L’ultime ministère de Jésus à Jérusalem (Luc 19,28 – 21,38)

 

            En Luc 9,51, Jésus avait « pris résolument le chemin de Jérusalem » alors qu’il connaissait le sort qui l’attendait…  Maintenant, il arrive à ses portes, et se prépare à entrer dans la ville, assis sur un ânon, accomplissant ainsi la prophétie de Zacharie d’un Messie « juste, victorieux et humble » (Zacharie 9,9-10)…

jérusalemem au temps de Jésus

« Jérusalem », dans l’Evangile selon St Luc 

Pour St Luc, la ville de Jérusalem a une importance toute particulière. C’est d’ailleurs au cœur du Temple, dans « le Sanctuaire du Seigneur », que le récit commence avec la rencontre de Zacharie et de « l’Ange du Seigneur » dans la pièce appelée « le Saint », juste devant le rideau qui masquait l’unique entrée dans « le Saint des Saints », là où, croyait-on, Dieu siégeait en Roi de son Peuple Israël (Luc 1,5-25 ; Exode 26,31-34 ; Hébreux 9,1-5). Et c’est toujours à Jérusalem, « au lieu appelé Crâne », que Jésus mourra, offrant sa vie pour le salut du monde : « Père, pardonne-leur » (Luc 23,33-34). Ressuscité, il apparaîtra ensuite à Simon Pierre (Luc 24,33-34) et il invitera tous ses disciples à demeurer dans la ville jusqu’à ce qu’ils soient « revêtus de la force d’en-haut » en vue de leur mission future (Luc 24,49). Et le récit des Actes des Apôtres commencera à Jérusalem pour se terminer à Rome, considéré à cette époque comme la capitale du monde. La Bonne Nouvelle a alors accompli symboliquement sa course, elle qui devait être portée par les témoins du Christ mort et ressuscité, dans la force de l’Esprit, « à Jérusalem, dans toute la Judée et la Samarie, et jusqu’aux extrémités de la terre » (Actes 1,8 ; 28,11-31)…

jésus enseignant 2

Après sa naissance à Bethléem, Jésus sera tout de suite porté par Marie et Joseph à Jérusalem pour être présenté au Seigneur, « premier acte cultuel de Jésus dans la Ville Sainte » comme le fait remarquer une note de la Bible de Jérusalem. Et c’est bien à Jérusalem qu’il accomplira le dernier : il suivra « la voie de l’amour » et « se livrera pour nous en s’offrant en sacrifice d’agréable odeur » pour notre salut à tous (Ephésiens 5,1-2)… Syméon, dans le Temple, en recevant cet enfant dans ses bras, avait déjà reconnu en lui ce « salut » que Dieu a « préparé pour tous les peuples,  lumière pour éclairer les nations et gloire de son peuple Israël » (Luc 2,25-32). St Luc placera ensuite, juste avant le ministère de Jean-Baptiste et le début de celui de Jésus, l’épisode où le Christ, échappant à la vigilance de ses parents, restera « trois jours » dans le Temple de Jérusalem, « la maison de son Père ». Et à la fin de l’Evangile, Jésus, échappant par sa mort au regard de tous ses proches et de tous ses disciples, leur apparaîtra « trois jours » plus tard dans la splendeur de sa Résurrection… Et entre le début et la fin de l’Evangile, Jérusalem apparaît souvent comme le siège de la haine et du rejet de Dieu, elle qui « tue et lapide ceux qui lui sont envoyés » (Luc 13,33). C’est en effet à Jérusalem, au point le plus haut du Temple, que Jésus sera tenté par le diable de se détourner de son Père et de sa mission d’humble Serviteur souffrant (Luc 4,9-12). Moïse et Elie, au jour de sa Transfiguration, annonceront « son départ, qu’il allait accomplir à Jérusalem » (Luc 9,31). Et juste après, par amour de son Père et de tous les hommes, ses frères, « il prendra résolument le chemin de Jérusalem » (Luc 9,51), bien conscient du sort qui l’attend, mais aussi de l’extraordinaire fruit de salut qu’il offrira à l’humanité tout entière par l’offrande de sa vie (Luc 9,22). On retrouve cette détermination et ce courage au début de notre passage, lorsque St Luc nous présente Jésus « partant en tête, et marchant vers Jérusalem » (Luc 19,28) en Maître de cette Histoire où il apparaîtra pourtant très bientôt avec le visage de la faiblesse humaine ballottée et finalement écrasée par les puissants de ce monde… Mais « la faiblesse de Dieu est plus forte que les hommes » (1Corinthiens 1,25), car, dans cette apparente faiblesse, « son amour envers nous s’est montré le plus fort » (Psaume 117(116))… Et aujourd’hui, grâce à ce sacrifice librement consenti, notre faiblesse peut se découvrir, avec joie, toute remplie de sa force (2Corinthiens 12,7‑9).

« Jésus approcha de Bethphagé et de Béthanie, vers le mont dit des Oliviers »…

MontOliviers

            « Bethpahgé » signifie  « la maison des figues non mûres »[1]. On peut alors penser à ce figuier sans fruit qui, dans les épisodes parallèles de Marc et de Matthieu (Marc 11,12-14.20-24 ; Matthieu 21,18-22), renvoie à tous ceux qui, parmi les Juifs, refuseront de « porter ce fruit digne du repentir » (Matthieu 3,8) qui leur aurait permis de reconnaître et d’accueillir en Jésus « le Fils Unique de Dieu venu dans le monde non pas pour le condamner mais pour le sauver » (Jean 3,16-17). Hélas pour eux, ils ont préféré leurs ténèbres à Sa Lumière… Pourtant, Jérusalem, « maison des figues non parvenues à maturité » par manque de foi, sera aussi cette « Béthanie » que l’on peut interpréter soit par « maison des pauvres » ou par « maison d’Ananie ». Or « Ananie » signifie en hébreu « Yahvé a pitié », « le Seigneur fait miséricorde »… Et bientôt mourra à Jérusalem Celui qui, « de riche qu’il était, s’est fait pauvre pour nous enrichir par sa pauvreté » (2Corinthiens 8,9), une richesse que « les pauvres de cœur » (Matthieu 5,3) recevront du « Père des Miséricordes » (2Corinthiens 1,3) qui, par le sacrifice unique de son Fils, fera jaillir une surabondance de grâce là où le péché avait abondé (Romains 5,20)… Et des Fleuves d’Eau vive jailliront de son côté ouvert pour se répandre sur ceux-là mêmes qui, par leur violence, venaient de le mettre à mort (Jean 19,33-35 ; 7,37-39). Jérusalem devient ainsi la « Béthanie », le lieu où le Seigneur a fait Miséricorde, une Miséricorde destinée ensuite à se répandre sur le monde entier… Et c’est toujours à ascension du christBéthanie que l’Evangile se terminera avec l’Ascension du Christ qui « fut emporté au ciel alors qu’il bénissait » ses disciples (Luc 24,50‑53). Il passe ainsi du temps à l’éternité en bénissant, une attitude qui est le signe de cette bénédiction continuelle que le Dieu de Tendresse et de Miséricorde ne cesse de répandre depuis toujours et pour toujours sur tous les hommes, ses enfants, par Jésus, le Fils Unique (Jean 1,4-5 ; 1,9)… Il est bien celui qui « fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons et tomber la pluie sur les justes et les injustes » (Matthieu 5,45). Et en réponse à toute cette violence dont le Christ fut, hélas, l’objet, Dieu ressuscitera son Serviteur avant tout pour ceux-là mêmes qui viennent de le mettre à mort, et il l’enverra les bénir (Actes 3,26) ! Heureux alors celui qui saura « se détourner de ses perversités », du mal et des ténèbres, pour se tourner vers l’Amour… Il sera alors accueilli à « Béthanie », « la Maison du Père » (Jean 14,1-4), dans la Demeure de ce Dieu où nous pouvons « entrer grâce à son Amour » (Psaume 5,8), sa Tendresse, sa Miséricorde et sa Bienveillance.

