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Audience Générale du Mercredi 7 Février 2024

PAPE FRANÇOIS

AUDIENCE GÉNÉRALE

Place Saint-Pierre
Mercredi 7 Février 2024


Catéchèse – Les vices et les vertus – 7. La tristesse

Chers frères et sœurs, bonjour !

Dans notre itinéraire de catéchèse sur les vices et les vertus, nous nous focalisons aujourd’hui sur un vice plutôt abominable, la tristesse, entendue comme un abattement de l’âme, une affliction constante qui empêche l’homme d’éprouver de la joie pour sa propre existence.

Il convient tout d’abord de noter que les Pères ont établi une distinction importante en ce qui concerne la tristesse. Il existe en effet une tristesse propre à la vie chrétienne qui, avec la grâce de Dieu, se transforme en joie : celle-ci n’est évidemment pas à rejeter et fait partie du chemin de conversion. Mais il y a aussi une deuxième sorte de tristesse qui s’insinue dans l’âme et la plonge dans l’abattement : c’est cette deuxième sorte de tristesse qu’il faut combattre résolument et de toutes ses forces, parce qu’elle vient du Malin. Nous retrouvons également cette distinction chez saint Paul, qui écrit aux Corinthiens : « Car une tristesse vécue selon Dieu produit un repentir qui mène au salut, sans causer de regrets, tandis que la tristesse selon le monde produit la mort. » (2 Co 7,10).

Il y a donc une tristesse amicale, qui conduit au salut. Pensons au fils prodigue de la parabole : lorsqu’il touche le fond de sa déchéance, il ressent une grande amertume, qui le pousse à reprendre ses esprits et à décider de retourner dans la maison de son père (cf. Lc 15, 11-20). C’est une grâce de gémir sur ses péchés, de se rappeler l’état de grâce d’où nous sommes tombés, de se lamenter parce que nous avons perdu la pureté dans laquelle Dieu nous a rêvés.

Mais il existe une deuxième tristesse, qui au contraire est une maladie de l’âme. Elle naît dans le cœur de l’homme lorsqu’un désir ou une espérance s’évanouit. Nous pouvons ici nous référer au récit des disciples d’Emmaüs. Ces deux disciples quittent Jérusalem le cœur déçu et confient à l’étranger qui, un certain moment les accompagne : « Nous, nous espérions que c’était lui – c’est-à-dire Jésus – qui allait délivrer Israël. » (Lc 24, 21). La dynamique de la tristesse est liée à l’expérience de la perte. Dans le cœur de l’homme naissent des espoirs qui sont parfois déçus. Il peut s’agir du désir de posséder quelque chose que l’on ne peut pas obtenir, mais aussi de quelque chose d’important, comme une perte affective. Lorsque cela se produit, c’est comme si le cœur de l’homme tombait dans un précipice, et les sentiments qu’il éprouve sont le découragement, la faiblesse d’esprit, la dépression, l’angoisse. Nous passons tous par des épreuves qui génèrent en nous de la tristesse, parce que la vie nous fait concevoir des rêves qui se brisent ensuite. Dans cette situation, certains, après un temps de trouble, s’en remettent à l’espérance ; mais d’autres se complaisent dans la mélancolie, la laissant s’envenimer dans leur cœur. Cela procure-t-il du plaisir ? Considérez ceci. La tristesse est comme le plaisir du non-plaisir, être heureux que cela ne soit pas arrivé, c’est comme prendre un bonbon amer, sans sucre, un bonbon abominable et le sucer. La tristesse est un plaisir de non-plaisir.

Le moine Évagre raconte que tous les vices visent le plaisir, aussi éphémère soit-il, alors que la tristesse jouit du contraire : se bercer d’un chagrin sans fin. Certains chagrins prolongés, où l’on continue à élargir le vide de celui qui n’est plus là, ne sont pas propres à la vie dans l’Esprit. Certaines amertumes rancunières, où l’on a toujours en tête une revendication qui nous fait prendre l’apparence de la victime, ne produisent pas en nous une vie saine, et encore moins une vie chrétienne. Il y a quelque chose dans le passé de chacun qui a besoin d’être guéri. La tristesse, qui est une émotion naturelle, peut se transformer en un mauvais état d’esprit.

C’est un démon sournois, celui de la tristesse. Les pères du désert la décrivaient comme un ver du cœur, qui ronge et vide ceux qui lui font l’hospitalité. Cette image est belle, elle nous fait comprendre. Et alors que dois-je faire quand je suis triste ? S’arrêter et réfléchir : est-ce une bonne tristesse ? Est-ce une tristesse qui n’est pas bonne ? Et réagir en fonction de la nature de la tristesse. N’oubliez pas que la tristesse peut être une très mauvaise chose qui nous conduit au pessimisme, qui nous conduit à un égoïsme difficile à guérir.

Frères et sœurs, soyons attentifs à cette tristesse et pensons que Jésus nous apporte la joie de la résurrection. Même si la vie peut être remplie de contradictions, de désirs déconfits, de rêves non réalisés, d’amitiés perdues, grâce à la résurrection de Jésus, nous pouvons croire que tout sera sauvé. Jésus est ressuscité non seulement pour lui-même, mais aussi pour nous, afin de racheter tous les bonheurs restés inachevés dans notre vie. La foi chasse la peur, et la résurrection du Christ dégage la tristesse comme la pierre du tombeau. Chaque journée de chrétien est un exercice de résurrection. Georges Bernanos, dans son célèbre roman Journal d’un curé de campagne, fait dire au curé de Torcy : « L’Église dispose de la joie, toute cette joie qui est réservée à ce triste monde. Ce que vous avez fait contre elle, vous l’avez fait contre la joie ». Et un autre écrivain français, Léon Bloy, nous a laissé cette phrase magnifique : « Il n’y a qu’une seule tristesse, […] celle de n’être pas saint ». Que l’Esprit de Jésus ressuscité nous aide à vaincre la tristesse par la sainteté.

* * *

Je salue cordialement les pèlerins de langue française en particulier les collégiens et lycéens venus de France.

