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Audience Générale du Mercredi 16 Mars 2022

PAPE FRANÇOIS

AUDIENCE GÉNÉRALE

Place Saint-Pierre
Mercredi 16 Mars 2022


Catéchèse sur la vieillesse – 3.  La vieillesse, une ressource pour une jeunesse insouciante

Chers frères et sœurs, bonjour !

Le récit biblique – dans le langage symbolique de l’époque où il fut écrit – nous dit une chose impressionnante : Dieu fut à tel point affligé face à la méchanceté généralisée des hommes, devenue un style normal de vie, qu’il pensa avoir fait erreur en les créant et décida de les éliminer. Une solution radicale. Il pourrait même avoir une tournure paradoxale de miséricorde. Plus d’humains, plus d’histoire, plus de jugement, plus de condamnation. Et de nombreuses victimes prédestinées de la corruption, de la violence et de l’injustice seraient épargnées pour toujours.

Ne nous arrive-t-il pas aussi à nous, – accablés par le sentiment d’impuissance face au mal ou démoralisés par les « prophètes de malheur »- de penser qu’il aurait mieux valu n’être pas né ? Devons-nous accorder du crédit à certaines théories récentes qui dénoncent l’espèce humaine comme un préjudice évolutif pour la vie sur notre planète ? Tout est négatif, non ?

En fait, nous sommes sous pression, exposés à des sollicitations opposées qui nous déconcertent. D’un côté, nous avons l’optimisme d’une jeunesse éternelle, enflammé par les extraordinaires progrès de la technique, qui nous dépeint un avenir rempli de machines plus efficaces et plus intelligentes que nous, qui soigneront nos maux et imagineront pour nous les meilleures solutions pour ne pas mourir- le monde des robots … D’autre part, notre imagination semble toujours plus focalisée sur la représentation d’une catastrophe finale qui nous fera disparaître. Ce qui se passe avec une éventuelle guerre atomique. Le « jour d’après » – s’il y a encore des jours et des humains – l’on devra recommencer à zéro. Détruire tout pour repartir de zéro. Je ne veux pas banaliser le thème du progrès, naturellement. Mais il semble que le symbole du déluge gagne du terrain dans notre inconscient. La pandémie actuelle, après tout, fait peser une hypothèque non négligeable sur notre représentation insouciante des choses qui comptent, pour la vie et son destin.

Dans le récit biblique, lorsqu’il s’agit de sauver de la corruption et du déluge la vie de la terre, Dieu confie la tâche à la fidélité du plus ancien de tous, le « juste » Noé. La vieillesse sauvera-t-elle le monde ? Je me demande… Dans quel sens ? Et comment la vieillesse va-t-elle sauver le monde ? Et quel est l’horizon ? La vie par-delà la mort ou seulement la survie jusqu’au déluge ?

Une parole de Jésus, évoquant « les jours de Noé », nous aide à approfondir le sens de la page biblique que nous venons d’entendre. Jésus, parlant des derniers temps, dit : « Comme cela s’est passé dans les jours de Noé, ainsi en sera-t-il dans les jours du Fils de l’homme (de Lui). On mangeait, on buvait, on prenait femme, on prenait mari, jusqu’au jour où Noé entra dans l’arche et où survint le déluge qui les fit tous périr. ». (Lc 17, 26-27). En fait, manger et boire, prendre femme et mari, sont des choses très normales et ne semblent pas être des exemples de corruption. Où est la corruption ? Où était la corruption là-bas ? En réalité, Jésus souligne le fait que les êtres humains, lorsqu’ils se limitent à jouir de la vie, ils perdent jusqu’à la perception de la corruption, qui en avilit la dignité et en intoxique le sens. Quand se perd la perception de la corruption, et que la corruption devient une chose normale : tout a son prix, tout ! On achète, on le voit, des opinions, des actes de justice … Ceci, dans le monde des affaires, dans le monde de nombreux métiers, est commun. Et ils vivent alors la corruption avec insouciance, comme si cela faisait partie de la normalité du bien-être humain. Quand tu vas faire quelque chose et que c’est lent, que le processus de réalisation est un peu lent, combien de fois entend-on dire :  » Mais, si tu me donnes un pourboire, je vais accélérer ça « . Tant de fois.  » Donne-moi quelque chose et moi je fais avancer « . Nous le savons tous très bien. Le monde de la corruption semble faire partie de la normalité de l’être humain. Et c’est mauvais, hein ? Ce matin, j’ai parlé avec un monsieur qui me disait de ce problème dans son terroir. Les biens de la vie sont consommés et savourés sans se soucier de la qualité spirituelle de la vie, sans se soucier de l’habitat de la maison commune. On exploite tout, sans se préoccuper de la mortification et du découragement dont beaucoup souffrent, ni du mal qui empoisonne la communauté. Tant que la vie normale peut être remplie de « bien-être », nous ne voulons pas penser à ce qui la rend vide de justice et d’amour. « Mais, je me sens bien ! Pourquoi dois-je penser aux problèmes, aux guerres, à la misère humaine, à toute cette pauvreté, à tout ce mal ? Non, je vais bien. Je ne me soucie pas des autres. C’est la pensée inconsciente qui nous conduit à vivre dans un état de corruption.

La corruption peut-elle devenir la normalité, je me le demande ? Frères et sœurs, malheureusement oui. On peut respirer l’air de la corruption comme on respire l’oxygène. Mais c’est normal ! « Si vous voulez que je fasse ça rapidement, combien vous me donnez ? ». C’est normal ! C’est normal, mais c’est mauvais, ce n’est pas bon ! Et qu’est-ce qui ouvre la voie ? Une chose : l’insouciance qui ne se soucie que de soi-même : voici le passage qui ouvre la porte à la corruption qui engloutit la vie de tous. La corruption profite largement de cette insouciance pas bonne. Quand on … tout va bien, je ne me soucie pas des autres : cette insouciance amollit nos défenses, émousse la conscience et nous rend – même involontairement – complices. Car la corruption ne fait pas toujours cavalier seul, une seule personne : elle a toujours des complices. Et ça s’étend toujours, ça s’élargit.

La vieillesse est bien placée pour saisir la supercherie de cette normalisation d’une vie obsédée par la jouissance et vide d’intériorité : une vie sans pensée, sans sacrifice, sans intériorité, sans beauté, sans vérité, sans justice, sans amour : Ceci est de la corruption, tout. La particulière sensibilité de nous autres, les personnes âgées, pour les marques d’attention, les pensées et les marques d’affection qui nous rendent humains, devrait redevenir une vocation pour beaucoup. Et ce sera un choix d’amour des personnes âgées envers les nouvelles générations. Il nous revient de donner l’alarme, l’alerte : « Attention, c’est de la corruption, ça ne te rapporte rien ». La sagesse des anciens, on en a tant besoin aujourd’hui pour lutter contre la corruption. Les nouvelles générations attendent de nous, les personnes âgées, les vieux, une parole de prophétie, une parole qui ouvre des portes à de nouvelles perspectives hors de ce monde insouciant de la corruption, de l’habitude des choses corrompues. La bénédiction de Dieu choisit la vieillesse pour ce charisme si humain et humanisant. Quel est le sens de ma vieillesse ? Chacun de nous, les personnes âgées, peut se demander. Eh, ceci : d’être un prophète de la corruption et dire aux autres : « Arrêtez, je suis passé par là et ça ne mène nulle part ! Maintenant je vous raconte mon expérience ». Nous, les anciens, devons être des prophètes contre la corruption, tout comme Noé a été le prophète contre la corruption de son époque, car il était le seul en qui Dieu avait confiance. Je vous demande à vous tous – et je me demande aussi à moi-même : mon cœur est-il ouvert pour être un prophète contre la corruption d’aujourd’hui ? C’est une chose laide, lorsque les personnes âgées n’ont pas mûri et que l’on devient vieux avec les mêmes habitudes corrompues que les jeunes. Pensons aux juges de Suzanne, par exemple : une vieillesse corrompue. Et nous, avec cet âge avancé, nous ne serions pas en mesure d’être des prophètes pour les jeunes générations.

Et Noé est l’exemple de cette vieillesse régénérative : elle n’est pas corrompue, elle est régénérative. Noé ne fait pas de prédications, il ne se plaint pas, il ne récrimine pas, mais il prend soin de l’avenir de la génération qui est en danger. Nous, les personnes âgées, nous devons prendre soin des jeunes, des enfants qui sont en danger. Il construit l’arche de l’accueil et y fait entrer hommes et animaux. En prenant soin de la vie, sous toutes ses formes, Noé accomplit le commandement de Dieu en répétant le geste tendre et généreux de la création, qui en réalité est la pensée même qui inspire le commandement de Dieu : une nouvelle bénédiction, une nouvelle création [il dit : génération] (cf. Gn 8,15-9,17). La vocation de Noé reste toujours d’actualité. Le saint patriarche doit encore intercéder pour nous. Et nous, femmes et hommes d’un certain âge – pour ne pas dire vieux, car certains s’en offusquent : d’un certain âge – n’oublions pas que nous avons la possibilité de la sagesse, de dire aux autres : « Regardez, ce chemin de corruption ne mène nulle part ». Nous devons être comme le bon vin – le bon vin – qui, à la fin, quand il est vieux, peut donner un message bon et non mauvais.

Je lance aujourd’hui un appel à tous ceux qui ont « un certain âge », pour ne pas dire  » vieux « . Faites attention : vous avez la responsabilité de dénoncer la corruption humaine dans laquelle nous vivons et dans laquelle se poursuit ce mode de vie du relativisme, totalement relatif, comme si tout était licite. Allons de l’avant. Le monde a besoin, tant besoin de jeunes gens forts, qui vont de l’avant, et de vieux sages. Demandons au Seigneur la grâce de la sagesse. Merci.


Je salue cordialement les pèlerins de langue française présents à cette audience, en particulier les étudiants des Beaux-Arts de Paris. Cette semaine nous fêterons, saint Joseph, patron de l’Église universelle. Puisse-t-il durant ce mois de mars qui lui est dédié être un intercesseur de choix pour la paix dont le monde a tant besoin !

Que Dieu vous bénisse !




Audience Générale du Mercredi 2 Mars 2022

PAPE FRANÇOIS

AUDIENCE GÉNÉRALE

Place Saint-Pierre
Mercredi 2 Mars 2022


Catéchèse sur la vieillesse – 2.  La longévité : symbole et opportunité

Chers frères et sœurs, bonjour !