Et la mention du « mont des Oliviers » (Luc 19,29) ne peut que renvoyer à cette huile d’olive pure qui était utilisée en « huile d’onction » lors de l’intronisation des Rois (1Samuel 16,1-13) et de la consécration des prêtres (Exode 29,4-9). L’image de l’onction était aussi utilisée pour évoquer la grâce de l’Esprit reçue par les prophètes en vue de la mission à laquelle Dieu les avait appelés (Isaïe 61,1-2 cité en Luc 4,18-19; et plus largement Isaïe 61-62). Et Jésus, « le Christ », « le Messie », « l’Oint du Seigneur » par excellence[2], s’offrira en sacrifice au pressoir de la croix (Isaïe 63,1-3a) pour que nous puissions tous avoir part à son Onction, l’Esprit Saint, qui sera pour chacun d’entre nous « une huile de joie au lieu d’un vêtement de deuil » (Isaïe 61,3). Lumière2Si, en effet, « le salaire du péché, c’est la mort, le don gratuit de Dieu, c’est la vie éternelle dans le Christ Jésus » (Romains 6,23). Cette Vie, qui a jailli en Fleuves du côté ouvert du Christ en Croix, nous est transmise, dans l’aujourd’hui de notre foi, par l’Esprit « Eau Vive » qui vivifie (Jean 19,33-35 ; 7,37-39 ; 4,10-14 ; 6,63 TOB) et qui est tout en même temps pour chacun d’entre nous pardon, purification, renouvellement, salut (Ezéchiel 36,24-30; Isaïe 12,3), force, paix, joie (Galates 5,22-23 ; 1Thessaloniciens 1,6) et bonheur profond (Isaïe 66,12-13) reçu avec d’autant plus de reconnaissance qu’il est avant tout destiné à ceux qui n’en sont pas dignes (Luc 5,8.31-32)…

 

L’entrée triomphale de Jésus à Jérusalem

l'entré de Jésus à Jérusalem

 

            Jésus, Roi (Jean 1,49 ; 18,37), Prêtre (Hébreux 4,14-16 ; 5,5-10) et Prophète (Jean 4,19.44) manifestera d’ailleurs très vite sa qualité de Prophète par cette Parole de Science qui lui vient de l’Esprit : « Allez au village qui est en face et, en y pénétrant, vous trouverez, à l’attache, un ânon que personne au monde n’a jamais monté; détachez-le et amenez-le. Et si quelqu’un vous demande : “ Pourquoi le détachez-vous ? ” Vous direz ceci : “ C’est que le Seigneur en a besoin ” » (Luc 19,30-31). Et tout se passera exactement selon sa Parole… L’obéissance des disciples aura permis son plein accomplissement…

            En montant sur cet ânon et en entrant ainsi à Jérusalem, Jésus se présente sans un mot comme celui qui accomplit la prophétie de Zacharie : « Exulte avec force, fille de Sion ! Crie de joie, fille de Jérusalem ! Voici que ton roi vient à toi : il est juste et victorieux, humble, monté sur un âne, sur un ânon, le petit d’une ânesse. Il retranchera d’Éphraïm la charrerie et de Jérusalem les chevaux ; l’arc de guerre sera retranché. Il annoncera la paix aux nations. Son empire ira de la mer à la mer et du Fleuve aux extrémités de la terre » (Zacharie 9,9-10). Or, à l’époque de Jésus, cette prophétie était lue à la lumière de l’attente de ce Messie Roi qui devait venir. Jésus se déclare donc indirectement, en silence, comme étant ce Roi promis… Tout le récit le souligne.  L’âne, en effet, était « l’ancienne monture des princes » (Note Bible de Jérusalem pour Zacharie 9,9 ; cf. Genèse 49,11 ; Juges 5,10 ; 10,4 ; 12,14. Comparer aussi 1Rois 1,38 à 1Rois 1,5). De plus, « l’ânon que personne au monde n’a jamais monté » suggère la dignité unique de celui qui, pour la première fois, s’assoira sur lui (cf. Jean 19,38-42), tout comme ces manteaux étendus sur son chemin comme autrefois pour le roi Jéhu (2Rois 9,13 ; 841-814 av JC), et bien sûr les acclamations : « Béni soit celui qui vient, le Roi, au nom du Seigneur ! Paix dans le ciel et gloire au plus haut des cieux ! » La foule des disciples reprend alors le verset 26 du Psaume 118 (117) en y rajoutant le titre de Roi…ChristRoi2

Et Jésus est bien ce Roi qui vient au nom du Seigneur et apporte « le salut » et « la victoire » données par Dieu, dans « la joie et l’allégresse », car « éternelle est sa Miséricorde » (cf. Psaume 118(117),22-29, Traduction grecque de la Septante)… Il luttera dans la douceur mais avec force pour extirper toute trace de violence parmi les hommes, invitant ses disciples à agir comme lui-même a agi (1Pierre 2,21-25). Frappés sur la joue droite, ils s’efforceront de tendre l’autre joue, ou de ranger l’épée lorsqu’ils seraient tentés de s’en servir (Matthieu 26,51-52 ; 5,39)… C’est ainsi que « charrerie, chevaux et arcs de guerre seront retranchés ». Et « il annoncera la paix aux nations » en répandant sa Paix (Psaume 29(28),11), un terme qui est synonyme de Plénitude, la Plénitude même de Dieu[3]… Cette Paix, c’est celle que Dieu veut donner depuis toujours à tous les hommes qu’il aime (Luc 2,14). Aussi, puisque l’humanité a perdu le chemin de sa connaissance, et avec elle la clef du seul vrai bonheur, le Père, par amour, va-t-il envoyer dans le monde son Fils, « l’Astre d’en haut », pour nous permettre de retrouver « le chemin de la paix » par « la rémission de nos péchés ». Grâce à ce pardon, expression d’un Amour qui ne s’arrête pas à la multitude de nos fautes mais ne cesse de vouloir le bien de l’être aimé, nous pourrons petit à petit « faire l’expérience du salut », c’est-à-dire de cette Lumière de Dieu qui est tout en même temps Vie (Jean 1,4 ; 8,12), et qu’il veut voir régner dans nos cœurs pour nous permettre de participer à la Plénitude de sa Vie.

Ainsi, grâce « aux entrailles de Miséricorde de notre Dieu », « l’Astre d’en Haut est-il venu visiter ceux qui habitaient dans les ténèbres et l’ombre de la mort » afin de « redresser nos pas »[4] pour nous aider à quitter nos chemins de mort, de tristesse et de souffrances, et nous permettre ainsi de retrouver avec Lui et grâce à Lui « le chemin de la Paix » (Luc 1,76-79)miséricorde divine… Syméon en fera l’expérience lorsqu’il accueillera l’enfant Jésus dans ses bras. Maintenant qu’il a reçu « la Consolation d’Israël », le « Salut » de Dieu (Luc 2,29-32), il peut « s’en aller dans la Paix » (Luc 2,29) . Et cette femme qui, « dans la ville, était une pécheresse », saura accueillir elle aussi, avec Jésus, le pardon de Dieu pour toutes ses fautes. Elle lui en témoignera une énorme reconnaissance « en arrosant ses pieds de ses larmes, en les essuyant avec ses cheveux, en les couvrant de baisers, en répondant sur eux du parfum ». Et Jésus lui déclarera : « Ta foi t’a sauvée ; va en paix » (Luc 7,36-50). Et il dira la même chose à cette autre femme, « souffrant de pertes de sang depuis douze années » et qui sera guérie de son mal par sa foi en lui (Luc 8,43‑48)… Or la maladie à l’époque était comprise comme la conséquence d’un péché (cf. Jean 9,1-3), et l’on pensait que la vie d’un homme était dans son sang (Lévitique 17,11.14). Cette femme symbolise donc ici l’humanité blessée par ce péché qui lui fait perdre la Vie de Dieu… Mais elle pourra la retrouver avec le Christ, en acceptant de recevoir le pardon de toutes ses fautes. Avec Lui et par Lui, Dieu est en effet venu dans le monde pour le réconcilier avec Lui et l’introduire, par son Pardon, dans la Plénitude de son Mystère de Communion et de Vie… Accepterons-nous de nous laisser aimer tels que nous sommes, de nous laisser pardonner, d’aller à Lui avec « notre poids de péché » ? Nous ne pourrons alors que constater que, si « nos fautes ont dominé sur nous, Lui, il les pardonne » (Psaume 65(64),3-4). Et c’est grâce à ce pardon sans cesse offert et humblement reçu que nous pourrons envers et contre tout, demeurer fidèles à l’Amour malgré, hélas, toutes nos infidélités… « Si tu retiens les fautes, Seigneur, Seigneur qui subsistera ? Mais près de toi se trouve le pardon, pour que l’homme te craigne. Oui, près du Seigneur est l’Amour » et puisque cet Amour n’est que Miséricorde[5], « près de Lui abonde le rachat » (Psaume 130(129)). Et de pardon en pardon, de nouveau départ en nouveau départ, nous grandirons petit à petit dans l’amour, la fidélité et la reconnaissance envers celui qui, par son Pardon, nous ouvre les portes de sa Vie, une Vie que nos péchés nous avaient fait perdre… Et nous louerons Celui qui « nous arrache sans cesse à nos ténèbres pour nous transférer dans le Royaume de son Fils bien-aimé » (Colossiens 1,13‑14) ? Nous découvrirons et redécouvrirons jour après jour à quel point « le Seigneur fait tout pour nous ! Seigneur, éternel est ton amour, n’arrête pas l’œuvre de tes mains » (Psaume 138(137),8)[6]. D’où l’appel pressant de St Paul : «  Laissez-vous réconcilier avec Dieu. Celui qui n’avait pas connu le péché, Il l’a fait péché pour nous, afin qu’en lui nous devenions justice de Dieu » (2Corinthiens 5,20-21)…

