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Solennité Christ Roi (Mt 25, 31-46) – Homélie du Père Louis DATTIN

Le jugement dernier

 Mt 25, 31-46

 

Quelle image, frères et sœurs, vous faites-vous du Christ-Roi ?

Le voyez-vous dans un amoncellement de nuages, triomphant, entouré d’éclairs et de lumières irréelles ? Ou bien, est-ce ce pauvre condamné, coiffé d’une couronne d’épines, revêtu d’un manteau rouge de comédie, présenté à la foule par Pilate alors qu’il est défiguré et couvert de crachats ?

 

« Voici votre roi ! » est la réponse cinglante d’un peuple méprisant. « Nous n’avons pas d’autre roi que César ! »

Est-ce encore ce berger, attentif, debout au milieu de ses brebis et qui n’a qu’un souci : les mener vers les bons pâturages, les eaux tranquilles ? Quelle image, quelle idée, vous faites-vous de Jésus-Christ ? Selon la réponse que vous donnez, votre religion sera différente et votre vie chrétienne pas du tout la même.

Seigneur, comment t’imaginer, comment te représenter ? Quel est ton visage ? Il est vrai que des techniciens de la Nasa, avec l’aide d’ordinateurs puissants, ont pu, grâce aux multiples renseignements donnés par le St-Suaire de Turin, reconstituer un visage de Jésus qui ressemble, dit-on, d’assez près, à l’aspect extérieur de l’homme Jésus.

Mais nous continuons à chanter : « Je cherche le visage, le visage du Seigneur. Je cherche son image tout au fond de vos cœurs ».

« Comment es-tu, Seigneur, que nous puissions te reconnaître au jour du jugement, te voir tout de suite dans la foule et pouvoir dire : Ah ! Oui ! C’est toi… C’était bien l’image que je m’étais faite de toi. Pas de surprise ! »

Eh bien, l’Evangile d’aujourd’hui, cette grande scène du jugement dernier, nous dit que, pour tous, ce sera l’étonnement général, et que tous, nous serons pris à contre-pied. « Mais, Seigneur, ce n’est pas possible, tu nous dis que nous t’avons déjà vu ! Quoi, tu étais affamé ! Tu avais soif ! Tu étais cet émigré ! Tu étais en guenilles et nous t’avons donné des vêtements !… Tu étais malade !… En prison aussi !… Ce n’est pas possible !… Ces gens-là, je ne les fréquente pas, ils ne font pas partie de mes relations, ils ne sont pas de notre milieu. Je laisse à d’autres le soin de s’en occuper. Quand sommes-nous venus jusqu’à toi ? »

« Vous, vous n’êtes pas venus jusqu’à moi, mais moi, je suis venu jusqu’à vous… Je me suis présenté à vous… Oh ! Pas avec une carte de visite ! Pas même en sonnant à ta porte : nous n’habitons pas les mêmes quartiers. Oui, j’étais l’affamé d’Ethiopie, l’assoiffé du Sahel, le Comorien de la rue de la Digue, la vieille de l’hospice, le détenu de la Rivière-des-Galets, le yab avec ses gonis, et pas seulement eux, mais aussi cet enfant qui pleurait la nuit quand tu ne t’es pas levé, ce vieillard que tu as sorti de son lit pour l’installer dans un fauteuil, cette voisine à qui tu as sacrifié 20 minutes parce qu’elle avait besoin de parler, cet enfant qui ne comprend rien en classe et à qui tu as réexpliqué pour la 4e fois son exercice, ce trisomique avec qui j’ai joué pendant une demi-heure alors que j’avais bien d’autres choses à faire. Oui, tous ceux-là : c’était moi, le Christ aux mille visages, avec des yeux interrogateurs, la bouche ouverte, les mains tendues, le cœur en attente et le corps aussi.

« J’étais trop nombreux, trop différents pour que tu puisses m’identifier et pourtant, c’était moi, bien moi, à chaque fois que tu l’as fait, à chaque fois que tu ne l’as pas fait. C’est de moi que tu t’es occupé, si tu as fait attention. C’est moi que tu as laissé tomber lorsque tu t’es détourné ».

C’est donc sur l’amour des autres, exclusivement sur l’amour, que nous serons jugés ; et sur un amour très simple : donner à manger, à boire, habiller, visiter, soigner et ce sera, le grand tri, je devrais dire « c’est déjà » le jugement… parce que ce Juge qu’ils croiront voir pour la première fois, les hommes l’auront rencontré depuis longtemps, tout au long de leur vie quotidienne : l’homme a déjà affaire au Juge céleste à chaque fois qu’il est devant son prochain.

En réalité, c’est maintenant, dans l’instant présent que mes gestes d’amour ou d’égoïsme, sont décisifs pour ma destinée.

Pas plus les sauvés que les damnés n’ont réalisé que c’était dans leur vie quotidienne que s’est joué le verdict définitif. Ainsi, ce jugement que nous imaginons futur est en fait un « événement permanent ».

C’est « aujourd’hui », c’est tous les jours, le jour de notre jugement.

Dieu n’aura pas à juger les hommes : c’est leur conduite qui les aura jugés tout au long de leur vie.

Dieu n’aura rien de plus à faire que de nous dévoiler ce qui était caché dans chacune de nos journées. La vie éternelle, elle est déjà bien commencée, bien engagée, déjà jouée, peut-être pour chacun d’entre nous. Le temps de notre vie est un temps de brouillard : nous avons du mal à mesurer les conséquences de nos actes, l’importance des décisions que nous prenons. Des choix sont faits, des décisions sont prises sans que l’on n’ait jamais tous les éléments suffisants pour apprécier avec justesse leurs effets positifs ou pervers.




Christ Roi de l’Univers (Mt 25, 31- 46) – par le Diacre Jacques FOURNIER

 » Accueillir l’Amour, pour soi et pour les autres ... »

  (Mt 25, 31-46)

  En ce temps-là, Jésus disait à ses disciples : « Quand le Fils de l’homme viendra dans sa gloire, et tous les anges avec lui, alors il siégera sur son trône de gloire.
Toutes les nations seront rassemblées devant lui ; il séparera les hommes les uns des autres, comme le berger sépare les brebis des boucs :
il placera les brebis à sa droite, et les boucs à gauche.
Alors le Roi dira à ceux qui seront à sa droite : “Venez, les bénis de mon Père, recevez en héritage le Royaume préparé pour vous depuis la fondation du monde.
Car j’avais faim, et vous m’avez donné à manger ; j’avais soif, et vous m’avez donné à boire ; j’étais un étranger, et vous m’avez accueilli ;
j’étais nu, et vous m’avez habillé ; j’étais malade, et vous m’avez visité ; j’étais en prison, et vous êtes venus jusqu’à moi !”
Alors les justes lui répondront : “Seigneur, quand est-ce que nous t’avons vu… ? tu avais donc faim, et nous t’avons nourri ? tu avais soif, et nous t’avons donné à boire ?
tu étais un étranger, et nous t’avons accueilli ? tu étais nu, et nous t’avons habillé ?
tu étais malade ou en prison… Quand sommes-nous venus jusqu’à toi ?”
Et le Roi leur répondra : “Amen, je vous le dis : chaque fois que vous l’avez fait à l’un de ces plus petits de mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait.”
Alors il dira à ceux qui seront à sa gauche : “Allez-vous-en loin de moi, vous les maudits, dans le feu éternel préparé pour le diable et ses anges.
Car j’avais faim, et vous ne m’avez pas donné à manger ; j’avais soif, et vous ne m’avez pas donné à boire ;
j’étais un étranger, et vous ne m’avez pas accueilli ; j’étais nu, et vous ne m’avez pas habillé ; j’étais malade et en prison, et vous ne m’avez pas visité.”
Alors ils répondront, eux aussi : “Seigneur, quand t’avons-nous vu avoir faim, avoir soif, être nu, étranger, malade ou en prison, sans nous mettre à ton service ?”
Il leur répondra : “Amen, je vous le dis : chaque fois que vous ne l’avez pas fait à l’un de ces plus petits, c’est à moi que vous ne l’avez pas fait.”
Et ils s’en iront, ceux-ci au châtiment éternel, et les justes, à la vie éternelle. »

