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8ième Dimanche du Temps Ordinaire – par Claude WON FAH HIN

Commentaire d’Evangile du samedi 26/2/2022 et Dimanche 27/2/2022

 

Siracide 27 4–7 ; 1Corinthiens 15 54–58 ; Luc 6 39–45

Dans le premier texte d’aujourd’hui, il est dit que « dans le crible qu’on secoue, il reste des saletés, de même les défauts de l’homme dans ses discours ». Le crible est un tamis, une passoire qui permet de faire un tri entre ce qui est bon à garder ou à jeter. Le discours de l’homme agit comme une passoire, il laisse voir ce qui est bon et ce qui est mauvais dans l’homme. « La parole est un acte qui peut guérir ou blesser profondément les gens, elle peut détruire ou construire. Elle dévoile (ou révèle) le cœur et dit qui est la personne qui parle. Celui qui parle beaucoup dévoile ses qualités mais aussi ses défauts. Quand on pense à soi uniquement, souvent ce sont les défauts qui se révèlent parce que l’on ne fait pas un cas de l’autre. Et quand on pense véritablement à l’autre, ce sont les qualités qu’on met en avant, même sans en avoir conscience, parce qu’on veut le bien de l’autre » (Achille Degeest – Pain du Dimanche). Les paroles de l’homme révèlent les pensées de son cœur. Et si son cœur a plein de défauts, cela ressortira dans ses paroles. Mt 15,18-19 : « 18 ce qui sort de la bouche procède du cœur, et c’est cela qui souille l’homme ? 19 Du cœur en effet procèdent mauvais desseins, meurtres, adultères, débauches, vols, faux témoignages, diffamations ». C’est pour cela qu’il sera difficile de dire du bien d’une personne avant qu’elle n’ait parlé.  (Si 24,7) : « Ne loue personne avant qu’elle n’ait parlé ». Sœur Faustine (§92) nous dit : « Les fautes que commet la langue sont graves. L’âme ne parviendra pas à la sainteté si elle ne maîtrise pas sa langue ….(§118) : « l’âme bavarde est vide à l’intérieur. Il n’y a en elle ni vertu fondamentale, ni intimité avec Dieu. Il n’est pas question pour elle, d’une vie plus profonde, d’une douce paix, ni du silence où demeure le Seigneur. Celui qui n’a jamais goûté à la douceur du silence intérieur est un esprit inquiet qui trouble le silence d’autrui. J’ai vu beaucoup d’âmes qui étaient dans les gouffres de l’enfer pour n’avoir pas su garder le silence … (§374 – IV). En un seul cas, elle sera totalement libre : pour la proclamation de la gloire de Dieu. A chaque fois que je communie, je prie Jésus qu’il daigne fortifier et purifier ma langue, pour que je ne blesse pas mon prochain …(§476) L’âme silencieuse est forte. Si elle persévère dans le silence, aucune contrariété ne la touchera. L’âme silencieuse est capable de s’unir à Dieu de la façon la plus profonde, elle vit presque toujours sous l’inspiration du Saint-Esprit. Dans l’âme silencieuse, Dieu agit sans rencontrer d’obstacle ».

Le silence intérieur dont parle Sœur Faustine n’est pas un silence morne, maussade, triste, c’est un silence rempli de Dieu, un silence qui est recueillement en Dieu. « Le langage de l’amour ne possède pas de paroles », n’a pas besoin de paroles (Sœur Faustine – 1488). Le silence devient la condition de rencontre avec Dieu. Cette attitude n’est rien d’autre que celle de la contemplation qui est un don de Dieu, répandu dans le cœur de celui qui croit (Nicolas Buttet – « L’Eucharistie à l’école des saints » – P.17). La contemplation nous introduit…sur la découverte de notre vraie nature et du but de notre vie. Saint François de Sales nous dit que « la contemplation n’est rien d’autre qu’une amoureuse, simple et permanente attention de l’esprit aux choses divines ». Le philosophe grec Cicéron découvre que « notre âme est tendue vers le Ciel. Elle est tendue vers le Ciel par la contemplation née du silence ». Et l’on revient à ce silence intérieur constamment rempli de Dieu dont nous parle sœur Faustine. Nicolas Buttet nous dit : « Il y a bonheur dans la mesure où il y a contemplation … Mais le bonheur né de la contemplation dépend de ce que nous contemplons ». Et Aristote précise que le bonheur suprême dépend de la perfection de l’objet contemplé. Ce bonheur suprême c’est donc de contempler Dieu et de Le servir, puisque Dieu est le Parfait et le Bien heureux par excellence. Cette contemplation qui se porte sur Dieu Lui-même s’appelle une contemplation théologique qu’on ne peut avoir que par la grâce de Dieu, par un don de Dieu. Cette contemplation n’a qu’un but (saint Jean de la Croix) : c’est l’union à Dieu dans l’amour. Elle produit différents effets dont la connaissance, connaissance de Dieu dans le secret du cœur, au plus profond de soi-même, mais elle vise surtout à la ressemblance d’amour avec Celui qui est contemplé. On ne peut pas contempler Dieu quand on cultive péché sur péché. Alors de temps en temps, pour ne pas dire « souvent »,  il vaut mieux demeurer dans son silence intérieur, pour mieux contempler Dieu dans le secret du cœur plutôt que de parler inlassablement au risque de blesser les uns et les autres parce que le discours de l’homme agit comme une passoire, il laisse voir ce qui est bon et ce qui est mauvais dans l’homme. Et c’est surtout ce qui est mauvais que l’autre perçoit.

Il est difficile à un aveugle d’être un guide. Et quand un être humain ne voit jamais ses propres défauts, ses propres faiblesses, ses propres péchés, comment peut-il guider les autres dans le bon chemin ? Si nous avons des difficultés à connaître nos propres péchés, nos misères, demandons à Dieu la grâce de les découvrir. Et des péchés, nous en avons bien plus que nous ne pouvons le penser. A une messe de l’Archevêque de Cochabamba, en Bolivie, et au moment du rite pénitentiel, la Sainte Vierge dit à Catalina Rivas, qui a reçu les stigmates du Christ en 1994 : « Du fond de ton cœur, demande au Seigneur de pardonner tes fautes qui L’ont offensé. De cette manière, tu seras en mesure de participer dignement au privilège d’assister à la Sainte Messe ». En une fraction de seconde, j’ai pensé : « Bien sûr que je suis en état de grâce avec Dieu car je me suis confessée hier soir ». La Sainte Vierge lui répondit : « Penses-tu que depuis hier soir tu n’as pas offensé le Seigneur ? Laisse-moi te rappeler certaines choses. Quand tu es partie pour venir ici, la fille qui t’aide s’est approchée de toi pour te demander quelque chose et puisque tu étais en retard et pressée, tu n’as pas été très délicate dans ta façon de lui réponse. Il y avait manque de charité de ta part et tu dis que tu n’as pas offensé Dieu…- Alors que tu étais en route pour venir ici, un autobus a empiété sur ta ligne et t’a presque frappée. Tu t’es exprimée d’une façon peu recommandable contre ce pauvre homme plutôt que de dire tes prières et te préparer pour la messe. Tu as manqué de charité et tu as perdu ta paix et ta patience. Et tu dis que tu n’as pas offensé le Seigneur ? Tu arrives à la dernière minute quand la procession du célébrant est déjà en route pour célébrer la messe…et tu vas participer sans t’être préparée »… J’ai répondu : »Très bien ma Mère, ne dis plus rien. Ne me rappelle pas autre chose car je mourrais de chagrin et de honte… – Mgr Fourrey (« Jean Marie Vianney, curé d’Ars », D.D.B., 1981, P.129-130) nous raconte qu’en 1822 Dieu avait donné au Curé d’ARS une très vive conscience de sa propre misère (c’est-à-dire de ses faiblesses, de ses défauts, de ses péchés). « Il en fut si effrayé qu’il pria le Tout-Puissant de répandre une lumière moins vive sur son âme, de crainte d’avoir des pensées de désespoir. » C’est pourquoi il dira un jour à la baronne de Belvey : « Ne demandez pas à Dieu la connaissance totale de votre misère. Je l’ai demandée une fois et je l’ai obtenue. Si Dieu ne m’avait alors soutenu, je serais tombé à l’instant même dans le désespoir».

