette Parole de Vie pour semer du Bonheur autour de nous ?

            Jean-Baptiste accepte donc cette aventure et proclame la Parole de Dieu telle qu’elle fut transmise autrefois au prophète Isaïe. Mais maintenant, les temps sont accomplis et cette Parole va décrire une réalité qui, avec le Christ et par le Christ, s’offrira dorénavant dans l’aujourd’hui de l’Histoire, et cela jusqu’à la fin des temps…

            Or, en renvoyant au chapitre 40 du Livre d’Isaïe, Jean-Baptiste nous entraîne au début de la seconde grande partie de cet ouvrage, « le livre de la Consolation d’Israël ». Ses tout premiers mots sont en effet : « Consolez, consolez mon Peuple, dit votre Dieu, parlez au cœur de Jérusalem »… Le temps de la consolation est arrivé dans un contexte d’amour que suggère l’expression « parler au cœur », car celle-ci n’intervient dans la Bible que lorsqu’un amoureux s’adresse à celle qu’il aime ou vice-versa. Ainsi, par exemple, « le cœur de Sichem s’attacha à Dina, fille de Jacob, il eut de l’amour pour la jeune fille et il parla à son cœur » (Genèse 34,3).

Saint Esprit

            Mais pourquoi Israël a-t-il besoin d’être consolé, de quoi souffre-t-il ? Le contexte général du Livre d’Isaïe donne la réponse : Israël souffre des conséquences de son infidélité à son Seigneur. Dieu, par ses prophètes et notamment par Jérémie, leur avait dit de ne pas chercher à résister à Nabuchodonosor, Roi de Babylone. Mais ils n’écoutèrent pas la Parole du Seigneur, et ils allèrent demander de l’aide aux Egyptiens. Le résultat fut une terrible défaite qui aurait pu être évitée. Par leur reddition, la Judée serait devenue sans coup férir comme la Samarie, une province annexée à l’Assyrie, avec bien sûr un impôt à la clé. Maintenant, il en sera de toute façon ainsi… Mais Jérusalem est détruite. Ses remparts, ses palais, et jusqu’à la Maison de Dieu ne sont plus que pierres et cendres… Les morts se chiffrent par milliers, et les déportés à Babylone par dizaines de milliers… « Au bord des fleuves de Babylone nous étions assis et nous pleurions, nous souvenant de Sion ; aux saules des alentours nous avions pendu nos harpes. C’est là que nos vainqueurs nous demandèrent des chansons, et nos bourreaux des airs joyeux : « Chantez-nous, disaient-ils, quelque chant de Sion. Comment chanterions-nous un chant du Seigneur sur une terre étrangère ? Si je t’oublie, Jérusalem, que ma main droite m’oublie ! » (Psaume 137(136)). Et pourtant,  ils ne peuvent s’en prendre qu’à eux-mêmes : ils ont désobéi au Seigneur… Cette prise de conscience ne devait qu’accentuer encore leur détresse…

            Mais Dieu va les rejoindre, là où leur péché les avait conduits, pour les consoler ! Tel est le cœur de Dieu, « bouleversé » jusqu’au plus profond de lui-même par nos souffrances, fussent-elles les conséquences de nos fautes : « Mon peuple est cramponné à son infidélité. On les appelle en haut, pas un qui se relève ! Comment t’abandonnerais-je, Éphraïm, te livrerais-je, Israël? … Mon cœur en moi est bouleversé, toutes mes entrailles frémissent » (Osée 11,7-8). Et il viendra Lui-même, en Personne, pour les consoler des conséquences de leurs infidélités, pourvu qu’ils acceptent de les reconnaître, pour ensuite repartir avec Lui sur un autre chemin, celui de la Vie… Et si autrefois il fallait offrir un sacrifice pour obtenir le pardon de ses péchés, et donc payer l’animal offert un certain prix, Dieu déclare à Israël qu’il a déjà payé deux fois le prix de toutes ses fautes ! Le pardon est donc donné en surabondance… « Là où le péché a abondé, la grâce a surabondé » (Romains 5,20)…

