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Une Femme couronnée d’étoiles (Ap 12)

Un signe grandiose apparut au ciel : une Femme ! Le soleil l’enveloppe, la lune est sous ses pieds et douze étoiles couronnent sa tête ; (2) elle est enceinte et crie dans les douleurs et le travail de l’enfantement. (3) Puis un second signe apparut au ciel : un énorme Dragon rouge-feu, à sept têtes et dix cornes, chaque tête surmontée d’un diadème. (4) Sa queue balaie le tiers des étoiles du ciel et les précipite sur la terre. En arrêt devant la Femme en travail, le Dragon s’apprête à dévorer son enfant aussitôt né. (5) Or la Femme mit au monde un enfant mâle, celui qui doit mener toutes les nations avec un sceptre de fer ; (6) et son enfant fut enlevé jusqu’auprès de Dieu et de son trône, tandis que la Femme s’enfuyait au désert, où Dieu lui a ménagé un refuge pour qu’elle y soit nourrie mille deux cent soixante jours. 

(7)       Alors, il y eut une bataille dans le ciel : Michel et ses Anges combattirent le Dragon. Et le Dragon riposta, avec ses Anges, (8) mais ils eurent le dessous et furent chassés du ciel. (9) On le jeta donc, l’énorme Dragon, l’antique Serpent, le Diable ou le Satan, comme on l’appelle, le séducteur du monde entier, on le jeta sur la terre et ses Anges furent jetés avec lui. (10) Et j’entendis une voix clamer dans le ciel :  Désormais, la victoire, la puissance et la royauté sont acquises à notre Dieu, et la domination à son Christ, puisqu’on a jeté bas l’accusateur de nos frères, celui qui les accusait jour et nuit devant notre Dieu. (11) Mais eux l’ont vaincu par le sang de l’Agneau et par la parole dont ils ont témoigné, car ils ont méprisé leur vie jusqu’à mourir. (12) Soyez donc dans la joie, vous, les cieux et leurs habitants. Malheur à vous, la terre et la mer, car le Diable est descendu chez vous, frémissant de colère et sachant que ses jours sont comptés. 

(13)    Se voyant rejeté sur la terre, le Dragon se lança à la poursuite de la Femme, la mère de l’Enfant mâle. (14) Mais elle reçut les deux ailes du grand aigle pour voler au désert jusqu’au refuge où, loin du Serpent, elle doit être nourrie un temps et des temps et la moitié d’un temps. (15) Le Serpent vomit alors de sa gueule comme un fleuve d’eau derrière la Femme pour l’entraîner dans ses flots. (16) Mais la terre vint au secours de la Femme : ouvrant la bouche, elle engloutit le fleuve vomi par la gueule du Dragon.

(17) Alors, furieux contre la Femme, le Dragon s’en alla guerroyer contre le reste de ses enfants, ceux qui gardent les commandements de Dieu et possèdent le témoignage de Jésus. »

Marie - Musée de Sens 2

Marie, Musée de Sens

            Ce texte est très bien construit, en inclusion, c’est-à-dire avec des éléments qui se répondent en symétrie autour d’un cœur (voir en fin de document). L’auteur donne ainsi la place centrale à ce qui lui semble le plus important. Et que souligne-t-il ici ?     

 La victoire finale de Dieu sur le mal, sur Satan (de l’hébreu « accusateur »), triomphe de l’Amour sur la haine (Ep 2,14-18), de la Miséricorde sur le péché… Tous ceux et celles qui ont accepté de se laisser laver par le sang de l’Agneau pour vivre ensuite en conformité avec la grâce reçue sont les heureux bénéficiaires de ce salut donné par Dieu, et ils sont dans la joie… « Soyez donc dans la joie, cieux, et vous qui les habitez »…