                         

           

            Nous sommes ici à la fin du monde. Toute l’humanité est ressuscitée et rassemblée autour du Christ en gloire. Voilà déjà une formidable bonne nouvelle, pleine d’espérance. En effet, dit le Christ en St Jean, « l’heure vient, où tous ceux qui sont dans les tombeaux entendront la voix du Fils de Dieu et sortiront »… Tous les morts ressusciteront donc. « Ceux qui auront fait le bien, pour une résurrection de vie » (Jn 5,28‑29). C’est ce que dit ici Jésus : « Venez les bénis de mon Père, recevez en héritage le Royaume qui vous a été préparés depuis la fondation du monde »… Or le Père bénit tous les hommes, tous, sans aucune exception, depuis leur création « à son image et ressemblance » (Gn 1,26-28 : « Dieu les bénit et leur dit : « Soyez féconds » »…), et ensuite tout au long de leur vie : « Votre Père qui est aux cieux fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons, et tomber la pluie sur les justes et les injustes ». « Le Seigneur Dieu est » en effet « un soleil : il donne la grâce » en donnant l’Esprit Saint, « l’Esprit de la grâce » (Hb 10,29), « il donne la gloire » (Ps 84(83),12) en donnant encore et toujours l’Esprit Saint,  « l’Esprit de gloire, l’Esprit de Dieu » (1P 4,14). « Les bénis du Père » sont donc toutes celles et ceux qui lui ont ouvert leur cœur, et ont effectivement reçu ce Don de Dieu offert à tous. « Recevez l’Esprit Saint » (Jn 20,22). Or, « le fruit de cet Esprit » reçu gratuitement de l’Amour est « amour, joie, paix » (Ga 5,22). Amour pour Dieu bien sûr, mais aussi au même moment pour tous ceux et celles qui cheminent eux aussi sur cette terre, et tout spécialement ceux qui en ont le plus besoin : « les affamés, les assoiffés, les étrangers, les malades, les prisonniers ». En contribuant à leurs besoins, les « bénis du Père » manifestent bien qu’ils sont dans ce courant d’amour et de vie qui ne pourra que s’épanouir dans l’éternité auprès de Dieu, « à sa droite »…

            « On reconnaît l’arbre à ses fruits » (Mt 7,16). Les autres, qui n’ont rien fait, manifestent qu’ils ne vivent pas sous l’impulsion de l’Amour : ils n’ont pas accueilli en leur cœur la bénédiction du Père, le Don de l’Esprit d’amour et de vie. Pour eux, que se passera-t-il ? « Ceux qui auront fait le mal sortiront pour une résurrection de jugement » (Jn 5,28-29). Or Dieu ne juge jamais au sens de « condamner » (cf. Rm 8,31-39). « Dieu en effet a tant aimé le monde qu’il a envoyé son Fils dans le monde non pas pour juger le monde mais pour que le monde soit sauvé par lui » (Jn 3,16‑17). Au pécheur, il ne cesse de donner son Amour et sa bénédiction, et cela avec d’autant plus de force qu’il est bouleversé par sa souffrance, sa détresse. Car le mal ne peut qu’engendrer « souffrance et angoisse pour quiconque le commet » (Rm 2,9). Alors, quelle sera la réaction « des méchants, des injustes » ? Accepteront-ils enfin de se repentir, de faire la vérité dans leur vie, comme le fils prodigue (Lc 15,11-32) ? Espérons-le, car avant même qu’ils aient commencé à dire « Père, j’ai péché contre le ciel et contre toi », ils se retrouveront dans ses bras, couverts de baisers et de tendresse…                                                                                                            DJF




33ième Dimanche du Temps Ordinaire (Mt 25, 14-30) par D. Alexandre ROGALA

Depuis quelques années dans l’Église, nous nous interrogeons sur la place des femmes. Lors de la première session générale du Synode pour une Église synodale à Rome, la question l’ordination des femmes a même été évoquée. Il est assez courant d’entendre des personnes critiquer le modèle patriarcal de l’Église. Moi le premier ! Nous avons tendance à nous souvenir uniquement des versets bibliques qui présentent les femmes comme inférieures aux hommes, et nous généralisons: « Les auteurs bibliques sont tous misogynes ! ». Nous oublions qu’il existe aussi des textes bibliques qui parlent de la femme autrement et qui font son éloge.

La première lecture fait partie de ces textes. Il s’agit d’un extrait du dernier chapitre du Livre des Proverbes (ch. 31) qui est, j’ose le dire, « féministe ».

Ce texte fait le portrait de la « femme parfaite », et celle-ci est l’opposée de la « femme soumise ». Le femme de valeur travaille et prend des initiatives: « Elle sait choisir la laine et le lin, et ses mains travaillent volontiers » (v. 13). La femme de valeur sait aussi être généreuse et tendre la main aux pauvres (v. 20). Une telle femme est digne de louange ! (v. 30-31)

L’Église est appelée à avoir les mêmes qualités que cette « femme parfaite » de la première lecture si elle veut « entrer dans la joie de son maître ».

Comme la semaine dernière, le texte d’évangile d’aujourd’hui (Mt 25, 14-30) est une parabole prononcée par Jésus dans le cadre du discours eschatologique des chapitres 24-25 de l’Évangile selon saint Matthieu. Jésus veut une fois de plus, nous mettre en garde pour nous éviter une issue négative au jour du jugement.

Le maître de la parabole représente Jésus, et à travers les serviteurs, ce sont les différentes options de comportement des croyants pendant l’absence de Jésus sur terre qui sont décrites.

Une première remarque que nous pouvons faire est que les tâches que les disciples ont à remplir sont distribuées de manière individuelle, car à chacun des serviteurs est confiée une somme d’argent différente « en fonction de ses capacités ». Mais cette différence de capacité, ne s’inscrit pas dans une logique de valeur et de mérite.

Faisons une petite digression, éclairons l’Écriture par l’Écriture, et relisons un extrait du célèbre passage sur les charismes de la Lettre de saint Paul aux Corinthiens qui fait écho à la « parabole des talents » de Jésus:

« Les dons de la grâce sont variés, mais cest le même Esprit. Les services sont variés, mais cest le même Seigneur. Les activités sont variées, mais cest le même Dieu qui agit en tout et en tous. À chacun est donnée la manifestation de lEsprit en vue du bien. À celui-ci est donnée, par lEsprit, une parole de sagesse ; à un autre, une parole de connaissance, selon le même Esprit ; un autre reçoit, dans le même Esprit, un don de foi ; un autre encore, dans lunique Esprit, des dons de guérison ; à un autre est donné dopérer des miracles, à un autre de prophétiser, à un autre de discerner les inspirations ; à lun, de parler diverses langues mystérieuses ; à lautre, de les interpréter. Mais celui qui agit en tout cela, cest lunique et même Esprit : il distribue ses dons, comme il le veut, à chacun en particulier ».(1 Co 12, 4-11)

Quand nous lisons dans la parabole que le maître donne « à chacun selon ses capacités », il faudrait peut-être comprendre « selon la diversité des charismes ». Puisqu’il est un don de l’Esprit Saint, chaque charisme a une grande valeur. D’ailleurs, le « talent » que le maître donne à ses serviteurs dans la parabole est une somme d’argent colossale ! Elle correspond à 6000 deniers, c’est à dire au salaire de 6000 journées de travail. Même celui qui n’a reçu qu’un talent a donc reçu une somme d’argent énorme !