Saint JeanAlors, « réconfortez, réconfortez mon Peuple, dit votre Dieu, parlez au cœur de Jérusalem et proclamez à son adresse que sa corvée est remplie, que son châtiment est accompli, qu’elle a reçu de la main du Seigneur deux fois le prix de toutes ses fautes » (Isaïe 40,1‑2). Alors, « les ravins de la mort » (Luc 3,5 ; Psaume 23(22),4), de nos ténèbres et de nos détresses seront « comblés » par la surabondance de sa Vie, de sa Lumière et de sa joie. « Les montagnes et les collines » de notre orgueil seront abaissées en faisant la vérité, une vérité qui est synonyme d’humilité… Or, « Dieu élève les humbles » (Luc 1,52)… « Les passages tortueux » de nos injustices, de nos mensonges, de nos trahisons « deviendront droits » car c’est Dieu Lui-même qui se propose de guérir nos cœurs compliqués et malades (Jérémie 17,10) en nous donnant de participer à sa droiture et à sa justice  (Osée 2,20-22 avec les notes de la Bible de Jérusalem). Et les « chemins raboteux », ces chemins de vie qui n’apportent que souffrances et malheur s pour ceux qui les empruntent, seront nivelés… Et tels sont bien, malgré leurs apparences trompeuses, les chemins du péché… En effet, comme l’écrit St Paul, « souffrance et angoisse à toute âme humaine qui s’adonne au mal » (Romains 2,9). Par contre, pour le pécheur qui acceptera de se convertir en remettant au Seigneur le fardeau de ses fautes, son chemin s’aplanira et il trouvera le repos pour son âme en recevant le pardon…

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            Ce début d’Isaïe 40 se retrouve également dans les autres évangiles pour éclairer la vocation de Jean-Baptiste (Matthieu 3,3 ; Marc 1,2-3 ; Jean 1,23) mais St Luc est le seul à le citer aussi longuement pour arriver à : « Toute chair verra le salut de Dieu » (Luc 3,6 ; Isaïe 40,5 ; 52,10). Nous retrouvons ici St Luc, le païen, qui a une conscience vive du salut universel que Dieu veut offrir à tout homme, qu’il soit Juif ou païen comme lui…

            Ce salut est d’ailleurs décrit dans les versets suivants du Livre d’Isaïe, avec l’annonce de la venue de Dieu en personne, « Voici votre Dieu ! », et l’image du Bon Pasteur qui lui est déjà appliquée : « Voici le Seigneur Dieu qui vient avec puissance, son bras assure son autorité ; voici qu’il porte avec lui sa récompense, et son salaire devant lui. Tel un berger il fait paître son troupeau, de son bras il rassemble les agneaux, il les porte sur son sein, il conduit doucement les brebis mères » (Isaïe 40,9-11). Telle est la Bonne Nouvelle qu’il faut crier à Jérusalem : Dieu vient rejoindre les Israélites en Babylonie, là où leurs infidélités les avaient conduits. S’ils l’accueillent, Il les prendra lui-même, les « portera avec lui », les « conduira avec douceur » et les ramènera en ce lieu qu’ils n’auraient jamais dû quitter, à Jérusalem, là où, pensaient-ils, Dieu avait « sa Maison »… Ils seront alors « sa récompense », le fruit de sa peine, « son salaire » et sa joie (Sophonie 3,14-17)… L’Histoire d’Israël devient ainsi comme une parabole de ce que Dieu fait pour chacun d’entre nous : inlassablement, il vient nous chercher là où nos fautes nous ont conduits. Et si nous acceptons de lui ouvrir notre cœur, il nous prendra, nous portera par son Esprit, et nous conduira jusqu’en « sa Maison », ce Mystère de Communion où le Père, le Fils et l’Esprit Saint sont unis l’un à l’autre dans la communion d’un même Esprit, d’une même Vie, d’une même Lumière, d’un même Amour…