Dans le récit biblique des généalogies des ancêtres, on est immédiatement frappé par leur énorme longévité : on parle de siècles ! Quand commence-t-elle ici, la vieillesse ? L’on se demande. Et quelle est la signification du fait que ces patriarches vivent si longtemps après avoir engendré leurs enfants ? Pères et fils vivent ensemble, pendant des siècles ! Cette cadence séculaire du temps, racontée dans un style rituel, donne au rapport entre longévité et généalogie une signification symbolique forte, très forte.

C’est comme si la transmission de la vie humaine, si nouvelle dans l’univers créé, exigeait une initiation lente et prolongée. Tout est nouveau, au début de l’histoire d’une créature qui est esprit et vie, conscience et liberté, sensibilité et responsabilité. La vie nouvelle – la vie humaine -, plongée dans la tension entre son origine « à l’image et à la ressemblance » de Dieu et la fragilité de sa condition mortelle, représente une nouveauté à découvrir. Elle nécessite un long temps d’initiation, où le soutien mutuel entre les générations est indispensable, afin de décrypter les expériences et d’affronter les énigmes de la vie. Pendant cette longue période, lentement se cultive aussi la qualité spirituelle de l’homme.

D’une certaine manière, chaque passage d’étape dans l’histoire humaine nous offre à nouveau ce sentiment : c’est comme si nous devions calmement recommencer à zéro avec nos questions sur le sens de la vie, lorsque le scénario de la condition humaine semble rempli de nouvelles expériences et d’interrogations inédites. Il est certain que l’accumulation de la mémoire culturelle augmente la familiarité nécessaire pour faire face à de passages nouveaux. Les temps de transmission sont réduits, mais les temps d’assimilation demandent toujours de la patience. L’excès de rapidité qui obsède désormais toutes les étapes de notre vie, rend toute expérience superficielle et moins « nourrissante ». Les jeunes sont les victimes inconscientes de cette division entre le temps de l’horloge, qui veut être brûlé, et le temps de la vie, qui nécessite un « levage » approprié. Une longue vie permet de faire l’expérience de ces temps longs, et les dommages de la précipitation.

La vieillesse impose certes des rythmes plus lents : mais ce ne sont pas seulement des temps d’inertie. La mesure de ces rythmes ouvre, en effet, pour tous, des espaces de sens de la vie inconnus de l’obsession de la vitesse. Perdre le contact avec les rythmes lents de la vieillesse ferme ces espaces pour tous. C’est dans ce contexte que j’ai voulu instituer la Journée des grands-parents le dernier dimanche de juillet. L’alliance entre les deux générations extrêmes de la vie – les enfants et les personnes âgées – aide également les deux autres – les jeunes et les adultes – à se lier les uns aux autres pour rendre l’existence de chacun plus riche en humanité. Le dialogue est nécessaire entre les générations : s’il n’y a pas de dialogue entre jeunes et vieux, entre adultes, s’il n’y a pas de dialogue, chaque génération reste isolée et ne peut pas transmettre le message. Pensez-y : un jeune qui n’est pas lié à ses racines, qui sont ses grands-parents, ne reçoit pas la force, comme l’arbre, la force des racines et grandit mal, grandit malade, grandit sans références. C’est pourquoi il est nécessaire rechercher, comme un besoin humain, le dialogue entre les générations. Et ce dialogue est important justement entre grands-parents et petits-enfants, qui sont les deux extrêmes.

Imaginons une ville dans laquelle la convivence des divers âges fasse partie intégrante de la conception globale de l’habitat. Pensons à la construction de relations affectueuses entre la vieillesse et la jeunesse qui rayonnent sur le style général des relations. Le chevauchement des générations deviendrait une source d’énergie pour un humanisme réellement visible et vivable. La ville moderne a tendance à être hostile aux personnes âgées (et ce n’est pas un hasard si elle l’est également aux enfants). Cette société habitée par l’esprit de rejet : elle rejette beaucoup d’enfants non désirés et elle rejette les vieux : elle les rejette, ils ne servent à rien, à la maison de retraite, la maison pour les vieux, là …. L’excès de vitesse nous met dans une centrifugeuse qui nous emporte comme des confettis. Nous perdons complètement la vue d’ensemble de la situation. Chacun s’accroche à son petit morceau, flottant sur les flux de la ville marchande, où les rythmes lents sont des pertes et la vitesse de l’argent. La vitesse excessive pulvérise la vie, elle ne la rend pas plus intense. Et la sagesse exige de perdre du temps. Quand tu rentres à la maison et que tu vois ton fils, ta fille, tu « perds du temps », mais dans cette conversation, qui est fondamentale pour la société, « perdre du temps » avec les enfants ; et quand tu rentres à la maison et qu’il y a le grand-père et la grand-mère qui peut-être ne raisonne pas bien ou, je ne sais pas, a perdu un peu la capacité de parler, et que tu es avec lui ou elle, tu  » perds du temps « , mais cette manière de « perdre du temps » renforce la famille humaine. Il faut passer du temps, du temps qui n’est pas rétribué, avec les enfants et avec les personnes âgées, car ils nous donnent une autre capacité de voir la vie.

La pandémie dans laquelle nous sommes encore contraints de vivre a imposé – très douloureusement, malheureusement – un coup d’arrêt au culte obtus de la vitesse. Et dans cette période, les grands-parents ont fait office de barrière à la « déshydratation » affective des plus jeunes. L’alliance visible des générations, qui harmonise les temps et les rythmes, nous redonne l’espoir de ne pas vivre en vain. Et elle redonne à chacun de nous l’amour de sa vie vulnérable, barrant la route à l’obsession de la vitesse, qui tout simplement la consume. Le mot clé ici est – à chacun d’entre vous, je demande : sais-tu perdre du temps, ou es-tu toujours pressé par la vitesse ? « Non, je suis pressé, je ne peux pas… » ? Sais-tu perdre du temps avec les grands-parents, avec les personnes âgées ? Sais-tu perdre du temps jouant avec tes enfants, avec les enfants ? C’est la pierre de touche. Pensez-y un peu. Et cela redonne à chacun l’amour pour notre vie vulnérable, sauf – comme je l’ai dit – la voie de l’obsession de la vitesse, qui tout simplement la consume. Les rythmes de la vieillesse sont une ressource indispensable pour saisir le sens d’une vie marquée par le temps. Les personnes âgées ont leurs propres rythmes, mais ce sont des rythmes qui nous aident. Grâce à cette médiation, la destination de la vie à la rencontre avec Dieu devient plus crédible : un dessein qui est caché dans la création de l’être humain « à son image et à sa ressemblance » et qui est scellé dans le Fils de Dieu fait homme.

Aujourd’hui, la longévité de la vie humaine est plus grande. Cela nous donne l’occasion d’accroître l’alliance entre toutes les étapes de la vie. Beaucoup de longévité, mais nous devons faire plus d’alliance. Et même que l’alliance nous aide à grandir et aussi avec le sens de la vie dans sa totalité. Le sens de la vie n’est pas seulement à l’âge adulte, on pense de 25 à 60 ans : non. Le sens de la vie est entier, de la naissance à la mort, et tu devrais être capable d’interagir avec tout le monde, voire d’avoir des liens affectifs avec tout le monde, ainsi ta maturité sera plus riche, plus forte. Et aussi nous est offerte cette signification de la vie, qui est tout. Que l’Esprit nous donne l’intelligence et la force de cette réforme : une réforme est urgente. L’arrogance du temps de l’horloge doit être convertie en la beauté des rythmes de la vie. C’est la réforme que nous devons faire dans nos cœurs, dans la famille et dans la société. Je répète : réformer quoi ? Que l’arrogance du temps de l’horloge soit convertie en la beauté des rythmes de la vie. Convertir l’arrogance du temps, qui nous presse toujours, aux vrais rythmes de la vie. L’alliance des générations est indispensable. Dans une société où les vieux ne parlent pas aux jeunes, les jeunes ne parlent pas avec les vieux, les adultes ne parlent ni aux vieux ni aux jeunes, c’est une société stérile, sans avenir, une société qui ne regarde pas vers l’horizon mais qui se regarde elle-même. Et devient isolée. Que Dieu nous aide à trouver la bonne musique pour cette harmonisation des différents âges : les jeunes, les vieux, les adultes, tous ensemble : une belle symphonie de dialogue.


Je salue cordialement les personnes de langue française présentes aujourd’hui, en particulier les équipes des journaux L’Invisible et Découvrir Dieu. Ce matin, nous entrons dans le temps béni du Carême. Notre prière et notre jeûne d’aujourd’hui seront une supplication pour la paix en Ukraine, en n’oubliant pas que toute paix dans le monde commence par notre conversion personnelle, à la suite du Christ.

Que Dieu vous bénisse !




Audience Générale du Mercredi 23 février 2022

PAPE FRANÇOIS

AUDIENCE GÉNÉRALE

Place Saint-Pierre
Mercredi 23 février 2022


Catéchèse sur la vieillesse – 1. La grâce du temps et l’alliance des âges de la vie

Chers frères et sœurs, bonjour !

Nous avons conclu les catéchèses sur saint Joseph. Nous commençons aujourd’hui un parcours de catéchèses qui cherche une inspiration dans la Parole de Dieu sur le sens et la valeur de la vieillesse. Faisons une réflexion sur la vieillesse. Depuis plusieurs décennies, cet âge de la vie concerne un véritable « nouveau peuple » que sont les personnes âgées. Nous n’avons jamais été aussi nombreux dans l’histoire humaine. Le risque d’être écartés est encore plus fréquent : jamais aussi nombreux que maintenant, jamais autant de risque que maintenant d’être écartés. Les personnes âgées sont souvent considérées comme « un poids ». Dans la première phase dramatique de la pandémie, ce sont elles qui ont payé le prix le plus élevé. Elles représentaient déjà la partie la plus faible et négligée : nous ne les regardions pas beaucoup vivantes, nous ne les avons même pas vues mourir. J’ai trouvé aussi cette Charte pour les droits des personnes âgées et les devoirs de la communauté : elle a été proclamée par les gouvernements, pas par l’Eglise, c’est une chose laïque : c’est bien, c’est intéressant, pour connaître les droits des personnes âgées. Cela fera du bien de la lire.

Avec les migrations, la vieillesse est parmi les questions les plus urgentes que la famille humaine est appelée à affronter en ce moment. Il ne s’agit pas seulement d’un changement quantitatif ; ce qui est en jeu est l’unité des âges de la vie : c’est-à-dire le point de référence réel pour la compréhension et l’appréciation de la vie humaine dans son intégralité. Nous nous demandons : y a-t-il de l’amitié, y-a-t-il une alliance entre les divers âges de la vie ou bien est-ce que prévalent la séparation et le rejet ?