Le grand Saint Curé d’Ars prêt à succomber sous le poids de ses faiblesses, de ses fautes et péchés. Si chacun veut bien se comparer au Saint Curé d’Ars, on voit bien le chemin que nous avons encore à parcourir. C’est pour cela qu’il ne faut pas juger les autres, car nous-mêmes nous avons plein de défauts et faiblesses. Et le Curé d’Ars, malgré toutes ses faiblesses, cela ne l’a pas empêché d’être saint. Tous, sans exception, nous sommes appelés à être saints, malgré nos faiblesses. A chacun de faire de son mieux pour se mettre véritablement à la suite du Christ. Et l’une des premières choses à faire, c’est de ne pas juger l’autre. Il suffit de lire les évangiles pour voir que le Christ n’a pas jugé la femme adultère qu’on voulait lapider (Jn 8,1-11), il n’a pas jugé les brigands qui étaient sur la croix à ses côtés, il n’a pas jugé ses bourreaux ; au contraire, il a même demandé à son Père de leur pardonner. L’abbé Pierre Descouvemont nous dit (Guide des difficultés de la foi catholique – P. 430) : « Comment des chrétiens peuvent-ils chanter au cours de leurs liturgies : « Je pense à Toi le jour, la nuit, ô Seigneur »… « Je bénirai le Seigneur en tout temps, sa louange sans cesse en ma bouche », alors qu’ils oublieront si rapidement Celui qu’ils auront célébré, ou qu’il leur arrivera même de médire de leur prochain sur le parvis de l’église ! ». Il vaut rester silencieux plutôt de dire ce qu’on pense des autres. Il faut s’occuper des autres que lorsqu’ils ont besoin d’aide, toutes sortes d’aide, afin de les faire progresser, de les tirer vers le haut, de les aider à s’en sortir physiquement, moralement, intellectuellement, spirituellement. Si on n’est pas dans l’action pour aider les gens, il vaut mieux rester dans le silence intérieur et avoir les yeux et le cœur fixés sur Dieu ou les choses divines. Dieu nous a donné la vie, il nous a fait don de la Vie, et à notre tour, nous devons donner la vie aux gens en les aidant à s’en sortir, en les faisant progresser, et jamais en les rabaissant car cela nous fait entrer dans cette atmosphère de mort ou de culture de mort qui ne vient pas de Dieu. Nous devons regarder notre propre intérieur pour faire le ménage et choisir les options de vie offertes par le Christ dans les évangiles ou dans la Bible entière. Lisons la Bible. Nous y trouverons mille conseils, mille sagesses qui nous donneront la paix, signe de la présence de Dieu en nos cœurs, en sachant que la Sagesse personnifiée est le Christ lui-même. Les conseils bibliques nous obligent à la réflexion sur nous-mêmes. Pour ceux qui n’auraient jamais ouvert une bible, voici, par exemple, quelques versets : Dt 31,17 : « Si ces maux (m – a – u – x) m’ont atteint, n’est-ce pas parce que mon Dieu n’est pas au milieu de moi ? » ; Ecclesiaste 9,18 : « un seul péché annule beaucoup de bien » ; Sg 4,20 et 5,1: « quand s’établira le compte de leurs péchés, ils viendront plein d’effroi…Alors, le juste se tiendra debout, plein d’assurance, en présence de ceux qui l’opprimèrent » ; Is 30,15 : « Dans la conversion et le calme était votre salut, dans la sérénité et la confiance était votre force, mais vous n’avez pas voulu ! vous avez dit « non… » ; Ez 36,26.31 : « Je vous donnerai un cœur nouveau, je mettrai en vous un esprit nouveau…Alors vous vous souviendrez de votre mauvaise conduite et de vos actions qui n’étaient pas bonnes. Vous vous prendrez vous-mêmes en dégoût à cause de vos fautes et de vos abominations… » ; Osée 11,2-3 : « Plus je les appelais, plus ils s’éloignaient de moi…ils n’ont pas compris que je prenais soin d’eux » ; et un dernier exemple avec Joel 2,12-13 : « Revenez à moi de tout votre cœur…revenez à Yahvé, votre Dieu, car il est tendresse et pitié, lent à la colère, riche en grâce ». Des conseils de ce genre, il y en a des milliers dans la Bible. Ces paroles divines ne doivent pas rester des paroles extérieures à nous, mais être intégrées en notre intérieur pour nous permettre de vivre comme Dieu le veut pour nous, selon sa sagesse, ses commandements, sa volonté. Tous, nous pouvons progresser dans la foi et nous devons encourager le monde chrétien, et même des non-chrétiens à lire la parole de Dieu comme nous l’enseigne Paul en 1Tm4, 12-16 : 12 …, montre-toi un modèle pour les croyants, par la parole, la conduite, la charité, la foi, la pureté. 13 En attendant que je vienne, consacre-toi à la lecture, à l’exhortation, à l’enseignement. 14 Ne néglige pas le don spirituel qui est en toi, … 15 Prends cela à cœur. Sois-y tout entier, afin que tes progrès soient manifestes à tous. 16 Veille sur ta personne et sur ton enseignement; persévère en ces dispositions. Agissant ainsi, tu te sauveras, toi et ceux qui t’écoutent ». Demandons à Marie de nous aider à vivre la parole de Dieu.




8ième Dimanche du Temps Ordinaire (Luc 6, 39-45)

« On reconnaît l’arbre à ses fruits. »

 

L’un des grands maux de la société de notre temps est de toujours vouloir paraître, c’est-à-dire de vouloir se comparer aux autres, avec bien entendu comme objectif de montrer que l’on est meilleur que les autres, supérieur à eux, que l’on connaît plus de choses qu’eux, que l’on a tout mieux que les autres …

Et cela amène presque naturellement à dire : « Ah, tu fais comme cela, tu devrais faire comme ceci, c’est nettement mieux. » … mais ce n’est pas toujours vrai.

C’est ce que nous dit Jésus dans la parabole de la paille et de la poutre : « Qu’as-tu à regarder la paille dans l’œil de ton frère, alors que la poutre qui est dans ton œil à toi, tu ne la remarques pas ? »

Il faut dire que, d’une manière générale, nous sommes davantage portés à l’indulgence vis-à-vis de nous-même et beaucoup plus tentés par l’exigence vis-à-vis des autres. Alors que c’est le contraire que nous devrions faire : être exigeants avec nous-même et indulgents avec les autres.

Toujours indulgent avec les autres … parce qu’ils ont peut-être des raisons qui font qu’ils agissent de telle ou telle manière que je ne peux pas connaître et que je n’ai pas à connaître …

Pourquoi toujours se comparer avec d’autres ?

La plupart du temps, c’est pour assouvir son orgueil personnel : « Je suis meilleur qu’eux ! »

Alors qu’on pourrait très bien reconnaître : « Celui-là, il est fort ; je ne lui arrive pas à la cheville ! » ou encore, pessimiste : « J’en ai marre. Je rate tout. Je ne vaux rien ! ».

Dieu ne nous demande pas (et ne nous demandera pas à la fin des temps) si je suis meilleur ou pire que les autres …

Il regardera ce que moi j’ai dit, ce que moi j’ai fait, sans tenir compte de ce qu’ont fait les autres … et il jugera si cela est conforme à l’Évangile … ou si ce ne l’est pas …

Il regardera l’état de mon cœur …

Dans le cœur de chaque humain, il y a, comme dans le jardin d’Éden, plusieurs sortes d’arbres : ceux qui donnent du fruit, et ils sont nombreux … Ils trouvent leurs racines dans les Paroles de Jésus et des saints …

Et puis il y a l’arbre de la connaissance du bien et du mal … dont les fruits font que nous nous croyons des dieux … et qui nous amènent à faire découvrir le mal … non pas vraiment en nous-mêmes, mais chez les autres.

Dieu aura vite fait de faire le choix … comme dans la parabole du pharisien et du publicain : « Quand le publicain redescendit dans sa maison, c’est lui qui était devenu un homme juste, plutôt que le pharisien. Qui s’élève sera abaissé ; qui s’abaisse sera élevé. » (Lc 18,14).

Se reconnaitre pécheur, et demander pardon aux hommes et à Dieu…, c’est parfois difficile, mais c’est nécessaire.