Frères et sœurs, que l’Esprit de Jésus aide toutes les personnes plongées dans une solitude profonde et dans la nuit du désespoir à vaincre la tristesse par la joie de la résurrection.

Que Dieu vous bénisse !





Audience Générale du Mercredi 31 Janvier 2024

PAPE FRANÇOIS

AUDIENCE GÉNÉRALE

Place Saint-Pierre
Mercredi 31 Janvier 2024


Catéchèse – Les vices et les vertus – 6. La colère

Chers frères et sœurs, bonjour !

Ces dernières semaines, nous traitons du thème des vices et des vertus, et aujourd’hui nous nous arrêtons pour réfléchir sur le vice de la colère. Il s’agit d’un vice particulièrement sombre, et peut-être le plus facile à détecter d’un point de vue physique. La personne dominée par la colère peut difficilement la dissimuler : on le reconnaît aux mouvements de son corps, à son agressivité, à sa respiration laborieuse, à son regard obscur et renfrogné.

Dans sa manifestation la plus aiguë, la colère est un vice qui ne laisse aucun répit. Si elle naît d’une injustice subie (ou ressentie comme telle), elle ne se déchaîne souvent pas contre le coupable, mais contre le premier malchanceux. Il y a des hommes qui retiennent leur colère au travail, se montrant calmes et compatissants, mais qui, une fois à la maison, deviennent insupportables pour la femme et les enfants. La colère est un vice omniprésent : elle est capable de nous priver de sommeil et de nous faire constamment comploter dans notre esprit, incapables de trouver une barrière pour raisonner et penser.

La colère est un vice destructeur des relations humaines. Il exprime l’incapacité à accepter la diversité de l’autre, surtout lorsque ses choix de vie divergent des nôtres. Elle ne s’arrête pas au mauvais comportement d’une personne, mais jette tout dans la marmite : c’est l’autre, l’autre tel qu’il est, l’autre en tant que tel qui provoque la colère et le ressentiment. On se met à détester le ton de sa voix, les gestes banals de la vie quotidienne, ses façons de raisonner et de sentir.

Lorsque la relation atteint ce niveau de dégénérescence, la lucidité est désormais perdue. La colère fait perdre la lucidité. Car l’une des caractéristiques de la colère est parfois qu’elle ne s’apaise pas avec le temps. Dans ce cas, même la distance et le silence, au lieu d’apaiser le poids de l’incompréhension, l’amplifient. C’est pour cette raison que l’apôtre Paul – comme nous l’avons entendu – recommande à ses chrétiens d’aborder immédiatement le problème et de tenter une réconciliation : « Que le soleil ne se couche pas sur votre colère » (Ep 4,26). Il est important que tout soit résolu immédiatement, avant que le soleil ne se couche. Si un malentendu survient pendant la journée et que deux personnes ne se comprennent plus, se sentant soudain éloignées l’une de l’autre, la nuit ne doit pas être livrée au diable. Le vice nous maintiendrait éveillés dans l’obscurité, ruminant nos raisons et nos erreurs inexplicables qui ne sont jamais les nôtres et toujours celles de l’autre. C’est ainsi : lorsqu’une personne est dominée par la colère, elle dit toujours que le problème vient de l’autre ; elle n’est jamais capable de reconnaître ses propres fautes, ses propres déficiences.

Dans le « Notre Père », Jésus nous fait prier pour nos relations humaines qui sont un terrain miné : un plan qui ne s’équilibre jamais parfaitement. Dans la vie, nous avons affaire à des débiteurs qui nous sont redevables, tout comme nous n’avons certainement pas toujours aimé tout le monde à sa juste mesure. À certains, nous n’avons pas rendu l’amour qui leur était dû. Nous sommes tous des pécheurs, tous, et tous nous avons des comptes dans le rouge : il ne faut pas l’oublier ! Pour cela tous nous devons apprendre à pardonner pour être pardonnés. Les hommes ne restent pas ensemble s’ils ne pratiquent pas aussi l’art du pardon, pour autant que cela soit humainement possible. Ce qui peut contrer la colère, c’est la bienveillance, l’ouverture du cœur, la douceur, la patience.

Mais à propos de la colère, il faut dire une dernière chose. C’est un vice terrible, a-t-on dit, il est à l’origine des guerres et des violences. Le poème de l’Iliade décrit « la colère d’Achille », qui sera la cause d’un « deuil infini ». Mais tout ce qui naît de la colère n’est pas mauvais. Les anciens savaient bien qu’il y a en nous une part d’irascibilité qui ne peut et ne doit pas être niée. Les passions sont, dans une certaine mesure, inconscientes : elles se produisent, ce sont des expériences de la vie. Nous ne sommes pas responsables de l’apparition de la colère, mais toujours de son développement. Et parfois, il est bon que la colère soit évacuée de la bonne manière. Si une personne ne se met jamais en colère, si elle n’est pas indignée par une injustice, si elle ne ressent pas un frémissement dans ses tripes face à l’oppression d’une personne faible, cela signifierait que cette personne n’est pas humaine, et encore moins chrétienne.

La sainte indignation existe, qui n’est pas la colère mais un mouvement intérieur, une sainte indignation. Jésus l’a connue plusieurs fois dans sa vie (cf. Mc 3,5) : il n’a jamais répondu au mal par le mal, mais dans son âme il a ressenti ce sentiment et, dans le cas des marchands du Temple, il a accompli une action forte et prophétique, dictée non par la colère, mais par le zèle pour la maison du Seigneur (cf. Mt 21,12-13). Nous devons bien distinguer : une chose est le zèle, la sainte indignation, une autre est la colère qui est mauvaise.

Il nous appartient, avec l’aide de l’Esprit Saint, de trouver la juste mesure des passions, de bien les éduquer pour qu’elles s’orientent vers le bien et non vers le mal. Merci.

* * *

Je salue cordialement les personnes de langue française, particulièrement les jeunes provenant des établissements scolaires de France.

Frères et sœurs, apprenons à nous exercer à l’art de la réconciliation et du pardon afin de vaincre le vice de la colère et d’ouvrir des voies de paix dans nos relations quotidiennes.

Que Dieu vous bénisse !