Nous vivons tous dans un présent où coexistent les enfants, les jeunes, les adultes et les personnes âgées. Mais la proportion a changé : la longévité est devenue de masse et, dans de vastes régions du monde, l’enfance est distribuée à petites doses. Nous avons même parlé de l’hiver démographique. Un déséquilibre qui a de nombreuses conséquences. La culture dominante a comme modèle universel le jeune-adulte, c’est-à-dire un individu qui se construit seul et qui reste toujours jeune. Mais est-il vrai que la jeunesse contient tout le sens de la vie, alors que la vieillesse n’en représente que le dépouillement et la perte ? Est-ce vrai ? Est-ce que seule la jeunesse contient la plénitude de sens de la vie, et la vieillesse est le dépouillement de la vie, la perte de la vie ?  L’exaltation de la jeunesse comme unique âge digne d’incarner l’idéal humain, unie au mépris de la vieillesse vue comme une fragilité, comme une dégradation ou un handicap, a été l’icône dominante des totalitarismes du vingtième siècle. Avons-nous oublié cela ?

L’allongement de la vie influe de façon structurelle sur l’histoire des personnes, des familles et de la société. Mais nous devons nous demander : sa qualité spirituelle et son sens communautaire sont-ils un objet de pensée et d’amour cohérents avec ce fait ? Les personnes âgées devraient-elles demander pardon pour leur obstination à continuer de vivre aux frais des autres ? Ou peuvent-elles être honorées pour les dons qu’elles apportent au sens de la vie de tous ? De fait, dans la représentation du sens de la vie — et précisément dans les cultures dites « développées » — la vieillesse a peu d’incidence. Pourquoi ? Parce qu’elle est considérée comme un âge qui n’a pas de contenus particuliers à offrir, ni de significations propres à vivre. De plus, il manque l’encouragement des personnes à les chercher, il manque l’éducation de la communauté à les reconnaître. En somme, pour un âge qui représente désormais une partie déterminante de l’espace communautaire et qui s’étend à un tiers de toute la vie, il existe — parfois — des projets d’assistance, mais pas des projets d’existence. Des projets d’assistance, oui ; mais pas des projets pour les faire vivre en plénitude. Et cela représente un vide de pensée, d’imagination, de créativité. Dans cette conception, ce qui fait le vide, c’est que l’homme âgé, la femme âgée sont des déchets : dans cette culture du rejet, les personnes âgées représentent des déchets.

La jeunesse est très belle, mais la jeunesse éternelle est une hallucination très dangereuse. Être vieux est tout aussi important — et beau — c’est tout aussi important que d’être jeune. Souvenons-nous en. L’alliance entre les générations, qui restitue à l’humain tous les âges de la vie, est notre don perdu et nous devons le reprendre. Il doit être retrouvé dans cette culture du rejet et dans cette culture de la productivité.

La Parole de Dieu a beaucoup à dire à propos de cette alliance. Nous venons d’écouter la prophétie de Joël : « Vos anciens auront des songes, vos jeunes gens, des visions » (3, 1). On peut l’interpréter ainsi : quand les personnes âgées résistent à l’Esprit, en enterrant leurs rêves dans le passé, les jeunes n’arrivent plus à voir les choses qui doivent être faites pour ouvrir l’avenir. Quand, en revanche, les personnes âgées communiquent leurs rêves, les jeunes voient bien ce qu’ils doivent faire. Les jeunes qui n’interrogent plus les rêves des anciens, qui foncent tête baissée vers des visions qui ne vont pas plus loin que le bout de leur nez, auront du mal à porter leur présent et à supporter leur avenir. Si les grands-parents se replient sur leurs mélancolies, les jeunes se courberont encore plus sur leurs smartphones. L’écran peut bien rester allumé, mais la vie s’éteint avant l’heure. Le contrecoup le plus grave de la pandémie ne réside-t-il pas précisément dans l’égarement des plus jeunes ? Les personnes âgées ont des ressources de vie déjà vécue auxquelles elles peuvent avoir recours à tout moment. Vont-elles regarder les jeunes perdre leur vision ou vont-elles les accompagner en réchauffant leurs rêves ? Devant les rêves des personnes âgées, que feront les jeunes ?

La sagesse du long chemin qui accompagne la vieillesse à son départ doit être vécue comme une offrande du sens de la vie, et non pas consumée comme inertie de sa propre survie.  Si l’on ne restitue pas à la vieillesse la dignité d’une vie humainement digne, elle est destinée à se renfermer dans un avilissement qui enlève l’amour à tous. Ce défi d’humanité et de civilisation exige notre engagement et l’aide de Dieu. Demandons-le à l’Esprit Saint. Avec ces catéchèses sur la vieillesse, je voudrais encourager chacun à investir ses pensées et ses affections dans les dons qu’elle comporte et dans les autres âges de la vie. C’est un don de maturité, de sagesse. La Parole de Dieu nous aidera à discerner le sens et la valeur de la vieillesse ; que l’Esprit Saint nous accorde également les rêves et les visions dont nous avons besoin. Et je voudrais souligner, comme nous l’avons écouté dans la prophétie de Joël, au début, que l’important est que non seulement la personne âgée occupe la place de sagesse qui lui revient, d’histoire vécue dans la société, mais également qu’il y ait un dialogue, qu’elle interagisse avec les jeunes. Les jeunes doivent interagir avec les personnes âgées, et les personnes âgées avec les jeunes. Et ce pont sera la transmission de la sagesse dans l’humanité. J’espère que ces réflexions seront utiles pour nous tous, pour accomplir cette réalité dont parlait le prophète Joël, que dans le dialogue entre les jeunes et les personnes âgées, les personnes âgées puissent donner leurs rêves et les jeunes puissent les recevoir et les accomplir. N’oublions pas que dans la culture tant familiale que sociale, les personnes âgées sont comme les racines de l’arbre : toute leur histoire est là, et les jeunes sont comme les fleurs et les fruits. Si la sève ne coule pas, s’il n’y a pas cette « perfusion » — pour ainsi dire — des racines, ils ne pourront jamais fleurir.  N’oublions pas ce poète que j’ai mentionné si souvent : « Tout ce que l’arbre a de fleuri vient de ce qu’il a sous terre » (Francisco Luis Bernárdez). Tout ce qu’une société a de beau est en rapport avec les racines des personnes âgées. Pour cela, dans ces catéchèses, je voudrais que la figure de la personne âgée soit mise en évidence, que l’on comprenne bien que la personne âgée n’est pas un déchet : elle est une bénédiction pour une société.


Je suis heureux de saluer les pèlerins des pays francophones, particulièrement l’école Lacordaire de Marseille et les pèlerins du diocèse de Lyon.

Invoquant l’Esprit Saint sur les familles, j’encourage chacun de vous à discerner le sens et la valeur de la vieillesse et à accueillir avec reconnaissance les personnes âgées, afin de recevoir leur témoignage de sagesse nécessaire aux jeunes générations.

A vous tous, ma Bénédiction !


APPEL

Je ressens une grande douleur dans mon cœur pour l’aggravation de la situation en Ukraine. En dépit des efforts diplomatiques de ces dernières semaines, des scénarios toujours plus alarmants s’ouvrent. Comme moi, de nombreuses personnes, dans le monde entier, éprouvent de l’angoisse et de la préoccupation. Une fois de plus, la paix de tous est menacée par des intérêts partisans.

Je voudrais appeler tous ceux qui ont des responsabilités politiques à faire un sérieux examen de conscience devant Dieu qui est le Dieu de la paix et non de la guerre ; qui est le Père de tous et non de quelques-uns, qui veut que nous soyons frères et non ennemis. Je prie toutes les parties impliquées afin qu’elles s’abstiennent de toute action qui provoque encore plus de souffrance aux populations, en déstabilisant la coexistence entre les nations et en discréditant le droit international.

Et à présent, je voudrais lancer un appel à tous, croyants et non-croyants. Jésus nous a enseigné qu’à l’absurdité diabolique de la violence, on répond par les armes de Dieu, par la prière et par le jeûne. J’invite chacun à faire du 2 mars prochain, mercredi des cendres, une journée de jeûne pour la paix. J’encourage spécialement les croyants afin que ce jour-là ils se consacrent intensément à la prière et au jeûne. Que la Reine de la Paix préserve le monde de la folie de la guerre.

 




Audience Générale du Mercredi 9 février 2022

PAPE FRANÇOIS

AUDIENCE GÉNÉRALE

Place Saint-Pierre
Mercredi 9 février 2022


Catéchèse sur saint Joseph – 11. Saint Joseph, patron de la bonne mort

Chers frères et sœurs, bonjour !

Dans la dernière catéchèse, stimulée une fois encore par la figure de Saint Joseph, nous avons réfléchi sur le sens de la communion des saints. Et c’est précisément à partir de là que je voudrais aujourd’hui approfondir la dévotion particulière que le peuple chrétien a toujours eu pour Saint Joseph, comme patron de la bonne mort. Une dévotion née de la pensée que Joseph soit mort avec l’assistance de la Vierge Marie et de Jésus, avant que ceux-ci ne quittent la maison de Nazareth. Il n’y a pas de données historiques, mais [sic] comme on ne voit plus Joseph dans la vie publique, on pense qu’il est mort là, à Nazareth, dans sa famille. Et pour l’accompagner dans la mort, Jésus et Marie étaient là.

Le pape Benoît XV, il y a un siècle, écrivait que « par Joseph, nous allons directement à Marie, et par Marie à l’origine de toute sainteté, qui est Jésus ». Aussi bien Joseph que Marie nous aident à aller à Jésus. Et encourageant les pratiques pieuses en l’honneur de saint Joseph, il en recommande une en particulier, et disait ceci : « Puisqu’il est considéré à juste titre comme le protecteur le plus efficace des mourants, ayant expiré avec l’assistance de Jésus et de Marie, il sera du ressort des saints pasteurs d’inculquer et de favoriser […] les pieuses associations qui ont été instituées pour implorer Joseph en faveur des mourants, comme celles « de la Bonne Mort », du « Transit de Saint Joseph » et « pour les Agonisants » ». (Motu proprio Bonum sane, 25 juillet 1920) : c’étaient les associations de l’époque.