Marie, cachot de Bernadette

Marie, ancien cachot où Ste Bernadette habita avec sa famille…

             « Un signe grandiose apparaît donc au ciel »… « Une Femme, le soleil l’enveloppe, la lune est sous ses pieds et douze étoiles couronnent sa tête ». Dans le contexte du Nouveau Testament et de la foi au Christ mort et ressuscité pour notre salut, les « douze étoiles » renvoient aux Douze Apôtres, ces colonnes que le Christ a choisies pour construire, avec eux et par eux, son Eglise (cf. Mc 3,13-15 ; Lc 6,12-16 ; Mt 16,18-19 ; Ga 2,7-8 ; Ep 2,19-22). Bien sûr, le choix de Douze Apôtres est un clin d’œil aux Douze tribus d’Israël : avec eux, le Christ accomplit tout ce qui était en préparation avec l’Ancienne Alliance en permettant à la vocation d’Israël d’atteindre son but : que « soient bénies toutes les familles de la terre » (Gn 12,1‑3). Désormais l’Eglise Peuple de Dieu n’a plus de frontières : elle contient en son sein aussi bien des Juifs que des païens. Et elle est ouverte à tous les peuples de la terre, car sa vocation est d’annoncer le salut au monde entier (Mt 28,18-20) pour que l’humanité soit rassemblée dans le Christ, c’est-à-dire dans l’unité de cet Esprit que nous recevons par notre foi au Christ (Ep 1,3-10 ; 4,1-6 ; Jn 11,51-52 ; 17,20-23)… Cette Femme couronnée d’étoiles représente donc tout d’abord l’Eglise, selon une habitude fréquente dans l’Ancien Testament d’évoquer le Peuple de Dieu par une figure féminine. Souvenons-nous par exemple de la jeune femme d’Ezéchiel (Ez 16), de « la Fille de Sion » (So 3,14 ; Za 2,14 ; 9,9 ; Is 1,8 ; 10,32 ; 52,2 ; 62,11…), de l’épouse infidèle du prophète Osée, de « la mère Jérusalem » dans le prophète Baruch (Ba 4,5 – 5,9)…

 « Le soleil l’enveloppe » car elle a accueilli la Lumière du « Père de la Gloire » (Ep 1,17), « le Père des Miséricordes » (2Co 1,3 ; 1P 1,3 ; 2,10), qui, avec son Fils et par son Fils « Lumière du monde » (Jn 8,12) est venu déchirer nos ténèbres (Mc 1,9‑11)… « Tous ont péché et sont privés de la Gloire de Dieu » (Rm 3,23) ?  

   Marie, Eglise Notre Dame de la Salette

Notre Dame de la Salette

« Le peuple qui marchait dans les ténèbres a vu une grande Lumière, sur les habitants du pays de l’ombre, une Lumière a resplendi… Un enfant nous est né, un Fils nous est donné » (Is 9,1-6)… Il est « l’Agneau de Dieu qui enlève le péché du monde » (Jn 1,29) en lui offrant le pardon de Dieu. Grâce à lui, nous pouvons retrouver tout ce dont nous étions privés par suite de nos fautes : « Je leur ai donné la Gloire que tu m’as donnée » (Jn 17,22)… Alors, si « jadis, vous étiez ténèbres, maintenant vous êtes lumière dans le Seigneur » (Ep 5,8) pour avoir accueilli « la lumière de la Vie » (Jn 8,12) grâce au Don de « l’Esprit qui vivifie » (Jn 6,63). Le projet de ce Dieu « drapé de lumière comme d’un manteau », (Ps 104(103),2) s’est accompli : il a revêtu son épouse « de vêtements de salut, il l’a drapée dans un manteau de justice » ; alors « les nations verront sa justice et tous les rois sa Gloire », car désormais, « le soleil l’enveloppe ». « Dans la main de son Dieu, elle est une couronne de splendeur » (Is 59,10-62,5 ; 60,1-7), car elle reçoit le Don de ce Dieu « Soleil » qui « donne la grâce, qui donne la Gloire » (Ps 84(83),12).

Marie Grand Ilet la Réunion

Marie, devant l’Eglise de Grand Ilet, cirque de Salazie, Ile de la Réunion

            « La lune est sous ses pieds »… L’astre de la nuit est sous ses pieds, en signe de victoire sur le monde des ténèbres (cf. Jn 6,16-21). En effet, avec le Christ, « la Lumière a brillé dans les ténèbres et les ténèbres ne l’ont pas saisie » (Jn 1,5). Et cela s’accomplit dès maintenant, car dès aujourd’hui, dans la foi, « les ténèbres s’en vont et la véritable lumière brille déjà » (1Jn 2,8). Mais, nous le verrons par la suite, tout ceci se réalise au cœur d’un combat quotidien où il s’agit de recevoir et de recevoir encore par la prière cette Lumière de l’Esprit qui, seule, peut venir à bout de toutes « les Principautés, les Puissances, les Régisseurs de ce monde de ténèbres » (Ep 6,10-20 ; 1Th 5,4-10)… « La nuit est avancée. Le jour est arrivé. Laissons là les œuvres de ténèbres et revêtons les armes de lumière » (Rm 13,12)… Alors, « réveille-toi, ô toi qui dors, relève-toi d’entre les morts, et le Christ t’illuminera » (Ep 5,14), le soleil t’enveloppera…