Audience Générale du Mercredi 24 Janvier 2024

PAPE FRANÇOIS

AUDIENCE GÉNÉRALE

Place Saint-Pierre
Mercredi 24 Janvier 2024


Catéchèse – Les vices et les vertus – 5. L’avarice

Chers frères et sœurs, bonjour !

Nous poursuivons les catéchèses sur les vices et les vertus et aujourd’hui nous parlons de l’avarice, c’est-à-dire de cette forme d’attachement à l’argent qui empêche l’homme d’être généreux.

Il ne s’agit pas d’un péché qui concerne uniquement les personnes qui possèdent un patrimoine important, mais d’un vice transversal, qui n’a souvent rien à voir avec le solde du compte courant. C’est une maladie du cœur, pas du portefeuille.

Les analyses des Pères du désert sur ce mal ont montré comment l’avarice pouvait s’emparer aussi des moines qui, ayant renoncé à d’énormes héritages, s’étaient attachés dans la solitude de leur cellule à des objets de peu de valeur : ils ne les prêtaient pas, ils ne les partageaient pas, et ils étaient encore moins disposés à les donner. Un attachement à de petites choses. Ces objets sont devenus pour eux une sorte de fétiche dont il était impossible de se détacher. Une sorte de régression au stade des enfants qui s’agrippent à leur jouet en répétant : « C’est à moi ! C’est à moi ! ». Un tel attachement prive de toute liberté. Dans cette revendication se cache un rapport maladif à la réalité, qui peut se traduire par des formes d’accaparement compulsif ou d’accumulation pathologique.

Pour guérir de cette maladie, les moines proposaient une méthode radicale, mais très efficace : la méditation sur la mort. Quelle que soit l’accumulation de biens dans ce monde, nous sommes absolument certains d’une chose : ils ne tiendront pas dans le cercueil. Nous ne pouvons pas emporter les biens. C’est là que se révèle l’absurdité de ce vice. Le lien de possession que nous construisons avec les choses n’est qu’apparent, car nous ne sommes pas les maîtres du monde : cette terre que nous aimons n’est en vérité pas la nôtre, et nous nous y déplaçons comme des étrangers et des pèlerins (cf. Lv 25, 23).

Ces simples considérations nous permettent de comprendre la folie de l’avarice, mais aussi sa raison profonde. Elle tente d’exorciser la peur de la mort : elle recherche la sécurité en des valeurs qui s’écroulent au moment même où nous les saisissons. Rappelez-vous la parabole de cet homme insensé, dont la campagne offrait une récolte très abondante, et qui se berçait de pensées sur la manière d’agrandir ses greniers pour y mettre toute la récolte. L’homme avait tout calculé, tout prévu pour l’avenir. Mais il n’avait pas pris en compte la variable la plus sûre de la vie : la mort. « Tu es fou – dit l’Évangile – cette nuit même, on va te redemander ta vie. Et ce que tu auras accumulé, qui l’aura ? » (Lc 12,20).

Dans d’autres cas, ce sont les voleurs qui rendent ce service. Même dans les Évangiles, ils font de nombreuses apparitions et, bien que leur action soit répréhensible, elle peut devenir un avertissement salutaire. C’est ce que Jésus prêche dans le Sermon sur la montagne : « Ne vous faites pas de trésors sur la terre, là où les mites et les vers les dévorent, où les voleurs percent les murs pour voler. Mais faites-vous des trésors dans le ciel, là où il n’y a pas de mites ni de vers qui dévorent, pas de voleurs qui percent les murs pour voler. » (Mt 6,19-20). Toujours dans les récits des Pères du désert, on raconte l’histoire d’un voleur qui surprend le moine dans son sommeil et lui dérobe les quelques biens qu’il gardait dans sa cellule. Lorsqu’il se réveille, nullement troublé par ce qui s’est passé, le moine se lance sur les traces du voleur et, une fois qu’il l’a trouvé, au lieu de réclamer les biens volés, il lui remet les quelques objets qui lui sont restés, en disant : « Tu as oublié de les prendre ! »

Nous, frères et sœurs, nous pouvons être les maîtres des biens que nous possédons, mais c’est souvent le contraire qui arrive : ces biens finissent par nous posséder. Certains riches ne sont plus libres, ils n’ont même plus le temps de se reposer, ils doivent surveiller leurs épaules parce que l’accumulation des biens exige aussi d’en prendre soin. Ils sont toujours anxieux car un patrimoine se construit à la sueur de son front, mais il peut disparaître à tout moment. Ils oublient la prédication de l’Évangile, qui ne prétend pas que les richesses soient un péché en soi, mais qu’elles sont certainement une responsabilité. Dieu n’est pas pauvre : il est le Seigneur de tout, mais – écrit saint Paul – « lui qui est riche, il s’est fait pauvre à cause de vous, pour que vous deveniez riches par sa pauvreté » (2 Co 8, 9).

C’est ce que l’avare ne comprend pas. Il aurait pu être un motif de bénédiction pour beaucoup, mais au lieu de cela, il s’est engagé dans l’impasse de l’infélicité. Et la vie de l’avare est déplorable : je me souviens du cas d’un monsieur que j’ai connu dans l’autre diocèse, un homme très riche, dont la mère était malade. Il était marié. Les frères s’occupaient de la mère à tour de rôle, et la mère prenait un yaourt le matin. Il lui en donnait la moitié le matin pour lui donner l’autre moitié l’après-midi et économiser un demi-yogourt. Telle est l’avarice, tel est l’attachement aux biens. Puis ce monsieur est mort, et les commentaires des gens qui sont allés à la veillée funèbre ont été les suivants : « Mais vous voyez bien que cet homme n’a rien sur lui : il a tout laissé derrière lui ». Et puis, un peu moqueurs, ils disaient : « Non, non, ils ne pouvaient pas fermer le cercueil parce qu’il voulait tout emporter ». Et cela fait rire les autres, l’avarice : à la fin, nous devons donner notre corps, notre âme au Seigneur et nous devons tout laisser. Soyons vigilants et généreux : généreux avec tout le monde et généreux avec ceux qui ont le plus besoin de nous. Je vous remercie.