La somme d’argent reçue, comme le charisme, n’implique pas une hiérarchie entre les disciples. Alors qu’au départ, ils n’avaient pas reçu la même somme d’argent, le fait qu’à la fin, les deux serviteurs qui ont agi selon la volonté du maître, soient honorés exactement de la même manière le prouve: « entre dans la joie de ton seigneur »

Disons-le en passant, si à la fin, tout le monde reçoit la même récompense, il est inutile d’envier le talent d’une autre personne.

Regardons maintenant de plus près l’attitude du « serviteur mauvais et paresseux » car c’est justement sur lui qu’insiste Jésus pour nous mettre en garde afin que nous ne nous ne faisions pas comme lui.

D’où vient son inaction ? Pourquoi a-t-il caché le talent dans la terre ?

Le serviteur se sent obligé de se justifier. Il cherche à expliquer son comportement au maître. Il dit: « Seigneur, je savais que tu es un homme dur : tu moissonnes là où tu nas pas semé, tu ramasses là où tu nas pas répandu le grain. Jai eu peur, et je suis allé cacher ton talent dans la terre » (v.24-25).

Le serviteur dit avoir eu peur de son maître. Mais craindre le Seigneur n’est pas quelque chose de positif ? N’avons nous pas lu dans la première lecture que la « femme parfaite est justement celle qui craint le Seigneur ? « La femme qui craint le Seigneur mérite la louange » (Pr 31, 30).

En fait, dans la Bible, la « crainte du Seigneur » désigne le sens de la grandeur de Dieu et la conscience de la distance entre Dieu et nous. En régime chrétien, la « crainte du Seigneur » est un don de l’Esprit Saint qui suscite non seulement une attitude d’humilité et d’émerveillement, mais aussi la prise au sérieux de la volonté de Dieu.

Dans la parabole, la peur du troisième serviteur ne peut pas être le don de l’Esprit Saint, car cette peur l’a complètement paralysé et l’a conduit à faire tout le contraire de la volonté du Seigneur.

La peur du troisième serviteur prend racine dans l’image qu’il se fait de son maître, qu’il considère comme un homme dur. Or, pour nous qui entendons cette parabole aujourd’hui, nous savons bien que cette image ne peut pas s’appliquer à Jésus.

Jésus est tout le contraire d’un maitre dur. D’ailleurs dans ce même évangile selon saint Matthieu, il se définit lui-même par sa douceur: « je suis doux et humble de cœur » (11, 29), et il est capable de montrer sa compassion (9, 36 par ex.).

Alors, écoutons l’exhortation de saint Paul dans la deuxième lecture: « Ne restons pas endormis comme les autres, mais soyons vigilants et restons sobres » (1 Th 5, 6).

N’ayons pas peur, et accomplissons avec assurance, la mission qui nous est confiée par le Seigneur selon notre charisme personnel.

Ainsi, le jour où notre Seigneur Jésus reviendra à la fin des temps, « ne nous surprendra pas comme un voleur » (cf. 1 Th 5, 4). Pleins de confiance, nous pourrons aller à la rencontre du Seigneur, et il nous dira, peut-être avec les mots du psalmiste: « Heureux es-tu ! À toi, le bonheur ! »  (Ps 127, 2)




Audience Générale du Mercredi 15 Novembre 2023

PAPE FRANÇOIS

AUDIENCE GÉNÉRALE

Place Saint-Pierre
Mercredi 15 Novembre 2023


Catéchèse – La passion pour l’évangélisation : le zèle apostolique du croyant – 26. L’annonce est joie

Chers frères et sœurs, bonjour !

Après avoir rencontré divers témoins de l’annonce de l’Évangile, je propose de résumer ce cycle de catéchèses sur le zèle apostolique en quatre points, inspirés par l’Exhortation apostolique Evangelii gaudium, qui fête ce mois-ci ses dix ans. Le premier point, que nous examinons aujourd’hui, le premier des quatre, ne peut concerner que l’attitude dont dépend la substance du geste évangélisateur : la joie. Le message chrétien, comme nous l’avons entendu dans les paroles adressées par l’ange aux bergers, est l’annonce d’une « grande joie » (Lc 2,10). Et la raison ? Une bonne nouvelle, une surprise, un bel événement ? Bien plus, une Personne : Jésus ! Jésus est la joie. C’est Lui le Dieu fait homme qui est venu chez nous ! La question, chers frères et sœurs, n’est donc pas de savoir s‘il faut l’annoncer, mais comment l’annoncer, et ce « comment » est la joie. Ou nous annonçons Jésus avec joie, ou nous ne l’annonçons pas, parce qu’une autre voie pour l’annoncer n’est pas capable de porter la vraie réalité de Jésus.

C’est pourquoi un chrétien mécontent, un chrétien triste, un chrétien insatisfait ou, pire encore, en proie au ressentiment ou à la rancœur n’est pas crédible. Celui-ci parlera de Jésus mais personne ne le croira ! Une personne m’a dit un jour, en parlant de ces chrétiens : « Mais ce sont des chrétiens à visage de morue ! », c’est-à-dire sans aucune expression, ils sont comme ça, et la joie est essentielle. C’est essentiel de veiller sur nos sentiments. L’évangélisation met en œuvre la gratuité, parce qu’elle vient de la plénitude et non de la pression. Et quand on fait une évangélisation – on veut la faire mais cela ne va pas – sur la base d’idéologies, ce n’est pas cela évangéliser, ce n’est pas l’Évangile. L’Évangile n’est pas une idéologie : l’Évangile est une annonce, une annonce de joie. Les idéologies sont froides, toutes. L’Évangile a la chaleur de la joie. Les idéologies ne savent pas sourire, l’Évangile est un sourire, il te fait sourire parce qu’il touche l’âme avec la Bonne Nouvelle.

La naissance de Jésus, dans l’histoire comme dans la vie, est le principe de la joie : pensez à ce qui est arrivé aux disciples d’Emmaüs qui dans la joie ne pouvaient pas croire, et aux autres, puis à l’ensemble des disciples, lorsque Jésus se rend au Cénacle, qui ne pouvaient pas croire à cause de la joie (cf. Lc 24, 13-35). La joie d’avoir Jésus ressuscité. La rencontre avec Jésus apporte toujours de la joie, et si cela ne t’arrive pas, ce n’est pas une vraie rencontre avec Jésus.

Et ce que Jésus fait avec les disciples nous révèle que les premiers à être évangélisés sont les disciples, les premiers qui doivent être évangélisés c’est nous, chrétiens : c’est nous. Et c’est très important. Immergés dans le climat actuel, rapide et confus, même nous en effet nous pouvons nous aussi vivre la foi avec un sens subtil du renoncement, convaincus que l’Évangile n’est plus audible et qu’il ne vaut plus la peine de s’engager pour l’annoncer. Nous pourrions même être tentés par l’idée de laisser « les autres » suivre leur propre chemin. En revanche, c’est précisément le moment de revenir à l’Évangile pour découvrir que le Christ « est toujours jeune et source constante de nouveauté » (Evangelii gaudium, 11).

Alors, comme les deux d’Emmaüs, on retourne à la vie quotidienne avec l’élan de celui qui a trouvé un trésor : ils étaient joyeux ces deux disciples, parce qu’ils avaient trouvé Jésus et il leur a changé la vie. Et l’on découvre que l’humanité regorge de frères et de sœurs qui attendent une parole d’espérance. L’Évangile est également attendu aujourd’hui : l’humanité d’aujourd’hui est comme l’humanité de tout temps : elle en a besoin, même la civilisation de l’incroyance programmée et de la sécularité institutionnalisée ; et mème, surtout la société qui laisse déserts les espaces du sens religieux a besoin de Jésus. C’est le moment favorable pour l’annonce de Jésus. C’est pourquoi je voudrais redire à tous : « La joie de l’Évangile remplit le cœur et toute la vie de ceux qui rencontrent Jésus. Ceux qui se laissent sauver par lui sont libérés du péché, de la tristesse, du vide intérieur, de l’isolement. Avec Jésus Christ la joie naît et renaît toujours. (ibid., 1) ». N’oublions pas cela. Et si l’un d’entre nous ne perçoit pas cette joie, qu’il se demande s’il a trouvé Jésus. Une joie intérieure. L’Évangile emprunte le chemin de la joie, toujours, c’est la grande annonce. J’invite chaque chrétien, où qu’il soit, à renouveler aujourd’hui même sa rencontre avec Jésus-Christ. Que chacun d’entre nous prenne aujourd’hui un peu de temps et médite : « Jésus, Tu es en moi : je veux Te rencontrer tous les jours. Tu es une Personne, pas une idée ; Tu es un compagnon de route, pas un programme. Tu es Amour qui résout tant de problèmes. Tu es le principe de l’évangélisation. Toi, Jésus, tu es la source de la joie ». Amen.