« Plus tu es grand, plus il faut t’abaisser :

tu trouveras grâce devant le Seigneur.

Beaucoup sont haut placés et glorieux,

mais c’est aux humbles que le Seigneur révèle ses secrets. » (Si 3,19)

Seigneur Jésus,

Tu connais bien notre cœur

et tout ce qui s’y trouve,

sans doute un peu de bien,

et peut-être plus de moins bien,

pour ne pas dire du mauvais.

Aide-nous à rester

accrocher à ta vigne

pour y puiser ta force.

                                                                                   Francis Cousin

 

 

 

 

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8ième Dimanche du Temps Ordinaire – par le Diacre Jacques FOURNIER (Lc 6,27-38)

Aimer comme Jésus nous aime (Luc 6,39-45)

En ce temps-là, Jésus disait à ses disciples en parabole : « Un aveugle peut-il guider un autre aveugle ? Ne vont-ils pas tomber tous les deux dans un trou ?
Le disciple n’est pas au-dessus du maître ; mais une fois bien formé, chacun sera comme son maître.
Qu’as-tu à regarder la paille dans l’œil de ton frère, alors que la poutre qui est dans ton œil à toi, tu ne la remarques pas ?
Comment peux-tu dire à ton frère : “Frère, laisse-moi enlever la paille qui est dans ton œil”, alors que toi-même ne vois pas la poutre qui est dans le tien ? Hypocrite ! Enlève d’abord la poutre de ton œil ; alors tu verras clair pour enlever la paille qui est dans l’œil de ton frère. »
Un bon arbre ne donne pas de fruit pourri ; jamais non plus un arbre qui pourrit ne donne de bon fruit.
Chaque arbre, en effet, se reconnaît à son fruit : on ne cueille pas des figues sur des épines ; on ne vendange pas non plus du raisin sur des ronces.
L’homme bon tire le bien du trésor de son cœur qui est bon ; et l’homme mauvais tire le mal de son cœur qui est mauvais : car ce que dit la bouche, c’est ce qui déborde du cœur.

 

    Après avoir proclamé les Béatitudes (Lc 6,20-23), Jésus en décrit maintenant les conséquences inéluctables. Dieu est Amour (1Jn 4,8.16) et il n’est qu’Amour… Chacun de ses actes est un acte d’amour. Aussi, à celui qui fait le mal, Dieu répondra toujours par l’Amour car Il est ce Père qui « fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons, et tomber la pluie sur les justes et sur les injustes » (Mt 5,45 ; Lc 6,35).

            Dieu est donc Amour, et cet Amour face au péché prend le visage d’une inlassable, car éternelle, Miséricorde, nous appelant toujours au repentir. Tel est le Roc de notre vie. Et Il est heureux de pardonner quand il voit le résultat en nous du pardon reçu (Lc 15,7 ; 19,8) : un homme qui quitte les chemins du mal, ces chemins qui ne peuvent qu’être semés, pour lui d’abord et bien sûr pour celles et ceux qui en sont les victimes, que de « souffrances et d’angoisse » (Rm 2,9). C’est cela que Dieu ne veut pas « pour tous les hommes qu’il aime » (Lc 2,14), d’où l’invitation lancée à tous de nous tourner vers lui de tout cœur pour recevoir, encore et toujours, son pardon qui nous permet de repartir sur les chemins d’une vie nouvelle synonymes de Plénitude intérieure et de « Paix »…

            Par le don de l’Esprit qui vivifie, nous recevrons en nos cœurs, de la bonté du Père, sa Vie même (Jn 6,63 ; 2Co 3,6), une Vie qui est Amour (Rm 5,5) et force pour aimer (1Tm 1,7)… « Un cœur bon » est ainsi le fruit du travail de la Miséricorde de Dieu, qui, de pardon en pardon, transforme nos cœurs souillés en cœurs purs, nos cœurs de pierre, durs, en cœurs de chair, tendres (Ez 36,24-28). Alors et alors seulement, ces « cœurs » transformés par « l’Esprit » pourront porter de bons fruits : des fruits de miséricorde, de douceur, et de paix…  « Le fruit de l’Esprit est amour, joie, paix » (Ga 5,22)… Tel est « le bon trésor de nos cœurs » que « le Père des Miséricordes » (2Co 3,3) renouvelle sans cesse…

            C’est en lui que nous sommes invités à puiser la force nécessaire pour accomplir ce que nous ne pourrions jamais faire tout seuls (Jn 15,5) : « aimer nos ennemis » (Lc 6,27), répondre au mal par le bien (Rm 12,21 ; 1Th 5,15), à la violence par la patience et la paix (Lc 6,29 ; Ep 4,1-5), à l’offense par le pardon (Col 3,12‑15), être toujours prêts à donner, même à celui qui nous vole (Lc 6,29), dans la certitude que Dieu ne nous laissera jamais manquer du nécessaire (Lc 12,22-31). Cet amour gratuit n’a de raison d’être qu’en Dieu seul : il ne s’appuie que sur Lui, sans rien attendre en retour (Lc 6,32-35).

            En ayant ainsi pris conscience de nos faiblesses et de nos misères, nous ne laisserons pas l’orgueil nous pousser à faire des reproches aux autres, à leur donner des leçons de morale, comme si nous leur étions supérieurs… Non, nous les aimerons de cet Amour de Miséricorde dont nous sommes les premiers bénéficiaires. « Ôte d’abord la poutre de ton œil ; et alors tu verras clair pour ôter la paille qui est dans l’œil de ton frère »…   DJF




7ième Dimanche du Temps Ordinaire – par D. Jacques FOURNIER (Lc 6, 17.20-26)

« Aimez vos ennemis, faites du bien à ceux qui vous haïssent, souhaitez du bien à ceux qui vous maudissent« …

Voilà certainement une des pages les plus folles de l’Evangile. Elle nous entraîne tout en même temps au cœur de Dieu et au cœur de nos incapacités. Et le pont entre les deux devrait être notre foi qui, petit à petit, devrait nous permettre de poser des actes que nous n’aurions jamais accomplis par nous‑mêmes… Et pour avancer sur ce chemin si déconcertant, nous pouvons prendre le Christ comme exemple… Tout ce qu’il nous demande est en effet révélation indirecte de ce qu’il fait déjà pour chacun d’entre nous, pour tout homme sur cette terre, où qu’il soit, quel qu’il soit… En effet, nous dit St Jean, « le Verbe est la Lumière véritable qui éclaire tout homme » (Jn 1,9), et cette Lumière donnée est celle de l’Amour donné, car « Dieu est Lumière » (1Jn 1,5) et « Dieu est Amour » (1Jn 4,8.16)… Il s’agit donc de « la Lumière » de « l’Amour » qui « éclaire tout homme« , qui rejoint tout homme, qui se donne à tout homme… « Lorsque je serai élevé de terre« , nous dit Jésus, « j’attirerai à moi tous les hommes » (Jn 12,32)…