Marie Forêt de Bélouve la Réunion

Grotte de Notre Dame de Lourdes, forêt de Bélouve, Île de la Réunion

            « Elle est enceinte »… L’Eglise est « enceinte »… En effet, rappelle St Jacques, « le Père de toutes les lumières a voulu nous enfanter par une parole de vérité pour que nous soyons comme les prémices de ses créatures » (Jac 1,17-18). Cette Parole de Vérité nous a été transmise par Jésus, le Fils unique et éternel de Dieu (Jn 12,49-50 ; 8,26 ; 17,8), « la Parole faite chair »(Jn 1,14). Et « à tous ceux qui l’ont accueilli, il a donné pouvoir de devenir enfants de Dieu, à ceux qui croient en son nom, eux qui ne furent engendrés ni du sang, ni d’un vouloir de chair, ni d’un vouloir d’homme, mais de Dieu » (Jn 1,12-13). Par notre « oui » de foi à la Parole, et donc au Christ Ressuscité, nous sommes invités petit à petit à naître et à renaître « d’en haut », de « l’Esprit » (Jn 3,1-8) pour devenir « une créature nouvelle » (2Co 5,17) dans le Christ. Tout commence bien sûr au jour de notre baptême (Tt 3,4-7), mais nous avons à nourrir ensuite cette créature nouvelle par les sacrements, la prière et la lecture de la Parole de Dieu. En effet, l’Esprit Saint se joint toujours à la Parole car « celui que Dieu a envoyé prononce les Paroles de Dieu, et avec elles, il donne l’Esprit sans mesure » (Jn 3,34). Accueillir la Parole, c’est donc accueillir l’Esprit Saint qui se joint à elle et lui rend témoignage (Jn 15,26) en communiquant à celui ou celle qui la lit cette Vie nouvelle qu’elle ne cesse d’évoquer. Dieu rend ainsi témoignage à son Fils par l’action de l’Esprit qui donne la Vie à quiconque accueille avec foi la Parole du Fils (1Jn 5,5-12 ; Ga 5,25). « En vérité, en vérité, je vous le dis, celui qui croit a la vie éternelle » (Jn 6,47).

Marie Basilique du Rosaire Lourdes

Marie Reine, mosaïque de la Basilique du Rosaire, Lourdes

Dieu le Père, avec son Fils et par son Fils, est donc venu nous enfanter à sa vie par sa Parole qui se propose à notre liberté, et l’action souveraine de l’Esprit Saint. Et maintenant, la Mission du Fils se poursuit avec l’Eglise qui est son « Corps » (1Co 12,12-13.27). Lui, il en est comme « la Tête » (Ep 1,22-23) et il lui a demandé d’aller dans le monde entier pour transmettre ce qu’elle avait elle-même reçu. Il lui a alors promis d’être avec elle tous les jours, jusqu’à la fin du monde, et d’agir avec elle par la Puissance de son Esprit pour que sa Parole puisse être accueillie (Mt 28,18-20 ; Mc 16,20 ; 1Co 2,1-5 ; Rm 15,15-19). qui a reçu la charge de transmettre la Parole de Dieu au monde (Mt 28,18-20). L’Esprit qui se joignait à la Parole du Christ pour lui rendre témoignage et communiquer ainsi par elle la vie éternelle (Jn 6,63) se joint donc toujours à la même Parole proclamée aujourd’hui par l’Eglise pour accomplir la même œuvre : communiquer la vie (2Co 3,4-6), enfanter un monde nouveau… C’est ainsi que l’Eglise est « Mère »… « Mes petits enfants », écrit St Paul dans sa Lettre aux Galates, « vous que j’enfante à nouveau dans la douleur jusqu’à ce que le Christ soit formé en vous » (Ga 4,19)… En effet, nous sommes tous appelés à devenir des fils et des filles de Dieu à « l’image et ressemblance » de Jésus, le Fils Unique et éternel, qui reçoit sa vie du Père de toute éternité : « Il est Dieu né de Dieu, Lumière née de la Lumière, vrai Dieu né du vrai Dieu » (Crédo). « Comme le Père a la vie en lui‑même, de même a-t-il donné au Fils d’avoir la vie en lui‑même » (Jn 5,26). Et un peu plus loin, Jésus dit : « Je vis par le Père » (Jn 6,57). Nous sommes donc tous invités à recevoir par notre foi au Fils ce que le Fils reçoit de son Père de toute éternité : « De même que le Père, qui est vivant, m’a envoyé et que je vis par le Père, de même celui qui me reçoit vivra par moi » (Jn 6,57). Alors, sauvés par le Fils, les croyants reçoivent du Fils de « pouvoir devenir », petit à petit, de grâce en grâce, de miséricorde en miséricorde, des fils comme le Fils, « à l’image du Fils » : « Nous savons qu’avec ceux qui l’aiment, Dieu collabore en tout pour leur bien, avec ceux qu’il a appelés selon son dessein. Car ceux que d’avance il a discernés, il les a aussi prédestinés à reproduire l’image de son Fils, afin qu’il soit l’aîné d’une multitude de frères ; et ceux qu’il a prédestinés, il les a aussi appelés; ceux qu’il a appelés, il les a aussi justifiés; ceux qu’il a justifiés, il les a aussi glorifiés » (Rm 8,29‑30 ; 2Co 3,17-18). Alors, « le soleil enveloppe » la communauté de ceux et celles qui, par la Parole du Fils, ont accueilli « la lumière de la Vie » (Jn 8,12)…

