12ième Dimanche du Temps Ordinaire- Homélie du Frère Daniel BOURGEOIS, paroisse Saint-Jean-de-Malte (Aix-en-Provence)

De la confession de foi à la vie dans la foi

 

Pour vous qui suis-je« Pour vous, qui suis-Je ? » Pierre répondit : « Le Christ de Dieu »». Mais lui leur enjoignit et prescrivit de ne le dire à personne. « Le Fils de l’homme, dit-il, doit souffrir beaucoup, être rejeté par les anciens, les grands prêtres et les scribes, être tué et, le troisième jour, ressusciter ».

Je pense qu’il nous est difficile d’imaginer l’éclair de lumière qui a traversé le cœur de Pierre au moment même où il a prononcé ces paroles. Quand Pierre, au nom des apôtres, répond à la question du Christ : « Pour vous, qui suis-je ? » et qu’il Lui dit : « Tu es le Christ de Dieu », il dit ce qui constitue le cœur même de notre foi, il touche pour ainsi dire la réalité la plus profonde et la plus essentielle qu’un homme est capable de dire concernant Celui qui vient nous sauver, concernant le Christ. Cela dépasse infiniment toutes les opinions, toutes les appréhensions que pouvaient en avoir les gens, les foules qui côtoyaient le Christ et qui, sur la base de tel témoignage, de tel miracle ou de telle réflexion assez avisée ou acérée que Jésus renvoyait aux pharisiens, pouvaient juger de ce qu’Il était : un prophète ou un annonciateur éminent du Royaume.

En fait quand Pierre dit : « Tu es le Christ », il entre désormais dans une économie nouvelle et c’est pour cela que Pierre est Pierre, il est le roi et fondateur, il entre dans l’économie du regard même de la foi. Il sait discerner dans Celui-là même qu’il côtoie depuis quelques années, et peut être simplement depuis quelques mois, il sait discerner et confesser le cœur même de Celui qui vient parmi les hommes, pour les sauver.4ième dimanche de paques1

Pourtant, il est tout à fait remarquable que le Christ, à ce moment-là, coupe court en leur demandant de n’en parler à personne. Il y a beaucoup d’hypothèses sur ce silence que le Christ demande à ses disciples de respecter absolument concernant sa propre personne. La plus vraisemblable c’est que si, à ce moment-là, avait commencé à se répandre le bruit que le Christ était le Messie, sa mission risquait de dégénérer dans une aventure politique extrêmement hasardeuse du fait qu’Il vivait dans un contexte particulier : les foules qui le suivaient vivaient dans une ambiance politique et sociale plutôt effervescente, les juifs étaient excités contre le pouvoir romain, enthousiasmés par différents messianismes de restauration d’Israël qui pratiquement chaque fois se soldaient par des révoltes et des bains de sang. Bref Jésus-Christ ne voulait pas entrer dans ce jeu-là. Pourtant, est-ce simplement cela dont il s’agit ? Immédiatement après, Jésus leur dit qu’Il doit aller à Jérusalem, être maltraité, mourir et ressusciter.

Il me semble qu’il y a entre, d’une part, cette attitude du Christ vis-à-vis de la foi de Pierre si droitement, si pleinement et entièrement confessée, et d’autre part, le déploiement réel de sa mission de Sauveur par la mort et la Résurrection, une relation qui, pour comprendre notre foi, est absolument indispensable. Lorsque nous croyons, nous pouvons d’abord confesser, et c’est nécessaire, que le Christ est Fils de Dieu. Mais après ? Après, c’est vrai, nous pouvons en rester là. Nous pouvons nous dire simplement : « Je crois qu’il y a vingt siècles, un homme est mort et qu’Il est le salut du monde ». Mais à quoi cela nous servirait ? Ça serait sans doute, et c’est peut-être encore pour beaucoup d’hommes, une grande consolation et une grande espérance.

Pardon 1Mais fondamentalement, pourquoi est-Il mort ? Pourquoi est-Il venu ? Pourquoi est-Il ressuscité ? Est-ce simplement pour nous « faire voir » ce qu’Il fait en notre faveur, afin que nous l’apprenions et que nous le sachions ? Je ne le crois pas. Même si la foi confessant droitement le Christ comme Messie de Dieu est absolument indispensable, il faut sur ce fondement et sur ce roc, bâtir quelque chose, non pas par nous-mêmes, mais par la grâce du Christ en nous. Et c’est là que commence l’aventure personnelle de chaque croyant, à l’intérieur même et sur la base même de la confession de foi. C’est comme si le Christ disait à Pierre : « Tu as vu juste, mais tu ne peux pas te contenter d’une vue juste. Ce qui dans ton intelligence et ton cœur a été révélé par l’œuvre de la grâce de mon Père en toi, cela constitue le fondement : mais tu ne peux pas en rester là. Il faut désormais que Je t’entraîne dans une aventure où Moi-même, que tu reconnais comme ton Christ et ton Sauveur, Je vais progressivement te faire entrer dans la compréhension de ce que Je suis : Celui qui meurt pour toi et qui ressuscite pour toi ». L’aventure de la grâce est donc cette histoire dans laquelle le Christ s’emparant de celui qui confesse : « Tu es Seigneur », lui fait découvrir dans sa propre existence et dans sa propre chair ce que veut dire : « Jésus est le Seigneur mort et ressuscité pour moi ».