Chers frères et sœurs, peut-être certains pensent-ils que ce langage et ce thème ne sont qu’un héritage du passé, mais en réalité notre relation avec la mort ne concerne jamais le passé, mais c’est toujours le présent. Le pape Benoît disait il a quelques jours, en parlant de lui-même, qu’il « se tient devant la porte obscure de la mort ». C’est bien de remercier le Pape qui a cette lucidité, à 95 ans, pour nous dire ceci : « Je suis devant l’obscurité de la mort, la porte obscure de la mort ». Un bon conseil qu’il nous a donné, n’est-ce pas ? La soi-disant culture « du bien-être  » tente d’évacuer la réalité de la mort, mais de manière spectaculaire la pandémie de coronavirus l’a remise en évidence. Cela a été terrible : la mort était partout, et tant de frères et de sœurs ont perdu des êtres chers sans pouvoir être près d’eux, ce qui a rendu la mort encore plus difficile à accepter et à traiter. Une infirmière me racontait qu’elle se trouvait devant une grand-mère en train de mourir de Covid, et qu’elle lui a dit : « Je voudrais dire au revoir aux miens avant de m’en aller ». Et l’infirmière, assez courageuse, a sorti son téléphone portable et l’a connectée avec les siens. La tendresse de cet adieu…

Malgré cela, l’on cherche par tous les moyens d’écarter la pensée de notre finitude, s’illusionnant ainsi d’ôter à la mort son pouvoir et chasser la peur. Mais la foi chrétienne n’est pas une façon d’exorciser la peur de la mort, elle nous aide plutôt à l’affronter. Tôt ou tard, tous nous passerons par cette porte…

La vraie lumière qui éclaire le mystère de la mort vient de la résurrection du Christ. Voici la lumière. Et saint Paul écrit : « Nous proclamons que le Christ est ressuscité d’entre les morts ; alors, comment certains d’entre vous peuvent-ils affirmer qu’il n’y a pas de résurrection des morts ? S’il n’y a pas de résurrection des morts, le Christ non plus n’est pas ressuscité. Et si le Christ n’est pas ressuscité, notre proclamation est sans contenu, votre foi aussi est sans contenu » (1 Co 15, 12-14). C’est une certitude : Christ est ressuscité, Christ est ressuscité, le Christ est vivant parmi nous. Et c’est la lumière qui nous attend derrière cette porte obscure de la mort.

Chers frères et sœurs, ce n’est que par la foi en la résurrection que nous pouvons regarder l’abîme de la mort sans être submergés par la peur. Non seulement cela, mais nous pouvons redonner un rôle positif à la mort. En effet, la réflexion sur la mort, éclairée par le mystère du Christ, nous aide à regarder d’un œil nouveau toute la vie. Je n’ai jamais vu un camion de déménagement derrière un corbillard ! Derrière un corbillard : jamais vu. Nous irons seuls, sans rien dans les poches du linceul : rien. Parce que le linceul n’a pas de poches. Cette solitude de la mort : c’est vrai, je n’ai jamais vu un camion de déménagement derrière un corbillard.  Il ne sert à rien d’accumuler si un jour nous mourrons. Ce que nous devons accumuler, c’est la charité, la capacité de partager, la capacité de ne pas rester indifférent aux besoins des autres. Ou encore, à quoi bon se disputer avec un frère, ou avec une sœur, un ami, un membre de la famille ou un frère ou une sœur dans la foi si ensuite un jour nous mourrons ? Quel est l’intérêt de se mettre en colère, de se mettre en colère contre les autres ? Face à la mort, tant de questions sont redimensionnées. C’est bon de mourir réconcilié, sans rancune et sans regret ! Je voudrais dire une vérité : tous nous cheminons vers cette porte, tous.

L’Évangile nous dit que la mort arrive comme un voleur, comme le dit Jésus : elle arrive comme un voleur, et même si nous essayons de maîtriser son arrivée, peut-être en planifiant notre propre mort, elle reste un événement avec lequel nous devons compter et devant lequel nous devons aussi faire des choix.

Deux considérations s’imposent à nous, chrétiens. La première est que nous ne pouvons pas éviter la mort, et c’est précisément pour cette raison que, après avoir fait tout ce qui est humainement possible pour guérir la personne malade, il est immoral de s’engager dans l’acharnement thérapeutique (cf. Catéchisme de l’Église catholique, n. 2278). Cette phrase du peuple fidèle de Dieu, des gens simples : « Laisse-le mourir en paix », « aide-le à mourir en paix » : quelle sagesse ! La deuxième considération concerne la qualité de la mort elle-même, la qualité de la douleur, de la souffrance. En effet, nous devons être reconnaissants pour toute l’aide que la médecine s’efforce d’apporter, afin que, grâce aux « soins palliatifs », toute personne qui s’apprête à vivre la dernière partie de sa vie puisse le faire de la manière la plus humaine possible. Cependant, il faut se garder de confondre cette aide avec des dérives inacceptables qui portent à tuer. Nous devons accompagner les personnes jusqu’à la mort, mais ne pas la provoquer ni favoriser aucune forme de suicide. Je rappelle que le droit aux soins et aux traitements pour tous doit toujours être prioritaire, afin que les plus faibles, notamment les personnes âgées et les malades, ne soient jamais écartés. En effet, La vie est un droit, non la mort, celle-ci doit être accueillie, non administrée. Et ce principe éthique concerne tout le monde, pas seulement les chrétiens ou les croyants. Mais je voudrais souligner ici un problème social mais réel. Cette « planification » – je ne sais pas si c’est le mot qui convient – mais l’accélération de la mort des personnes âgées. Nous constatons souvent, dans une certaine classe sociale, que les personnes âgées, parce qu’elles n’ont pas les moyens, reçoivent moins de médicaments par rapport à ce dont ils auraient besoin, et c’est inhumain : cela ce n’est pas les aider, cela c’est les pousser plus rapidement vers la mort. Et cela n’est ni humain ni chrétien. Il faut prendre soin des personnes âgées comme d’un trésor de l’humanité : elles sont notre sagesse. Et si elles ne parlent pas, et si elles sont dénuées de sens, mais elles sont le symbole de la sagesse humaine. Ce sont ceux qui nous ont précédés et qui nous ont laissé tant de belles choses, tant de souvenirs, tant de sagesse. S’il vous plaît, n’isolez pas les personnes âgées, ne précipitez pas la mort des personnes âgées. Caresser une personne âgée c’est la même espérance que caresser un enfant, car le début de la vie et la fin sont toujours un mystère, un mystère qu’il faut respecter, accompagner, soigner. Aimer.

Que Saint Joseph nous aide à vivre le mystère de la mort de la meilleure manière possible. Pour un chrétien, la bonne mort est une expérience de la miséricorde de Dieu, qui est proche de nous aussi dans ce dernier moment de notre vie. Également dans la prière de l’Ave Maria, nous demandons à la Vierge d’être près de nous « à l’heure de notre mort ». C’est précisément pour cette raison que je voudrais terminer cette catéchèse en priant tous ensemble la Vierge, un Ave Maria pour les mourants, pour ceux qui passent par cette porte obscure, et pour tant de familles qui sont en train de vivre le deuil. Prions ensemble : Ave Maria…


Je salue cordialement les personnes de langue française présentes aujourd’hui, en particulier les jeunes venus de France, le groupe de pèlerins du Sacré Cœur de Marseille, et le groupe de l’Arche de Reims. Ce matin, nous prions en particulier pour les mourants et pour ceux qui sont en deuil. Que la tendresse de Dieu les rejoigne dans leur souffrance, et leur donne l’espérance de la résurrection.

Que Dieu vous bénisse !




Audience Générale du Mercredi 26 Janvier 2022

PAPE FRANÇOIS

AUDIENCE GÉNÉRALE

Place Saint-Pierre
Mercredi 26 Janvier 2022


Catéchèse sur saint Joseph – 9. Saint Joseph, un homme qui “songe”

Chers frères et sœurs, bonjour !

Aujourd’hui, je voudrais méditer sur la figure de saint Joseph comme un homme qui songe. Dans la Bible, comme dans les cultures des peuples anciens, les songes étaient considérés comme un moyen à travers lequel Dieu se révélait [1]. Le songe symbolise la vie spirituelle de chacun de nous, cet espace intérieur, que chacun est appelé à cultiver et à garder, où Dieu se manifeste et souvent nous parle. Mais nous devons aussi dire qu’en chacun de nous, il n’y a pas seulement la voix de Dieu : il y a beaucoup d’autres voix. Par exemple, les voix de nos peurs, les voix des expériences passées, les voix des espoirs ; et il y a aussi la voix du malin qui veut nous tromper et nous confondre. Il est donc important d’arriver à reconnaître la voix de Dieu parmi d’autres voix. Joseph démontre qu’il sait cultiver le silence nécessaire et, surtout, prendre les bonnes décisions devant la Parole que le Seigneur lui adresse intérieurement. Aujourd’hui, il serait bon que nous reprenions les quatre songes de l’Évangile dont il est le protagoniste, afin de comprendre comment nous placer devant la révélation de Dieu. L’Évangile nous relate quatre songes de Joseph.

Dans le premier songe (cf. Mt 1, 18-25), l’ange aide Joseph à résoudre le drame qui l’assaille lorsqu’il apprend la grossesse de Marie : « Ne crains pas de prendre chez toi Marie, ton épouse, puisque l’enfant qui est engendré en elle vient de l’Esprit Saint ; elle enfantera un fils, et tu lui donneras le nom de Jésus (c’est-à-dire : Le-Seigneur-sauve), car c’est lui qui sauvera son peuple de ses péchés. » (v. 20-21). Et sa réponse fut immédiate : « Quand il se réveilla, il fit ce que l’ange du Seigneur lui avait prescrit » (v. 24). Souvent la vie nous met face à des situations que nous ne comprenons pas et qui semblent sans solution. Prier en ces moments-là. Cela signifie laisser que le Seigneur nous indique la chose juste à faire. En fait, très souvent, c’est la prière qui fait apparaitre l’intuition de la porte de sortie, comment résoudre cette situation. Chers frères et sœurs, le Seigneur ne permet jamais qu’un problème survienne sans nous donner également l’aide nécessaire pour y faire face. Il ne nous jette pas dans le four tout seul. Il ne nous jette pas parmi les bêtes. Non. Le Seigneur, quand il nous montre un problème ou nous révèle un problème, il nous donne toujours la perspicacité, l’aide, sa présence, pour nous en sortir, pour le résoudre.