Marie Chapelle de Bélouve Réunion

Marie, chapelle de la forêt de Bélouve, île de la Réunion

            Ainsi l’Eglise, par les sacrements et « le lait non frelaté de la Parole » (1P 2,2), enfante-t-elle des fils, vivants de la vie du Fils et appelés à être au ciel « Lumière » et « Gloire » comme le Fils… Et tout ceci se réalise très concrètement par le « oui » de notre foi à « la Parole de Vérité, la Bonne Nouvelle de notre salut ». Par ce « oui » renouvelé chaque jour, à tout instant, dans une prière qui devrait être continuelle (Ep 6,18), le chrétien accueille la grâce de l’Esprit reçu au jour de son baptême : « C’est en lui que vous aussi, après avoir entendu la Parole de vérité, l’Évangile de votre salut, et y avoir cru, vous avez été marqués d’un sceau par l’Esprit de la Promesse, cet Esprit Saint qui constitue les arrhes de notre héritage, et prépare la rédemption du Peuple que Dieu s’est acquis, pour la louange de sa gloire » (Ep 1,13-14). En effet, « le Christ a tant aimé l’Église qu’il s’est livré pour elle, afin de la sanctifier en la purifiant par le bain d’eau qu’une parole accompagne (le baptême) ; car il voulait se la présenter à lui-même toute resplendissante » (« enveloppée de soleil »), « sans tache ni ride ni rien de tel, mais sainte et immaculée » (Ep 5,25-27).

Marie fleurs Réunion

Ainsi, l’Eglise est notre Mère à tous car l’Esprit Saint, jour après jour, vient sur elle. La Puissance du Très Haut la prend sous son ombre ; c’est pourquoi les êtres saints car sanctifiés qui naissent d’elle sont appelés fils de Dieu (cf. Lc 1,35 ; 1Th 5,23-24)…

            Et nous constatons à quel point il est impossible de parler de l’Eglise sans parler de Marie, de penser à l’Eglise sans penser à Marie… En effet, si l’Eglise grâce à l’action de l’Esprit Saint est la Mère des fils et des filles de Dieu, Marie, grâce à l’action du même Esprit Saint est la Mère du Fils Unique et éternel de Dieu. Et dans l’ordre chronologique, c’est elle qui vient en premier.  « Comblée de Grâce » (Lc 1,28) pour accomplir sa vocation unique, « l’Immaculée Conception », la « Bénie entre toutes les femmes » (Lc 1,42) a mis au monde ce Fils qui allait appeler toute l’humanité à devenir comme lui, des fils et des filles de Dieu… Et comblée à son tour de grâce (Ep 1,6), sanctifiée par l’eau du baptême, appelée elle aussi à être « sainte et immaculée dans l’Amour », « bénie par toutes sortes de bénédictions spirituelles, aux cieux, dans le Christ »(Ep 1,3-10), l’Eglise recevra elle aussi la vocation de devenir la Mère d’une humanité nouvelle de fils et de fille de Dieu… Nous voyons bien que si « la Femme couronnée d’étoiles » du Livre de l’Apocalypse évoque le Mystère de l’Eglise, il est impossible de ne pas penser en même temps à Marie…

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Marie, Basilique de Vézelay

            Marie enfantant le Fils par l’Esprit est en effet l’image parfaite de l’Eglise enfantant des fils et des filles de Dieu par le même Esprit. Et Marie collabore toujours activement à cette Mission de l’Eglise, qui est tout en même temps celle de son Fils, car elle a reçu de lui, au pied de la Croix, la vocation d’être la Mère de tous les fils et les filles de Dieu… « Près de la croix de Jésus se tenaient sa mère et la sœur de sa mère, Marie, femme de Clopas, et Marie de Magdala. Jésus donc voyant sa mère et, se tenant près d’elle, le disciple qu’il aimait, dit à sa mère : « Femme, voici ton fils. » Puis il dit au disciple : « Voici ta mère. » Dès cette heure-là, le disciple l’accueillit chez lui » (Jn 19,25-27). Et St Jean, dans son Evangile, prend bien soin de ne pas nommer « le disciple bien-aimé », car il représente tous les disciples de Jésus, et donc l’Eglise tout entière… Marie, Mère du Fils par l’Esprit, est ainsi la Mère de tous ceux et celles qui, par leur foi au Fils et l’action du même Esprit, deviennent à leur tour des fils et des filles de Dieu à « l’image du Fils » unique et éternel de Dieu (Rm 8,29)… Le Père Paul Boiteau, ancien curé de Cilaos et supérieur du Petit Séminaire, écrivait ainsi : « Nous sommes les collaborateurs de la Très Sainte Vierge Marie pour la formation de Jésus Christ dans les âmes »…