 Jésus tête de l'Eglise

Par amour, le Christ a voulu s’unir à nos ténèbres pour que nous puissions être unis à sa Lumière et à sa Vie ! Ainsi, grâce à Lui, grâce à son œuvre d’Amour, il nous est possible de devenir ce que nous n’aurions jamais pu être par nous-mêmes, « saints et immaculés en sa Présence dans l’Amour » (Ephésiens 1,4)… Il suffit de se laisser aimer… Et cette œuvre folle aux yeux des hommes (1Corinthiens 1,17-31) s’accomplira bientôt en cette ville où, pour l’instant, le Christ est accueilli dans la joie. Mais hélas, comme souvent dans les Evangiles, l’attente des foules est entièrement focalisée sur un roi terrestre qui saura rétablir, en cette période d’occupation par les Romains, l’indépendance et la souveraineté d’Israël. Terrible quiproquo que Jésus n’est pas arrivé à dissiper, même parmi ses disciples (cf. Luc 24,19-21 ; Marc 8,27-33 ; 9,34 ; 10,37 ; Actes 1,6) et qui conduira finalement ce Peuple déçu dans son attente à crier devant Pilate : « Crucifie-le ! Crucifie‑le ! » (Luc 23,21). Mais c’est justement à travers ce chemin d’incompréhension que Jésus manifestera avec le plus MGR123.inddd’intensité l’Amour du Père, en acceptant de mourir de la main des hommes pour leur permettre de recevoir le fruit de son offrande, leur salut à tous ! C’est ainsi que « la pierre qu’ont rejetée les bâtisseurs est devenue la pierre d’angle » par son rejet même (Psaume 118(117),22), accepté, vécu et offert par amour (Jean 10,14‑18)… Et St Luc accentue ici ce rejet de la part de la majorité de la population de Jérusalem en précisant que seule « toute la multitude des disciples » l’acclamait… Les habitants de la ville ne sont donc pas venus l’accueillir… « Quelques pharisiens » semblent pourtant ne pas appartenir au groupe des disciples de Jésus qu’ils appellent « tes disciples » lorsqu’ils interviennent auprès de lui pour lui demander de « les réprimander »… Le climat hostile, qui se manifestera pleinement au moment de la Passion, apparaît donc déjà comme en filigranes…

            Jérusalem n’a donc pas su « reconnaître le temps où elle fut visitée ». Ce verbe « visiter » n’intervient qu’au tout début de l’Evangile, dans le cantique de Zacharie (Luc 1,68 et 1,78) qui présente l’œuvre de Dieu que le Christ accomplira par la suite, puis une fois en Luc 7,16 avec la ville de Naïn qui, elle, a su reconnaître qu’avec Jésus  « Dieu a visité son Peuple », et enfin ici, en Luc 19,44, juste avant la Passion. Malgré tout ce que Jésus a fait et dit depuis le début de son ministère, Jérusalem n’a donc pas reconnu en lui « les entrailles de miséricorde de notre Dieu » offrant « le salut » au monde « par la rémission de ses péchés ».  Elle s’est ainsi privée elle-même de cette Plénitude que Dieu veut nous communiquer : Paix, Joie, Lumière et Vie, Force et soutien dans les épreuves de toutes sortes … Elle ne pourra que connaître la tristesse, la désolation, la solitude, le sentiment d’abandon, la souffrance d’autant plus incompréhensible qu’elle sera vide de la Présence de Dieu… Aussi Jésus, qui ne désire et ne cherche que notre bien, sans jamais regarder l’offense qui lui est faite, ressent-il pour elle de la compassion, et il se désole de son malheur dont elle est pourtant la seule responsable … Alors que tout le monde est dans la joie d’une espérance illusoire, Lui pleure[7] sur cette ville qui souffrira bientôt des conséquences de son refus : en 70, les Romains la détruiront (Luc 21,5-7.20-24 ; 23,26-32)…

Jésus purifie le Temple (Luc 20,45-48) 

          Jésus en colère dans le temple  Jésus entre dans le Temple de Jérusalem et se met aussitôt à chasser « les vendeurs » d’animaux destinés aux sacrifices. Hélas, avec le temps, la finalité de ces pratiques n’était plus avant tout le culte divin et « la prière », mais l’appât du gain… Et le Temple, que Dieu voulait  » maison de prière pour tous les peuples «  (Isaïe 56,7), était devenu « un repaire de brigands » (Jérémie 7,11) dont les activités profitaient avant tout au Grand Prêtre, à sa famille, et aux notables. On comprend alors leur haine à l’égard de ce Jésus qui, si on le laissait faire, les conduirait tout droit à la ruine ! « Ils chercheront donc tout de suite à faire périr » celui qui met ainsi en péril leurs somptueux profits. Cette situation est un nouvel exemple de ce que Jésus posa en principe en Luc 16,13 : « Vous ne pouvez servir Dieu et l’argent »…

Jésus purifie donc ici le Temple de Jérusalem en recentrant son activité sur la seule recherche de Dieu. Et il se mettra « journellement à enseigner dans le Temple » la Bonne Nouvelle du Royaume des Cieux, et « tout le peuple l’écoutait, suspendu à ses lèvres », comme autrefois dans la synagogue de Jérusalem où tous « étaient en admiration devant les Paroles pleines de grâce qui sortaient de sa bouche » (Luc 4,22). Vraiment, « jamais homme n’avait jusqu’ici parlé comme cela » (Jean 7,46). Ses Paroles sont en effet des Paroles de Vie éternelle au sens où elles tournent notre regard et notre cœur vers ce Dieu qui, de toute éternité, est un Soleil de Lumière et de Vie (Psaume 84(83),12-13 ; 1Jean 1,5 ; Jean 1,4 ; 8,12 ; 6,68) par le don continuel qu’il nous fait de son « Esprit qui vivifie » (Jean 6,63 TOB). Et cet main de dieuEsprit reçu en écoutant la Parole du Christ rend témoignage, par sa seule Présence dans les cœurs, à cette Vie éternelle dont le Christ est venu nous parler. Ainsi, lorsque Jésus nous parle de la Vie de ce Dieu de Miséricorde qui ne désire qu’une seule chose, nous donner d’avoir part à sa Vie, l’Esprit, au même moment, communique cette Vie à ceux et celles qui écoutent le Christ de tout cœur. Ils se mettent alors à Vivre de la Vie dont Jésus leur parle, ils la reconnaissent, ils l’expérimentent avec joie et action de grâces, et ils expriment à Jésus toute leur reconnaissance par l’assentiment de leur foi… Oui, vraiment, « jamais homme jusqu’à présent n’avait parlé comme cela »…