Et le second songe révélateur de Joseph survient lorsque la vie de l’enfant Jésus est en danger. Le message est clair : « Lève-toi ; prends l’enfant et sa mère, et fuis en Égypte. Reste là-bas jusqu’à ce que je t’avertisse, car Hérode va rechercher l’enfant pour le faire périr. » (Mt 2, 13). Joseph obéit sans hésiter :  » Il se leva dans la nuit – dit l’Évangile -, il prit l’enfant et sa mère, et se retira en Égypte, où il resta jusqu’à la mort d’Hérode » (v. 14-15). Dans la vie, tous nous sommes confrontés à des dangers qui menacent notre existence ou celle de ceux que nous aimons. Dans ces situations, prier signifie écouter la voix qui peut faire naitre en nous le même courage que Joseph, pour affronter les difficultés sans succomber.

En Égypte, Joseph attend un signe de Dieu pour pouvoir rentrer chez lui, et c’est le contenu du troisième songe. L’ange lui révèle que ceux qui voulaient tuer l’enfant sont morts et lui ordonne de partir avec Marie et Jésus et de retourner dans sa patrie (cf. Mt 2, 19-20). « Joseph se leva– dit l’Évangile -, prit l’enfant et sa mère, et il entra dans le pays d’Israël. » (v. 21). Mais durant le voyage du retour, « apprenant qu’Arkélaüs régnait sur la Judée à la place de son père Hérode, il eut peur de s’y rendre. » (v. 22). Voici donc la quatrième révélation : « Averti en songe, il se retira dans la région de Galilée et vint habiter dans une ville appelée Nazareth » (v. 22-23). La peur aussi fait partie de la vie et nécessite, elle aussi notre prière. Dieu ne nous promet pas que nous n’aurons jamais peur, mais que, avec son aide, la peur ne sera pas le critère de nos décisions. Joseph éprouve la peur, mais Dieu le guide aussi à travers elle. Le pouvoir de la prière apporte la lumière dans des situations d’obscurité.

Je pense en ce moment à tant de personnes qui sont écrasées par le poids de la vie et ne peuvent plus espérer ni prier. Que saint Joseph les aide à s’ouvrir au dialogue avec Dieu, à y trouver lumière, force et paix, aide. Et aussi, je pense aux parents face aux problèmes de leurs enfants. Des enfants atteints de nombreuses maladies, des enfants malades, même avec des maladies chroniques. Quelle douleur il y a là. Les parents qui voient des orientations sexuelles différentes chez leurs enfants ; comment gérer cela et accompagner leurs enfants et ne pas se réfugier dans une attitude condamnatoire. Les parents qui voient leurs enfants partir à cause d’une maladie, et aussi – c’est plus triste, on le lit tous les jours dans les journaux – les enfants qui font une bêtise et finissent dans un accident de voiture. Des parents qui voient leurs enfants qui ne progressent pas à l’école et ne savent comment faire… Autant de problèmes de parents. Pensons-y : comment les aider. Et à ces parents, je dis : n’ayez pas peur. Oui, il y a de la douleur. Beaucoup. Mais pensez au Seigneur, pensez à la façon dont Joseph a résolu les problèmes et demandez à Joseph de vous aider. Ne jamais condamner un enfant. Cela me révèle tant de tendresse – c’était le cas à Buenos Aires – lorsque je prenais le bus et qu’il passait devant la prison. Il y avait une queue de personnes qui devaient entrer pour rendre visite aux prisonniers. Et il y avait là les mères. Et j’ai été tellement touchée par cette mère qui, face au problème d’un fils qui a commis une erreur et qui est en prison, ne le laisse pas seul, s’expose publiquement et l’accompagne. Ce courage ; le courage d’un père et d’une mère qui accompagnent leurs enfants toujours, toujours. Demandons au Seigneur de donner ce courage à tous les pères et mères, comme il l’a donné à Joseph. Et prier, non ? Prier pour que le Seigneur nous aide dans ces moments.

La prière, cependant, n’est jamais un geste abstrait ou intimiste comme veulent le faire ces mouvements spiritualistes plus gnostiques que chrétiens. Non, ce n’est pas ça. La prière est toujours indissolublement liée à la charité. Ce n’est que lorsque nous unissons la prière avec l’amour des enfants pour le cas que je viens d’évoquer ou l’amour pour notre prochain que nous pouvons comprendre les messages du Seigneur. Joseph priait, travaillait et aimait, – trois belles choses pour les parents : prier, travailler et aimer – et pour cela il a toujours reçu ce dont il avait besoin pour affronter les épreuves de la vie. Confions-nous à lui et à son intercession.

Saint Joseph, tu es l’homme qui songe,
apprends-nous à retrouver la vie spirituelle
comme le lieu intérieur où Dieu se manifeste et nous sauve.
Éloigne de nous la pensée que prier soit inutile ;
aide chacun de nous à correspondre à ce que le Seigneur nous indique.
Que nos raisonnements soient irradiés de la lumière de l’Esprit,
notre cœur encouragé par Sa force
et nos peurs sauvées par Sa miséricorde.

Amen.

___________________________

[1] Cfr  Gn 20,3; 28,12; 31,11.24; 40,8; 41,1-32;  Nb 12,6;  1 Sam 3,3-10;  Dn 2; 4;  Job 33,15

 


 




Audience Générale du Mercredi 19 Janvier 2022

PAPE FRANÇOIS

AUDIENCE GÉNÉRALE

Place Saint-Pierre
Mercredi 19 Janvier 2022


Catéchèse sur saint Joseph – 8. Saint Joseph père dans la tendresse

Chers frères et sœurs, bonjour !

Aujourd’hui, je voudrais approfondir la figure de Saint Joseph comme père de tendresse.

Dans ma Lettre Apostolique Patris corde (8 décembre 2020), j’ai eu l’occasion de réfléchir à cet aspect de la tendresse, un aspect de la personnalité de saint Joseph. En effet, même si les Évangiles ne nous donnent aucun détail sur la manière dont il a exercé sa paternité, nous pouvons être sûrs que le fait qu’il soit un homme « juste » s’est également traduit dans l’éducation donnée à Jésus. « Joseph a vu Jésus grandir jour après jour « en sagesse, en taille et en grâce, devant Dieu et devant les hommes. » (Lc 2, 52) : C’est ce que dit l’Évangile. Comme le Seigneur le fit avec Israël, il lui a « appris à marcher, a Jésus, en le tenant par la main ; il était pour lui comme le père qui soulève un nourrisson tout contre sa joue ; il se penchait vers lui pour le nourrir » (cf. Os 11, 3-4) » (Patris corde, 2). Elle est belle cette définition de la Bible qui fait voir la relation de Dieu avec le peuple d’Israël. Et nous pensons que c’est la même relation celle de St Joseph avec Jésus.

Les évangiles témoignent que Jésus a toujours utilisé le mot « père » pour parler de Dieu et de son amour. De nombreuses paraboles ont comme protagoniste la figure du père [1].  L’une des plus célèbres est certainement celle du Père miséricordieux, racontée par l’évangéliste Luc (cf. Lc 15, 11-32). Cette parabole met l’accent par-delà l’expérience du péché et du pardon, sur la manière dont le pardon atteint la personne qui a commis une faute. Le texte dit : « Comme il était encore loin de la maison – le fils pécheur qui s’était éloigné – quand il était encore loin son père l’aperçut et fut saisi de compassion ; il courut se jeter à son cou et le couvrit de baisers. » (v. 20). Le fils s’attendait à une punition, une justice qui, tout au plus, aurait pu lui donner la place d’un des serviteurs, mais il se retrouve enveloppé dans l’étreinte de son père. La tendresse est quelque chose de plus grand que la logique du monde. C’est une façon inattendue de rendre justice. C’est pourquoi nous ne devons jamais oublier que Dieu n’est pas effrayé par nos péchés : mettons-nous cela bien en tête. Dieu n’est pas effrayé par nos péchés, il est plus grand que nos péchés. Il est père, il est amour, il est tendre. Il n’est pas effrayé par nos péchés, nos erreurs, nos chutes, mais il est effrayé par la fermeture de notre cœur – cela oui le fait souffrir – il est effrayé par notre manque de foi en son amour. Il y a une grande tendresse dans l’expérience de l’amour de Dieu. Et c’est beau de penser que la première personne à transmettre cette réalité à Jésus a été Joseph lui-même. Car les choses de Dieu nous parviennent toujours par la médiation d’expériences humaines. Il y a quelque temps – je ne sais pas si je vous l’ai déjà raconté – un groupe de jeunes gens qui font du théâtre, un groupe de jeunes gens pop, « en avance sur leur temps », a été frappé par cette parabole du père miséricordieux et a décidé de faire une œuvre de théâtre pop avec ce sujet, avec cette histoire. Et ils l’ont bien fait. Et tout l’argument est, à la fin, qu’un ami écoute le fils qui s’est éloigné de son père, qui voulait rentrer à la maison mais qui avait peur que son père le mette dehors et le punisse et toutes ces choses. Et l’ami lui dit, dans cet opéra pop : « Envoie un messager et dis que tu veux rentrer chez toi, et si le père le reçoit, qu’il mette un mouchoir à la fenêtre, la fenêtre que tu verras dès que tu prendras le dernier chemin ». Cela a été donc fait. Et l’opéra, avec des chants et des danses, continue jusqu’au moment où le fils emprunte le chemin final et l’on voit la maison. Et quand il lève les yeux, il voit la maison pleine de mouchoirs blancs : pleine. Pas une, toutes les fenêtres, trois ou quatre par fenêtre. C’est ça la miséricorde de Dieu. Il n’a pas peur de notre passé, de nos mauvaises choses : non. Il a seulement peur de la fermeture. Donc… nous avons tous des comptes à régler ; mais régler ses comptes avec Dieu est une très belle chose, car nous commençons à parler et Lui nous embrasse. La tendresse.

Nous pouvons donc nous demander si nous avons nous-mêmes fait l’expérience de cette tendresse, et si nous en sommes devenus à notre tour les témoins. Pensons. Car la tendresse n’est pas d’abord une affaire d’émotion ou de sentiment : non. C’est l’expérience de se sentir aimé et accueilli précisément dans notre pauvreté et dans notre misère, et ainsi transformé par l’amour de Dieu.