« A celui qui te prend ton manteau, ne refuse pas ta tunique. Donne à quiconque te demande et à qui prend ton bien, ne le réclame pas« … Quel est donc le secret de Jésus pour vivre ainsi ? Il a tout d’abord une confiance totale en son Père. Il sait qu’Il est là, avec lui ; il veille sur lui et lui donne instant après instant, jour après jour, par les uns et par les autres, femmes et hommes « de bonne volonté » (Lc 2,14), tout ce dont il a besoin (Jn 8,28-29)… Et Jésus cherchera à nous introduire dans le mystère de cette confiance : « Ne vous tourmentez pas de ce que vous mangerez ou boirez… Votre Père sait que vous en avez besoin. Cherchez d’abord le Royaume des Cieux et sa justice, et tout le reste vous sera donné par surcroît » (Lc 12,22-32)… C’est à la lumière de cette certitude de foi que Jésus peut nous demander de donner à quiconque nous demande, de prêter sans rien attendre en retour, de laisser prendre notre tunique par celui qui nous a déjà pris notre manteau car Dieu s’occupe de chacun d’entre nous, il veille sur nous, et il ne permettra pas, si nous mettons ainsi sa Parole en pratique, que nous manquions du nécessaire… Folie de foi… Et c’est pour les aider à grandir dans cette confiance que Jésus, lors du premier envoi en mission de ses disciples, leur demanda de ne rien prendre avec eux : « Ne prenez rien pour la route, ni bâton, ni besace, ni pain, ni argent; n’ayez pas non plus chacun deux tuniques » (Lc 9,3). Il voulait qu’ils fassent, jour après jour, l’expérience de cette Présence agissante et bienveillante de Dieu, passant par les uns, par les autres, pour qu’ils ne manquent de rien, et cela en tous leurs besoins : nourriture, vêtements, logement, etc… Il voulait leur apprendre cette vérité concrète que le Psalmiste exprimait déjà : « C’est en toi que nos pères espéraient, ils espéraient et tu les délivrais… En toi ils espéraient et n’étaient pas déçus » (Ps 22(21),5-6). Et pour être bien sûr qu’ils avaient intégré toutes les leçons d’une telle expérience, il leur demanda juste avant sa Passion : « Quand je vous ai envoyés sans bourse, ni besace, ni sandales, avez-vous manqué de quelque chose? – De rien , dirent-ils. » Alors, qu’ils ne l’oublient jamais… ce qui ne veut pas dire qu’ils sont désormais dispensés de travailler, de peiner, de faire au mieux, loin de là…  » Maintenant« , ajoute-t-il, « que celui qui a une bourse la prenne, de même celui qui a une besace » (Lc 22,35-36). Et St Paul écrira : « Quand nous étions près de vous, nous vous donnions cette règle : si quelqu’un ne veut pas travailler, qu’il ne mange pas non plus » (2Th 3,10). Mais quand, en conscience, nous aurons fait tout notre possible, si un imprévu, un coup dur, arrivent, nul doute que Dieu sera toujours le même : il accomplira sa promesse, et nous ne manquerons de rien… Folie de foi pour ceux qui ne croient pas…

Et il est tout aussi humainement fou « d’aimer nos ennemis, de faire du bien à ceux qui nous haïssent »… Et pourtant, Dieu est ainsi… En effet, en tant que « pécheurs« , nous sommes tous, même si le mot peut paraître fort, « ennemis » de Dieu. C’est ce que St Paul écrit dans sa Lettre aux Romains : « C’est en effet alors que nous étions sans force, c’est alors, au temps fixé, que le Christ est mort pour des impies; – à peine en effet voudrait-on mourir pour un homme juste; pour un homme de bien, oui, peut-être osera-t-on mourir; – mais la preuve que Dieu nous aime, c’est que le Christ, alors que nous étions encore pécheurs, est mort pour nous. Combien plus, maintenant justifiés dans son sang, serons-nous par lui sauvés » de toutes les conséquences de nos fautes. « Si, étant ennemis, nous fûmes réconciliés à Dieu par la mort de son Fils, combien plus, une fois réconciliés, serons-nous sauvés par sa vie » (Rm 5,6-10). Et jour après jour, Dieu est toujours ainsi à notre égard, nous manifestant le plus d’amour et de tendresse lorsque nous en avons le plus besoin, et donc surtout lorsque notre faiblesse, notre misère nous entraînent le plus loin sur les routes du mal… Il sait en effet à quel point ce mal que nous commettons nous blesse avant tout nous-mêmes avant, hélas, de blesser aussi parfois les autres… « Souffrance et angoisse pour toute âme humaine qui fait le mal » (Rm 2,9)… Et devant toute cette souffrance, Dieu est bouleversé de compassion : compassion bien sûr pour toutes celles et ceux qui en souffrent, mais compassion aussi pour celles et ceux qui font souffrir et qui, à ce titre, ne peuvent « qu’être mal » eux aussi, et donc souffrir… Dans la traduction grecque du Psaume 103(102) cité en ce jour, nous avons littéralement : « Le Seigneur est compatissant et miséricordieux, patient et plein de miséricorde. Il n’agit pas envers nous selon nos fautes, ne nous rend pas selon nos offenses« . Et cette attitude s’est révélée avec le plus de force en Jésus, le Fils éternel du Père, « Dieu né de Dieu, vrai Dieu né du vrai Dieu » (Crédo) : lors de sa Passion, il s’est laissé insulter, mépriser, frapper, dépouiller, crucifier… Sans un mot, il a pris sur lui tout ce mal, toutes ces souffrances, et il les a offerts pour la guérison notamment de ceux là-mêmes qui le  faisaient tant souffrir… « C’étaient nos péchés qu’il portait dans son corps, sur le bois, afin que morts à nos péchés, nous vivions pour la justice. Par ses blessures, nous sommes guéris » (1P 2,21-25)… Toutes les souffrances, toutes les conséquences de nos fautes, Jésus les a prises sur lui pour nous en délivrer… Alors, oui, vraiment, comme nous y invite le Psalmiste (Ps 103(102), « bénis le Seigneur, ô mon âme, n’oublie aucun de ses bienfaits. Car il pardonne toutes tes offenses et te guérit de toute maladie ; il réclame ta vie à la tombe et te couronne d’amour et de tendresse« … La traduction grecque de la Septante a : « Il te couronne de miséricorde et de compassion« …

« Dieu est Amour », nous dit St Jean par deux fois (1Jn 4,8.16), et nous découvrons en Jésus Christ ‘comment’ il nous aime : il prend sur lui notre péché, nos misères, il souffre de nos souffrances et il est blessé de nos blessures pour que nous puissions, avec lui et grâce à lui, en guérir, petit à petit… Il vit nos ténèbres, il s’unit de coeur à elles, pour que nous, pécheurs, nous puissions, grâce à Lui et avec Lui, être dans sa Lumière… Il meurt de notre mort pour que nous puissions vivre de sa vie… « Et l’Amour avec lequel Dieu nous aime a été versé dans nos cœurs par l’Esprit Saint qui nous a été donné » (Rm 5,5) au jour de notre baptême. C’est en s’appuyant sur cet Esprit de continuelle Bienveillance que nous sommes invités nous aussi, petit à petit, à grandir dans cette folie de Dieu qui « Lui, est bon, pour les ingrats et les méchants », car « le fruit de l’Esprit est amour, joie, paix » (Ga 5,22)… Alors, avec l’Esprit, par l’Esprit, grâce à l’Esprit, « aimez vos ennemis, faites du bien à ceux qui vous haïssent, souhaitez du bien à ceux qui vous maudissent« …

                                                                                                    D. Jacques Fournier




7ième Dimanche du Temps Ordinaire – par Francis COUSIN (Lc 6, 17.20-26)

« Aimez vos ennemis ! »

 

Voilà l’un des passages des évangiles les plus difficiles à admettre pour la plupart des gens, et sans doute le plus difficile à mettre en pratique !

Jésus va tout à fait à l’opposé de la pratique humaine la plus répandue et la plus partagée par l’ensemble des humains.

Aimer un ennemi ! Aimer quelqu’un qui ne m’aime pas, qui me veut du mal ! Cela ne passe pas … ou du moins, cela passe mal …

Et pourtant, c’est dans la logique d’amour de Dieu pour les hommes, qui est au cœur du message de Jésus : « Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés » (Jn 13,34)..

Avant cela, c’était le règne de la loi du Talion connue par son résumé : « Œil pour œil, dent pour dent ».

C’était déjà un progrès, car cela limitait la réaction à l’action première, et évitait toute surenchère dans la vengeance, ou dans les décisions de justice.

Les propos de Jésus ne permettent même pas d’avoir une attitude indifférente vis-à-vis des actions de nos ennemis : « Il m’a fait ça … c’est son problème, moi, ça ne m’intéresse pas. ».

C’est une attitude de dédain … on se considère au-dessus de l’autre … et on est bien loin d’une attitude amicale …

Bien sûr, ce n’est pas haïr … ça ne met pas d’huile sur le feu … mais ce n’est pas aimer.

Des fois, on n’est même pas concerné par un quelconque différent, mais simplement suite à un reportage à la télévision, combien de fois n’entendons-nous pas à propos du responsable d’un homicide : « Après ce qu’il a fait, on devrait le tuer ! ». Bien sûr, c’est une parole en l’air ! On ne dit pas « je », mais on … Il n’empêche …

Et quand les tueurs du Père Hamel ont été tués par les forces de l’ordre, combien de fois avons-nous entendu : « Bien fait pour eux ! » …

Sommes-nous vraiment encore chrétiens quand nous nous exprimons ainsi ?