Marie Lourdes

 « La Femme mit donc au monde un enfant mâle, celui qui doit mener toutes les nations avec un sceptre de fer[1] ; et son enfant fut enlevé jusqu’auprès de Dieu et de son trône » (Ap 12,5). Au regard des deux interprétations complémentaires que nous venons de voir, « la Femme – Eglise », « la Femme – Marie », ce verset peut se comprendre de deux façons. Si nous pensons à Marie, et donc à son Fils Jésus, le texte nous renvoie au jour de son Ascension (Lc 24,50‑53 ; Ph 2,6-11 ; Ep 1,17-23 ; Ac 7,55–56 ; Rm 8,34).

Mais si nous pensons à « la Femme – Eglise », celui qui a dit « oui » au Christ par sa foi a été uni, au jour de son baptême, au Mystère de sa mort au péché et à celui de sa vie à Dieu. Dès lors, « considérez que vous êtes morts au péché et vivants à Dieu dans le Christ Jésus » (Rm 6,1-11). Dans la foi et l’attente de la résurrection de la chair au dernier Jour, le chrétien est donc déjà ressuscité en tant qu’il participe dès aujourd’hui à la victoire du Christ sur la mort par le don de l’Esprit Saint. Grâce à lui, il a été arraché aux ténèbres et placé dans un état de communion avec ce Dieu qui est Lumière (1Jn 1,5). A lui maintenant de rester fidèle, jour après jour, à cette grâce reçue, pour grandir dans la vie des enfants de Dieu…  « Vous remercierez le Père qui vous a mis en mesure de partager le sort des saints dans la lumière. Il nous a en effet arrachés à l’empire des ténèbres et transférés dans le Royaume de son Fils bien-aimé, en qui nous avons la rédemption, la rémission des péchés » (Col 1,12‑14). Oui,

[1] Et nous retrouvons avec ce « sceptre de fer » une citation du Ps 2 déjà employé lors du baptême de Jésus par Jean-Baptiste dans les eaux du Jourdain (cf. Lc 3,21-22). Mais Jésus, qui reçoit en cet instant « un baptême de repentir en vue de la rémission des péchés » (Lc 3,3) est descendu dans l’eau pour nous donner l’exemple, pour nous montrer le chemin à suivre (Jn 14,6) … En effet, il est « l’Agneau sans reproche et sans tâche » (1P 1,19), « le Saint, le Juste » (Ac 3,14), « il n’a jamais commis de faute » (1P 2,22 ; Jn 8,46). Il n’avait donc pas besoin de se repentir. Jean-Baptiste le savait bien (Mt 3,13-15). Mais Jésus dans les eaux du Jourdain nous représente tous, plongés dans les eaux du baptême pour que naisse de l’Esprit une création nouvelle de fils et de filles de Dieu vivants de la vie du Fils (2Co 5,17 ; Tt 3,4-7). Et d’ailleurs, ce Psaume 2 qui concerne avant tout le Fils est aussi appliqué aux disciples du Christ en Ap 2,26-28 : « Le vainqueur, celui qui restera fidèle à mon service jusqu’à la fin, je lui donnerai pouvoir sur les nations : c’est avec un sceptre de fer qu’il les mènera comme on fracasse des vases d’argile ! Ainsi moi-même j’ai reçu ce pouvoir de mon Père. Et je lui donnerai l’Étoile du matin ». Nous retrouvons, par cette citation commune appliquée au Christ et aux chrétiens, à quel point nous sommes tous appelés à devenir comme le Fils, à son image, vivants de sa vie, partageant son Mystère de communion avec le Père dans l’unité d’un même Esprit…

Marie Nevers Ste Bernadette
Marie Nevers Ste Bernadette

Marie; statue devant laquelle Ste Bernadette aimait prier à Nevers, dans le jardin de sa communauté.