 

dieu vous a choisisCette Bonne Nouvelle du Salut sera aussi annoncée dans le prophète Isaïe en ces termes : « Ton Dieu règne » (Isaïe 52,7). Le Christ la reprendra très souvent en disant : « Le Royaume des Cieux est tout proche » (Matthieu 3,2 ; 4,17 ; 10,7 ; Luc 10,8-11)… Ce Royaume est alors synonyme de « paix », de « joie », de « consolation » pour tous les pécheurs qui acceptent de se laisser sauver (Isaïe 52,7-10)… Comme le dit St Paul, il sera « justice, paix et joie dans l’Esprit Saint » (Romains 14,17)…

L’appel à la conversion (Luc 3,7-14)

            «dieu est lumière Le Seigneur Dieu est un Soleil », disait le Psalmiste (Psaume 84(83),12). « Dieu est Lumière » écrira St Jean (1Jean 1,5) et lorsqu’il évoquera le Mystère du Verbe au tout début de son Evangile, il dira : « En lui était la Vie et la Vie était la Lumière des hommes » (Jean 1,4)… La « Lumière » de Dieu peut donc aussi être évoquée en termes de « Vie », elle est « Vie ». Jésus dira d’ailleurs : « Je suis la Lumière du monde. Qui me suit ne marchera pas dans les ténèbres, mais il aura la Lumière de la Vie » (Jean 8,12). Puisque Dieu est Soleil, puisqu’il ne cesse de briller, quiconque se tourne vers Lui et lui ouvre son cœur ne peut que recevoir sa Lumière, une Lumière qui est Vie, dynamisme de Vie. Et cette Vie reçue lui permettra de poser des actes qui lui correspondent. Et si Jésus est Lumière, s’il est Vie, il disait aussi : « Apprenez de moi que je suis doux et humble de cœur » (Matthieu 11,29). La Lumière qui remplit son cœur est donc Douceur et Paix… S’il est venu nous communiquer sa Lumière par le don de l’Esprit qui est Lumière (1Jean 1,5 avec Jean 4,24 ; Ep 1,17-18) et Vie (Jean 6,63 ; Galates 5,25 ; Romains 8,2), il nous communiquera par ce même Esprit sa Douceur, sa Paix (Galates 5,22 ; Jean 14,27), son Amour (Romains 5,5 ; 2Tm 1,7). Cette Douceur ne pourra que nous pousser à la douceur dans nos relations avec ceux et celles qui nous entourent. Cette Paix nous permettra de devenir des artisans de paix, des semeurs de paix… Et grâce à son Amour, nous apprendrons jour après jour à aimer comme Lui aime… Ainsi, celui qui se tourne de tout cœur vers ce Dieu Soleil qui se donne ne pourra qu’accueillir en son cœur sa Lumière, sa Vie, sa Douceur, sa Paix et son Amour… Et si cet accueil est authentique, il ne pourra que s’exprimer dans son comportement envers les autres. « Il produira alors des fruits dignes de son repentir »…

            Jean-Baptiste commence ainsi par mettre en garde ses interlocuteurs qui pourraient se croire « justes » par le simple fait qu’ils sont « fils d’Abraham ». Ils pourraient penser qu’ils n’ont pas besoin de se convertir (cf. Lc 15,7). Mais attention, s’ils se déclarent « fils d’Abraham », ils devraient accomplir les œuvres d’Abraham « le croyant » (Genèse 15,6 ; Romains 4,3 ; Galates 3,6 ; Jacques 2,23 ; Hébreux 11,8-10), celui qui a su accueillir le don de Dieu par sa foi : « Si vous étiez enfants d’Abraham », disait Jésus à ceux qui ne croyaient pas en lui, vous feriez les œuvres d’Abraham. Or maintenant vous cherchez à me tuer, moi, un homme qui vous ai dit la vérité, que j’ai entendue de Dieu. Cela, Abraham ne l’a pas fait ! » (Jean 8,39-40).