* * *

Je salue cordialement les pèlerins de langue française en particulier les collégiens et lycéens venus de France. Que le Seigneur nous donne la grâce de nous attacher aux seuls vrais bien : son amour et l’amour pour nos frères.

Que Dieu vous bénisse.





Audience Générale du Mercredi 17 Janvier 2024

PAPE FRANÇOIS

AUDIENCE GÉNÉRALE

Place Saint-Pierre
Mercredi 17 Janvier 2024


Catéchèse – Les vices et les vertus – 4. La luxure

Chers frères et sœurs, bonjour !

Aujourd’hui, écoutons bien la catéchèse car ensuite nous aurons le cirque qui fera quelque chose pour nous divertir

Poursuivons notre itinéraire sur les vices et les vertus ; les anciens Pères nous enseignent qu’après la gourmandise, le deuxième « démon », c’est-à-dire vice, qui se tient toujours accroupi à la porte du cœur c’est celui de la luxure. Alors que la gourmandise est une voracité envers la nourriture, ce second vice est une sorte de « voracité » envers une autre personne, c’est-à-dire la relation empoisonnée que les êtres humains entretiennent entre eux, en particulier dans le domaine de la sexualité.

Attention : dans le christianisme, il n’y a pas de condamnation de l’instinct sexuel. Un livre de la Bible, le Cantique des Cantiques, est un merveilleux poème d’amour entre deux fiancés. Cependant, cette belle dimension de notre humanité, la dimension sexuelle, la dimension de l’amour, n’est pas sans danger, à tel point que saint Paul doit déjà aborder la question dans la première Lettre aux Corinthiens. Il écrit : « On entend dire partout qu’il y a chez vous un cas d’inconduite, une inconduite telle qu’on n’en voit même pas chez les païens » (5,1). Le reproche de l’Apôtre concerne précisément une gestion malsaine de la sexualité par certains chrétiens.

Mais regardons l’expérience humaine, l’expérience de tomber amoureux. Ici, il y a tant de nouveaux mariés, vous pouvez parler de cela ! Pourquoi ce mystère se produit, ni pourquoi il s’agit d’une expérience si bouleversante dans la vie des personnes. Aucun d’entre nous ne le sait. Une personne tombe amoureuse d’une autre, cela arrive de tomber amoureux. C’est l’une des réalités les plus surprenantes de l’existence. La plupart des chansons que nous entendons à la radio en parlent : des amours qui s’illuminent, des amours toujours recherchés et jamais atteints, des amours pleins de joie ou des amours qui tourmentent jusqu’aux larmes.

S’il n’est pas pollué par le vice, tomber amoureux est l’un des sentiments les plus purs. Une personne amoureuse devient généreuse, aime faire des cadeaux, écrit des lettres et des poèmes. Il cesse de penser à lui pour se projeter entièrement vers l’autre, que c’est beau. Et si vous demandez à une personne amoureuse : “pour quel motif tu aimes ?, elle ne trouvera pas de réponse : à bien des égards, son amour est inconditionnel, sans aucune raison. Patience si cet amour, si puissant, est aussi un peu naïf : l’amoureux ne connaît pas vraiment le visage de l’autre, il a tendance à l’idéaliser, il est prêt à faire des promesses dont il ne saisit pas immédiatement le poids. Ce « jardin » où se multiplient les merveilles n’est pourtant pas à l’abri du mal. Il est souillé par le démon de la luxure, et ce vice est particulièrement odieux, pour au moins deux raisons.

Tout d’abord parce qu’il dévaste les relations entre les personnes. Pour documenter une telle réalité, l’actualité quotidienne suffit malheureusement. Combien de relations qui avaient commencé dans les meilleures conditions se sont transformées en relations toxiques, de possession de l’autre, de manque de respect et du sens de limite ? Ce sont des amours où la chasteté a fait défaut : une vertu qu’il ne faut pas confondre avec l’abstinence sexuelle- la chasteté est plus que l’abstinence sexuelle -, elle doit plutôt être reliée avec la volonté de ne jamais posséder l’autre. Aimer, c’est respecter l’autre, rechercher son bonheur, cultiver l’empathie pour ses sentiments, se disposer à la connaissance d’un corps, d’une psychologie et d’une âme qui ne sont pas les nôtres et qui doivent être contemplés pour la beauté qu’ils portent. Aimer c’est cela, et c’est beau l’amour. La luxure, en revanche, se moque de tout cela : la luxure pille, elle vole, elle consomme à la hâte, elle ne veut pas écouter l’autre mais seulement son propre besoin et son propre plaisir ; la luxure juge toute fréquentation ennuyeuse, elle ne cherche pas cette synthèse entre raison, pulsion et sentiment qui nous aiderait à conduire l’existence avec sagesse. Le luxurieux ne cherche que des raccourcis : il ne comprend pas que le chemin de l’amour doit être parcouru lentement, et que cette patience, loin d’être synonyme d’ennui, nous permet de rendre heureuses nos relations amoureuses.

Mais il y a une deuxième raison pour laquelle la luxure est un vice dangereux. De tous les plaisirs humains, la sexualité a une voix puissante. Elle met en jeu tous les sens, elle habite à la fois le corps et la psyché, et c’est très beau, mais si elle n’est pas disciplinée avec patience, si elle n’est pas inscrite dans une relation et dans une histoire où deux individus la transforment en danse amoureuse, elle se transforme en une chaîne qui prive l’homme de sa liberté. Le plaisir sexuel qui est un don de Dieu, est miné par la pornographie : une satisfaction sans relation qui peut générer des formes de dépendance. Nous devons défendre l’amour, l’amour du cœur, de l’esprit, du corps, l’amour pur dans le don de soi, l’un à l’autre. Et c’est cela la beauté de la relation sexuelle.

Gagner la bataille contre la luxure, contre la « chosification » de l’autre, peut être l’affaire de toute une vie. Mais le prix de cette bataille est absolument le plus important de tous, car il s’agit de préserver cette beauté que Dieu a inscrite dans sa création lorsqu’il a imaginé l’amour entre l’homme et la femme, qui n’est pas pour s’utiliser l’un, l’autre, mais pour s’aimer. Cette beauté qui nous fait croire que construire une histoire ensemble vaut mieux que partir à l’aventure – il y a tant de Don Juan ! -, cultiver la tendresse vaut mieux que céder au démon de la possession – le véritable amour ne possède pas, il se donne -, servir vaut mieux que conquérir. Car s’il n’y a pas d’amour, la vie est triste, la vie est une triste solitude. Merci.