Pourtant il arrive parfois, même si on ne les aime pas, que nous ayons une forme de respect pour ceux qui nous veulent du mal.

Un exemple nous est donné dans la première lecture, quand David et Abishaï entrèrent de nuit dans la tente de Saül, pendant que tous dormaient. Quand Abishaï veut tuer Saül, David refuse : « Qui pourrait demeurer impuni après avoir porté la main sur celui qui a reçu l’onction du Seigneur ? ». Il ne le fait pas parce qu’il aime Saül, mais pas respect pour lui, et surtout pour le Seigneur qui lui avait fait donner l’onction pour devenir roi, par crainte d’être mal vu du Seigneur.

Dans la deuxième lecture, saint Paul parle des deux Adam : « Le premier homme, Adam, devint un être vivant ; le dernier Adam – le Christ – est devenu l’être spirituel qui donne la vie. Ce qui vient d’abord, ce n’est pas le spirituel, mais le physique ; ensuite seulement vient le spirituel. »

Et, dans la vie de chaque être humain, il doit en être de même. Actuellement, sommes-nous seulement dans le domaine physique, de la terre … ou déjà en partie dans le domaine spirituel, du ciel ? Quand passe-t-on d’un domaine à l’autre ?

Sans doute, pour la plupart d’entre nous, nous pensons que ce sera après notre mort … après le purgatoire ? Peut-être est-ce le futur utilisé par saint Paul qui y fait penser ?

Mais c’est être trop pessimiste et attentiste que d’attendre cela.

Parce que, quand Jésus parle, il n’utilise pas le présent de l’indicatif, mais l’impératif … c’est-à-dire que c’est une obligation : aimez vos ennemis, faites du bien, souhaitez du bien, priez, donnez, soyez miséricordieux, ne jugez pas,  ne condamnez pas, pardonnez,…

Et il n’y a pas lieu d’attendre, à cause de la comparaison avec les pécheurs ’’qui en font autant’’ … alors que nous, nous devons faire autrement …

Ce n’est pas pour demain, ou après, mais maintenant … « car la mesure dont vous vous servez pour les autres servira de mesure aussi pour vous. »

Comment faire pour suivre cet enseignement ?

Saint Paul nous dit : « comme le Christ est du ciel, ainsi les hommes seront du ciel. »

Il faut donc se configurer au Christ, comme l’a fait saint Paul : « Ce n’est plus moi qui vit, c’est le Christ qui vit en moi. » (Ga 2,20).

Et Jésus a vécu cet amour pour ses ennemis, et de manière la plus forte possible, quand sur la croix il s’écrit : « Père, pardonne-leur, car ils ne savent pas ce qu’ils font. » (Lc 23,34).

Alors que faire maintenant ?

Relire ce passage d’évangile … le relire encore …

Le méditer …

Le relire souvent … pour qu’il rentre bien dans notre tête …

Tout est dit dedans …

Et faire ce que Jésus nous demande de faire …

Même si c’est difficile !

Mais avec la grâce de Dieu, tout est possible !

Seigneur Jésus,

Tu nous demandes

vraiment une chose difficile !

Aimer nos ennemis !

C’est au-dessus de nos moyens humains.

Toi seul peut nous permettre d’y arriver,

si nous nous laissons faire par toi.

Aide-nous !

                                                                                   Francis Cousin

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6ième Dimanche du Temps Ordinaire – par Père Rodolphe EMARD

Homélie du 6ème dimanche du Temps Ordinaire / Année C

Lectures de référence :

Jr 17, 5-8 ; Ps 1 ; 1 Co 15, 12. 16-20 ; Lc 6, 17. 20-26

Frères et sœurs, les quatre textes de ce sixième dimanche du Temps Ordinaire soulignent clairement que Dieu veut notre bonheur, que nous soyons heureux. Le terme « heureux » revient cinq fois dans les lectures : une fois dans le psaume et quatre fois dans l’Évangile.

Dieu nous appelle donc au bonheur et les lectures de ce dimanche nous donnent de précieuses pistes pour ne pas tomber dans les pièges des « faux bonheurs » du monde, éphémères et qui ne satisfont qu’un temps.

Le bonheur dont il est question n’est pas un bonheur à court terme, il est en vue du Royaume de Dieu, la gloire éternelle du Ciel.

 

►Dans la première lecture, l’oracle du prophète Jérémie nous met face à un choix : mettre sa foi dans un mortel ou mettre sa foi dans le Seigneur. Deux voies nous sont proposées avec des résultats différents :

  • L’homme « qui met sa foi dans un mortel » est « comme un buisson sur une terre désolée, il ne verra pas venir le bonheur ». Il a « pour demeure les lieux arides du désert, une terre salée, inhabitable ». Cet homme-là est « maudit ».

  • L’homme « qui met sa foi dans le Seigneur» est « comme un arbre, planté près des eaux, qui pousse, vers le courant… », un arbre verdoyant qui « ne manque pas de porter du fruit ». Cet homme-là est « béni ».

L’homme « qui met sa foi dans un mortel » : entendons par-là, l’homme qui met sa foi dans l’esprit du monde, sa foi en lui-même, ne comptant que sur ses propres forces. Ou encore cette foi de l’homme en ce qui concerne le savoir, le pouvoir et l’avoir, recherchés uniquement pour soi-même…

Certains de ces aspects peuvent nous concerner tous. La Parole de Dieu nous avertit aujourd’hui…

►Nous avons proclamé le Psaume 1. Notons que le premier mot du psautier (qui contient 150 psaumes) commence par le terme « heureux ». Nous avons une béatitude dans ce Psaume : « Heureux est l’homme qui (…) se plaît dans la loi du Seigneur et murmure sa loi jour et nuit ! »

Cela n’est pas sans nous rappeler que la loi du Seigneur nous est communiquée dans les saintes Écritures. Sans nous y référer, nous risquons de louper le chemin du bonheur. D’où l’importance que nous rappelons sans cesse de méditer la Parole de Dieu.

►Dans la deuxième lecture, Paul nous donne une belle catéchèse sur la résurrection, celle du Christ et celle des morts. Si nous nions la résurrection du Christ, notre foi « est sans valeur ». Paul proclame haut et fort que « le Christ est ressuscité d’entre les morts » et qu’il est le gage de notre propre résurrection à venir.

Voilà notre vrai bonheur ! L’espérance de la résurrection qui a commencé à notre baptême, telle est l’heureuse nouvelle que nous devons vivre et annoncer.

►Dans l’Évangile, nous avons le récit des Béatitudes de Luc. La version de Luc diffère de celle de Matthieu :

  • D’un point de vue géographique. Chez Luc, Jésus enseigne sur « un terrain plat » et chez Matthieu, Jésus enseigne sur la montagne.

  • D’un point de vue numérique. Chez Luc, il y a quatre Béatitudes alors que chez Matthieu, il y en a neuf.

Comme le prophète Jérémie, Jésus nous met également face à un choix. Ce choix est du même registre que celui de Jérémie :

  • Soit mettre sa foi dans la richesse, les plaisirs immédiats et l’arrogance.

  • Ou soit consentir à des situations -certes- moins valorisantes comme la pauvreté, pour laisser le Règne de Dieu grandir en nous. « Heureux » sont ceux qui choisissent cette voie !

Mais « malheur » à ceux qui mettront leur foi en ce monde : les riches, ceux qui sont repus, les rieurs, ceux qui se complaisent dans les compliments de façade. On pourrait aussi ajouter ceux qui sont portés par l’insouciance, par un « carpe diem » cherchant surtout à assouvir tous ses désirs de l’instant présent, la jouissance à outrance. Tout cela n’amènera pas au vrai bonheur sans fin !

S’il y a quatre Béatitudes, il y a aussi quatre mises en garde par ce terme « malheur ». Il ne faut pas se tromper de sens sur ce mot. Il ne s’agit pas d’une malédiction de Jésus mais d’une lamentation : Jésus déplore des attitudes… Il invite ainsi à la conversion…

Que cette Eucharistie nous éclaire frères et sœurs ! Qu’elle nous aide à faire la pleine vérité sur nos actes et nos paroles. Que nous puissions davantage prendre en compte que notre vrai bonheur se trouve dans le Christ, la résurrection et la Vie. Amen.