Dieu ne compte pas seulement sur nos talents : non, mais aussi sur notre faiblesse rachetée. Notre faiblesse est rachetée et Lui s’appuie sur cela. Ce qui fait dire à saint Paul, par exemple, qu’il y a un plan aussi pour sa fragilité. En effet, il écrit à la communauté de Corinthe : « Pour m’empêcher de me surestimer, j’ai reçu dans ma chair une écharde, un envoyé de Satan qui est là pour me gifler […] C’est pourquoi par trois fois, j’ai prié le Seigneur d’écarter cela de moi. Et il m’a déclaré : « Ma grâce te suffit, car ma puissance donne toute sa mesure dans la faiblesse. » (2 Cor 12, 7-9). Le Seigneur ne supprime pas toutes les faiblesses, mais il nous aide à marcher avec les faiblesses, en nous prenant Lui-même par la main. Mais comment ? Oui, Il prend nos faiblesses par la main, nous avec les faiblesses, près de nous. Et c’est ça la tendresse. L’expérience de la tendresse consiste à voir la puissance de Dieu traverser précisément ce qui nous rend plus fragiles ; à condition toutefois de nous convertir du regard du Malin qui « nous pousse à regarder notre fragilité avec un jugement négatif », tandis que l’Esprit Saint « la met en lumière avec tendresse » (Patris corde, 2). « La tendresse est le meilleur moyen de toucher ce qui est fragile en nous. […] Voyez comment les infirmières et les infirmiers touchent les plaies des malades : avec tendresse, pour ne pas les blesser davantage. C’est ainsi que le Seigneur touche nos blessures, avec la même tendresse. C’est pourquoi il est important de rencontrer la Miséricorde de Dieu, notamment dans le Sacrement de la Réconciliation, dans la prière personnelle avec Dieu, en faisant une expérience de vérité et de tendresse. Paradoxalement, le Malin aussi peut nous dire la vérité : lui, c’est un menteur, mais il s’arrange pour nous dire la vérité afin de me conduire au mensonge. Mais s’il le fait, le malin le fait et c’est pour nous condamner. Le Seigneur nous dit la vérité et nous tends la main pour nous sauver. Nous savons cependant que la Vérité qui vient de Dieu ne nous condamne pas, mais qu’elle nous accueille, nous embrasse, nous soutient, nous pardonne » (Patris corde, 2). Dieu pardonne toujours : mettez cela dans la tête et le cœur. Dieu pardonne toujours. C’est nous qui nous fatiguons à demander le pardon. Mais il pardonne toujours. Les choses les plus laides.

Cela nous fait donc du bien de nous contempler dans la paternité de Joseph qui est un miroir de la paternité de Dieu, et de nous demander si nous permettons au Seigneur de nous aimer avec sa tendresse, transformant chacun de nous en hommes et en femmes capables d’aimer de cette manière. Sans cette « révolution de la tendresse » – une révolution de la tendresse est nécessaire ! – et sans cette révolution de la tendresse nous risquons de rester emprisonnés dans une justice qui ne nous permet pas de nous relever facilement et qui confond la rédemption avec la punition. C’est pourquoi, aujourd’hui, je veux me souvenir d’une façon particulière de nos frères et sœurs qui sont en prison. Il est juste que qui a commis une faute paie pour son erreur, mais il est encore plus juste que qui a commis une faute puisse se racheter de son erreur. Il ne peut y avoir de condamnations sans une fenêtre d’espérance. Toute condamnation comporte toujours une fenêtre d’espérance. Pensons à nos frères et sœurs en prison, pensons à la tendresse de Dieu pour eux, et prions pour eux, afin qu’ils trouvent dans cette fenêtre d’espérance un passage vers une vie meilleure.

Et nous concluons avec cette prière :

Saint Joseph, père dans la tendresse,
apprends nous à accepter d’être aimés précisément dans ce qui en nous est plus faible.
Accorde-nous de ne placer aucun obstacle
entre notre pauvreté et la grandeur de l’amour de Dieu.
Suscite en nous le désir de nous approcher de la Réconciliation,
pour être pardonnés et aussi rendus capables d’aimer avec tendresse
nos frères et sœurs dans leur pauvreté.
Sois proche de ceux qui ont fait le mal et qui en paient le prix ;
Aide-les à trouver ensemble avec la justice également la tendresse pour pouvoir recommencer.
Et apprends leur que le premier moyen pour recommencer
est de demander sincèrement pardon, pour sentir la caresse du Père.

Merci.

______________________________

[1] Cfr Mt 15,13; 21,28-30; 22,2; Lc 15,11-32; Jn 5,19-23; 6,32-40; 14,2;15,1.8.

 


Je salue cordialement les personnes de langue française présentes aujourd’hui. Ce matin, prions tout particulièrement pour ceux qui sont en prison. Que la tendresse de Dieu les rejoigne dans leur chemin de réparation et de réinsertion dans la société, et qu’elle suscite en chacun d’entre nous un grand désir de conversion. Que Dieu vous bénisse !




Audience Générale du Mercredi 2 Décembre 2021

PAPE FRANÇOIS

AUDIENCE GÉNÉRALE

Place Saint-Pierre
Mercredi 2 Décembre 2021


Catéchèse sur saint Joseph – 3. Joseph, homme juste et époux de Marie 

Chers frères et sœurs, bonjour !

Nous continuons notre parcours de réflexion sur la figure de St Joseph. Aujourd’hui, j’aimerais approfondir le fait qu’il soit  » juste  » et  » fiancé à Marie « , et donner ainsi un message à tous les fiancés et aussi aux nouveaux mariés. De nombreux événements liés à Joseph sont relatés dans les évangiles apocryphes, c’est-à-dire les évangiles non canoniques, qui ont également influencé l’art et divers lieux de culte. Ces écrits, qui ne sont pas dans la Bible – ce sont des récits que la piété chrétienne faisait à cette époque – répondent au désir de combler les silences des Évangiles canoniques, ceux qui sont dans la Bible, qui nous donnent tout ce qui est essentiel pour la foi et la vie chrétienne.

L’évangéliste Matthieu. C’est important : que dit l’Évangile à propos de Joseph ? Pas ce que disent ces évangiles apocryphes, qui ne sont pas mauvais ou maléfiques ; ils sont beaux, mais ils ne sont pas la Parole de Dieu. Au contraire, les évangiles, qui se trouvent dans la Bible, sont la Parole de Dieu. Parmi eux, l’évangéliste Matthieu, qui qualifie Joseph d’homme « juste ». Écoutons son récit : « Voici comment fut engendré Jésus Christ : Marie, sa mère, avait été accordée en mariage à Joseph ; avant qu’ils aient habité ensemble, elle fut enceinte par l’action de l’Esprit Saint. Joseph, son époux, qui était un homme juste, et ne voulait pas la dénoncer publiquement, décida de la renvoyer en secret. » (1,18-19). Car lorsque la fiancée était infidèle ou tombait enceinte, les fiancés devaient la dénoncer ! Et les femmes de cette époque étaient lapidées à mort. Mais Joseph était juste. Il dit : « Non, je ne le ferai pas. Je vais garder le silence. »

Pour comprendre le comportement de Joseph envers Marie, il est utile de se rappeler les coutumes matrimoniales de l’ancien Israël. Le mariage comportait deux phases bien définies. La première s’apparente à des fiançailles officielles, qui impliquent déjà une nouvelle situation : en particulier, la femme, bien que continuant à vivre dans la maison de son père pendant un an, est considérée comme la « femme » de facto du fiancé. Ils ne vivaient pas encore ensemble, mais elle était comme sa femme. Le second acte était le transfert de la mariée de la maison de son père à celle du marié. Cela se déroulait lors d’une procession festive qui parachevait le mariage. Et les amies de la mariée l’accompagnaient là. Selon ces coutumes, le fait qu' »avant d’aller vivre ensemble, Marie s’est trouvée enceinte », exposait la Vierge à l’accusation d’adultère. Et cette culpabilité, selon l’ancienne loi, devait être punie par la lapidation (cf. Dt 22, 20-21). Cependant, dans la pratique juive ultérieure, une interprétation plus modérée s’était imposée, qui n’exigeait que l’acte de répudiation mais avec des conséquences civiles et pénales pour la femme, mais pas la lapidation à mort.

L’Évangile dit que Joseph était  » juste  » précisément parce qu’il était soumis à la loi comme tout homme Israélite pieux. Mais au fond de lui, son amour pour Marie et sa confiance en elle lui suggèrent une voie qui sauvera le respect de la loi et l’honneur de son épouse : il décide de lui donner l’acte de répudiation en secret, sans tapage, sans la soumettre à une humiliation publique. Il choisit la voie du secret, sans procès et réparation. Mais quelle sainteté en Joseph ! Nous qui, dès que nous avons une petite nouvelle folklorique ou mauvaise sur quelqu’un, dérivons immédiatement au bavardage ! Joseph, lui, garde le silence.

Mais l’évangéliste Matthieu ajoute aussitôt : « Comme il avait formé ce projet, voici que l’ange du Seigneur lui apparut en songe et lui dit : « Joseph, fils de David, ne crains pas de prendre chez toi Marie, ton épouse, puisque l’enfant qui est engendré en elle vient de l’Esprit Saint ; elle enfantera un fils, et tu lui donneras le nom de Jésus (c’est-à-dire : Le-Seigneur-sauve), car c’est lui qui sauvera son peuple de ses péchés. » ». (1,20-21). La voix de Dieu intervient dans le discernement de Joseph et, à travers un songe, lui révèle un sens plus grand que sa propre justice. Et combien est-il important pour chacun de nous de cultiver une vie juste et en même temps de sentir que nous avons toujours besoin de l’aide de Dieu ! Pour être capable d’élargir nos horizons et de considérer les circonstances de la vie d’un point de vue différent et plus large. Souvent, nous nous sentons prisonniers de ce qui nous est arrivé : « Mais regarde ce qui m’est arrivé ! » et nous restons prisonniers de la mauvaise chose qui nous est arrivée; mais c’est précisément face à certaines circonstances de la vie, qui semblent dramatiques au départ, que se cache une Providence qui, avec le temps, prend forme et illumine de sens même la douleur qui nous a frappés. La tentation est de s’enfermer dans cette douleur, dans cette pensée des choses pas très agréables qui nous sont arrivées. Et ce n’est pas bon. Cela conduit à la tristesse et à l’amertume. Le cœur amer est si laid.

Cependant, je voudrais que nous prenions le temps de réfléchir sur un détail de cette histoire racontée dans l’Évangile et que nous négligeons souvent. Marie et Joseph sont deux fiancés qui ont probablement cultivé des rêves et des projets pour leur vie future. Dieu semble s’insérer comme à l’improviste dans leur vie et, malgré quelques difficultés initiales, tous deux ouvrent grand leur cœur à la réalité qui s’impose à eux.

