21ième Dimanche du Temps Ordinaire – Homélie du Père Louis DATTIN

“Seigneur, à qui irions-nous ?”

Jn 6, 60-69


Jésus vient de finir le discours sur le « Pain de Vie », « celui qui mange ma chair et boit mon sang a la vie éternelle », le résultat sur l’auditoire, vous le connaissez : il est catastrophique, il est double. C’est le scandale et le refus de la grande majorité des gens, mais aussi la crise de foi, de fidélité du petit noyau qui entoure Jésus : « Ce qu’il dit est intolérable ! On ne peut pas continuer à l’écouter ». Alors ? Qui part ? Qui reste ? La question de confiance est posée !

            Eh ! Voilà ! Ils sont tous partis ou presque ! Quoi d’étonnant ? Mais, Seigneur, pourquoi leur avoir dit des choses pareilles ? Hier, ils étaient cinq mille, tous prêts à former une armée et toi, tu leur racontes que ton corps est une nourriture et ton sang une boisson ! Tu nous prends pour des cannibales !

C’est la crise, la crise de confiance, la crise de foi. Alors qu’hier ça marchait bien : il avait multiplié les pains, immense geste du partage. Toute la foule avait mangé à sa faim ; il n’en fallait pas plus pour qu’elle s’attache à lui… s’il en faisait autant tous les jours ! Oui, voilà, le roi qu’il nous faut : oui, mais voilà ! La royauté du Christ est ailleurs. Jésus n’est pas un ministre de la sécurité sociale ou de la consommation ou du ravitaillement.

« Vous vous intéressez à moi parce que je vous ai nourris hier. Mais le pain que je vous propose est ailleurs, c’est « autre chose » : il choque les uns, il déçoit les autres, mais l’Eucharistie va exiger de chacun une réponse, ou bien  » Je ne crois pas et je m’en vais », ou bien « Je crois et je reste ».

 Au cours d’une réunion de fiancés, on parlait de l’amour et l’un d’eux dit ce que nous entendons maintenant assez souvent : « Nous, nous ne nous marions pas car, en ce moment, nous nous aimons, mais nous ignorons si dans un an ou dans dix ans nous nous aimerons encore ». Or l’amour dans le mariage, qu’est-ce-que c’est ? Est-ce simplement le désir de l’autre, une attirance mutuelle ? Passagère ? Provisoire ? Il ne devrait pas en rester là.

St-Paul nous l’a rappelé dans la 2e lecture : « L’amour des époux doit être comme l’amour du Christ pour son Eglise, un amour qui dure. Il voulait la rendre sainte, resplendissante, son Eglise, irréprochable, c’est comme cela que le mari doit aimer sa femme ». La foi, comme l’amour, est d’abord une décision de la volonté, l’acceptation d’une aventure à risques où nous ne savons pas de quoi demain sera fait, où nous nous lançons, dans la foi avec le Christ, dans l’amour avec mon époux ou mon épouse, à partir d’une décision, d’une option qui fait confiance à l’avenir pour se prendre mutuellement en charge, pour vivre l’un avec l’autre, en fondant dans la foi comme dans l’amour, un foyer solide qui résistera aux intempéries. Car, c’est inévitable, il y aura des jours sombres, des nuages, des moments difficiles à passer, mais, comptant sur la grâce de Dieu, dans l’amour comme dans la foi, nous tiendrons. C’est une option que nous avons prise.

La foi en Dieu, la foi au Christ, c’est pareil, c’est un peu comme le mariage. La foi d’un enfant, ce n’est jamais bien solide, mais à mesure qu’on grandit, il faut qu’elle devienne un choix personnel, une décision qu’il nous faudra renouveler périodiquement, comme les époux entre eux renouvellent leurs promesses.

Nous aussi, dans notre vie chrétienne, nous avons des moments difficiles : périodes de découragement, de sécheresse dans la prière, de lassitude, impression que Dieu nous oublie, révolte contre Dieu à l’occasion d’une épreuve, d’un deuil. Notre foi est souvent mise à l’épreuve : autour de nous, on tourne l’église en dérision, nos voisins vivent dans une indifférence tranquille à l’égard de Dieu et ne s’en portent pas plus mal et même dans nos familles, nos enfants, nos petits-enfants cessent de fréquenter l’Eglise et ne reçoivent même pas d’éducation chrétienne. Puis Dieu, aujourd’hui, semble tellement absent, ignoré, rayé des comptes, alors, nous aussi parfois, nous sommes tentés de tout laisser tomber, de déserter. On dit : « J’ai perdu la foi ! » Mais non ! On n’a pas perdu la foi : tout simplement, ce sont de gros nuages qui passent et qui font qu’on y voit plus clair du tout. Alors, au lieu de quitter le Christ, il faut au contraire nous rapprocher de lui, lui redire notre attachement et notre volonté de lui rester fidèle.

Aujourd’hui, Jésus, à nous aussi, nous repose la question de confiance : « Voulez-vous partir vous aussi ? », « A partir de ce moment, beaucoup de disciples s’éloignèrent et cessèrent d’aller avec lui ». Jésus se tourne vers les douze et Jésus se tourne vers nous aussi aujourd’hui : « Et vous, voulez-vous partir vous aussi ? »

Alors, Simon Pierre lui répondit : « Seigneur, à qui irions-nous ? »

Vers l’argent, vers la réussite d’une carrière, vers la domination des autres, vers le plaisir, vers le confort ? Vers le laisser aller ? « A quoi irions-nous, Seigneur ? ». « Nous ne comprenons pas toujours clairement ce que tu nous dis, mais nous avons décidé de te suivre, nous voulons t’aimer, tu nous as choisis, nous décidons de t’écouter, de nous attacher à toi, de travailler avec toi pour toi. Toi, tu as les paroles la vie éternelle ». 

Pourquoi limiterions-nous Dieu à ce que nous sommes capables de comprendre ? Il nous dépasse de partout. Nous savons, nous, que la route passe par la Croix, par le don de sa vie, tous les jours, et que la route de notre amour et de notre foi implique joie autant que renoncement, partage, oubli de soi, pardon envers et contre tout. Resterons-nous quand même comme Pierre, prêts à suivre « celui qui a les paroles de la vie éternelle » ?

 La tentation est grande de dire « oui » du bout des lèvres, sans risques. Mais la question du Christ est exigeante. Notre réponse aussi doit être exigeante : elle doit nous engager. Pour nous, quand les nuages s’amoncellent, quand les doutes surviennent (ces doutes, ils font partie de notre vie), écoutons le Seigneur qui nous dit du fond du cœur : « Tu sais, je suis toujours là, bien présent, bien vivant, même quand tu n’y penses pas ! », « Vas-tu donc me quitter, toi aussi ? ».

 Répondons lui, comme Pierre : « Seigneur, à qui irais-je ? A qui irions-nous ? Tu es le chemin, Tu es la vérité, Tu es la vie. Nous croyons et nous savons que tu es le Saint, le Saint de Dieu ». AMEN

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