« Dieu, qui est riche en miséricorde, à cause du grand amour dont Il nous a aimés, alors que nous étions morts par suite de nos fautes, nous a fait revivre avec le Christ – c’est par grâce que vous êtes sauvés! –, avec lui Il nous a ressuscités et fait asseoir aux cieux, dans le Christ Jésus » (Ep 2,4-6). « Du moment donc que vous êtes ressuscités avec le Christ, recherchez les choses d’en haut, là où se trouve le Christ, assis à la droite de Dieu. Songez aux choses d’en haut, non à celles de la terre. Car vous êtes morts, et votre vie est désormais cachée avec le Christ en Dieu : quand le Christ sera manifesté, lui qui est votre vie, alors vous aussi vous serez manifestés avec lui pleins de gloire » (Col 3,1-4), « enveloppés de soleil »… Cette « vie cachée avec le Christ en Dieu » est communion dans l’unité d’un même Esprit (Ep 4,1-6) avec le Christ « Lumière du monde » (Jn 8,12), cette Lumière qui, seule, peut briller dans les ténèbres et remporter la victoire sur elle (Jn 1,4-5)… Avec elle « le Prince de ce monde est jeté dehors » (Jn 12,31), hors de nos cœurs. Et la prière du Christ s’accomplit : « Père, je ne te demande pas de les enlever du monde, mais de les garder du mauvais » (Jn 17,15)… Ainsi, le chrétien qui vit dans le monde, est-il déjà par sa foi « enlevé jusqu’auprès de Dieu et de son trône » (Ap 12,5) dans la mesure où il vit déjà, au plus profond de son être, un Mystère de Communion avec Dieu dans le silence, la paix et le repos de l’Esprit (Hb 4,3 ; Mt 11,28). Tel est « le Royaume des Cieux » qui est « arrivé jusqu’à nous » par le Don de « l’Esprit de Dieu » (Mt 12,28)…

Notre Dame de France Puy en VelayNotre Dame de France Le Puy en Velay

Marie, Notre Dame de France, Puy en Velay

Tel est « le désert » où nous sommes tous invités à trouver déjà « quelque chose » du vrai bonheur en vivant déjà de la vie de Dieu accueillie par la foi : et « la Femme s’enfuit au désert où Dieu lui a ménagé un refuge pour qu’elle y soit nourrie mille deux cent soixante jours » (Ap 12,6). Et la Bible de Jérusalem précise en note : le désert est le « refuge traditionnel des persécutés dans l’Ancien Testament (cf. Ex 2,15 ; 1R 19,3s ; 1M 2,29-30). L’Eglise doit fuir loin du monde et se nourrir de la vie divine (cf. Ex 16 ; 1R 17,4-6 ; 19,5-8 ; Mt 4,3-4 ; 14,13-21) ». Sa communion avec Dieu sera alors son refuge, sa forteresse, sa force (Ps 16(15),1 ; 18(17),3 ; 32(31),7 ; 46(45),2 ; 59(58),17 ; 64(63),11 ; 73(72),28 ; 90(89),1 ; 91(90),2 ; 94(93),22 ; 144(143),2). St Jean y revient un peu plus loin lorsqu’il écrit que « la Femme reçut les deux ailes du grand aigle[1] pour voler au désert jusqu’au refuge où, loin du Serpent, elle doit être nourrie un temps et des temps et la moitié d’un temps » (Ap 12,14). « Les deux ailes » nous font bien sûr penser à « l’Esprit Saint » (Mt 3,16 ; Mc 1,10 ; Lc 3,22 ; Jn 1,32) avec lequel et par lequel le Christ Ressuscité vient à nous et nous prend avec lui pour nous emmener dans la Maison du Père, ce Mystère de Communion qu’il vit avec son Père. « Que votre cœur cesse de se troubler ! Croyez en Dieu, croyez aussi en moi. Dans la maison de mon Père, il y a de nombreuses demeures ; sinon, je vous l’aurais dit ; je vais vous préparer une place. Et quand je serai allé et que je vous aurai préparé une place, à nouveau je viendrai et je vous prendrai près de moi, afin que, là où je suis, vous aussi, vous soyez » (Jn 14,1‑3).

Marie Notre Dame de France Puy en Velay Marie Notre Dame de France Puy en Velay

Marie, Notre Dame de France, Puy en Velay

Et cela durera « un temps et des temps et la moitié d’un temps » (Ap 12,14), « mille deux cent soixante jours » (Ap 12,6), c’est-à-dire « trois ans et demi »… Cette moitié du chiffre sept, symbole de perfection, « est devenu depuis le Livre de Daniel (Dn 7,25) la durée type de toute persécution », de toute souffrance (cf. Lc 4,25 ; Jc 5,17). « Ici, il s’agit immédiatement de la persécution de Rome, la Bête d’Ap 13 ; 17,10-14 » (Note de la Bible de Jérusalem en Ap 11,2). Ainsi, même si cette période d’épreuve peut sembler longue pour celui qui la subit, tôt ou tard elle s’arrêtera, car Dieu qui est présent  à l’Histoire lutte contre toute injustice avec tous les hommes de bonne volonté…