6ième Dimanche du Temps Ordinaire – par Francis COUSIN (Lc 6, 17.20-26)

« Bénédictions et malédictions ! »

 

L’évangile de ce jour, tiré du livre de saint Luc, nous propose quatre bénédictions (ou béatitudes) et quatre malédictions.

On connaît davantage les neuf Béatitudes selon saint Matthieu données au début du discours sur la montagne (même si on a du mal à les mettre en pratique …).

Ici, Jésus descend de la montagne, et s’arrête dans un terrain plat … Il y a avec lui beaucoup de ses disciples, « et une grande multitude de gens venus de toute la Judée, de Jérusalem, et du littoral de Tyr et de Sidon », donc des gens divers qui sont venus pour l’écouter et se faire guérir, des juifs et des païens …

Et au moment de commencer son enseignement, Jésus lève « les yeux sur ses disciples », c’est-à-dire que ce qu’il va dire s’adresse d’     abord à eux … parce que les autres juifs et les païens ne peuvent pas encore en saisir le sens …

À chaque bénédiction correspond, en sens inverse, une malédiction :

Heureux les pauvres                                        Malheur pour les riches

            le Royaume de Dieu est à vous                              vous êtes déjà consolés

Heureux ceux qui ont faim                               Malheur pour les repus

            vous serez rassasiés                                              vous aurez faim

Heureux ceux qui pleurent                               Malheur à ceux qui rient

            vous rirez                                                                 vous pleurerez

Heureux ceux qui sont haïs                             Malheur à ceux dont on dit du bien

            votre récompense sera grande dans le ciel           ils seront traités de faux prophètes

Et pour chacune des phrases, il y a un présent auquel correspondra un futur.

Le problème est de savoir où se trouve le passage, la limite, entre le présent et le futur.

Saint Luc nous donne la réponse dans une parabole de Jésus, dont il est le seul à faire mention : la parabole du riche mauvais et du pauvre Lazare (Lc 16,19-31) : c’est le moment de la mort, et plus précisément celui du jugement dernier.

C’est alors que l’on comprend pourquoi cet enseignement ne peut être compris pour le moment que par les disciples de Jésus : il faut croire au Royaume de Dieu après la mort.

Dans la parabole du jugement dernier (Mt 25,31-46), le Fils de l’homme sépare les brebis des boucs, et le Roi accueille dans son royaume toutes les brebis, et rejette dans le feu éternel les boucs, suscitant l’incompréhension des uns et des autres.

Pourquoi suis-je pris dans le Royaume des Cieux ? Pourquoi vais-je en enfer ?

Parce qu’ils n’avaient pas compris que leurs actions étaient bonnes ou mauvaises … Ils n’avaient pas conscience du bien comme du mal. Et que le seul juge du bien et du mal était la relation avec l’accueil de Jésus.

Ce passage de l’évangile nous met en garde contre une vision purement humaine de la vie, une vie qui serait seulement terrestre, qui s’arrête à la mort physique des humains.

Saint Paul fait la même réflexion quand il dit, dans la deuxième lecture : « Si nous avons mis notre espoir dans le Christ pour cette vie seulement, nous sommes les plus à plaindre de tous les hommes. »

C’est ce que disait déjà le prophète Jérémie : « Béni soit l’homme qui met sa foi dans le Seigneur, dont le Seigneur est la confiance. » (1° lecture). Jérémie, qui ne connaissait pas Jésus, bien sûr, mais comme la Parole de Jésus est celle du Père, le Seigneur de Jérémie est équivalant à la Trinité. C’est pour nous le moyen « de porter du fruit. ».

Mettons notre foi dans le Seigneur, à la lumière de la Résurrection, avec l’aide du Saint Esprit !

Seigneur Jésus,

nous vivons notre vie sur terre

comme si elle était la fin de tout !

Et nous oublions ton projet :

Nous amener dans la vie éternelle,

dans « la demeure de Dieu avec les hommes »

 

                                     Francis Cousin

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Tous appelés à la Vie par la Miséricorde de Dieu (Lc 5,1-11) – DJF

« La foule serrait de près Jésus et écoutait la Parole de Dieu »… En effet, nous dit Jésus, « ce n’est pas de moi-même que j’ai parlé, mais le Père qui m’a envoyé m’a lui‑même prescrit ce que j’avais à dire et à faire connaître. Ainsi donc ce que je dis, tel que le Père me l’a dit, je le dis » (Jn 12,50).

Or qu’est-ce que le Père a dit à Jésus ? Les Evangiles nous permettent de pressentir le cœur de ce message. En effet, au jour de son baptême par Jean Baptiste, Marc, Matthieu et Luc nous retransmettent la Parole que ce jour là le Père dit au Fils : « Tu es mon Fils bien aimé ; tu as toute ma faveur » (Mc 1,11 ; cf Mt 3,17 ; Lc 3,22). De même, au jour de sa Transfiguration sur le Mont Thabor, les trois Evangélistes nous ont rapporté la Parole que le Père a adressée cette fois-ci aux trois disciples présents avec Lui, et à travers eux à nous tous : « Celui-ci est mon Fils bien aimé ; écoutez-le » (Mc 9,7 ; cf. Mt 17,5 ; Lc 9,35).

Et de fait, Jésus ne fera que rendre témoignage (Ap 1,5 ; Jn 3,11 ; 3,31-33 ; 5,31-32) à cette « vérité qu’il a entendue de Dieu » pour Lui‑même (Jn 8,40), « Tu es mon Fils bien-aimé », une vérité qui nous concerne tous nous aussi car, nous dit-il, « le Père lui-même vous aime » (Jn 16,27). Oui, « Père », dira-t-il juste avant de mourir sur une croix pour chacun d’entre nous, « il faut que le monde reconnaisse que tu m’as envoyé et que tu les as aimés comme tu m’as aimé » (Jn 17,22). Tel est le cœur de l’Evangile, le cœur de la Bonne Nouvelle…

Dieu aime toute femme, tout homme sur cette terre, et rien ni personne ne pourra l’empêcher de nous aimer… Cette réalité, en effet, est propre à ce qu’il est, et rien, absolument rien ne pourra empêcher Dieu d’être ce qu’Il Est… Or « Dieu est Amour » nous dit St Jean par deux fois (Jn 4,8.16). Ainsi, « Dieu nous aime parce qu’il est amour, et l’amour tend de nature à se répandre, à se donner » déclare le Pape François (Audience du mercredi 14 juin 2017). Alors, si « Dieu est Lumière » (1Jn 1,5), il est ce Soleil qui se lève sur « les méchants et sur les bons » (Mt 5,45), car « Dieu ne fait pas acception des personnes » (Ac 10,34 ; Rm 2,11). Il est cette « Lumière véritable qui éclaire tout homme venant dans le monde » (Jn 1,9), ce « Soleil qui donne la grâce, qui donne la gloire » (Ps 84,12), en donnant « l’Esprit de la grâce » (Hb 10,29), « l’Esprit de gloire, l’Esprit de Dieu » (1P 4,14), cet Esprit Saint qui est Lumière (Jn 4,24 et 1Jn 1,5) et Vie (Jn 6,63 ; 2Co 3,6 ; Ga 5,25)…

C’est ce Mystère d’Amour et de Don gratuit qui se vit entre le Père et le Fils de toute éternité : « Le Père aime le Fils et il a tout donné en sa main » (Jn 3,35), tout ce qu’il est, « tout ce qu’il a » (Jn 16,15 ; 17,10). Et qu’a-t-il, sinon « l’insondable richesse » de sa divinité (Ep 3,8), ce qui fait qu’il est Dieu de toute éternité… Voilà ce qu’il donne au Fils, gratuitement, tout simplement parce qu’il l’aime. Et c’est par ce Don éternel de son Amour que le Père engendre le Fils en « né du Père avant tous les siècles, Dieu né de Dieu, Lumière née de la Lumière, vrai Dieu né du vrai Dieu, de même nature que le Père » (Crédo)…