Chers frères et sœurs, très souvent, notre vie n’est pas telle que nous l’imaginons. Surtout dans les relations d’amour, d’affection, nous avons du mal à passer de la logique du coup de foudre à celle de l’amour mature. Et il faut passer du coup de foudre à l’amour mature. Vous, les nouveaux mariés, réfléchissez bien à ça. La première phase est toujours marquée par un certain enchantement, qui nous fait vivre immergés dans un monde imaginaire qui ne correspond souvent pas à la réalité des faits. Mais c’est précisément lorsque le coup de foudre semble prendre fin avec ses expectatives que le véritable amour peut commencer. Aimer, en effet, ce n’est pas attendre de l’autre ou de la vie qu’ils correspondent à notre imagination ; c’est plutôt choisir en toute liberté d’assumer la vie telle qu’elle nous est offerte. C’est pourquoi Joseph nous donne une leçon importante, il choisit Marie « les yeux ouverts ». Et nous pouvons dire, avec tous les risques. Pensez-y, dans l’Évangile de Jean, un reproche que les docteurs de la loi font à Jésus est le suivant :  » Nous ne sommes pas des fils qui viennent de là « , en faisant référence à la prostitution. Mais parce qu’ils savaient comment Marie était tombée enceinte, ils voulaient salir la mère de Jésus. Pour moi, c’est le passage le plus sale, le plus démoniaque de l’Évangile. Et le risque qu’assume Joseph nous donne cette leçon : prendre la vie comme elle vient. Dieu est-il intervenu là ? Je vais la prendre. Et Joseph fait ce que l’ange du Seigneur lui a ordonné : En effet, l’Évangile dit :  » Joseph se réveilla, il fit ce que l’ange du Seigneur lui avait prescrit : il prit chez lui son épouse, mais il ne s’unit pas à elle, jusqu’à ce qu’elle enfante un fils, auquel il donna le nom de Jésus. » (Mt 1, 24-25). Les fiancés chrétiens sont appelés à témoigner d’un tel amour, qui a le courage de passer de la logique du coup de foudre à celle de l’amour mature. Et c’est un choix exigeant, qui, au lieu d’emprisonner la vie, peut renforcer l’amour pour qu’il soit durable face aux épreuves du temps. L’amour d’un couple se poursuit dans la vie et mûrit chaque jour. L’amour des fiançailles est un peu – si je puis dire – romantique. Vous l’avez tous vécu, mais ensuite commence l’amour mature, au quotidien, le travail, les enfants qui arrivent. Et parfois, le romantisme disparaît un peu. Mais n’y-a-il pas d’amour ? Oui, mais un amour mature. « Mais vous savez, mon père, nous nous disputons parfois… » Cela dure depuis l’époque d’Adam et Eve jusqu’à aujourd’hui : que les époux se disputent est notre pain quotidien. « Mais ne doit-on pas se disputer ? » Oui, oui, on peut. « Et père, mais parfois nous élevons la voix » – « Ça arrive ». « Et aussi parfois les plats volent » – « Ça arrive ». Mais comment s’assurer que ça ne porte pas atteinte à la vie du mariage ? Écoutez bien : ne terminez jamais la journée sans faire la paix. On s’est disputé, je t’ai dit des choses méchantes, mon Dieu, je t’ai dit des choses pas belles. Mais maintenant le jour se termine : je dois faire la paix. Savez-vous pourquoi ? Parce que la guerre froide du lendemain est très périlleuse. Ne permettez pas que le jour d’après commence en guerre. C’est pourquoi il faut faire la paix avant d’aller se coucher. Retenez-le pour toujours : jamais terminer la journée sans faire la paix. Et cela vous aidera dans votre vie matrimoniale. Ce chemin qui mène du coup de foudre à l’amour mature est exigeant, mais nous devons l’emprunter. La chasteté, la fidélité, le respect et l’écoute ne sont pas des vertus que l’on demande lors des fiançailles pour susciter des sentiments de culpabilité, mais pour indiquer cette direction qui seule peut donner à nos rêves la possibilité de se réaliser et d’être durables.

Et cette fois encore, nous concluons par une prière à Saint Joseph.

Saint Joseph,
toi qui as aimé Marie avec liberté,
et choisi de renoncer à ton imagination pour faire place à la réalité,
aide chacun d’entre nous à se laisser surprendre par Dieu
et à accueillir la vie non pas comme un événement imprévu dont il faut se défendre,
mais comme un mystère qui cache le secret de la vraie joie.
Obtiens à tous les fiancés chrétiens la joie et la radicalité,
tout en gardant toujours à l’esprit
que seuls la miséricorde et le pardon rendent possible l’amour. Amen.


Je salue cordialement les pèlerins de langue française, en particulier le groupe d’amitié France-Italie. Alors que nous venons d’entrer dans le temps de l’Avent, demandons au Seigneur que, par l’intercession paternelle de saint Joseph, nous demeurions toujours comme des veilleurs dans la nuit, attentifs à voir la lumière du Christ dans nos frères les plus pauvres !




Audience Générale du Mercredi 24 Novembre 2021

PAPE FRANÇOIS

AUDIENCE GÉNÉRALE

Place Saint-Pierre
Mercredi 24 Novembre 2021


Catéchèse sur saint Joseph – 2. Saint Joseph dans l’histoire du salut

Chers frères et sœurs, bonjour !

Mercredi dernier, nous avons commencé le cycle de catéchèse sur la figure de St Joseph – l’année qui lui est consacrée touche à sa fin -. Aujourd’hui, nous poursuivons ce parcours en nous arrêtant sur son rôle dans l’histoire du salut.

Dans les Évangiles, Jésus est désigné comme « fils de Joseph » (Lc 3,23 ; 4,22 ; Jn 1,45 ; 6,42) et « fils du charpentier » (Mt 13,55 ; Mc 6,3). Les évangélistes Matthieu et Luc, en racontant l’enfance de Jésus, accordent une place au rôle de Joseph. Tous deux composent une « généalogie » pour mettre en évidence l’historicité de Jésus. Matthieu, s’adressant surtout aux judéo-chrétiens, part d’Abraham pour arriver à Joseph, défini comme « l’époux de Marie, de qui est né Jésus, appelé le Christ » (1,16). Luc, lui, remonte jusqu’à Adam, en commençant directement par Jésus, qui  » était le fils de Joseph « , mais précise :  » à ce que l’on pensait  » (3,23). Par conséquent, les deux évangélistes présentent Joseph non pas comme le père biologique, mais comme le père à plein titre de Jésus. Par lui, Jésus accomplit l’histoire de l’alliance et du salut entre Dieu et l’homme. Pour Matthieu, cette histoire commence avec Abraham, pour Luc avec l’origine même de l’humanité, c’est-à-dire avec Adam.

L’évangéliste Matthieu nous aide à comprendre que la figure de Joseph, bien qu’apparemment marginale, discrète, en arrière-plan, représente au contraire un élément central de l’histoire du salut. Joseph vit son protagonisme sans jamais vouloir s’imposer sur la scène. Si l’on y réfléchit,  » nos vies sont tissées et soutenues par des personnes ordinaires, souvent oubliées, qui ne font pas la une des journaux et des revues […]. Que de pères, de mères, de grands-pères et de grands-mères, que d’enseignants montrent à nos enfants, par des gestes simples et par des gestes quotidiens, comment affronter et traverser une crise en réadaptant les habitudes, en levant le regard et en stimulant la prière ! Que de personnes prient, offrent et intercèdent pour le bien de tous « . (Lett. ap. Patris corde, 1). Ainsi, tous peuvent trouver en saint Joseph, l’homme qui passe inaperçu, l’homme de la présence quotidienne, de la présence discrète et cachée, un intercesseur, un soutien et un guide dans les moments difficiles. Il nous rappelle que tous ceux qui sont apparemment cachés ou en « seconde ligne » ont un rôle sans égal dans l’histoire du salut. Le monde a besoin de ces hommes et de ces femmes : des hommes et des femmes en seconde ligne, mais qui soutiennent le développement de notre vie, de chacun de nous, et qui par la prière, par l’exemple, par l’enseignement nous soutiennent sur le chemin de la vie.

Dans l’Évangile de Luc, Joseph apparaît comme le gardien de Jésus et de Marie. Et pour cette raison, il est aussi « le Gardien de l’Église : mais, s’il a été le gardien de Jésus et de Marie, il travaille, maintenant que tu es au ciel, et continue à être le gardien, dans ce cas de l’Église ; parce que l’Église est le prolongement du Corps du Christ dans l’histoire, et en même temps dans la maternité de l’Église est esquissée la maternité de Marie. Joseph, en continuant de protéger l’Église, – s’il vous plait, n’oubliez pas ceci : aujourd’hui, Joseph protège l’Église, continue de protéger l’Enfant et sa mère » (ibid., 5). Cet aspect des soins prodigués par Joseph est la grande réponse au récit de la Genèse. Lorsque Dieu demande à Caïn de rendre compte de la vie d’Abel, il répond : « Suis-je le gardien de mon frère ? » (4,9). Joseph, par sa vie, semble vouloir nous dire que nous sommes toujours appelés à nous sentir les gardiens de nos frères et sœurs, les gardiens de ceux qui nous sont proches, de ceux que le Seigneur nous confie à travers toutes les circonstances de la vie.

Une société comme la nôtre, que l’on a qualifiée de « liquide », parce qu’elle semble n’avoir aucune consistance. Je corrigerai le philosophe qui a inventé cette définition et dirai : plus que liquide, gazeuse, une société proprement gazeuse. Cette société liquide, gazeuse trouve dans l’histoire de Joseph une indication bien précise sur l’importance des liens humains. En effet, l’Évangile nous raconte la généalogie de Jésus, non seulement pour une raison théologique, mais aussi pour rappeler à chacun de nous que notre vie est faite de liens qui nous précèdent et nous accompagnent. Le Fils de Dieu, pour venir au monde, a choisi la voie des liens, le chemin de l’histoire : il n’est pas descendu dans le monde magiquement, non. Il a suivi le chemin historique que nous suivons nous tous.

Chers frères et sœurs, je pense à tant de personnes qui peinent à trouver des liens significatifs dans leur vie, et c’est précisément pour cette raison qu’elles luttent, qu’elles se sentent seules, qu’elles n’ont pas la force et le courage pour aller de l’avant. Je voudrais conclure par une prière pour les aider, ainsi que nous tous, à trouver en saint Joseph un allié, un ami et un soutien.