L’adversaire est ici représenté avec l’image « d’un énorme Dragon rouge feu, à sept têtes et dix cornes, chaque tête surmontée d’un diadème. Sa queue balaie le tiers des étoiles du ciel et les précipite sur la terre. En arrêt devant la Femme en travail, le Dragon s’apprête à dévorer son enfant aussitôt né » (Ap 12,3-4). Ce Dragon est « l’antique Serpent, le Diable (diviseur, en grec) ou le Satan (accusateur, en hébreu), comme on l’appelle, le séducteur du monde entier » (Ap 12,9), « le Prince de ce monde » (Jn 12,31) qui contribue à attiser la haine chez ceux qui se tournent vers le mal…

[1] Allusion au Livre de l’Exode où Dieu délivra Israël des persécutions et des souffrances que leur infligeaient à l’époque les Egyptiens : « Vous avez vu vous-mêmes ce que j’ai fait aux Égyptiens, et comment je vous ai emportés sur des ailes d’aigles et amenés vers moi » (Ex 19,4-5 ; voir aussi Dt 32,11 ; Is 40,11 ; 46,4 ; 63,9). Et ce que Dieu fit autrefois avec les Egyptiens, il le refera bientôt avec les Romains…

Marie Notre Dame de la Salette

Marie, église de Notre Dame de la Salette

Avec le Christ, « il avait mis au cœur de Judas Iscariote le dessein de le livrer », et ce dernier avait accueilli ce mauvais désir et décidé de le mettre en pratique. Et lorsqu’il sortit pour livrer Jésus, « il faisait nuit », c’était l’heure des ténèbres (Jn 13,2.30)… Ainsi, le démon agit concrètement dans notre monde par tous ceux et celles qui disent « Oui ! » au mal, aux mauvaises pensées, aux convoitises de toutes sortes, à la haine, à la volonté de dominer etc… Dans le Livre de l’Apocalypse, il agit par les Romains qui persécutent les chrétiens… St Jean y fait allusion lorsqu’il décrit cet « énorme Dragon rouge feu » avec « sept têtes », un chiffre qui renvoie aux sept collines de Rome… Mais l’empire romain sera ensuite clairement désigné par l’image de la Bête au chapitre suivant…

            Le Diable s’attaque donc à « ceux qui gardent le commandement de Dieu (cf. Jn 15,12.17) et possèdent le témoignage de Jésus », l’Esprit Saint qui rend témoignage à Jésus en leur cœur (Jn 15,26) et leur donne la force nécessaire pour continuer à rendre témoignage à Jésus, envers et contre tout (Jn 15,27 avec Ac 1,8 ; 4,31). Mais toutes ces souffrances endurées pour l’Evangile sont autant d’occasions à vivre cet Evangile et à plonger au cœur de la Bonne Nouvelle… Et quelle est-elle ? Evoquons-là avec cette phrase de Paul Claudel : « Dieu n’est pas venu supprimer la souffrance ; il est venu la remplir de sa Présence », une Présence qui est Joie, Paix, Bonheur Profond, un Bonheur que nul « méchant » ne peut atteindre… « Heureux les affligés, ils seront consolés… Heureux êtes-vous quand on vous insultera, qu’on vous persécutera, et qu’on dira faussement contre vous toute sorte d’infamie à cause de moi. Soyez dans la joie et l’allégresse » (Mt 5,5.11-12).

Marie Eglise de Ste Praxède Rome

Marie, église Ste Praxède, Rome.

            St Paul écrivait de son côté aux chrétiens de Thessalonique : « Vous avez accueilli la Parole parmi bien des souffrances, avec la joie de l’Esprit Saint » (1Th 1,6). La promesse de Jésus s’accomplissait : « Voici que je vous envoie comme des brebis au milieu des loups ; montrez-vous donc prudents comme les serpents et candides comme les colombes. Méfiez-vous des hommes : ils vous livreront aux sanhédrins et vous flagelleront dans leurs synagogues ; vous serez traduits devant des gouverneurs et des rois, à cause de moi, pour rendre témoignage en face d’eux et des païens. Mais, lorsqu’on vous livrera, ne cherchez pas avec inquiétude comment parler ou que dire : ce que vous aurez à dire vous sera donné sur le moment, car ce n’est pas vous qui parlerez, mais l’Esprit de votre Père qui parlera en vous » (Mt 10,16-20). Et « le fruit de l’Esprit est charité, joie, paix, longanimité, serviabilité, bonté, confiance dans les autres, douceur, maîtrise de soi » (Ga 5,22-23). En effet, écrivait St Paul à Timothée, « ce n’est pas un esprit de crainte que Dieu nous a donné, mais un Esprit de force, d’amour et de maîtrise de soi. Ne rougis donc pas du témoignage à rendre à notre Seigneur, ni de moi son prisonnier, mais souffre plutôt avec moi pour l’Évangile, soutenu par la force de Dieu » (2Tm 1,7-8).