* * *

Je salue cordialement les pèlerins de langue française, notamment les groupes de religieuses de Bordeaux et de Castres, les fidèles et les élèves venus de France.

Je vous invite tous à renouveler aujourd’hui votre rencontre personnelle avec le Christ qui est l’origine de l’Évangélisation et la source de toute joie !

Que Dieu vous bénisse !





33ième Dimanche du Temps Ordinaire (Mt 25, 14-30) – par Francis COUSIN

« Avoir confiance ou peur … »

 La parabole des talents, que nous lisons ce jour a été dite par Jésus à ses seuls apôtres. C’est donc une parabole qui les concerne principalement, … et nous aussi, en tant que baptisés, nous aussi disciples de Jésus.

C’est une parabole qui est confiée aux apôtres peu de temps avant que Jésus ne meurt, et qu’il parte pour un long voyage. C’est un peu comme une feuille de route que Jésus propose à ses apôtres : il les appelle « et leur confia ses biens ».,

Quels biens ? lui « qui n’avait pas d’endroit où reposer sa tête » ? (Mt 8,20). Des biens matériels ? Aucuns, sans doute : il ne vivait que d’aumônes et de partages. Mais il avait donné tout son enseignement, trois ans de discussions avec ses apôtres … et c’est à eux qu’il confie ce cadeau inestimable … « à chacun selon ses capacités. », non pas actuelles, ils n’ont pas passé d’examen … mais les capacités futures. Jésus savait déjà ce que ferait chacun.

Et il donne des talents, dans notre compréhension actuelle … 5 talents, 2 talents, 1 talent.

Et il partit …

Aussitôt, chacun s’évertua de faire fructifier ses talents, de leur donner vie en faisant découvrir aux autres l’enseignement de Jésus …

Sauf un, peut-être Judas … qui alla enterrer son talent … qui devint inutile. Le maître absent devient ignoré, en même temps que le talent : il n’existe plus pour lui.

Qu’est-ce qui fait la différence entre ceux qui ont plusieurs talents et Judas ? La confiance réciproque entre Jésus et les onze apôtres … et l’absence de confiance réelle de Judas vis-à-vis de Jésus.

Judas a peur de Jésus, une peur qui l’empêche de parler à Jésus, de lui demander pardon … une peur qui l’empêche de croire à l’amour de Jésus qui est toujours là, et en sa miséricorde …

il préfère fuir et se pendre …

Dommage pour lui … « Quant à ce serviteur bon à rien, jetez-le dans les ténèbres extérieures ; là, il y aura des pleurs et des grincements de dents ! », c’est-à-dire « Jetez-le en enfer »

Il aurait pu faire comme Pierre, lors de son reniement : « Le Seigneur, se retournant, posa son regard sur Pierre. Alors Pierre se souvint de la parole que le Seigneur lui avait dite : ’’Avant que le coq chante aujourd’hui, tu m’auras renié trois fois.’’. Il sortit et, dehors, pleura amèrement. » (Lc 22,61-62). Pas une seule parole entre les deux, mais un regard d’amour auquel répondit un regard de regret, et Pierre sût qu’il était pardonné …

La confiance n’a pas besoin de mots …

Mais il faut avoir les yeux fixés sur ceux de Jésus pour le comprendre …

Ce sont les mêmes talents que Jésus nous confie aujourd’hui, à la suite des apôtres : « Allez ! De toutes les nations faites des disciples : baptisez-les (ou faites-les baptiser) au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit, apprenez-leur à observer tout ce que je vous ai commandé. Et moi, je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin du monde. » (Mt 28,19-20).

Dans la confiance, et dans l’amour partagés … en sachant que Jésus est toujours avec nous, et que quand cela va mal pour nous, il suffit de dire : « Seigneur, sauve-moi ! », alors il étendra la main et nous remettra d’aplomb. (cf Mt 14,30-31)

Et surtout pensons que Jésus regarde toujours vers l’avenir … et non pas le passé …

« Quand le Seigneur nous appelle, il ne pense pas à ce que nous sommes, à ce que nous étions, à ce que nous avons fait ou cessé de faire. Au contraire, au moment où il nous appelle, il regarde tout ce que nous pourrions faire, tout l’amour que nous sommes capables de propager. Lui parie toujours sur l’avenir, sur demain. Jésus te projette à l’horizon, jamais au musée. (…)

Jésus n’est pas le Seigneur du confort, de la sécurité et de la commodité. Pour suivre Jésus, il faut avoir une dose de courage, il faut se décider à changer le divan contre une paire de chaussures qui t’aideront à marcher, sur des routes jamais rêvées et même pas imaginées, sur des routes qui peuvent ouvrir de nouveaux horizons, capables de propager la joie, cette joie qui naît de l’amour de Dieu, la joie que laissent dans ton cœur chaque geste, chaque attitude de miséricorde. Aller par les routes en suivant la ‘‘folie’’ de notre Dieu qui nous enseigne à le rencontrer en celui qui a faim, en celui qui a soif, en celui qui est nu, dans le malade, dans l’ami qui a mal tourné, dans le détenu, dans le réfugié et dans le migrant, dans le voisin qui est seul. » (Pape François, JMJ Cracovie, 30 juillet 2016).

Et ce qui est vrai pour les jeunes … est aussi valable pour les plus âgés …

Seigneur Jésus,

trop souvent on entends des gens dire

« je ne suis pas capable »

avant même d’essayer …

Heureusement que Toi,

tu avais confiance en tes apôtres,

tu as cru en eux, et eux ont cru en toi.

Aide-nous à découvrir nos talents cachés

pour les mettre à ton service

et à celui de nos frères.

 

Francis Cousin

Cliquer sur le lien ci-dessous pour accéder à l’image illustrée : Prière dim ord A 33°

 




Rencontre autour de l’Évangile – 33ième Dimanche du Temps Ordinaire (Mt 25, 14-30)

«  Très bien, serviteur bon et fidèle, tu as été fidèle pour peu de choses, je t’en confierai beaucoup ; entre dans la joie de ton maître. « 

 

 

TA PAROLE SOUS NOS YEUX

Situons le texte et lisons (Mt 25, 14-30)

Jésus parle de sa venue à la fin des temps. La parabole des talents vient juste après celle des jeunes filles invitées de la noce.

 

Soulignons les mots importants 

Lire attentivement la parabole.

Il appela ses  serviteurs, il leur confia ses biens : que penser du comportement de ce  maître ?

Chacun selon ses capacités : Qu’est-ce que cette expression nous apprend de ce maître  et de ses  serviteurs?

Les talents : Aujourd’hui on emploie ce mot dans certaines expressions courantes. Lesquelles ? Savons-nous  ce qu’il représentait au temps de Jésus ?

Aussitôt : Pourquoi ce mot dans la parabole ?

Longtemps après : Jésus insiste souvent sur ce long temps qui sépare le présent de sa venue. Pourquoi ?

Seigneur…Tu m’as confié…A qui nous fait penser ce mot « Seigneur » ?

J’en ai gagné… : Qu’est-ce qu’il a fallu comme qualité pour cela ?

Serviteur bon et fidèle… je t’en confierai beaucoup entre dans la joie de ton maître : quel est le sens de ces paroles pour nous chrétiens ?