Or si le Fils rend témoignage à cet Amour du Père dont il est l’heureux bénéficiaire depuis toujours et pour toujours, c’est pour nous permettre de prendre conscience à notre tour que toute femme, tout homme sur cette terre est aimé du même amour, totalement gratuit, « inconditionnel » (Pape François). En nous révélant qu’il est le Fils, éternellement engendré par le Père, comblé par le Don de son Amour qui lui donne d’Être de la Plénitude même du Père, Jésus nous révèle au même moment quelle est notre vocation de créatures (Gn 1,26‑28), car nous sommes tous appelés à « reproduire l’image du Fils » (Rm 8,29) en accueillant nous aussi avec le Fils ce que le Fils reçoit du Père de toute éternité, ce par quoi le Père l’engendre en Fils de même nature que Lui… « Comme le Père a la vie en lui-même, de même a-t-il donné au Fils d’avoir la vie en lui-même » (Jn 5,26). « Je vis par le Père » (Jn 6,57), éternellement, ce qui pour nous, dans le temps, se traduit par un « instant après instant ». Autrement, c’est le Père qui, par le Don de la Plénitude de son Esprit Saint, donne au Fils d’être ce qu’il est : « Lumière » (Jn 8,12 ; 12,46) par le Don de cet « Esprit » (Jn 4,24) qui est « Lumière » (1Jn 1,5), « Seigneur de la Gloire » par le don de « l’Esprit de gloire, l’Esprit de Dieu » (1P 4,14), « Prince de la vie » par le Don de « l’Esprit qui vivifie » (Jn 6,63 ; 2Co 3,6), « le Saint » (Ac 3,14) par le Don de l’Esprit Saint (Lc 4,1)… Sans le Père, le Fils n’est rien, le Fils ne peut rien (Jn 5,19-20.30)…

Or cette dynamique concerne tout être humain, par le simple fait qu’il existe et donc qu’il a été créé par « Dieu, le Père Tout Puissant, Créateur du ciel et de la terre, de l’univers visible et invisible » (Crédo). En effet, écrit St Paul, nous avons tous été « prédestinés à reproduire l’image de son Fils, afin qu’il soit l’aîné d’une multitude de frères ; et ceux qu’il a prédestinés, il les a aussi appelés ; ceux qu’il a appelés, il les a aussi justifiés ; ceux qu’il a justifiés, il les a aussi glorifiés » (Rm 8,29-30) et cela par le Don de ce même Esprit, « l’Esprit de Dieu, l’Esprit de gloire », avec lequel et par lequel le Père engendre le Fils depuis toujours et pour toujours. C’est pour cela que le Christ ressuscité déclare à ses disciples, et à travers eux à nous tous : « Recevez l’Esprit Saint » (Jn 20,22), ce même Esprit qu’il reçoit Lui-même du Père de toute éternité…

Mais pour cela, il va nous inviter à adopter la même attitude que la sienne : Lui, en effet, est « toujours tourné vers le sein du Père » (Jn 1,18), recevant ainsi ce Don du Père qui l’engendre en Fils… Alors, la première parole qu’il nous adresse, à nous, pécheurs, est : « Repentez-vous et croyez à la Bonne Nouvelle » de cet « Amour Inconditionnel » (Pape François). Avec l’aide de la grâce de Dieu, détournez-vous de tout cœur du mal, et « apprenez à faire le bien » (Is 1,16). Alors, en le laissant nous « arracher aux ténèbres » (Col 1,13), nous pardonner, nous purifier (Ez 36,24-28) et nous retourner vers le Père (Ac 5,31 ; 11,18), nous pourrons dire avec Lui « Père » (Lc 10,21 ; Jn 11,41 ; 17,1), « notre Père » (Mt 6,9 ; 6,1). Et nous recevrons alors avec Lui ce Don de l’Esprit qui nous communiquera à nous aussi sa Plénitude de vie, de paix (Jn 14,27), de joie (Jn 15,11 ; Ac 13,52 ; Ga 5,22 ; 1Th 1,6) et nous établira ainsi en communion avec Lui et entre nous dans « l’unité de l’Esprit » (Ep 4,3), dans « la communion du Saint Esprit » (2Co 13,13). Cette joie, cette Plénitude expérimentée sont un avant goût du vrai Bonheur qui nous attend : elles ne peuvent que nous attirer encore et encore vers Jésus (Jn 6,44 ; 6,65 ; 12,32)… et c’est pourquoi les foules se pressent ici autour de Lui pour l’écouter, car « jamais homme n’a parlé comme cela » (Jn 7,46) : il a « les Paroles de la vie éternelle » (Jn 6,68).

Et pour aider Pierre à le reconnaître, Jésus va lui donner de vivre l’impensable pour un pécheur professionnel : lui qui sait que les poissons ne remontent en surface que la nuit, il va capturer, à son invitation, et cela en plein jour, une telle « multitude de poissons que leurs filets se rompaient ». Pierre est bouleversé : « il se jeta aux genoux de Jésus et lui dit : « Eloigne-toi de moi, Seigneur, car je suis un homme pécheur ». Mais Jésus le sait bien ! Et cette misère sera l’occasion pour Pierre de découvrir à quel point Dieu l’aime gratuitement, et cela sans aucun mérite de sa part… Bien plus : il lui semblerait normal d’être rejeté, écarté, délaissé, mis de côté… Mais Dieu fait tout le contraire car il sait à quel point ce mal qui domine l’homme le fait finalement souffrir, et il est « bouleversé » de compassion (Os 11,7‑9) face aux ravages qu’il occasionne dans les vies… Pour Dieu, un pécheur est avant tout un souffrant, qu’il veut consoler, guérir, relever, fortifier, sanctifier… « Quand nous sommes infidèles, Dieu, lui reste à jamais fidèle » car il est Amour, il n’est qu’Amour (2Tm 1,13), ne cessant de rechercher le meilleur pour tous les hommes qu’il aime (Lc 2,14). Voilà le témoignage que St Pierre sera invité à lui rendre, témoignage avec lequel et par lequel Dieu agira dans les cœurs pour les attirer à Lui et les sauver… pour leur plus grand bonheur… éternel…

D. Jacques Fournier




6ième Dimanche du Temps Ordinaire – Homélie du Père Louis DATTIN

Béatitudes

Lc 6, 17-26

Jamais, mes frères, la lecture des Béatitudes ne m’a laissé indifférent ! Elle joue même, pour moi, un rôle de révulsif car elles nous annoncent exactement le contraire de ce que le monde nous recommande. Prenez le contraire de cette lecture et vous aurez le portrait de la mentalité du citoyen-moyen de notre époque : ce qu’il pense, avec ses projets, ses désirs, ses phobies et ses ambitions.

Faisons l’expérience, inversons les Béatitudes et nous aurons ceci :  

« Heureux vous qui vous vous amusez, vous qui riez, vous qui prenez du bon temps : profitez-en ! »   

« Heureux êtes-vous si les hommes vous respectent et sont pleins de déférence à votre égard !

Mais :

« Malheureux si vous pleurez ! Malheureux si l’on dit du mal de vous, vous serez méprisés. Vous êtes des faibles et le monde au lieu d’avoir pitié de vous, vous écrasera ! »

C’est bien ce que nous entendons tous les jours à la radio, dans les réflexions de nos voisins, dans les slogans de publicité.

Or, le Christ aujourd’hui, ose nous dire le contraire : il prend le contre-pied de ce que dit « tout le monde ». Il s’élève contre les idées reçues. Bref, il nous présente un monde à l’envers.

Pour lui, oui, c’est le pauvre : celui qui a faim, celui qui pleure, celui qui est méprisé, c’est celui-là qui est heureux, alors que le riche, le satisfait, le fêtard, l’homme respecté serait le dernier des derniers.

Les Béatitudes, c’est l’inverse des valeurs mondaines, c’est le contraire de ce que tout le monde pense.

A tel point, que, si elles ne produisent pas un choc chez celui qui les entend, c’est :    

– ou bien qu’il n’a pas écouté

– ou bien qu’il est réellement vacciné à la Parole de Dieu, que cette dernière n’a plus aucun effet sur lui

– ou bien que l’on prend les paroles du Christ pour celles d’un révolutionnaire utopique et rêveur qui n’a aucune chance de recruter des disciples.   

Posons aujourd’hui la question dans un monde qui a de plus en plus soif de bonheur, qui veut devenir heureux : est-ce le riche, le satisfait, le joyeux drille, l’homme arrivé que chacun salue ou bien le pauvre, l’insatisfait, l’homme accablé par les échecs, celui que l’on méprise parce que c’est un raté de la vie ?

Pour le Christ, pas d’hésitation : ce sont ceux-là, ces derniers, ces ratés à qui le bonheur est promis et non pas aux autres.