Le prophète Malachie annonçait (Malachie 3,1-5) : « Soudain, il entrera dans son sanctuaire, le Seigneur que vous cherchez ». Avec Jésus, cette prophétie s’accomplit, et le parallèle avec Malachie amène tout de suite cette question : mais qui donc est Jésus pour qu’avec Lui et par Lui, la venue de Dieu en personne s’accomplisse ? La réponse s’articule en deux volets. Jésus Lui-même est Dieu au sens où il partage la Plénitude de la Nature divine avec le Père et l’Esprit Saint. « Et le Verbe était Dieu », écrit St Jean au tout début de son Evangile, alors qu’à la fin St Thomas s’exclamera devant le Christ ressuscité : mon Seigneur et mon Dieu« Mon Seigneur et mon Dieu » (Jean 1,4 ; 20,28). Jésus est ainsi « de condition divine » (Philippiens 2,6-11), de telle sorte qu’il peut reprendre pour Lui-même ce Nom divin révélé autrefois à Moïse dans le Buisson ardent : « JE SUIS » (Exode 3,13-15). Or le Nom, dans la Bible, renvoie directement au mystère de la personne qui le porte, de telle sorte que Dieu seul peut dire en toute Plénitude : « JE SUIS ». En reprenant à son compte ce Nom divin, Jésus se présente discrètement mais avec force comme partageant le mystère de cette Plénitude divine. Il est Dieu comme son Père est Dieu de telle sorte qu’il peut dire en Jean 8,59 : « Avant qu’Abraham existât, JE SUIS » (cf. Jean 8,24.28 ; 13,19; l’expression apparaît également avec d’autres termes qui permettent d’en pressentir la richesse : 4,26 ; 6,20 ; 6,35.41.48.51 ; 8,12.18 ; 10,7.9.11.14 ; 11,25 ; 14,6 ; 15,1.5 ; 18,5.6.8). Le deuxième volet du mystère de la divinité du Christ apparaît en Jean 10,30: « Moi et le Père, nous sommes un ». Jésus est bien sûr différent du Père, mais il lui est profondément uni par cette Nature divine qu’il partage en Plénitude avec son Père et avec l’Esprit Saint. Et puisque qu’elle n’est qu’Amour, c’est cet Amour qui va assurer l’unité des volontés de ces Trois Personnes distinctes. Ainsi, tout ce que le Père veut, le Fils et l’Esprit saint le veulent eux aussi, et tout ce que le Père fait, le Fils et l’Esprit Saint le font eux aussi…

Ainsi, lorsque Jésus entre dans le Temple de Jérusalem, c’est bien Dieu qui, avec Lui, visite son Peuple :lumière1

1 – Dieu le Fils, car Jésus est Dieu,

2 – mais aussi Dieu le Père, car les deux sont indissociablement unis l’un à l’autre dans la communion d’un même Esprit qui est tout en même temps Amour, Lumière, Paix et Vie (Jean 4,24 ; 1Jean 1,5 ; 4,8.16)…

Et Jésus accomplit bien ici la prophétie de Malachie (Malachie 3,1-5) car il est cet « Ange -en son sens étymologique de « messager » – de l’Alliance » avec qui et par qui Dieu est venu annoncer et proposer « l’Alliance Nouvelle et éternelle » (Matthieu 26,26-28 ; Luc 22,20 ; 1Corinthiens 11,25) qui accomplit enfin l’Alliance universelle conclue avec tous les hommes depuis les origines (Genèse 9,8-17). Avec ce vocabulaire humain de l’Alliance, Dieu se révélait déjà, depuis les temps les plus anciens, comme étant un Dieu proche des hommes, quels qu’ils soient, attentif à leur vie et à leurs besoins, et cela depuis les origines du monde… Jésus est ainsi venu nous révéler une réalité qui existe depuis toujours et pour toujours : « Le Royaume des Cieux est tout proche » (Matthieu 3,1-2 ; 4,17 ; 10,1-7 en notant qui sont les acteurs qui annoncent le Royaume), Dieu est tout proche, se proposant sans cesse en Roi de nos cœurs et de nos vies. Et ce Dieu vit déjà en Alliance avec tout homme, essayant par tous les moyens possibles de le conduire sur ce qui sera, pour lui, le meilleur chemin… Heureux alors, où qu’ils soient et quels qu’ils soient, « les hommes de bonne volonté » . Et plus heureux encore tous ceux et celles qui, par l’annonce de l’Evangile, peuvent prendre conscience de cette Présence de Dieu, Vivante et déjà agissante au cœur de leur existence… Ils ne pourront que mieux l’accueillir, mieux collaborer à Son Œuvre dans leur vie, et donc expérimenter avec plus d’intensité toutes les Grâces de Lumière et de Paix que ce Dieu, Amoureux de la vie, veut voir régner en nos cœurs…

3ième dimanche de l'avent (Luc 3,16 ; 12,49 avec Actes 2,1-4) et « Eau » (Jean 7,37-39). Il est « comme le feu du fondeur et comme la lessive des blanchisseurs. Il siègera comme fondeur et nettoyeur » (Malachie 3,2-3). Lui qui est venu purifier tous les hommes pour leur donner d’être pleinement des enfants de Dieu (Jean 1,11-13 ; Romains 8,14-17 ; Ephésiens 5,1-2 ; 5,8-11 ; Philippiens 2,12-16 ; 1Pierre 1,14-16 ; 2,1-3 ; 1Jean 3,1-3) comblés de sa Vie (Jean 10,10) et rayonnants de sa Lumière (Jean 8,12 puis 12,35‑36avec la note de la Bible de Jérusalem qui précise que Jésus « exhorte les Juifs à croire en Lui avant qu’il soit trop tard » ; Actes 26,17-18 ; Matthieu 5,14-16), « il purifiera » notamment « les fils de Lévi », ces serviteurs du Temple (Nombres 1,49-51 ; 3,6-8 ; Deutéronome 10,8-9), « et les affinera comme l’or et l’argent ». Et le minerai rempli d’impuretés de toutes sortes deviendra, dans la main du Seigneur (Jérémie 18,3-6 ; Isaïe 62,3), un métal resplendissant de beauté et brillant de mille feux… Et le culte du Seigneur sera enfin ce qu’il aurait dû toujours être. Les fils de Lévi purifiés « deviendront pour le Seigneur ceux qui présentent l’offrande selon la justice. Alors l’offrande de Juda et de Jérusalem sera agréée du Seigneur »… Et telle est bien l’œuvre de Dieu pour chacun d’entre nous. Par l’Esprit saint, il nous apprend à rejeter l’impiété de ce monde (Tite 2,11-14), il nous purifie de toutes nos fautes (1Jean 1,5-10 ; Ephésiens 5,25-27 ; Hébreux 1,1‑5 ; 9,13-14 ; 12,22-24) et nous permet de faire de toute notre vie un culte agréable à Dieu (Romains 12,1-2) en nous donnant de répondre à l’Amour par l’amour et le service de tous ceux et celles qui nous entourent…

 

 

La confrontation directe avec les autorités religieuses d’Israël (Luc 20,1-19)

 

Après avoir « chassé les vendeurs » du Temple, Jésus « enseignait donc le peuple et annonçait la Bonne Nouvelle »… Dans la Maison du Père, il était tout à sa mission première : faire connaître le Père (Jean 1,18), transmettre sa Parole (Jean 17,7-8), révéler sa Présence Vivante et agissante (Jean 14,8-11). Surviennent alors les plus hautes autorités du Temple, « les Grands Prêtres, les scribes et les anciens », qui lui demandent : « Dis-nous par quelle autorité tu fais cela, ou quel est celui qui t’a donné cette autorité ? » (Luc 20,1-2). L’affrontement est direct, et ils ont bien l’intention de lui faire comprendre qu’ici, dans le Temple de Jérusalem, ce sont eux qui commandent… Jésus aurait pu tout de suite leur répondre qu’il agit ainsi par l’autorité de son Père au sens où c’est Lui qui, avec son Fils et par son Fils, accomplit ses œuvres (Jean 14,10 ; 10,36‑38). Tout « pouvoir » ou toute « autorité » de Jésus lui vient en effet directement du Père, et Jésus ne désire qu’une seule chose : aimer le Père, c’est-à-dire garder sa Parole, faire toujours ce qui lui plaît, accomplir sa volonté, mener son œuvre à bonne fin (Jean 15,10 ; 14,31 ; 8,29 ; 4,34 ; 5,30 ; 6,37-40)… Il est, par amour, le Serviteur du Père (Matthieu 12,15-18 ; Actes 3,13.26 ; 4,27-31) et des hommes tant aimés par le Père (Matthieu 20,25-28 ; Luc 22,24-27 ; Jean 3,16‑17 ; 16,27). Si, comme ils le prétendent, ses interlocuteurs « n’avaient qu’un seul Père, Dieu » (Jean 8,41), ils devraient le reconnaître à l’œuvre avec Lui et par Lui. Mais recherchent-ils la vérité de tout cœur, avec une réelle bonne volonté ?