   Marie, basilique de Vézelay

Marie Vézelay

            Ainsi, Dieu promet la Présence toute particulière de son Esprit Saint au cœur des épreuves endurées pour l’Evangile (Mt 10,24-25 ; Jn 15,18-21 ; 1Th 2,2 ; cf. Ac 9,16 ; 1Co 4,9-13 ; 2Co 1,5 ; 4,8-12 ; 6,4-10 ; 11,23-33 ; Ph 3,10-11 ; Col 1,24). Et la Présence de cet Esprit est toujours synonyme de joie, de consolation, de paix et donc de bonheur… La voilà la Bonne Nouvelle, déjà présente au cœur de notre monde, avec toutes ses souffrances, ses détresses, ses épreuves, dans l’attente et l’espérance de la Jérusalem d’en haut où « il n’y aura plus de pleurs, plus de peines, plus de cris, car l’ancien monde s’en sera allé » (Ap 21,1-4 ; 7,13-17).

Au début de sa seconde Lettre aux Corinthiens, St Paul parle de cette Bonne Nouvelle, la Présence de Dieu par son Esprit au cœur de toutes nos souffrances : « Béni soit le Dieu et Père de notre Seigneur Jésus Christ, le Père des miséricordes et le Dieu de toute consolation, qui nous console dans toute notre tribulation, afin que, par la consolation que nous-mêmes recevons de Dieu, nous puissions consoler les autres en quelque tribulation que ce soit. De même en effet que les souffrances du Christ abondent pour nous, ainsi, par le Christ, abonde aussi notre consolation » (2Co 1,3-5). Et la Bible de Jérusalem écrit en note : « La consolation est annoncée par les prophètes comme caractéristique de l’ère messianique. Elle consiste essentiellement dans la fin de l’épreuve et dans le début d’une ère de paix et de joie. Mais, dans le Nouveau Testament, le monde nouveau est présent au sein du monde ancien et le chrétien uni au Christ est consolé au sein même de sa souffrance (2 Co 1,4-7 ; 7 4 ; cf. Col 1,24) ». Dans cette Lettre, « Paul insiste constamment sur la présence de réalités antagonistes, voire contradictoires, dans le Christ, l’apôtre et le chrétien : souffrance et consolation (2Co 1,3-7 ; 7,4), mort et vie (4,10-12 ; 6,9), pauvreté et richesse (6,10 ; 8,9), faiblesse et force (12,9‑10). C’est le mystère pascal, la présence du Christ ressuscité au milieu du monde ancien de péché et de mort ». Et telle est la Bonne Nouvelle…

      Marie, église de Citeaux

Marie Notre Dame de Citeaux

            Au milieu de toutes les difficultés de cette vie, le chrétien n’est donc pas seul. Le Père (Mt 6,6) et le Fils sont avec lui (Mt 28,20) par l’Esprit Saint (Jn 14,15-17 ; 16,7), artisan de toute Communion. La Paix, la Force, la Lumière et la Joie que le Fils reçoit de son Père par l’Esprit sont maintenant communiquées aux croyants par ce même Esprit… « Je vous ai dit cela pour que ma joie soit en vous et que votre joie soit parfaite… Je vous laisse la paix, je vous donne ma paix » (Jn 15,10 ; 14,27) disait Jésus. Et rien ni personne ne peut empêcher l’Esprit d’être là, présent et agissant au cœur de celui ou celle qui le reçoit dans la prière… Avec lui et par lui, Dieu règne avec puissance et donne la victoire : « Désormais, la victoire, la puissance et la royauté sont acquises à notre Dieu » (Ap 12,10)… Avec lui et par lui, « la domination est acquise au Christ puisqu’on a jeté bas l’accusateur de nos frères, celui qui les accusait jour et nuit devant notre Dieu » (Ap 12,10)… « Satan », en effet, veut dire « accusateur »… Il est le Séducteur qui, si l’on consent à ses tentations, nous fait tomber, puis ensuite nous accuse, nous condamne, nous désespère… « Dieu, lui, ne juge personne » (Jn 5,22) et ne condamne jamais (Jn 8,11 ; 3,16-18). Il sait que celui qui tombe se fait mal et qu’il souffre… Aussi le regarde-t-il avec amour et compassion. Et il va même avec son Fils jusqu’à prendre sur lui sa souffrance pour le soutenir, le soulager, le délivrer (Mt 8,17 ; 11,28-30 ; Is 52,13-53,12). Son seul désir est de nous sauver, de nous relever, de nous pardonner, de nous délivrer pour que nous puissions retrouver avec lui la vie, la paix et la joie que nous avions perdues par suite de nos fautes… Si nous consentons à sa Miséricorde, nous serons dans la joie (Ap 12,12) et notre joie fera sa joie (So 3,14-20).

                                                                                                             D. Jacques Fournier