Saint Joseph,
toi qui as gardé le lien avec Marie et Jésus,
aide-nous à prendre soin des relations dans nos vies.
Que personne ne ressente ce sentiment d’abandon
qui vient de la solitude.
Que chacun se réconcilie avec sa propre histoire,
avec ceux qui l’ont précédé,
et reconnaisse, même dans les erreurs commises
une manière par laquelle la Providence s’est frayé un chemin,
et le mal n’a pas eu le dernier mot.
Révèle-toi ami avec ceux qui luttent le plus,
et comme tu as soutenu Marie et Jésus dans les moments difficiles,
ainsi soutiens-nous aussi dans notre chemin. Amen.


Je salue cordialement les personnes de langue française, en particulier les pèlerins du Diocèse de Lyon. Le Seigneur a mis sur notre route des frères et sœurs qui souffrent, qui se sentent seules ou qui ont perdu force et courage. Sachons les reconnaître et que Saint Joseph nous aide à devenir leurs amis et leur soutien sur le chemin de vie. Que Dieu vous bénisse.




Audience Générale du Mercredi 3 Novembre 2021

PAPE FRANÇOIS

AUDIENCE GÉNÉRALE

Place Saint-Pierre
Mercredi 3 Novembre 2021


Catéchèse sur la Lettre aux Galates – 14. Marcher selon l’Esprit

Chers frères et sœurs, bonjour !

Dans le passage de la Lettre aux Galates que nous venons d’écouter, saint Paul exhorte les chrétiens à marcher selon l’Esprit Saint (cf. 5,16.25). Il existe un style : marcher selon le Saint-Esprit. En effet, croire en Jésus signifie le suivre, aller derrière sur son chemin, comme l’ont fait les premiers disciples. Et en même temps, cela signifie éviter le chemin opposé, celui de l’égoïsme, de la recherche de son propre intérêt, que l’Apôtre appelle « le désir de la chair » (v. 16). L’Esprit est le guide de cette marche sur le chemin du Christ, un cheminement merveilleux mais aussi fatigant qui commence au baptême et dure toute la vie. Pensons à une longue randonnée en haute montagne : elle est fascinante, l’objectif nous attire, mais requiert beaucoup d’efforts et de ténacité.

Cette image peut nous être utile pour entrer dans le mérite des paroles de l’Apôtre : « marcher selon l’Esprit », « se laisser guider » par Lui. Ce sont des expressions qui indiquent une action, un mouvement, un dynamisme qui nous empêche de nous arrêter aux premières difficultés, mais nous pousse à faire confiance à la « force qui vient d’en haut » (Pasteur d’Hermas, 43, 21). En suivant ce chemin, le chrétien acquiert une vision positive de la vie. Cela ne signifie pas que le mal présent dans le monde a disparu, ni que les impulsions négatives de l’égoïsme et de l’orgueil ont disparu ; cela signifie plutôt croire que Dieu est toujours plus fort que nos résistances et plus grand que nos péchés. Et ceci est important : croire que Dieu est plus grand, toujours. Plus grand que nos résistances, plus grand que nos péchés.

En exhortant les Galates à suivre cette voie, l’Apôtre se met à leur niveau. Il abandonne le verbe à l’impératif – « marchez » (v. 16) – et il utilise le « nous » à l’indicatif: « marchons selon l’Esprit » (v. 25). Comme pour dire : marchons sur la même ligne et laissons-nous guider par l’Esprit Saint. C’est une exhortation, un mode exhortatif. Cette exhortation Saint Paul la ressent également comme nécessaire pour lui-même. Bien qu’il sache que le Christ vit en lui (cf. 2,20), il est également convaincu qu’il n’a pas encore atteint le but, le sommet de la montagne (cf. Ph 3,12). L’Apôtre ne se place pas au-dessus de sa communauté, il ne dit pas : « Je suis le chef, vous êtes les autres ; j’ai atteint le sommet de la montagne et vous êtes en chemin » – il ne dit pas cela -mais il se place au milieu du cheminement de tous, pour donner l’exemple concret de la nécessité d’obéir à Dieu, en répondant toujours plus et toujours mieux à la direction de l’Esprit. Et comme c’est beau quand on trouve des pasteurs qui marchent avec le [il dit : son] peuple, qui ne se séparent pas ; « Non, je suis plus important, je suis un pasteur ».  Toi … », « Je suis prêtre », « Je suis évêque », avec le nez en l’air. Non : des pasteurs qui marchent avec le peuple. C’est tellement beau. Ça fait du bien à l’âme.

Cette « marche selon l’Esprit » n’est pas seulement une action individuelle : elle concerne aussi la communauté dans son ensemble. En effet, construire la communauté en suivant le chemin indiqué par l’Apôtre est enthousiasmant, mais exigeant. Les « convoitises de la chair », « les tentations » – pour ainsi dire – que tous nous avons, c’est-à-dire les envies, les préjugés, les hypocrisies et les ressentiments continuent à se faire sentir, et le recours à des préceptes rigides peut être une tentation facile, mais ce faisant, on s’écarterait du chemin de la liberté et, au lieu de monter au sommet, on retournerait vers le bas. Suivre le chemin de l’Esprit exige tout d’abord que nous fassions de la place à la grâce et à la charité. Faire place à la grâce de Dieu. Ne pas avoir peur. Après avoir fait entendre sa voix de manière sévère, Paul invite les Galates à prendre en charge les difficultés des uns et des autres et, si quelqu’un devait commettre une erreur, à faire preuve de douceur (cf. 5,22). Écoutons ses paroles :  » Frères, si quelqu’un est pris en faute, vous, les spirituels, remettez-le dans le droit chemin en esprit de douceur ; mais prenez garde à vous-mêmes : vous pourriez être tentés, vous aussi. Portez les fardeaux les uns des autres : ainsi vous accomplirez la loi du Christ. » (6,1-2). Une attitude très différente de celle qui consiste à jaser quand on voit quelque chose, jacasser contre cela, n’est-ce pas ? Éplucher [cancaner sur] son prochain. Non, cela n’est pas selon l’Esprit. Selon l’Esprit, c’est avoir cette douceur avec notre frère pour le corriger et veiller sur nous-mêmes pour ne pas tomber dans ces péchés, c’est l’humilité.

En effet, lorsque nous sommes tentés de mal juger les autres, comme c’est souvent le cas, nous devons d’abord réfléchir à notre propre fragilité. Comme il est facile de critiquer les autres ! Mais il y a des gens qui semblent avoir un diplôme en commérage. Tous les jours, ils critiquent les autres. Mais regarde-toi toi-même ! Il est bon de se demander ce qui nous pousse à corriger un frère ou une sœur, et si nous ne sommes pas en quelque sorte coresponsables de son erreur. L’Esprit Saint, en plus de nous faire le don de la douceur, nous invite à la solidarité, à porter les fardeaux des autres. Combien de fardeaux existent-ils dans la vie d’une personne : maladie, manque de travail, solitude, douleur… ! Et tant d’autres épreuves qui nécessitent la proximité et l’amour de nos frères et sœurs ! Les paroles de Saint Augustin peuvent également nous aider lorsqu’il commente ce même passage :  » Ainsi donc, frères, si quelqu’un est pris en défaut, […] corrigez-le de cette manière, avec douceur, avec douceur. Et si vous élevez la voix, aimez intérieurement. Soit que tu encourages, que tu te montres paternel, soit que tu reprennes, que tu sois sévère, aime » (Sermons 163/B 3). Aime toujours. La règle suprême de la correction fraternelle est l’amour : vouloir le bien de nos frères et sœurs. Et il s’agit aussi de tolérer les problèmes des autres, les défauts des autres en silence dans la prière, pour ensuite trouver la méthode adéquate pour l’aider à se corriger. Et ce n’est pas facile. Le moyen le plus simple c’est le bavardage. Raconter des ragots sur l’autre personne [l’éplucher] comme si moi j’étais parfait. Et on ne devrait pas faire comme cela. Douceur. Patience. Prière. Proximité.

Marchons joyeusement et patiemment sur ce chemin, en nous laissant guider par l’Esprit Saint. Merci.


Je salue cordialement les fidèles de langue française, en particulier les jeunes confirmés du Diocèse de Séez, et tous les pèlerins venus de France.

Nous nous souvenons ces jours-ci de nos chers défunts. Que l’Esprit Saint nous aide à marcher vigilants dans la prière et fidèles à la parole de Jésus, en attendant de les retrouver un jour dans la joie du ciel.

Que Dieu vous bénisse !




Audience Générale du Mercredi 13 Octobre 2021

PAPE FRANÇOIS

AUDIENCE GÉNÉRALE

Place Saint-Pierre
Mercredi 27 Octobre 2021


Frères et sœurs, la prédication de saint Paul est centrée sur Jésus et son Mystère pascal. L’Apôtre annonce le Christ, le Christ crucifié. Le centre du salut et de la foi est la mort et la résurrection du Seigneur. Pour Paul, il faut revenir à l’essentiel, à Dieu qui nous donne la vie dans le Christ crucifié. Lorsque nous rencontrons Jésus Crucifié dans la prière, il nous donne sa vie. L’Esprit qui jaillit de la Pâques de Jésus est le principe de la vie spirituelle. C’est lui qui change nos cœurs et guide l’Eglise. La vie de la communauté est régénérée dans l’Esprit Saint, et c’est toujours grâce à lui que nous nourrissons notre vie chrétienne et poursuivons notre combat spirituel. Deux fronts s’y opposent : d’une part les « œuvres de la chair » et d’autre part, les « fruits de l’Esprit ». L’amour, la paix et la joie sont les caractéristiques d’une personne habitée par l’Esprit de Dieu. Nous avons la grande responsabilité d’annoncer le Christ crucifié et ressuscité en étant animés par le souffle de l’Esprit d’amour. Seul l’amour possède la force d’attirer et de changer le cœur de l’homme.

Je suis heureux de saluer les pèlerins venus des pays francophones, particulièrement les fidèles du diocèse de Pontoise avec leur évêque; la pastorale des jeunes des diocèses de Belley-Ars et de Rouen; les pèlerins des diocèses de Coutances et de Luçon ainsi que les paroissiens de Compiègne. A la fin de ce mois missionnaire, par l’intercession de Notre-Dame du Rosaire, demandons la grâce d’être habités par l’Esprit d’amour, de paix et de joie, afin de faire nôtres les joies et les souffrances, les désirs et les angoisses de l’humanité.

Sur vous tous, ma Bénédiction !