jésus synagogue

Pour le savoir, Jésus va leur poser une question sur Jean-Baptiste : « Dites-moi donc : le baptême de Jean était-il du Ciel ou des hommes ? » Mais ils refuseront de répondre à cette question, alors même que leur opinion est claire à ce sujet ! Leur calcul intérieur, retranscrit ici par St Luc, l’a manifesté : ils n’ont pas cru en Jean-Baptiste. Mais ils ne veulent pas le déclarer ouvertement par peur de la réaction du peuple qui « était persuadé que Jean était un prophète ».  S’ils ont refusé de croire en Jean-Baptiste, comment pourraient-ils croire aujourd’hui en Celui que Jean-Baptiste avait pour mission d’annoncer ? Et s’ils refusent de « faire la vérité » (Jean 3,19-21) en décidant de ne pas répondre à la question de Jésus, comment pourraient-ils accueillir Celui qui est « le Chemin, la Vérité et la Vie », Celui qui n’est venu dans le monde que pour « rendre témoignage à la vérité » par « l’Esprit de Vérité » (Jean 14,6 ; 18,37 ; 14,15-17 ; 15,26 ; 16,13‑15) ? Jésus ne peut donc rien leur dire car ils sont incapables, pour l’instant, d’accueillir son Mystère…

Et il ne se fait aucune illusion sur son sort… Par le passé, Dieu a envoyé quantité de prophètes à son peuple pour l’inviter à reconnaître en vérité ses erreurs et ses infidélités. Et à chaque fois, Dieu encourageait cette démarche humainement difficile par des promesses de pardon… amour du christ« Allons ! Discutons ! dit le Seigneur. Quand vos péchés seraient comme l’écarlate, comme neige ils blanchiront; quand ils seraient rouges comme la pourpre, comme laine ils deviendront ».  Et le but recherché était toujours avant tout le bonheur du peuple lui-même… En acceptant de se détourner de ses idoles, ils ne pourraient que recevoir cette abondance de bénédictions et de bienfaits que Dieu ne cesse de leur envoyer. « Si vous voulez bien obéir, vous mangerez les produits du terroir », vous recevrez « la paix comme un fleuve, et comme un torrent débordant, la gloire des nations. Vous serez allaités, on vous portera sur la hanche, on vous caressera en vous tenant sur les genoux. Comme celui que sa mère console, moi aussi, je vous consolerai, à Jérusalem vous serez consolés, et votre cœur sera dans la joie » … « Mais si vous refusez et vous rebellez, c’est l’épée qui vous mangera », (Isaïe 1,18-20 ; 66,12‑14) cette épée que nous levons les uns contre les autres lorsque la haine nous aveugle, lorsque la soif de pouvoir et de domination l’emporte sur le service fraternel, lorsque la quête des biens matériels se fait aux dépens de la justice, lorsque la recherche de notre égoïsme nous empêche de penser au bien de ceux et celles qui nous entourent… Alors, le « pour soi » au mépris des autres prend le dessus, avec son cortège d’injustices, de duretés et de souffrances…

croix_tripleLes prophètes en firent la douloureuse expérience. Les uns furent « battus », les autres « couverts d’outrages », d’autres encore « blessés et jetés dehors » (Luc 19,10-12)… Et « l’épée mangera » le dernier envoyé, « le Fils Bien-aimé », lorsque « les Grands Prêtres, les scribes et les notables » décideront de le tuer. Et cette épée continuera son œuvre, « elle vous mangera », disait le prophète Isaïe, laissant ruines et désolation sur son passage. Et c’est bien ce qui arrivera en 70 après JC, lorsque Rome répondra à une tentative d’insurrection par la prise et la destruction de Jérusalem (cf. Luc 21,20). Quarante ans plus tôt, le Christ avait dit à ses disciples qui s’émerveillaient de la beauté du Temple : « De ce que vous contemplez, viendront des jours où il ne restera pas pierre sur pierre : tout sera jeté bas » (Luc 21,6). Et sur le chemin du calvaire, alors qu’il était en proie aux pires souffrances, il aura encore la force de compatir à celles qui attendaient les habitants de Jérusalem : « Filles de Jérusalem, ne pleurez pas sur moi ! pleurez plutôt sur vous-mêmes et sur vos enfants !… Car si l’on traite ainsi le bois vert » – Jésus, le Fils, parfaitement uni à son Père dans la communion d’un même Esprit – « qu’adviendra-t-il du sec ? » – ceux qui en le refusant, ont refusé le Père et se sont coupés du même coup de l’Unique Source d’Eau Vive – (Luc 23,28-31). Mais « la pierre qu’ont rejetée les bâtisseurs est devenue la pierre d’angle » (Psaume 118(117),22 ; Luc 20,17). Et puisqu’ils ont refusé le cadeau du salut, cette Bonne Nouvelle sera donnée « à d’autres », et notamment aux païens qui, eux, sauront lui faire porter son fruit (Matthieu 21,43)…

Notons que Jésus vient d’employer ici l’image de la vigne qui, dans l’Ancien Testament, renvoie souvent au peuple d’Israël (cf. Isaïe 5,1-7)[8]. Dieu avait planté « une vigne, sur un coteau fertile », toute de « raisin vermeil »… Il l’avait entourée de mille soins, « bêchée, épierrée »… Il en attendait de « beaux raisins » de droiture, de justice et de vérité, et « elle donna des raisins sauvages », « vénéneux, aux grappes amères »… « Leur vin est un venin de serpent, un violent poison de vipère » (Deutéronome 32,32-33). Pourquoi ? La Bible ne donne pas de réponse…

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Tel est le mystère du péché où l’homme créé « bon », « à l’image et ressemblance de Dieu », est néanmoins infidèle à Celui qui n’a jamais cessé de « prendre soin de lui », « le menant avec des attaches humaines, des liens d’amour ; j’étais pour eux comme ceux qui soulèvent un nourrisson tout contre leur joue, je m’inclinais vers lui et le faisais manger » (Osée 11,1-4)… Dieu avait ainsi confié son Peuple, « sa vigne », aux vignerons qu’étaient notamment « les Grands Prêtres ». Et ces derniers auraient dû accomplir leur vocation en se mettant au service du seul et unique Vigneron, « le Père » (Jean 15,1-2)… Mais, ils lui ont été infidèles, une infidélité qui s’est aussitôt traduit dans l’exploitation du Peuple pour leur profit personnel (Ezéchiel 34,1-6). Aussi la vigne leur sera-t-elle enlevée et « donnée à d’autres » (Luc 20,16)… « Les scribes et les Grands Prêtres comprendront tout de suite que c’était pour eux que Jésus avait dit cette parabole », et plutôt que de se repentir, ils s’endurciront encore davantage, « cherchant à porter la main sur lui à cette heure même ». Mais comme précédemment pour Jean-Baptiste, ils seront à nouveau prisonniers de leur lâcheté et de leurs hypocrites calculs politiques et ils ne feront rien « par peur du Peuple » qui tenait Jésus en grande estime, « suspendu à ses lèvres »…

Le piège tendu par les autorités religieuses d’Israël (Luc 20,20-26)

Aussi, puisque l’attaque frontale vient de se solder par un échec, ils vont envoyer « des espions » pour « jouer les justes » et tenter ainsi de « prendre Jésus en défaut sur quelque parole, de manière à le livrer à l’autorité et au pouvoir du gouverneur » (Luc 20,20-26).