* * *

Je salue cordialement les pèlerins de langue française, en particulier les élèves de Fénélon-Sainte Marie, de Paris.

Je vous invite tous à témoigner de la beauté et de la dignité de la personne humaine dans vos relations.

Ma bénédiction à tous!





Audience Générale du Mercredi 10 Janvier 2024

PAPE FRANÇOIS

AUDIENCE GÉNÉRALE

Place Saint-Pierre
Mercredi 10 Janvier 2024


Catéchèse – Les vices et les vertus – 3. La gourmandise

Chers frères et sœurs, bonjour !

Dans notre parcours de catéchèse que nous avons entrepris sur les vices et les vertus, aujourd’hui nous nous arrêtons sur le vice de la gourmandise.

Que nous dit l’Évangile à ce sujet ? Regardons Jésus. Son premier miracle, aux noces de Cana, révèle sa sympathie pour les joies humaines : il veille à ce que la fête se termine bien et donne aux mariés une grande quantité de très bon vin. Tout au long de son ministère, Jésus apparaît comme un prophète très différent du Baptiste : si l’on se souvient de Jean pour son ascétisme – il mangeait ce qu’il trouvait dans le désert -, Jésus est au contraire le Messie que l’on voit souvent à table. Son comportement suscite scandale pour certains, car non seulement il est bienveillant à l’égard des pécheurs, mais il mange même avec eux ; et ce geste démontrait sa volonté de communion et de proximité avec tous.

Mais il y a aussi autre chose. Si l’attitude de Jésus à l’égard des préceptes juifs révèle sa pleine soumission à la Loi, il fait cependant preuve de compréhension à l’égard de ses disciples : lorsqu’ils sont pris en flagrant délit de faim et qu’ils ramassent des épis le jour du sabbat, il les justifie en rappelant que le roi David et ses compagnons, se trouvant dans le besoin, avaient mangé des pains sacrés (cf. Mc 2, 23-26). Et Jésus affirme un nouveau principe : les invités aux noces ne peuvent pas jeûner quand l’époux est avec eux ; ils jeûneront quand l’époux leur sera enlevé. Tout est désormais relatif à Jésus. Quand il est au milieu de nous, nous ne pouvons pas nous affliger ; mais à l’heure de sa passion, alors oui, nous jeûnons (cf. Mc 2,18-20). Jésus veut que nous soyons dans la joie en sa compagnie- Lui est l’Epoux de l’Eglise ; mais il veut aussi que nous partagions ses souffrances, qui sont aussi celles des petits et des pauvres.

Un autre aspect important. Jésus abandonne la distinction entre aliments purs et impurs, qui était une distinction établie par la loi hébraïque. En réalité – enseigne Jésus – ce n’est pas ce qui entre dans l’homme qui le souille, mais ce qui sort de son cœur. C’est ainsi qu’il  » déclarait purs tous les aliments  » (Mc 7,19). C’est pourquoi le christianisme ne considère pas les aliments impurs. Mais l’attention que nous devons avoir est intérieure : elle ne porte donc pas sur la nourriture elle-même, mais sur la relation que nous entretenons avec elle. Et Jésus dit clairement que ce qui fait la bonté ou la malignité, pour ainsi dire, d’un aliment, ce n’est pas l’aliment lui-même, mais la relation que nous entretenons avec lui. Et nous le voyons, lorsqu’une personne a une relation désordonnée avec la nourriture, nous observons la façon dont elle mange, elle mange à la hâte, comme avec l’envie de se rassasier et ne se rassasie jamais, elle n’a pas une bonne relation avec la nourriture, elle est l’esclave de la nourriture.

Cette relation sereine que Jésus a établie envers l’alimentation devrait être redécouverte et valorisée, surtout dans les sociétés dites de l’abondance, où se manifestent tant de déséquilibres et tant de pathologies. On mange trop ou trop peu. Souvent on mange dans la solitude. Les troubles des comportements alimentaires se répandent : anorexie, boulimie, obésité… Et la médecine et la psychologie tentent de s’attaquer au mauvais rapport à la nourriture. Une mauvaise relation avec la nourriture est à l’origine de toutes ces maladies.

Il s’agit de maladies, souvent très douloureuses, qui sont principalement liées à des tourments de la psyché et de l’âme. L’alimentation est la manifestation de quelque chose d’intérieur : la prédisposition à l’équilibre ou à la démesure ; la capacité de rendre grâce ou la prétention arrogante à l’autonomie ; l’empathie de qui sait partager la nourriture avec celui qui est dans le besoin ou l’égoïsme de qui accumule tout pour soi-même. Cette demande est très importante : dis-moi comment tu manges et je te dirai quelle âme tu possèdes. Dans la manière de manger se révèlent notre intériorité, nos habitudes, nos attitudes psychiques.

Les anciens Pères donnaient au vice de la gourmandise le nom de « gastrimargie », terme que l’on peut traduire par « folie du ventre ». La gourmandise est une « folie du ventre ». Et il y a aussi ce proverbe qui dit qu’il faut manger pour vivre et non vivre pour manger. La gourmandise est un vice qui se greffe sur l’un de nos besoins vitaux, comme l’alimentation. Soyons prudents à ce sujet.