J’ai eu peur… : que penser de cette « peur » ? Est-ce de la prudence de la part du troisième serviteur ?

Serviteur mauvais et paresseux : Qu’est-ce qu’il lui est reproché en réalité ?

Celui qui a recevra encore : Comment cela ?

Jetez -le dehors : Pourquoi cette sévérité ?

 

Pour l’animateur  

A la fin de la parabole des jeunes filles de la noce, Jésus disait «  veillez ». Mais comment veiller ? Cette parabole des talents donne une réponse. C’est une sorte de fable racontée avec le langage des affaires. Le talent était à la fois un poids et une monnaie. Comme poids, le talent équivalait à 35 kg. Il se divisait en «  mines » et en « sicles ». Un talent = 150.000 sicles. Il servait à peser les métaux précieux.

En tant que monnaie, le talent d’argent = 6000 F or ;  le talent d’or : 150.000 F or. Donc, dans la parabole, il s’agit d’une somme très importante. Celui qui a reçu un talent  a en main l’équivalent de plus de quinze ans de salaire d’un ouvrier de l’époque.

Il leur «confia ses biens » : C’est un acte de confiance sans limite.

Il laisse toute liberté pour la gestion de ces sommes. Il tient compte des capacités de chacun. Chacun est unique et différent Il y a un appel et une responsabilité confiée. Les « serviteurs » deviennent des partenaires « gérants »..

Le mot « aussitôt » souligne l’empressement des deux premiers serviteurs : ils se risquent dans des opérations qui leur permettent de doubler leur capital.

Le troisième enterre son talent : il joue la prudence. Dans le droit juif, enterre un dépôt, c’était pour un maximum de sécurité et une manière pour le dépositaire de se dégager de toute responsabilité.

Longtemps après, (le long temps de la mission, temps pour mettre à profit les biens reçus) c’est l’heure des comptes. Les serviteurs s’adressent  à leur maître  en l’appelant « Seigneur » : ce mot rappelle au lecteur que le Seigneur Jésus demandera à son Eglise  les comptes de sa gestion des biens du Royaume.

Voici ce que « j’ai gagné » : les deux premiers serviteurs ont géré les biens du maître comme leurs propres biens : ils ont agi en partenaires et non comme esclaves. Le maître reconnaît la valeur de cette attitude : « très bien serviteur bon et fidèle ». Les deux serviteurs ont la même promotion et la même récompense « je t’en confierai beaucoup, entre dans joie de ton maître » parce que chacun est allé jusqu’au bout de ses capacités.  Au sens profond, nous comprenons qu’au chrétien qui gère bien tous les talents reçus (toutes les richesses spirituelles, ses dons personnels, ses biens…) en vrais fils et filles de Dieu participera pleinement au Royaume de Dieu.

Le troisième a eu peur. Il est traité de paresseux, bon à rien. Il n’a pas fait comme si le talent était à lui « voilà ton talent » « ce qui t’appartient. Ce n’est pas une attitude responsable digne des dons reçus. Il s’est conduit comme un esclave.

« Celui qui a » : celui qui a acquis un capital de fidélité, celui-là recevra sa récompense.  Celui qui n’a rien produit, n’a rien de fait de mal ; mais, pire, il n’a rien fait. Il n’est pas digne du Royaume. Le verdict du maître souligne le sérieux de l’enseignement de Jésus sur tout ce qu’il a confié à son Eglise et à chaque baptisé.

 

TA PAROLE DANS NOS CŒURS :

Seigneur, donne-nous de prendre au sérieux tout ce que tu nous as confié : nous pouvons en faire le compte. Tu nous fais confiance. Tu as été généreux envers nous : nous ne le réalisons pas toujours. Délivre-nous de la peur.

 

TA PAROLE DANS NOS MAINS :

La Parole aujourd’hui dans notre vie         

Selon notre état de vie et notre vocation personnelle, le Seigneur a remis entre nos mains des « talents », c’est-à-dire des « dons de l’Esprit » liés aux responsabilités qui sont les nôtres pour nous mettre au service des autres.

Quels sont ces « dons ou talents  » que le Seigneur nous a confiés ? (chacun est invité à faire le compte pour soi-même)

Chacun a reçu aussi des « dons », des « capacités » : comment les faisons-nous produire du fruit pour le Royaume de Dieu ? Comment les mettons-nous au service des autres ?

Et ce bien si précieux qu’est notre vie et dont nous sommes les gérants ?

 

Et il y a toutes les richesses spirituelles que le Seigneur a laissées à son Eglise : sa Parole, les sacrements…Il y a quelques années, lors d’une visite en Métropole, le pape Jean-Paul II s’adressait aux chrétiens en leur disant : « Qu’avez-vous fait de votre baptême ? »

Nous pouvons nous poser la même question.

Nous ressemblons parfois au troisième serviteur : nous l’allons peut-être  pas jusqu’au bout de nos possibilités…par peur du risque.

Ensemble prions  

« Seigneur, pardonne-nous d’avoir, souvent, enfoui les trésors de notre cœur dans un bas de laine et d’avoir eu peur de prendre des risques!

Nous n’avons pas toujours su aimer à fond, à pleins poumons.

Te considérant parfois plus comme un Juge sévère que comme un Père, nous avons observé, méticuleusement, scrupuleusement, tous tes commandements. Nous avons ainsi, peu à peu, transformé ton Alliance d’Amour en devoirs religieux. Par excès de prudence et par manque de confiance, nous avons canalisé et figé la lave incandescente de ta Bonne Nouvelle.

Nous avons, souvent, enfoui les trésors de la foi, de l’espérance et de la charité, dans le maquis des préceptes à observer. » (Michel Hubaut)

 

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33ième Dimanche du Temps Ordinaire (Mt 25, 14-30) – par le Diacre Jacques FOURNIER

 » Aimer, c’est recevoir et se donner soi-même ... »

  (Mt 25, 14-30)

  En ce temps-là, Jésus disait à ses disciples cette parabole : « Un homme qui partait en voyage appela ses serviteurs et leur confia ses biens.
À l’un il remit une somme de cinq talents, à un autre deux talents, au troisième un seul talent, à chacun selon ses capacités. Puis il partit. Aussitôt,
celui qui avait reçu les cinq talents s’en alla pour les faire valoir et en gagna cinq autres.
De même, celui qui avait reçu deux talents en gagna deux autres.
Mais celui qui n’en avait reçu qu’un alla creuser la terre et cacha l’argent de son maître.
Longtemps après, le maître de ces serviteurs revint et il leur demanda des comptes.
Celui qui avait reçu cinq talents s’approcha, présenta cinq autres talents et dit : “Seigneur, tu m’as confié cinq talents ; voilà, j’en ai gagné cinq autres.”
Son maître lui déclara : “Très bien, serviteur bon et fidèle, tu as été fidèle pour peu de choses, je t’en confierai beaucoup ; entre dans la joie de ton seigneur.”
Celui qui avait reçu deux talents s’approcha aussi et dit : “Seigneur, tu m’as confié deux talents ; voilà, j’en ai gagné deux autres.”
Son maître lui déclara : “Très bien, serviteur bon et fidèle, tu as été fidèle pour peu de choses, je t’en confierai beaucoup ; entre dans la joie de ton seigneur.”
Celui qui avait reçu un seul talent s’approcha aussi et dit : “Seigneur, je savais que tu es un homme dur : tu moissonnes là où tu n’as pas semé, tu ramasses là où tu n’as pas répandu le grain.
J’ai eu peur, et je suis allé cacher ton talent dans la terre. Le voici. Tu as ce qui t’appartient.”
Son maître lui répliqua : “Serviteur mauvais et paresseux, tu savais que je moissonne là où je n’ai pas semé, que je ramasse le grain là où je ne l’ai pas répandu.
Alors, il fallait placer mon argent à la banque ; et, à mon retour, je l’aurais retrouvé avec les intérêts.
Enlevez-lui donc son talent et donnez-le à celui qui en a dix.
À celui qui a, on donnera encore, et il sera dans l’abondance ; mais celui qui n’a rien se verra enlever même ce qu’il a.
Quant à ce serviteur bon à rien, jetez-le dans les ténèbres extérieures ; là, il y aura des pleurs et des grincements de dents !” ».