Leur arme sera la flatterie : « Maître, nous savons que tu parles et enseignes avec droiture et que tu ne tiens pas compte des personnes, mais que tu enseignes en toute vérité la voie de Dieu ». Nicodème, un notable, était également venu à la rencontre de Jésus, et il l’avait lui aussi honoré du titre de « maître », mais cette fois, c’était de tout cœur : « Rabbi, nous le savons, tu viens de la part de Dieu comme un Maître : personne ne peut faire les signes que tu fais, si Dieu n’est pas avec lui » (Jean 3,2)… Ainsi, des paroles quasiment identiques peuvent-elles donner la vie ou la mort selon l’intention du cœur qui les prononce…

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Le piège tendu à Jésus est le suivant : « Est-il permis ou non de payer le tribut à César ? » Si Jésus répond par l’affirmative, ils pourront le déconsidérer aux yeux du Peuple en le présentant comme un collaborateur des Romains. Et cela aurait d’autant plus d’impact que beaucoup pensaient que « c’était lui qui allait délivrer Israël » de leur emprise (Luc 24,21)… Si Jésus répond par la négative, alors ils auront un superbe motif d’accusation devant le gouverneur romain : Jésus prône la subversion et la révolte vis-à-vis de Rome ! Et c’est bien ce que de toute façon, ils diront à Pilate : « Nous avons trouvé cet homme mettant le trouble dans notre nation, empêchant de payer les impôts à César et se disant Christ Roi » (Luc 23,2) ; et « si tu le relâches, tu n’es pas ami de César : quiconque se fait roi, s’oppose à César » (Jean 19,12).  Le piège semble donc parfait… Mais Jésus connaît le cœur de l’homme (Jean 2,23-25). Il avait déjà perçu autrefois les murmures intérieurs des scribes et des Pharisiens lorsqu’il avait déclaré au paralytique : « Homme, tes péchés sont remis » (Luc 5,20‑22). Ici, Jésus « pénètre leur astuce », et il va les prendre lui-même à leur propre piège. En leur demandant un denier romain, demande aussitôt satisfaite, il démontre déjà à quel point ceux qui voudraient l’accuser de collaboration avec les romains sont les premiers à le faire en acceptant le système économique imposé par l’envahisseur… Ils en profitaient même pour s’enrichir, car, par un acte de soi-disant résistance, ils avaient imposé la monnaie tyrienne dans l’enceinte du Temple. Pour acheter un animal en vue d’un sacrifice, il fallait donc commencer par changer ses « deniers » romains au taux de change imposé, et c’étaient les Grands Prêtres, les notables et leurs familles qui contrôlaient tout ce trafic ! A nouveau une belle hypocrisie ! « Montrez-moi un denier », leur demande donc Jésus. « De qui porte-t-il l’effigie et l’inscription ? » Ils dirent : « De César. » Alors il leur dit : « Eh bien ! Rendez à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu. » Manifestement, cette pièce frappée « à l’image et ressemblance de César » appartient à César… Or l’homme, de son côté, a été créé « à l’image et ressemblance de Dieu » (Genèse 1,26-27). Qu’ils reviennent donc à Celui à qui ils appartiennent, leur Créateur et Père qui ne désire que leur Bonheur et leur Vie ! Qu’ils cessent de mettre l’argent à la première place, qu’ils purifient leur cœur de toute « cupidité » (Marc 7,21‑22 ; Luc 12,15), « rapine » (Luc 11,39), « convoitise » (Marc 4,19)… Et qu’ils rendent « à Dieu ce qui est à Dieu », c’est-à-dire leur propre personne ! Qu’ils se tournent vers Lui de tout cœur, sans faux-semblants (Luc 20,45-47). Alors le Temple de Jérusalem cessera d’être « un repaire de brigands » qui « dévorent le bien des veuves » (Luc 20,47) pour devenir ce qu’il aurait dû être depuis toujours, « une maison de prière pour tous les peuples » …

La question de la Résurrection des morts (Luc 20,27-40)

Contrairement aux Pharisiens, les Sadducéens, le parti des Grands Prêtres et de l’aristocratie, ne croyaient pas en la Résurrection des morts qu’ils comprenaient comme un retour à la vie, cette vie dans la chair que nous connaissons bien avec ses lois et ses exigences… Dans un tel contexte, bien malin serait celui qui pourrait dire, au jour de la Résurrection, « qui » serait le mari de cette femme qui, sur la terre, avait épousé successivement sept frères (Luc 20,27-33), conformément à la possibilité offerte par « la loi du lévirat » … Une veuve sans enfant pouvait en effet épouser un frère de son mari défunt pour lui donner malgré tout une descendance. Et le premier né qui naîtrait de cette union porterait le nom du frère défunt (Deutéronome 25,5‑10). Si une femme a donc épousé l’un après l’autre sept frères, « à la résurrection, de qui sera-t-elle donc l’épouse puisque les sept l’ont eu pour femme » (Luc 20,33) ? Le problème semble à première vue insoluble…

 résurrection de lazarreMais la Résurrection n’est pas un simple retour à la vie, comme ce fut le cas pour Lazare (Jean 11), la jeune fille de Jaïre (Luc 8,40-56), le fils de la veuve de Naïn (Luc 7,11‑17), la généreuse Tabitha (Actes 9,36-43), ou encore Eutyque, cet adolescent tombé du rebord d’une fenêtre du troisième étage sur lequel il s’était assis puis endormi en écoutant St Paul (Actes 20,7‑12)… Non, à la Résurrection, s’il s’agit toujours de la même personne, sa condition a radicalement changé… Le Christ en est le plus bel exemple. Sa chair est en effet semblable à celle qui était la sienne sur cette terre : le Ressuscité mangera du poisson sous les yeux de ses disciples et ces derniers pourront le toucher (Luc 24,36-43 ; Jean 20,24-29). Néanmoins, cette chair est « autre » au sens où elle est maintenant totalement assumée par l’Esprit et donc immortelle (1Corinthiens 15,42‑44)… Cette différence est suggérée dans les récits de Résurrection où Marie-Madeleine, Pierre et les disciples, qui ont pourtant bien connu le Christ sur cette terre, ne le reconnaissent pas tout de suite lorsqu’il se manifeste à eux (Jean 20,11-18 ; 21,1-14 ; Luc 24,13‑35). Les relations humaines, elles aussi, seront semblables (Luc 9,26-31) mais différentes… Ici-bas, Dieu continue son œuvre de création avec la collaboration des parents, et de nouvelles personnes humaines naissent chaque jour à l’existence. Mais lors de la Résurrection, il n’en sera plus ainsi… On ne prendra plus « ni femme ni mari », on sera « pareils aux Anges, fils de la Résurrection, fils de Dieu » (Luc 20,35-36), « semblables à Dieu car nous le verrons tel qu’il est » (1Jean 3,2). Nous participerons tous alors, selon notre condition de créature, à sa « nature divine » (2Pierre 1,4), c’est-à-dire à sa Vie, et donc à sa Lumière, à sa Beauté, à sa Gloire et à son éternité (Sagesse 2,23 ; 3,1-9)… Et c’est « par sa Lumière que nous verrons la Lumière » (Psaume 36(35),10)… Dieu nous a tous en effet « prédestinés à reproduire l’image de son Fils, afin qu’il soit l’aîné d’une multitude de frères ». « Car si c’est un même être avec le Christ que nous sommes devenus par une mort semblable à la sienne, nous le serons aussi par une résurrection semblable » (Romains 8,28‑29 ; 6,5). Or cette « mort semblable à la sienne » est, pour St Paul, celle vécue lors de notre baptême, une mort au péché à renouveler chaque jour grâce à la fidélité de Dieu (2Timothée 2,13) et à la force de son Esprit Saint (Romains 8,13). « Et si la joiel’Esprit de Celui qui a ressuscité Jésus d’entre les morts habite en vous, Celui qui a ressuscité le Christ Jésus d’entre les morts donnera aussi la vie à vos corps mortels par son Esprit qui habite en vous » (Romains 8,11). Telle sera « la résurrection semblable à la sienne »… « Pour l’instant, nous voyons dans un miroir, en énigme, mais alors ce sera face à face. À présent, je connais d’une manière partielle ; mais alors je connaîtrai comme je suis connu » (1Corinthiens 13,12)…

Jésus donnera enfin un argument tout simple en faveur de la résurrection à partir d’une manière très fréquente de nommer Dieu dans les Ecritures : il est Celui qui s’est présenté à Moïse comme étant « le Dieu d’Abraham, le Dieu d’Isaac et le Dieu de Jacob » (Exode 3,6 ; 3,15-16 ; 4,5 ; 1Rois 18,36 ; 1Chroniques 29,18 ; 2Chroniques 30,6 ; Actes 3,13 ; 7,32). Or Abraham a précédé Moïse de plus de six siècles… Et comme Dieu n’est pas « un Dieu de morts, mais de vivants » (Luc 20,38), il s’ensuit qu’Abraham, Isaac et Jacob ne peuvent, comme Moïse et Elie apparus en gloire lors de la Transfiguration de Jésus (Luc 9,30), qu’être vivants à la Gloire de Celui qui, de toute éternité, est « le Vivant » par excellence[9]… Jésus, dans une de ses paraboles, avait d’ailleurs évoqué ce pauvre Lazare qui mourut de faim devant la porte d’un riche et se retrouva « dans le sein d’Abraham », une expression qui traduit « l’intimité et la proximité avec Abraham dans le banquet messianique » (note de la Bible de Jérusalem ; Luc 16,22). Le riche, replié sur ses richesses, fermé aux autres et donc à Dieu, s’était retrouvé après sa mort « en proie à des tortures »… La vie ne s’arrête donc pas avec la mort… Bien plus, la qualité de ce que nous vivrons par-delà notre mort dépend de nos choix d’ici-bas…