Si nous l’envisageons d’un point de vue social, la gourmandise est peut-être le vice le plus dangereux qui est en train de faire périr la planète. Car le péché de ceux qui cèdent devant une part de gâteau, somme toute, ne provoque pas de dommages importants, mais la voracité avec laquelle nous nous déchaînons, depuis quelques siècles, sur les biens de la planète, compromet l’avenir de tous. Nous nous sommes jetés sur tout, pour devenir maîtres de tout, alors que tout avait été confié à notre soin, et non à notre exploitation ! Voilà donc le grand péché, la fureur du ventre : nous avons abjuré le nom d’hommes, pour en prendre un autre, celui de « consommateurs ». C’est ainsi que l’on dit aujourd’hui dans la vie sociale : « consommateurs ». Nous ne nous sommes même pas aperçus que quelqu’un avait commencé à nous appeler ainsi. Nous sommes faits pour être des hommes et des femmes « eucharistiques », capables de rendre grâce, discrets dans l’utilisation de la terre, et au lieu de cela, le danger est de se transformer en prédateurs, et maintenant nous nous rendons compte que cette forme de « gloutonnerie » a fait beaucoup de mal au monde. Demandons au Seigneur de nous aider sur le chemin de la sobriété, et que les différentes formes de gourmandise n’envahissent pas nos vies.

* * *

Je salue cordialement les personnes de langue française, en particulier : les séminaristes du séminaire de Paris, le Collège Saint Joseph d’Aumale, et l’Aumônerie nationale des Artisans de la Fête. Que le Seigneur soit notre unique véritable faim. Que Dieu vous bénisse.

Je renouvelle ma proximité dans la prière à la chère population ukrainienne si éprouvée et à tous ceux qui souffrent de l’horreur de la guerre en Palestine et en Israël, ainsi que dans d’autres parties du monde. Prions, prions pour ces gens qui subissent la guerre et prions le Seigneur afin qu’il sème dans le cœur des autorités des pays la semence de la paix.





Audience Générale du Mercredi 3 Janvier 2024

PAPE FRANÇOIS

AUDIENCE GÉNÉRALE

Place Saint-Pierre
Mercredi 3 Janvier 2024


Catéchèse – Les vices et les vertus – 2. Le Combat spirituel

 

Le vie spirituelle du chrétien n’est pas paisible, linéaire ni sans défi. Elle est un combat de tous les instants, mais c’est dans ce combat qu’il trouve son salut. Saint Antoine abbé disait : « Ôtez la tentation et personne ne sera sauvé ». Les saints ne sont pas épargnés par la tentation, mais ils sont conscients que les séductions du mal apparaissent de façon répétée dans leur vie et qu’il est nécessaire de les dévoiler et d’y résister. Au lieu de cela, beaucoup ne savent plus distinguer le bien du mal. Nous devons donc demander à Dieu la grâce de nous reconnaître pauvres pécheurs, ayant besoin de conversion. Jésus lui-même, bien que sans péché, a voulu être tenté pour être solidaire avec nous dans ce combat. Il nous faut reconnaître les vices qui nous enchaînent et marcher, avec la grâce de Dieu, vers les vertus qui doivent s’épanouir en nous et faire entrer dans notre vie le printemps de l’Esprit.

Je salue cordialement les pèlerins de langue française.

Je souhaite à chacun de vous et aux personnes qui vous sont chères une heureuse année riche de la présence du Seigneur Jésus, afin de mener une vie belle et bonne sous le regard de Dieu. Que Dieu vous bénisse.





Audience Générale du Mercredi 20 décembre 2023

PAPE FRANÇOIS

AUDIENCE GÉNÉRALE

Place Saint-Pierre
Mercredi 20 décembre 2023


Catéchèse – La crèche de Greccio, école de sobriété et de joie

Il y a 800 ans, à Noël 1223, saint François a réalisé la crèche vivante à Greccio. A l’heure où la crèche se prépare, ou s’achève, dans les maisons et dans de nombreux autres lieux, il est bon que nous redécouvrions ses origines.

Comment est née la crèche ? Quelle était l’intention de saint François? Il disait: «Je voudrais représenter l’Enfant né à Bethléem, et voir en quelque sorte avec les yeux du corps les difficultés dans lesquelles il s’est trouvé par manque du nécessaire pour un nouveau-né, comment il a été couché dans une mangeoire et comment il était sur le foin entre le bœuf et l’âne» (Tommaso da Celano, Vita prima, XXX, 84: FF 468). François ne veut pas réaliser une belle œuvre d’art, mais susciter, à travers la crèche, l’émerveillement devant l’extrême humilité du Seigneur, devant les épreuves qu’il a subies, par amour pour nous, dans la pauvre grotte de Bethléem. En effet, le biographe du saint d’Assise note que: «Dans cette scène émouvante, la simplicité évangélique resplendit, la pauvreté est -louée, l’humilité est recommandée. Greccio est devenu comme une nouvelle Bethléem» (ibid., 85). J’ai souligné un terme: l’émerveillement. Et cela est important. Si nous, chrétiens, regardons la crèche comme une belle chose, comme une chose historique, et aussi religieuse, et que nous prions, cela n’est pas suffisant. Devant le mystère de l’incarnation du Verbe, devant la naissance de Jésus, il faut cette attitude religieuse de l’émerveillement. Si devant les mystères, je n’arrive pas à cet émerveillement, ma foi n’est que superficielle; une foi «informatique». N’oubliez pas cela.

C’est une caractéristique de la crèche, qui est comme une école de sobriété. Et cela a beaucoup à nous dire aussi. Aujourd’hui, en effet, le risque de perdre ce qui compte dans la vie est élevé et, paradoxalement, il augmente précisément à Noël — la mentalité change à Noël —: plongés dans un consumérisme qui en corrompt le sens. Le consumérisme de Noël. C’est vrai, on veut faire des cadeaux, c’est bien, c’est une façon de le célébrer, mais cette frénésie d’aller acheter des cadeaux, cela attire l’attention d’un autre côté et ce n’est plus la sobriété de Noël.  Regardons la crèche: cet émerveillement devant la crèche. Parfois, il n’y a pas l’espace intérieur pour l’émerveillement, mais uniquement pour organiser les fêtes, pour faire la fête.

Et la crèche naît pour nous ramener à ce qui compte: à Dieu qui vient habiter parmi nous. Pour cela, il est important de regarder la crèche, parce qu’elle nous aide à comprendre ce qui compte et aussi les relations sociales de Jésus à ce moment, la famille, Joseph et Marie, et les personnes chères, les pasteurs. Les personnes viennent avant les choses. Et souvent, nous plaçons les choses avant les personnes. Cela ne va pas.