                           

La mort de Jésus est désormais toute proche. Très bientôt, « il partira en voyage », l’ultime voyage, en confiant à ses disciples le soin de continuer sa mission : annoncer la Bonne Nouvelle de ce Dieu Père, plein d’amour et de tendresse pour tous les hommes. Pour cela, il leur « confiera ses biens », tous ses biens, en leur donnant cet Esprit Saint (Ac 1,8) qu’il reçoit Lui-même du Père, un Esprit qui communiquera à chacun ses Dons différents (1Co 12,7-11), pour le bien de tous…

Le disciple de Jésus, en croyant en Lui, s’est ouvert à l’Amour de Dieu, à son infinie Miséricorde. Avec Lui, il a découvert « où » se trouve la vraie Plénitude, et du même coup, tout ce qui lui est contraire. Aidé par la Force de cet Amour, il va apprendre petit à petit à s’aimer lui-même en rejetant tout ce qui le souille, le blesse, le fait souffrir, le détruit, et l’empêche finalement d’accueillir cette Plénitude de Vie que Dieu veut voir régner au cœur de tous les hommes. Entraîné dans cette logique d’Amour, il ne pourra aussi qu’apprendre petit à petit à aimer tous ceux et celles qui l’entourent, à désirer le meilleur pour eux, ce meilleur qu’il a expérimenté en accueillant le Christ et le Don de sa Vie. Aimer son prochain ne pourra alors qu’être synonyme de travailler à son bien pour qu’il puisse accueillir lui aussi cette Plénitude de Vie offerte gratuitement à tous.

Dans cette parabole, deux disciples reçoivent l’un cinq Dons de l’Esprit, l’autre deux. Ils les accueillent vraiment et entrent donc dans cette dynamique d’Amour qui ne peut que chercher le bien de l’autre, de tous les autres. Et en puisant dans ce Trésor dont ils sont eux-mêmes les premiers heureux bénéficiaires, ils travaillent activement à l’annonce de l’Evangile…

Le Maître donne aussi un talent à un troisième, mais contrairement aux deux premiers, il ne le reçoit pas vraiment et il enterre ce Don de Lumière et de Vie, comme on le fait pour un mort. Son cœur ne peut qu’être dans les ténèbres. « Si la lumière qui est en toi est ténèbres, quelles ténèbres ! » (Mt 6,23). Et c’est à « la lumière » de ces « ténèbres » qu’il va regarder son Maître. Sa perception ne pourra qu’en être faussée… Il est « doux et humble de cœur », « bouleversé » devant la souffrance des hommes ? « Tu es un homme dur ! » Il n’est que Bonté ? « Tu moissonnes là où tu n’as pas semé », comme le pire des voleurs… Autrement dit, ce n’est pas la Lumière qu’il voit, mais ces ténèbres qui l’habitent : tout pour lui devient ténèbres. Hélas, il est bien sous « l’empire de Satan », ce « voleur qui ne vient que pour voler, égorger et faire périr » (Ac 26,18 ; Jn 10,10). Aurait-il quelque chose ? Avec un tel maître, de toute façon, « il se fera enlever même ce qu’il a ». S’il avait choisi la Vérité et la Lumière de l’Amour, n’aurait-il rien eu au départ, sinon sa misère et son péché, la Miséricorde infinie de Dieu aurait eu vite fait de tout lui pardonner pour le combler, car l’Amour ne sait que donner et donner encore. C’est pourquoi, « celui qui a », pour l’avoir reçu de l’Amour, ne pourra que recevoir et recevoir encore, pour sa plus grande joie !    DJF

           




33ième Dimanche du Temps Ordinaire (Mt 25, 14-30) – Homélie du Père Louis DATTIN

Talents

Mt 25, 14-30

Aujourd’hui, frères et sœurs, nous sommes appelés à prendre conscience de ce qu’exige notre vocation de chrétien.

Être chrétien, ce n’est pas rien : nous avons beaucoup, beaucoup reçu. Au départ, il y a eu le Baptême, devenus fils de Dieu, nourris ensuite par l’Eucharistie, nous sommes aussi confirmés, pardonnés à chaque fois que nous avons péché, réconfortés alors que nous étions malades, fortifiés pour vivre une vie conjugale ou sacerdotale : sans oublier la Parole de Dieu, le soutien de l’Église, … Oui, c’est vrai, ce que nous avons reçu est énorme : d’ailleurs, un « talent », dans le temps, c’était aussi une somme énorme, environ « 35 kg d’or » qui correspondait au salaire de 6 000 journées de travail d’un ouvrier.

« Il leur confia ses biens, à chacun, selon ses capacités ». Dieu nous a beaucoup donné : Dieu espère beaucoup de nous ! Il fait confiance, nous laisse un capital conséquent et il va même partir en voyage, nous laissant le soin du domaine. Bien sûr, il reviendra et nous demandera des comptes : c’est dans l’ordre des choses. Mais, en attendant, c’est nous, les chrétiens, c’est nous, qui devenons responsables de la fortune de Dieu.

Dieu me confie ses biens : il ne suffit pas de veiller les bras croisés ou les mains jointes. Il faut être actifs, entreprenants.

Deux serviteurs font fructifier ce que le Seigneur leur a donné, le troisième enterre l’unique talent qui lui a été remis. Après tout, ce 3e, il est honnête : il va rendre à son maitre ce que son maitre lui a confié. Il est même prudent : il va enterrer, ce trésor de 6 000 francs or. Honnête, prudent : ce ne sont pas des qualités chrétiennes prioritaires. Avec tout ce qu’il a reçu, le chrétien, lui, doit être avant tout dynamique, constructif, productif. Dieu ne nous a pas confié sa création, son amour, l’Évangile, le message de son Fils, pour le garder pour nous, à notre profit personnel : nous devons rendre compte, un jour de la façon dont nous aurons mis en valeur tout ce que Dieu m’a donné.

Autrement dit, nous devenons  responsables, responsables non pas comme un gardien de coffre-fort, mais responsable comme un entrepreneur, comme un architecte.

Au départ, Dieu nous donne les matériaux : à chacun de nous de les utiliser au mieux pour en faire un chef-d’œuvre qui sera celui de notre vie.

Ma vie chrétienne n’est pas quelque chose à garder soigneusement, à veiller jalousement, un trésor à cacher. Elle est, au contraire, un capital à multiplier, une somme à placer pour la faire produire et fructifier : le chrétien ne se contente pas de conserver et de restituer.

Dieu nous a dotés en plus, chacun également, de qualités et aussi d’une liberté d’initiatives qui va nous permettre de mettre en œuvre toute une créativité, une participation qui ne sera d’ailleurs pas uniquement extérieure à nous, mais dont nous serons, nous-mêmes, les premiers bénéficiaires.

On a souvent confondu christianisme avec conservation. Il fallait « garder », « protéger », « veiller sur », observer les commandements, conserver la foi qui nous a été transmise comme un précieux dépôt. Dans les banques, il y a deux sortes de capitaux : ceux qui dorment, enfermés dans la salle des coffres, improductifs et ceux qui travaillent sur le marché ; investis, ils alimentent le marché du travail, de la production, de l’entreprise. Il y a l’argent qui travaille et l’argent qui dort.

Eh bien, dans l’Eglise aussi, il y a la grâce de Dieu qui travaille et celle qui ne travaille pas. Dieu donne à chacun sa grâce, sa vie, ses biens : qu’en faisons-nous ? Est-ce-que nous capitalisons ce que Dieu nous a donné et qui ne servira jamais à rien parce que nous ne le communiquons pas aux hommes de notre temps ? Un capital qui dort parce que son propriétaire est un chrétien assoupi ou au contraire, une somme de grâces qui va, comme dit le monde financier, « faire des petits » parce qu’il est lancé sur le marché des hommes, placé à bon escient, investi par des chrétiens actifs, avisés, entreprenants, qui se risquent et qui se lancent dans le monde de l’évangélisation, de la charité, de l’apostolat.