Si les Sadducéens ne croyaient pas en la résurrection des morts, les Pharisiens eux y croyaient. C’est pourquoi « quelques scribes » déclarèrent à Jésus : « Maître, tu as bien parlé » (Luc 20,39). Nous retrouvons ainsi indirectement le fait qu’à l’époque de Jésus, les scribes étaient pour la plupart des Pharisiens…

Le Christ, fils et Seigneur de David (Luc 20,41-44)

Christ-Roi_theme_imageL’épisode suivant, « le Messie, fils et Seigneur de David » (Luc 20,41-44) est pour nous bien mystérieux, d’autant plus qu’une question est posée sans y donner de réponse ! Et Jésus raisonne ici à la manière de son temps, en considérant comme acquis le fait que la moitié du Livre des Psaumes aurait été écrite par le Roi David. C’est du moins ce que l’on croyait à son époque… Alors, si David parle dans ce Psaume 110(109) du Messie, si ce Messie est lui-même son fils, pourquoi l’appelle-t-il « mon Seigneur » ?  Certes, un homme peut dire « mon Seigneur » à son roi pour lui témoigner son respect, comme David le fit autrefois pour Saül (1Samuel 24,11), ou Daniel et Holopherne pour Nabuchodonosor, Roi de Babylone (Daniel 4,21 ; Judith 11,4). Mais dans ce cas, c’est toujours le fils qui devrait s’adresser ainsi à son père, et non l’inverse…

Enfin, l’appellation « mon Seigneur » intervient très souvent dans l’Ancien Testament lorsque quelqu’un s’adresse à Dieu, « son Seigneur » (Abraham en Genèse 15,2.8 ; 18,27.30.31.32 ; Abimélek en 20,4 ; Moïse en Exode 4,10.13…). Mais pour les interlocuteurs de Jésus, il était inconcevable d’imaginer un seul instant que cet homme qu’ils avaient sous les yeux puisse partager la condition divine. Seule la Lumière de la Résurrection permettra aux disciples de comprendre que ce Jésus qu’ils croyaient si bien connaître était tout en même temps vrai homme et vrai Dieu. Le titre de « Seigneur », si souvent donné à Dieu dans l’Ancien Testament, leur servira alors à confesser la divinité et donc l’incomparable dignité du « Christ Seigneur »… « Mon Seigneur et mon Dieu » lui dira Thomas (Jean 20,28)… Et St Luc reprendra ce Psaume 110(109) dans le discours de Pierre à la foule, juste après la Pentecôte : « Dieu l’a ressuscité, ce Jésus ; nous en sommes tous témoins. Et maintenant, exalté par la droite de Dieu, il a reçu du Père l’Esprit Saint, objet de la promesse, et l’a répandu. C’est là ce que vous voyez et entendez. Car David, lui, n’est pas monté aux cieux ; or il dit lui-même : « Le Seigneur a dit à mon Seigneur : Siège à ma droite, jusqu’à ce que j’aie fait de tes ennemis un escabeau pour tes pieds ». Que toute la maison d’Israël le sache donc avec certitude : Dieu l’a fait Seigneur et Christ, ce Jésus que vous, vous avez crucifié » (Actes 2,32-36). Ainsi, en ressuscitant son Fils, « Dieu l’a exalté ; il l’a doté du Nom qui est au-dessus de tout nom, afin qu’au Nom de Jésus tout genou fléchisse au ciel, sur terre et aux enfers, et que toute langue proclame : « Jésus Christ est Seigneur » à la gloire de Dieu le Père » (Philippiens 2,9-11). Mais encore une fois, la question que lance Jésus en Luc 20,41-44 ne peut pour l’instant que conduire ses interlocuteurs à se poser la question : « Qui donc sera le Christ ? », et peut-être pour certains : « Qui donc est ce Jésus ? ». Mais seule sa Résurrection et le don de l’Esprit Saint (1Corinthiens 12,3) pourront amener les disciples à confesser que vraiment « Jésus est Seigneur », à la gloire de Dieu le Père »…

L’évocation des derniers temps, l’appel à la vigilance et à la prière (Luc 21,5-38)

Jésus va ensuite terminer son enseignement par une large évocation des « derniers temps », c’est-à-dire ce temps qui s’étendra de sa Résurrection à la fin du monde… L’humanité y est entrée depuis plus de deux mille ans, et nul ne sait quand viendra la fin (Matthieu 24,36 ; Actes 1,7)…

Ils seront marqués par la venue de toutes sortes d’imposteurs qui prétendront être le Christ ! « Il en viendra beaucoup sous mon nom, qui diront : “ C’est moi ! ” et “ Le temps est tout proche ”. N’allez pas à leur suite » (Luc 21,8). « Alors si quelqu’un vous dit : “ Voici : le Christ est ici ! ”, “ Voici : il est là ! ”, n’en croyez rien. Il surgira, en effet, des faux Christs et des faux prophètes qui opéreront des signes et des prodiges pour abuser, s’il était possible, les élus. Pour vous, soyez en garde : je vous ai prévenus de tout » (Marc 13,21-23 ; cf. Actes 13,6-12). Et cette parole s’accomplira dès le tout début de l’Eglise puisque St Paul parlera « des faux apôtres, ces ouvriers trompeurs qui se déguisent en apôtres du Christ » ; ce sont en fait des « faux frères », des « menteurs hypocrites » (2Corinthiens 11,13.26 ; Galates 2,4-5 ; 1Timothée 4,1-7). St Pierre évoquera de son côté des « faux prophètes » qui ont jeté le trouble dans la communauté chrétienne, et il ajoute : « Il y aura aussi parmi vous des faux docteurs, qui introduiront des sectes pernicieuses et qui, reniant le Maître qui les a rachetés, attireront sur eux‑mêmes une prompte perdition. Beaucoup suivront leurs débauches, et la voie de la vérité sera blasphémée, à cause d’eux.  Par cupidité, au moyen de paroles trompeuses, ils trafiqueront de vous » (2Pierre 2,1-3) comme le faisaient déjà, à l’époque de Jésus, « les Grands Prêtres, les notables et leurs familles »… Aussi, « mes bien-aimés », écrit St Jean, « ne vous fiez pas à tout esprit, mais éprouvez les pour voir s’ils viennent de Dieu, car beaucoup de faux prophètes sont venus dans le monde. À ceci reconnaissez l’esprit de Dieu : tout esprit qui confesse Jésus Christ venu dans la chair est de Dieu ;  et tout esprit qui ne confesse pas Jésus n’est pas de Dieu; c’est là l’esprit de l’Antichrist. Vous avez entendu dire qu’il allait venir ; eh bien ! maintenant, il est déjà dans le monde ».

Mais St Jean, face à ce tableau qui peut nous apparaître bien sombre et désespérant, nous invite à la confiance car le Christ habite son Eglise. « Il est avec nous tous les jours jusqu’à la fin du monde » et il ne permettra pas que les ténèbres l’emportent sur elle (Matthieu 28,20 ; 16,18). De plus, il a envoyé l’Esprit Saint, l’Esprit de Vérité, « pour qu’il soit avec vous à jamais ». C’est Lui qui introduira son Eglise dans la vérité tout entière et qui l’aidera à garder le bon dépôt de la foi (Jean 14,15-17 ; 16,13 ; 2Timothée 1,14). De plus, c’est toujours Lui qui main de dieul’aidera à faire la Vérité et à discerner entre ce qui vient de Dieu et ce qui est le fruit du « père des mensonges », le diable (1Thessaloniciens 5,19-22 ; Jean 8,44 ; Matthieu 7,15-16). Cet Esprit Saint ne lui manquera jamais. Qu’ils ne craignent donc pas : « Vous croyez en Dieu, croyez aussi en moi »… « Je ne vous laisserai pas orphelins »… « Je viendrai vers vous », je serai avec vous par l’Esprit Saint, et « sur moi, le Prince de ce monde n’a aucun pouvoir » (Jean 14,1.18.30).  « Vous donc, petits enfants, vous êtes de Dieu » et tous ces faux prophètes, « vous les avez vaincus. Car Celui qui est en vous est plus grand que celui qui est dans le monde » (1Jean 4,1-4)…