Mais la crèche de Greccio, outre la sobriété qu’elle fait voir, parle aussi de joie, car la joie n’est pas la même chose que le divertissement. Mais se divertir n’est pas une mauvaise chose si on le fait en suivant de bons chemins; ce n’est pas une mauvaise chose, c’est une chose humaine. Mais la joie est plus profonde encore, plus humaine. Et parfois, il y a la tentation de se divertir, sans joie; se divertir en faisant du bruit, mais la joie est absente. C’est un peu la figure du pantin qui rit, rit, fait rire, mais son cœur est triste. La joie est la racine d’un sain divertissement pour Noël. Et sur la joie, les chroniques de l’époque disent: «Le jour de l’allégresse arrive, le temps de la joie! François […] est rayonnant […]. Le peuple afflue et se réjouit d’une joie qu’il n’avait jamais goûtée auparavant […]. Tous rentrèrent chez eux emplis d’une joie ineffable» (Vita prima, XXX, 85-86: FF  469-470). La sobriété, l’émerveillement, te conduit à la joie, la vraie joie, pas celle artificielle.

Mais d’où venait cette joie extraordinaire de Noël ? Certainement pas du fait d’avoir apporté des cadeaux à la maison ou d’avoir vécu des fêtes somptueuses. Non, c’était la joie qui déborde du cœur quand on touche du doigt la proximité de Jésus, la tendresse de Dieu, qui ne laisse pas seul, mais qui console. Proximité, tendresse et compassion, telles sont les trois attitudes de Dieu. Et en regardant la crèche, en priant devant la crèche, nous pourrions entendre ces choses du Seigneur qui nous aident dans la vie de chaque jour.

Chers frères et sœurs, la crèche est comme un petit puits d’où puiser la proximité de Dieu, source d’espérance et de joie. Elle est comme un Evangile vivant, un Evangile domestique. Elle est comme le puits de la Bible, elle est le lieu de la rencontre, où nous apportons à Jésus, comme l’ont fait les bergers de Bethléem et les habitants de Greccio, elle est comme les attentes et les préoccupations de la vie. Si, devant la crèche, nous confions à Jésus tout ce qui nous est cher, nous éprouverons nous aussi «une très grande joie» (Mt 2, 10), une joie qui vient précisément de la contemplation, de l’esprit d’émerveillement avec lequel je vais contempler ces mystères. Allons devant la crèche. Que chacun regarde et laisse son cœur ressentir quelque chose.

* * *

Je salue cordialement les personnes de langue française. Suite à la grave explosion qui s’est produite à Conakry, et qui a fait de nombreuses victimes, j’exprime ma proximité aux familles des personnes décédées et aux blessés. Que Dieu les soutienne et les garde dans l’espérance.

Touchons du doigt la proximité de Dieu dans la crèche et recevons sa joie. Que Dieu vous bénisse.






Audience Générale du Mercredi 13 décembre 2023

PAPE FRANÇOIS

AUDIENCE GÉNÉRALE

Place Saint-Pierre
Mercredi 13 décembre 2023


Catéchèse – La passion pour l’évangélisation : le zèle apostolique du croyant – 30. Effatà : Eglise, ouvre-toi !

Chers frères et sœurs,

Le sens du mutisme et de la surdité dans la Bible est principalement métaphorique et désigne la fermeture aux appels de Dieu. Ainsi, Effatà, ouvre-toi, est une invitation adressée non pas tant au sourd-muet, mais plus précisément aux disciples d’alors et à ceux de tous les temps. En s’ouvrant au souffle du Saint Esprit, l’Église est stimulée dans son désir missionnaire ! Elle demande à Dieu de faire des baptisés et de l’Église elle-même, des auditeurs et des annonciateurs de Jésus. L’élan évangélisateur, en effet, permet d’allumer l’étincelle de l’amour de Dieu dans le cœur des hommes. C’est pourquoi le zèle apostolique ne dépendra pas de l’organisation mais de l’ardeur, et se mesurera à l’amour que nous donnons.

Je salue cordialement les pèlerins de langue française. Je vous invite tous, en tant que baptisés, à témoigner de Jésus et à l’annoncer. Demandons aussi la grâce, en tant qu’Église, de mettre en œuvre une conversion pastorale et missionnaire.

Que Dieu vous bénisse tous !





Audience Générale du Mercredi 6 décembre 2023

PAPE FRANÇOIS

AUDIENCE GÉNÉRALE

Place Saint-Pierre
Mercredi 6 décembre 2023


Catéchèse – La passion pour l’évangélisation : le zèle apostolique du croyant – 30. L’annonce est dans l’Esprit Saint

Chers frères et sœurs,

je voudrais vous parler aujourd’hui du primat de l’Esprit-Saint dans l’annonce de l’Évangile. Sans lui notre zèle serait vain et faussement apostolique, il serait notre œuvre et ne porterait pas de fruit. Jésus est le premier évangélisateur et Il nous appelle à évangéliser dans la force de son Esprit. L’Église ne s’annonce pas elle-même mais elle annonce le don de Dieu qui est l’Esprit-Saint. Cet Esprit nous précède, et cela doit nous consoler.

Cependant ce primat de l’Esprit ne doit pas nous conduire à l’indolence, et justifier un désengagement, en ces temps difficiles où la tentation est grande de se réfugier dans des zones de confort. L’’Esprit nous pousse toujours à œuvrer à la mission avec créativité et simplicité. Il se manifeste par l’audace pastorale pour porter l’essentiel du message qui est la mort et la résurrection du Christ, et son amour pour nous. Invoquons-le toujours : Viens Esprit-Saint !

Je salue cordialement les personnes de langue française, en particulier les pèlerins venus de France : l’Etablissement Notre-Dame-Sainte Famille et les Charpentiers des Ateliers Perrault qui œuvrent sur la cathédrale Notre-Dame de Paris. Que le Saint-Esprit nous guide pour annoncer l’Evangile. Que Dieu vous bénisse.





Audience Générale du Mercredi 29 Novembre 2023

PAPE FRANÇOIS

AUDIENCE GÉNÉRALE

Place Saint-Pierre
Mercredi 29 Novembre 2023


Catéchèse – La passion pour l’évangélisation : le zèle apostolique du croyant – 28. L’annonce est pour l’aujourd’hui

Chers frères et sœurs,

La dernière fois, nous avons vu que l’annonce chrétienne est joie et qu’elle est pour tous ; observons aujourd’hui, un troisième aspect : elle est pour l’aujourd’hui.