Ce capital de ma foi, va-t-il donner de la foi aux autres ? Cet amour de mon cœur va-t-il être partagé et se répandre ? Cette espérance qui est mienne, va-t-elle soulever l’espoir des hommes autour de moi ?

            Ne pas garder pour moi ce dont les autres ont tant besoin : ils ont droit à notre foi, droit à notre amour, ils réclament notre espérance. Rappelez-vous cette affiche d’une banque où l’on voyait un homme au regard vif qui disait : « Votre argent m’intéresse ».

Les hommes les plus conscients des besoins de notre époque disent aux chrétiens la même chose : « Vos talents, votre foi, votre espérance, votre charité nous intéressent ». Ce que vous avez reçu, c’est la clé qui ouvre la vraie porte, le mot de passe qui nous fait aller plus loin, le passeport qui nous permet de passer dans le pays VRAI : celui de Dieu.

Ces clés, ces mots de passe, ces passeports, ces messages qui ne doivent pas rester secrets : les garderons-nous pour nous ? Allons-nous les enterrer, les mettre au coffre ou bien les mettre à disposition de tous ?

Oui, c’est vrai, nous avons reçu un trésor, nous avons, depuis notre Baptême, notre Confirmation, dans notre Evangile, un véritable trésor : qu’en faisons-nous ? Sert-il à quelque chose ?

Ces « talents », nous ne devons pas les garder pour nous en disant : « Moi, je fais mon salut. Je n’ai qu’une âme qu’il faut sauver. Que les autres se débrouillent, c’est leur problème ».

Dieu ne nous donne que pour distribuer à notre tour, pour partager, pour rayonner. Un don gardé pour soi est une valeur qui pourrit parce qu’elle n’est pas utilisée, comme une nourriture gardée trop longtemps au frigidaire. Tout ce que Dieu nous donne est offert par Dieu pour que je l’offre aux autres.

Rappelez-vous les dernières paroles de Jésus avant l’Ascension : « Maintenant, allez, évangélisez ; de toutes les nations faites des disciples ». Evangéliser, c’est faire fructifier les talents confiés. Posons-nous la question : « Est-ce-que je suis un secours pour les autres ? Est-ce-que je porte aux autres une espérance ? Peuvent-ils compter sur mon partage ? Bénéficient-ils, eux aussi, de tous les talents que j’ai reçus du maître ?

En cette période de crise monétaire, toutes les bourses de New-York, Londres, Paris, Tokyo peuvent s’affoler, toutes les monnaies peuvent perdre des points et les courbes plonger. Les valeurs évangéliques, elles, celles qui justement sont toujours stables et actuelles, ces valeurs-là, ont-elles « la côte » aux yeux des hommes grâce à des chrétiens qui les lancent sur le marché et les font apprécier comme étant les seules qui ne peuvent pas se dévaluer, s’écrouler, ces valeurs qui, dit la liturgie, « ne passent pas » mais « demeurent » ?

Frères et sœurs, nous sommes les gérants de cette fortune, ne la cachons pas dans l’oreiller sur lequel nous dormirons. Lançons la aux quatre coins du monde afin qu’elle puisse fructifier. N’ayons pas « peur » comme le 3e serviteur, mais usons de l’audace que la liberté de Dieu nous accorde, afin que le maître, à son retour, puisse nous dire, à nous aussi : « Très bien ». AMEN




32ième Dimanche du Temps Ordinaire (Mt 22, 15-21) – Homélie du D. Alexandre ROGALA

L’autre jour, un prêtre qui a été missionnaire en Centrafrique me racontait que lorsqu’il était là-bas, des gens venaient  régulièrement au presbytère pour mendier. Il frappaient à la porte, et lorsque l’un des prêtres ouvrait, ils criaient: « Matthieu 7, 7 » ! Il s’agit du verset dans lequel Jésus dit à ces disciples : « Demandez, on vous donnera ; cherchez, vous trouverez ».

En citant ce verset de l’Évangile, ces pauvres essayaient de forcer les prêtres à répondre à leurs besoins.

Cependant, il me semble que lorsque Jésus dit « « Demandez, on vous donnera ; cherchez, vous trouverez », il  ne parle pas de biens matériels. Ce sont plutôt les biens spirituels que Jésus nous invite à demander et à rechercher.

Pourquoi ne chercherions-nous pas la sagesse ?

D’ailleurs, la première lecture tirée du Livre de la Sagesse (Sg 6, 12-26) nous dit que la sagesse « se laisse trouver par ceux qui la cherchent » (v. 12), ou encore que « Celui qui la cherche dès laurore ne se fatiguera pas : il la trouvera assise à sa porte » (v. 14).

Comment la recherche de la sagesse peut-elle être si simple ?

Un peu plus loin dans le livre, relisant le célèbre épisode d’1 R 3 dans lequel Salomon demande à Dieu de lui donner un cœur sage pour gouverner son peuple, l’auteur du Livre de la Sagesse écrit: « Je savais que je ne pourrais jamais obtenir la sagesse si Dieu ne me la donnait, et il me fallait déjà du discernement pour savoir de qui viendrait ce bienfait. » (Sg 8, 21) Donc pour trouver la sagesse, il suffit de la demander au Seigneur: «  Demandez, on vous donnera ; cherchez, vous trouverez ».

Relisons la fin du texte :

« celui qui veille à cause delle sera bientôt délivré du souci. Elle va et vient à la recherche de ceux qui sont dignes delle ; au détour des sentiers, elle leur apparaît avec un visage souriant ; dans chacune de leurs pensées, elle vient à leur rencontre » (v. 15-16).

Relevons tout d’abord qu’il est ici question de « veille » et de « rencontre » comme dans le texte d’évangile de ce dimanche: « Voici l’époux ! Sortez à sa rencontre. » (Mt 25, 6) ; « Veillez donc, car vous ne savez ni le jour ni lheure » (Mt 25, 12).

Ensuite dans notre texte, la sagesse semble personnifiée. L’auteur en parle comme s’il s’agissait d’une personne. Mais qui est-elle ? La Tradition chrétienne l’a identifié à Jésus. Pourquoi pas ?

En ce qui me concerne, je dirai simplement que si l’auteur du Livre de la Sagesse écrit sous l’autorité de Salomon, Jésus lui, affirme qu’il est « bien plus que Salomon » (cf. Mt 12, 42). Ce n’est pas rien, car Salomon est la figure de sagesse par excellence dans l’Ancien Testament.

Soyons donc attentif à l’enseignement de « Rabbi Jésus » sur la sagesse.

Le texte d’évangile de ce dimanche est une parabole qui s’inscrit dans le cadre du long discours eschatologique des chapitres 24-25. Dans ce contexte de « fin des temps », l ‘époux désigne le Christ lors de son retour glorieux, la salle des noces est une image du Royaume des cieux, et les dix jeunes filles représentent la communauté de celles et ceux qui suivent Jésus, c’est à dire nous.

 

Dans cette parabole, cinq des jeunes filles sont « prévoyantes » et « sages » (φρόνιμοι), alors que cinq sont « insouciantes », ou plutôt « insensées » (μωραί). Jésus veut nous mettre en garde, et nous inviter à imiter les jeunes filles sages et prévoyantes. L’enjeu est donc de taille, car la « sagesse » est requise pour entrer dans la salle des noces, c’est à dire dans le Royaume des Cieux.

Que signifie « être sage » ? Quel est le sens de la métaphore des flacons d’huile que prennent avec elles, les jeunes filles sages de la parabole ?