Dans les « derniers temps » surviendront aussi toutes sortes de « guerres et de désordres, de grands tremblements de terre, des pestes et des famines » (Luc 21,11)… Et nous le constatons bien chaque jour… D’où l’importance des « artisans de paix » (Matthieu 5,9), à tous les niveaux de la société, des gestes de solidarité entre les peuples, et de la recherche scientifique qui permettra de prévoir toujours mieux les catastrophes naturelles …

Les « derniers temps » verront aussi de grandes persécutions contre tous ceux et celles qui invoqueront « le Nom » de Jésus… « Vous serez livrés même par vos père et mère, vos frères, vos proches et vos amis »… Mais dans ces situations de souffrance, la grâce offerte par le Seigneur n’en sera que plus forte, et, paradoxalement, ils ne pourront que constater à quel point « ceux qui sont persécutés pour la justice sont heureux », car « le Royaume des Cieux est à eux » (Matthieu 5,10)… Jésus emploie ici le verbe « être » au présent, car dans cette épreuve survenue à cause de leur foi, ils recevront en abondance, par cette même foi et dans la foi, les grâces du Royaume. « Or le Royaume des cieux est justice, paix et joie dans l’Esprit Saint » (Romains 14,17). Ils souffriront, mais ils connaîtront aussi la joie incomparable de l’Esprit (cf. 2Corinthiens 1,3-7 avec les notes de la Bible de Jérusalem)… C’est ainsi « après avoir été battus de verges »  parce qu’ils « parlaient au Nom de Jésus », les Apôtres repartirent « tout joyeux d’avoir été jugés dignes de subir des outrages pour le Nom » (Actes 5,40-42).

Et « lorsqu’on vous livrera » « devant des rois et des gouverneurs à cause du Nom de Jésus », « ne cherchez pas avec inquiétude comment parler ou que dire : ce que vous aurez à dire vous sera donné sur le moment, car ce n’est pas vous qui parlerez, mais l’Esprit de votre lumièrePère qui parlera en vous » (Matthieu 10,19-20 ; Luc 21,12), ce même Esprit de Vie et de Joie qui constitue les arrhes du Royaume (Ephésiens 1,13-14). C’est donc toujours Lui qui remplira de force les Apôtres (2Timothée 1,7-8), leur donnera les mots de leur témoignage (1Corinthiens 2,13; Jean 15,26-27) de telle sorte que c’est le Père Lui-même qui parlera en eux…

Après l’évocation des « guerres, désordres, grands tremblements de terre, pestes, famines, phénomènes terribles, persécutions, dévastation de Jérusalem », le Christ conclue par ce qui semble être « la fin du monde », avec « des signes dans le soleil, la lune et les étoiles », « le  fracas de la mer et des flots », ce jour où « les puissances des cieux seront ébranlées ». « L’ordre cosmique vacillera, comme pour un retour au chaos originel marquant la fin de l’Histoire »[10]… Alors, « le Fils de l’Homme apparaîtra, venant dans une nuée avec grande Gloire »… Son unique préoccupation sera alors que nous puissions nous « redresser », « relever la tête » dans la confiance, sans être accablés par le poids de nos misères, et de nous « tenir debout devant lui ». Nous le pourrons si nous sommes sûrs de son Amour et du seul désir qui l’habite : notre Bonheur, notre Plénitude et notre Joie… Nous oserons alors nous abandonner en toute confiance entre les mains de l’Amour (1Jean 4,14-19) qui de son côté trouvera toute sa joie à notre « délivrance », notre « rédemption » (Luc 21,28), en un mot, notre salut… Et déjà, en ce moment, il intercède pour nous auprès du Père pour qu’il en soit bien ainsi (Romains 8,34 ; 1Jean 2,1-2)…

tiens-ma-lampe-allumeeD’ici là, les croyants sont invités à « veiller », à garder allumée la lampe de leur foi, à ne pas éteindre l’Esprit Saint qui les habite (1Thessaloniciens 5,19) en tombant dans « la débauche, l’ivrognerie » ou en se laissant accaparer par « les soucis de la vie » (Luc 21,34 ; 8,14). Qu’ils guettent « les signes des temps » qui manifestent que « le Royaume de Dieu est proche », car au-delà de toute préoccupation vis-à-vis du dernier Jour du monde, Dieu est déjà là, présent, invisible mais agissant par son Esprit au cœur de nos vies. Tel est le Trésor auquel nous sommes sans cesse invités à revenir, une Présence qui nous cherche, nous accompagne, nous entoure de sa Tendresse, nous guide dans le quotidien le plus simple de nos existences… « Veillez donc et priez en tout temps » (Luc 21,36), « dans l’Esprit. Apportez-y une vigilance inlassable » (Ephésiens 6,18). « Alors la paix de Dieu, qui surpasse toute intelligence, prendra sous sa garde vos cœurs et vos pensées, dans le Christ Jésus » (Philippiens 4,7)…

D. Jacques Fournier

 

 

Fiche n20 – Lc 1928-2138 : en cliquant sur le titre précédent, vous accédez au document PDF pour lecture ou éventuelle impression.

 

[1] GERARD A.-M., « Dictionnaire de la Bible » (Ed. Robert Laffont ; Paris 1989) p. 163.

[2] « Christ » vient du grec « Khristos », « Messie » de l’hébreu « masîha », et dans les deux langues « Khriô » aussi bien que « masah » signifient « oindre ».

[3] Xavier LEON-DUFOUR écrit ainsi dans le Vocabulaire de Théologie Biblique (Ed. du Cerf ; Paris 1995 ; « Paix », col. 879) : « Le mot hébreu salôm dérive d’une racine qui, selon ses emplois, désigne le fait d’être intact, complet (Job 9,4)… Aussi la paix biblique n’est-elle pas seulement le « pacte » qui permet une vie tranquille, ni « le temps de la paix » par opposition au « temps de la guerre » (Quohélet 3,8 ; Apocalypse 6,4) ; elle désigne le bien-être de l’existence quotidienne, l’état de l’homme qui vit en harmonie avec la nature, avec lui-même, avec Dieu ; concrètement, elle est bénédiction, repos, gloire, richesse, salut, vie »… « Loin donc d’être seulement une absence de guerre, la paix est plénitude du bonheur »…

[4] Sens premier du verbe grec « kateuthunô » employé par St Luc en 1,79 : « redresser, mettre droit » et donc « diriger, conduire ».

[5] La traduction grecque de la Septante a : « Près du Seigneur est la Miséricorde »…

[6] La traduction grecque de la Septante a de nouveau : « Le Seigneur se montrera généreux à mon égard ; Seigneur, ta miséricorde est pour toujours »…

[7] Dans les Evangiles de Marc, Matthieu et Luc, C’est la seule et unique fois où Jésus pleure

[8] Et la note de la Bible de Jérusalem précise : « Le thème de la vigne Israël, choisie puis rejetée, déjà amorcé par Osée 10,1, sera repris par Jérémie (2,21 ; 5,10 ; 6,9 ; 12,10) et par Ezéchiel (15,1-8 ; 17,3-10 ; 19,10-14). Voir aussi le Psaume 80(79),9-19 et Isaïe 27, 2-5. Jésus le transposera dans la parabole des vignerons homicides (Matthieu 21,33-44 et parallèles). Et en Jean 15,1-2, il révélera le mystère de la “ vraie ” vigne »…

[9] L’expression « Dieu vivant » intervient 33 fois dans la Bible : Dt 4,33 ; 5,26 ; Jos 3,10 ; 1s 17,26.36 ; 2r 19,4.16 ; Is 37,4.17 ; Jr 10,10 ; 23,36 ; Os 2,1 ; Ps 42,3.9 ; Ps 84,3 ; Jb 27,2 ; Est 8,12 ; Dn 6,21.27 ; Mt 16,16 ; 26,63 ; Ac 14,15 ; Rm 9,26 ; 2co 3,3 ; 6,16 ; 1th 1,9 ; 1tm 3,15 ; 4,10 ; Hb 3,12 ; 9,14 ; 10,31 ; 12,22 ; Ap 7,2.

[10] COUSIN Hugues, « LES EVANGILES, textes et commentaires » (Bayard Compact, 2001) p. 800.

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