Réfléchissons quelques instants, voulez-vous, sur ce curieux bonheur des gens malheureux et à la fin de cette réflexion, peut-être pourrons-nous rejoindre la pensée du Christ en concluant que le vrai bonheur n’est peut-être pas ce que l’on dit ou ce que l’on croit ou ce que l’on voit.

Attention, nous dit Jésus. Aujourd’hui, il y a bonheur et bonheur, tout comme il y a le paradis et les paradis artificiels.

 A quel niveau le situons-nous, ce bonheur ?

Sommes-nous exigeants sur la qualité ou nous contentons-nous d’un bonheur de pacotille ? Un peu comme dans ces bals ou carnavals  où  les  chapeaux, les  masques, les  cotillons  et  les  serpentins ne sont que du carton et du papier avec du clinquant de bazar qui ne fait illusion que quelques heures et qui le lendemain de la fête gisent lamentablement sur le sol et la poussière en attendant le coup de balai.

Parce que Jésus nous aime, il désire pour nous autre chose que les accessoires : il exige pour nous l’essentiel, le définitif, le vrai, l’inusable, ce qui ne se dévalue pas. Bref, en un mot : l’éternel et non le temporel ! En regardant le monde dans lequel il a vécu et dans lequel nous vivons, Jésus constate un fait. Quel fait ? C’est que ceux qui ont tout : l’argent, le confort, la réputation, ceux qui sont satisfaits par ce qu’ils sont, parce qu’ils ont et par ce monde tel qu’il est, ceux qui n’ont plus soif ni faim de rien d’autre : ceux-là n’ont donc rien à attendre, plus rien à aimer, plus rien à espérer, plus rien à désirer, plus rien à bâtir et à créer. Ils sont arrivés, « parvenus« . Ces pauvres bonheurs leur suffisent. Ils sont contents avec ça et ils n’ont plus qu’à se refermer sur eux-mêmes, qu’à dormir et qu’à mourir…

Aux yeux de Jésus, le bonheur consiste au contraire à créer, à bâtir, à vivre dans l’espérance active d’un monde meilleur, à s’engager pour changer ce monde ci et le recréer.

Le bonheur, il est dans la croissance, dans le désir, dans l’insatisfaction, dans la soif jamais désaltérée. Il est dans la communication avec les autres, dans le don de soi-même aux autres ; Il est dans l’amour.

Le bonheur, c’est se dépasser, d’aller toujours au-delà…

Alors, oui, soyez heureux, vous qui ne courez pas après des kits-ersatz de bonheur mais qui aspirez à un monde tout autre !

Soyez heureux, vous qui avez faim et soif d’autre chose, vous ne serez jamais des satisfaits d’ici-bas !

Soyez heureux, vous qui êtes sensibles au mal et à la souffrance des autres et qui ne pouvez pas vous empêcher de pleurer, de crier, de protester car vos cris sont des cris d’amour qui font écho au cri de Dieu !

Soyez heureux, même si l’on se moque de vous, si l’on vous tourne en dérision, même si l’on vous persécute car vous n’allez pas vous résigner, ni vous écraser, mais marcher vers la vraie vie, vers le Royaume de Dieu !

Ces Béatitudes, mes frères, avez-vous remarqué que c’est le portrait de Jésus lui-même ! Il n’y a même, que le Christ qui les ait réalisées parfaitement. Lui seul a été parfaitement pauvre, né dans une étable, entouré des gens les plus simples, n’ayant rien pour reposer sa tête, mort sur la Croix. Personne n’a su pleurer comme lui avec ceux qui pleurent, prendre sur lui les peines et les souffrances des autres, lui qui ne cessait de guérir, de relever, de réintégrer ceux que la société avait marginalisés.

Quant à sa faim, c’était notre salut : « ma nourriture » répétait-il  volontiers, « c’est  de  faire  la  volonté  de mon Père », « que pas un seul de ses petits ne se perde ». C’était là sa mission et il l’a remplie jusqu’au bout c’est-à-dire jusqu’à être rejeté par les siens et condamné par son peuple jusqu’à la Croix.

Dieu nous appelle à sa suite, même si c’est dur, même si on nous montre du doigt car, voyez-vous, l’Evangile n’est pas neutre. Devant ceux qui souffrent, qui pleurent, qui ont faim, nous non plus  ne pouvons rester neutres. Allons à sa suite et soyons heureux, mais du vrai bonheur !  AMEN




6ième Dimanche du Temps Ordinaire – par le Diacre Jacques FOURNIER (Lc 6,17.20-26)

La Bonne Nouvelle offerte aujourd’hui à notre foi

Jésus descendit de la montagne avec eux et s’arrêta sur un terrain plat. Il y avait là un grand nombre de ses disciples et une grande multitude de gens venus de toute la Judée, de Jérusalem, et du littoral de Tyr et de Sidon.
Et Jésus, levant les yeux sur ses disciples, déclara : « Heureux, vous les pauvres, car le royaume de Dieu est à vous.
Heureux, vous qui avez faim maintenant, car vous serez rassasiés. Heureux, vous qui pleurez maintenant, car vous rirez.
Heureux êtes-vous quand les hommes vous haïssent et vous excluent, quand ils insultent et rejettent votre nom comme méprisable, à cause du Fils de l’homme.
Ce jour-là, réjouissez-vous, tressaillez de joie, car alors votre récompense est grande dans le ciel ; c’est ainsi, en effet, que leurs pères traitaient les prophètes.
Mais quel malheur pour vous, les riches, car vous avez votre consolation !
Quel malheur pour vous qui êtes repus maintenant, car vous aurez faim ! Quel malheur pour vous qui riez maintenant, car vous serez dans le deuil et vous pleurerez !
Quel malheur pour vous lorsque tous les hommes disent du bien de vous ! C’est ainsi, en effet, que leurs pères traitaient les faux prophètes. »

         Cet Evangile est celui des paradoxes… La pauvreté, en effet, est souvent source de souffrances : impossibilité de se loger, de se nourrir, de se soigner correctement… Et pourtant, à tous ceux et celles qui sont confrontés à de telles épreuves et qui comptent sur lui, Jésus promet le bonheur… Notons que la béatitude est au présent : la vraie joie est offerte dès maintenant, dans la foi et par la foi, au cœur de toutes ces situations qui, pourtant, ne peuvent que générer larmes et plaintes… Et Jésus ose insister par trois fois : « Heureux les pauvres… Heureux ceux qui ont faim… Heureux ceux qui pleurent »…

            Et humainement parlant, quelles sont les vies qui sont si souvent présentées comme des modèles à imiter ? Celui qui, parti de rien, a réussi à devenir milliardaire… Celui dont la table n’est garnie que de mets délicats… Celui qui va de plaisir en plaisir… Pourtant, Jésus se lamente sur tous ceux et celles qui vivent ces situations apparemment si enviables… Et là encore, il ose insister par trois fois : « Malheureux, vous les riches… Malheureux, vous qui êtes repus… Malheureux, vous qui riez »…

            Mais quelqu’un qui parle ainsi est un fou ! « Il a perdu la raison », diront les membres de sa propre famille…

            Jésus sait que son message va à l’encontre de la plus élémentaire sagesse humaine, si celle-ci ne cherche qu’un bonheur immédiat, et donc éphémère… « Tu as un démon » lui diront certains Pharisiens… Et « du moment qu’ils ont traité de Béelzéboul le maître de maison, que ne diront-ils pas de ses disciples ! » Eux aussi ne pourront qu’être « haïs, repoussés, insultés, rejetés comme méprisables »… Voilà des situations qui, humainement parlant, ne sont guère enviables… Et pourtant, nouveau paradoxe de Jésus : il déclare « heureux » ceux et celles qui vivent tout cela « à cause du Fils de l’Homme »…

            C’est en effet la relation de cœur avec lui qui apporte la seule vraie joie : celle de Dieu lui-même, celle pour laquelle nous avons tous été créés, celle que nous sommes tous invités à recevoir de sa bonté… Et cette joie est donnée avec d’autant plus d’intensité que nous pouvons connaître ici-bas des situations difficiles, injustes, inhumaines… Paradoxe de la Croix que Dieu porte avec nous en nous comblant de toutes les richesses de ses consolations…              DJF