On entend presque toujours dire du mal de l’aujourd’hui. Certes, entre guerres, changements climatiques, injustices planétaires et migrations, crises de la famille et de l’espérance, les motifs d’inquiétude ne manquent pas. En général, l’époque actuelle semble être habitée par une culture qui place l’individu au-dessus de tout et la technologie au centre de tout, avec sa capacité à résoudre de nombreux problèmes et ses gigantesques progrès dans tant de domaines. Mais en même temps, cette culture du progrès technico-individuel conduit à l’affirmation d’une liberté qui ne veut pas se donner de limites et qui est indifférente à ceux qui restent en arrière. Elle livre ainsi les grandes aspirations humaines à la logique souvent vorace de l’économie, avec une vision de la vie qui écarte ceux qui ne produisent pas et peine à dépasser l’immanent. Nous pourrions même dire que nous nous trouvons dans la première civilisation de l’histoire qui tente globalement d’organiser une société humaine sans la présence de Dieu, en se concentrant dans d’immenses villes qui restent horizontales même si elles ont des gratte-ciels vertigineux.

L’on se rappelle l’histoire de la ville de Babel et de sa tour (cf. Gn 11, 1-9). On y raconte un projet de société où chaque individualité est sacrifiée à l’efficacité de la collectivité. L’humanité parle une seule langue – nous pourrions dire qu’elle a une « pensée unique » -, elle est comme enveloppée dans une sorte de sortilège général qui absorbe l’unicité de chacun dans une bulle d’uniformité. Alors Dieu confond les langues, c’est-à-dire qu’il rétablit les différences, recrée les conditions pour que l’unicité puisse se développer, fait revivre le multiple là où l’idéologie voudrait imposer l’unique. Le Seigneur détourne aussi l’humanité de son délire de la toute-puissance : « faisons-nous un nom », disent les habitants exaltés de Babel (v. 4), qui veulent s’élever jusqu’au ciel, se mettre à la place de Dieu. Mais ce sont là des ambitions dangereuses, aliénantes, destructrices, et le Seigneur, en confondant ces attentes, protège l’humanité, en évitant une catastrophe annoncée. Ce récit semble vraiment d’actualité : aujourd’hui encore, la cohésion, au lieu de la fraternité et de la paix, est souvent basée sur l’ambition, les nationalismes, l’homologation et les structures technico-économiques qui inculquent la persuasion que Dieu soit insignifiant et inutile : non pas tant parce que l’on cherche plus de savoir, mais surtout pour plus de pouvoir. C’est une tentation qui s’insinue dans les grands défis de la culture d’aujourd’hui.

Dans Evangelii gaudium, j’ai essayé de décrire certaines d’entre elles (cf. n. 52-75), mais j’ai surtout appelé à « une évangélisation qui éclaire les nouvelles manières de se mettre en relation avec Dieu, avec les autres et avec l’environnement, et qui suscite les valeurs fondamentales. Il est indispensable d’arriver là où se forment les nouveaux récits et paradigmes, d’atteindre avec la Parole de Jésus les éléments centraux les plus profonds de l’âme de la ville. » (n. 74). En d’autres termes, on ne peut annoncer Jésus qu’en habitant la culture de son temps et en ayant toujours à l’esprit les paroles de l’apôtre Paul sur l’aujourd’hui : « Voici maintenant le temps favorable, voici maintenant le jour du salut » (2 Co 6,2). Il n’est donc pas nécessaire d’opposer à l’aujourd’hui des visions alternatives provenant du passé. Il ne suffit pas non plus de réaffirmer des convictions religieuses acquises qui, même si elles sont vraies, deviennent abstraites avec le temps. Une vérité ne devient pas plus crédible parce que l’on élève la voix en l’affirmant, mais parce qu’elle est attestée par la vie.

Le zèle apostolique n’est jamais la simple répétition d’un style acquis, mais le témoignage que l’Évangile est vivant aujourd’hui pour nous. Conscients de cela, regardons donc notre époque et notre culture comme un don. Elles sont les nôtres et les évangéliser ne signifie pas les juger de loin, ni même se tenir sur un balcon en criant le nom de Jésus, mais descendre dans la rue, aller dans les lieux où les gens vivent, fréquenter les espaces où les gens souffrent, travaillent, étudient et réfléchissent, habiter les carrefours où les êtres humains partagent ce qui a du sens pour leur vie. Cela signifie être, comme Église, « ferment de dialogue, de rencontre, d’unité. Du reste, nos formulations de foi elles- mêmes sont le fruit d’un dialogue et d’une rencontre entre cultures, communautés et instances différentes. Nous ne devons pas avoir peur du dialogue : c’est même au contraire la confrontation et la critique qui nous aident à préserver la théologie d’une transformation en idéologie » (Discours à la Ve conférence nationale de l’Église italienne, Florence, 10 novembre 2015).

Il est nécessaire de se tenir aux carrefours de l’aujourd’hui. Les quitter appauvrirait l’Évangile et réduirait l’Église à une secte. Les fréquenter, en revanche, nous aide, nous chrétiens, à comprendre de manière renouvelée les raisons de notre espérance, à extraire et à partager du trésor de la foi « du neuf et de l’ancien » (Mt 13, 52). En définitive, plus que de vouloir convertir le monde d’aujourd’hui, il faut convertir la pastorale pour qu’elle incarne mieux l’Évangile dans l’aujourd’hui (cf. Evangelii gaudium, 25). Faisons nôtre le désir de Jésus : aider les compagnons de voyage à ne pas perdre le désir de Dieu, à Lui ouvrir le cœur et à trouver le seul qui, aujourd’hui et toujours, donne la paix et la joie à l’humanité.

* * *

Je salue cordialement les pèlerins de langue française venus de différentes nations.

Frères et sœurs, en cette fin d’année liturgique, je vous souhaite un bon temps de l’Avent.

Que Dieu vous bénisse !