prodigue « Les Fils d’Abraham » tout comme les païens sont donc des pécheurs que Dieu appelle à la conversion (Romains 3,9.19-20.23). Nous avons donc tous à nous repentir, à nous détourner du mal pour nous tourner vers le Seigneur et mener une vie qui soit digne de notre foi. Et si « un arbre ne produit pas de bon fruit » (Luc 3,9), si quelqu’un agit mal, son action témoigne du fait que son cœur n’est pas tourné vers le Seigneur. Il est alors vide de sa Lumière, de sa Vie, de sa Force et de sa Paix… Il est par contre rempli par toutes sortes de ténèbres, dont les fruits s’appellent haine, jalousie, violence et méchanceté…  Ainsi, « tout arbre bon », c’est-à-dire tout homme tourné de tout cœur vers Dieu et ouvert à sa Lumière qui est Bonté, « produit de bons fruits tandis que l’arbre gâté produit de mauvais fruits. Un bon arbre ne peut porter de mauvais fruits, ni un arbre gâté porter de bons fruits » (Matthieu 7,15-20). Et l’arbre qui ne produit pas de bons fruits est de fait « coupé » de la Source de toute Bonté, car « nul n’est bon que Dieu seul » (Luc 18,19). Il ne peut que connaître « le feu » intérieur de la souffrance, le mal-être des ténèbres et l’angoisse : « Souffrance et angoisse en effet pour toute âme qui fait le mal » (Romains 2,9)…

            Et à la question des foules, « que nous faut-il donc faire ? », Jean-Baptiste donnera quelques exemples de « bons fruits » qui manifestent un cœur de bonne volonté ouvert à Celui-là seul qui est bon : partager nourriture et vêtements avec ceux qui n’en ont pas, ne pas profiter de sa situation pour s’enrichir aux dépens des autres, ne pas voler, éviter toute forme de violence…

            Israël attendait le Messie… Inévitablement, cette question se pose en présence de Jean‑Baptiste : « Ne serait-il pas le Christ ? » Non, dira-t-il… Son « baptême d’eau » n’est qu’une étape préparatoire à l’accueil du Christ. Et tout de suite, l’œuvre essentielle de ce dernier est précisée : « Lui vous baptisera dans l’Esprit Saint et le feu ». Et le verbe « baptiser » en grec signifie « plonger, immerger ». Il vous plongera de cœur dans l’Esprit Saint, un Esprit qui est « feu », qui purifie « et nettoiera ainsi son aire ». Mais cet Esprit est aussi « Eau Vive » qui vivifie et permet au bon grain semé dans sa bonne terre de « porter du fruit au centuple » (Luc 8,8). Alors, il pourra « recueillir son blé dans son grenier »… C’est ainsi que, par l’Esprit, le Christ fera toutes choses nouvelles (Jean 3,3-8 ; 2 Corinthiens 5,17 ; Tite 3,4-7)…

 royaume de dieu

            Et telle est « la Bonne Nouvelle ». Même si le feu brûle, même s’il est difficile de quitter les chemins du péché, le but est la Plénitude de Vie que Dieu veut donner à tous. Par delà l’épreuve de notre conversion permanente, ce n’est rien de moins que la Paix de Dieu, sa Joie, sa Vie, sa Lumière et sa Gloire qui nous attendent… Et c’est toujours ce même Esprit Saint qui suscite en nous confiance (Galates 5,22) et espérance (Romains 15,13). Avec lui, nous possédons en effet dès maintenant « les arrhes du Royaume » (2Corinthiens 1,22 ; 5,5 ; Ephésiens 1,13-14), « les prémices » de la vie éternelle (Romains 8,23), « quelque chose » de cette Paix et de cette Vie qui nous seront données en Plénitude par delà notre mort (Colossiens 3,15). Puissions-nous chaque jour, à tout instant, travailler à notre salut en étant fidèle à cette grâce de Dieu toujours offerte qui nous apprend à renoncer à l’impiété (Tite 2,11-14) et à son salaire, la mort (Romains 6,23), pour pouvoir accueillir chaque jour davantage le don de la Vie…

 Jacques Fournier

Fiche 2M n°9 Lc 3,1-20 : Cliquer sur le titre précédent pour accéder au document PDF pour lecture ou éventuelle impression.

 

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