Réfléchissons ensemble ! L’invocation des jeunes filles insensées: « Seigneur ! Seigneur ! Ouvre-nous ! » au v. 11, ne nous est-elle pas familière ? Et, n’y a t-il pas un autre passage dans l’évangile selon saint Matthieu où il est question de deux personnages, l’un « sage / prudent » (φρόνιμος) et l’autre « insensé » (μωρός) ?

En fait, le texte d’évangile que nous avons entendu aujourd’hui fait écho à la fin du chapitre 7 de l’évangile de Matthieu dans lequel l’invocation « Seigneur ! Seigneur ! » est présente, et dans lequel deux hommes, l’un prévoyant et l’autre insensé, s’apparentent aux jeunes filles prévoyantes et insensées de notre parabole. Ce chapitre 7 peut donc nous éclairer et nous permettre de comprendre ce que signifie « être sage » pour Jésus:

À la fin du chapitre 7 nous lisons:

« Ce nest pas en me disant : Seigneur, Seigneur !quon entrera dans le royaume des Cieux, mais cest en faisant la volonté de mon Père qui est aux cieux » (7, 21).

Nous avons déjà une réponse. S’il faut être « sage » pour entrer dans le Royaume, cette sagesse, c’est faire la volonté du Père Céleste.

Dès lors, se pose la question de savoir comment faire pour être sûr de faire la volonté du Père. Poursuivons notre lecture de la fin du chapitre 7:

« Celui qui entend les paroles que je dis là et les met en pratique est comparable à un homme prévoyant qui a construit sa maison sur le roc. La pluie est tombée, les torrents ont dévalé, les vents ont soufflé et se sont abattus sur cette maison ; la maison ne sest pas écroulée, car elle était fondée sur le roc. Et celui qui entend de moi ces paroles sans les mettre en pratique est comparable à un homme insensé qui a construit sa maison sur le sable. La pluie est tombée, les torrents ont dévalé, les vents ont soufflé, ils sont venus battre cette maison ; la maison sest écroulée, et son écroulement a été complet. » (7, 24-27)

Tout est dit. Pour faire la volonté du Père, il faut écouter les paroles de Jésus et les mettre en pratique. C’est cela la vraie sagesse. La seule qui est nécessaire pour entrer dans la salle des noces, pour entrer dans le Royaume des Cieux.

Suivant le conseil de Jésus, et à l’exemple de Salomon, tournons-nous vers Dieu le Père, « demandons et recevons ;  cherchons et trouvons » la grâce de cette sagesse véritable. Ainsi au retour glorieux du Christ, comme l’écrit saint Paul dans la deuxième lecture, « nous serons emportés sur les nuées du ciel, à la rencontre du Seigneur. Ainsi, nous serons pour toujours avec le Seigneur » (1 Th 4, 17).

Amen !




Audience Générale du Mercredi 8 Novembre 2023

PAPE FRANÇOIS

AUDIENCE GÉNÉRALE

Place Saint-Pierre
Mercredi 8 Novembre 2023


Catéchèse – La passion pour l’évangélisation : le zèle apostolique du croyant – 25. Madeleine Delbrêl. La joie de la foi parmi les non-croyants

Chers frères et sœurs, bonjour !

Au nombre des témoins de la passion pour l’annonce de l’Évangile, ces évangélisateurs passionnés, aujourd’hui je présente la figure d’une femme française du XXe siècle, la vénérable servante de Dieu Madeleine Delbrêl. Née en 1904 et décédée en 1964, elle a été assistante sociale, écrivaine et mystique, elle a vécu pendant plus de trente ans dans les banlieues pauvres et ouvrières de Paris. Eblouie par sa rencontre avec le Seigneur, elle écrit : « Quand nous avons connu la parole de Dieu, nous n’avons pas le droit de ne pas la recevoir ; quand nous l’avons reçue, nous n’avons pas le droit de ne pas la laisser s’incarner en nous ; quand elle s’est incarnée en nous, nous n’avons pas le droit de la garder pour nous : dès lors, nous appartenons à ceux qui l’attendent » (La santità della gente comune, Milan 2020, 71). Beau : beau ce qu’elle écrit…

Après une adolescence vécue dans l’agnosticisme, – elle ne croyait en rien – à vingt ans environ Madeleine rencontre le Seigneur, frappée par le témoignage d’amis croyants. Elle se met alors à la recherche de Dieu, laissant s’exprimer une soif profonde qu’elle ressentait en elle, et comprend que le « vide qui criait dans son angoisse » c’était Dieu qui la cherchait (Abbagliata da DioCorrispondenza 1910-1941, Milan 2007, 96). La joie de la foi l’a conduite à mûrir un choix de vie entièrement donnée à Dieu, au cœur de l’Église et au cœur du monde, partageant simplement en fraternité la vie des « gens de la rue ».  Poétiquement elle s’’adressait à Jésus, ainsi : « Pour être avec Toi sur Ton chemin, nous devons partir, même quand notre paresse nous supplie de rester. Tu nous as choisis pour être dans un équilibre étrange, un équilibre qui ne peut s’établir et se maintenir que dans le mouvement, que dans l’élan. Un peu comme une bicyclette, qui ne peut tenir debout sans rouler […] Nous ne pouvons tenir debout qu’en avançant, en se déplaçant, dans un élan de charité ». C’est ce qu’elle appelle la « spiritualité de la bicyclette » (Umorismo nell’AmoreMeditazioni e poesie, Milano 2011, 56). Ce n’est qu’en se mettant en route, en marchant que nous vivons dans l’équilibre de la foi, qui est un déséquilibre, mais c’est comme ça : comme la bicyclette. Si tu t’arrêtes, elle ne tient pas.

Madeleine avait le cœur constamment en éveil et se laisse interpeller par le cri des pauvres. Elle comprenait que le Dieu vivant de l’Évangile devait brûler en nous jusqu’à ce que nous ayons porté son nom à ceux qui ne l’ont pas encore trouvé. Dans cet esprit, tournée vers l’agitation du monde et le cri des pauvres, Madeleine se sent appelée à « vivre entièrement et à la lettre l’amour de Jésus, depuis l’huile du Bon Samaritain jusqu’au vinaigre du Calvaire, lui rendant ainsi amour pour amour […] afin qu’en l’aimant sans réserve et en se laissant aimer jusqu’au bout, les deux grands commandements de la charité s’incarnent en nous et n’en fassent plus qu’un » (La vocation de la charité, 1, Œuvres complètes XIII, Bruyères-le-Châtel, 138-139).

Enfin, Madeleine Delbrêl nous enseigne encore une chose : qu’en évangélisant, on est évangélisés : en évangélisant, nous sommes évangélisés. C’est pourquoi elle disait, en écho à saint Paul :  » malheur à moi si l’évangélisation ne m’évangélise pas « . En évangélisant, on s’évangélise soi-même. Et c’est une belle doctrine.

En contemplant cette femme témoin de l’Evangile, nous apprenons nous aussi que dans toute situation et circonstance personnelle ou sociale de notre vie, le Seigneur est présent et nous appelle à habiter notre temps, à partager la vie des autres, à nous mêler aux joies et aux tristesses du monde. En particulier, elle nous enseigne que même les milieux sécularisés peuvent aider pour la conversion, parce que le contact avec les non-croyants provoque le croyant à une révision continuelle de sa manière de croire et à redécouvrir la foi dans son essentialité (cf. Noi delle strade, Milan 1988, 268 ss).

Que Madeleine Delbrêl nous apprenne à vivre cette foi “in moto” –  » en mouvement « , disons, cette foi féconde qui fait de tout acte de foi un acte de charité dans l’annonce de l’Évangile. Je vous remercie.

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Je salue cordialement les personnes de langue française, en particulier les pèlerins venus de France ainsi que tous les membres de l’Union Nationale des Associations familiales catholiques. Face à notre monde sécularisé, ne nous lamentons pas mais voyons-y un appel à éprouver notre foi et une invitation à communiquer la Joie de l’Évangile. Que Dieu vous bénisse.