Nous passons du stade de la confession à l’histoire personnelle qui se déploie dans l’économie d’une vie humaine, par laquelle le Christ progressivement s’empare de tout nous-mêmes, dans notre être le plus profond, dans notre intelligence, dans notre désir et dans notre volonté, progressivement Il façonne cela même que nous sommes dans l’économie de sa Mort et de sa Résurrection. Voilà ce que nous voyons petit à petit se réaliser en répondant à ce travail du Christ, de l’Esprit Saint et de la grâce en notre cœur. Nous passons progressivement de ce que nous confessons en toute vérité à une transformation de notre existence même, par l’apprentissage d’une mort et d’une résurrection qui, au lieu de s’accomplir dans la solitude, est entrée dans la mort avec le Christ qui meurt pour nous, dans la résurrection qui, loin d’être simplement une aspiration à une survie et à un bonheur sans fin est une résurrection par laquelle le Christ nous ressaisit dans tout notre être et nous fait participer progressivement à sa vie éternelle.

Logo année de la Miséricorde - détail

Il y aura toujours un décalage entre les deux stades, il y a un décalage entre l’acte par lequel nous confessons la foi et l’œuvre de la grâce qui s’accomplit progressivement en nous. Nous ne pouvons pas dire en vérité et en plénitude que le Christ est Seigneur si nous n’entrons pas progressivement dans un mystère de mort et de résurrection. Si la foi était simplement un accord de notre intelligence à donner, accord nécessaire, ce serait totalement insuffisant. Cette foi-là ne pourrait constituer à elle seule une source de salut. Il faut que la manière même dont le Christ, par sa grâce, s’empare réellement de nous et nous fait réaliser comment, progressivement nous entrons dans une mort à nous-mêmes comme Lui-même est mort pour nous, nous fasse progressivement entrer dans une vie pour Lui, car Lui aussi vit pour nous.

Tel est le chemin de notre foi. Sur la base d’une confession véritable qui est portée par l’Église, qui est portée par tous nos frères, qui est sans cesse gardée par le magistère apostolique du Collège des évêques avec Pierre à sa tête, sur la base de cette foi, c’est une multitude d’aventures personnelles dans lesquelles chacun découvre ce que signifient sa propre mort et sa résurrection par et dans le Christ.

main de dieuCes réflexions rejoignent très concrètement la manière dont nous devons vivre. En effet, pourquoi vivons-nous un certain nombre d’années sur la terre ? Au fond, cela pourrait être beaucoup plus simple si à partir du moment où nous avons confessé droitement la foi de notre baptême, tout rénovés, nous soyons immédiatement sauvés par le Christ dans sa Résurrection. Vous me direz peut-être que vous n’en avez pas tellement envie, mais au fond ce ne serait peut-être pas si mal d’entrer directement dans la vision de la gloire de Dieu immédiatement après avoir confessé la vérité même de la foi.

Pourquoi donc y a-t-il un temps ? Pourquoi Dieu n’a-t-il pas renié ce caractère très progressif de notre existence, ce caractère très lent de l’épanouissement de notre intelligence et de notre cœur et de tout ce que nous sommes ? C’est pour la raison que nous avons dite. Il nous a apporté la vérité même du salut, mais Il veut, et c’est le sens de notre vie chrétienne, que cette vérité même du salut, s’incorpore progressivement à nous-mêmes. Au plan des relations humaines, nous savons bien que, lorsque nous découvrons la réalité même du cœur de quelqu’un, par exemple pour des parents le fait de s’émerveiller devant la naissance de leur enfant, ce premier regard et ce premier instant sont comme une illumination qui doit se déployer au jour le jour lorsque les parents, progressivement, façonneront le cœur de l’enfant pour que s’épanouisse en lui la plénitude de sa vie humaine, de sa pensée et de son désir. De la même façon, quand le Christ nous saisit par la grâce de la foi, il pose le fondement et ensuite Il nous dit : « Il faut que tu suives mon chemin à Jérusalem, il faut que tu entres dans le mystère même de ma Résurrection ». Cet itinéraire n’est pas à opposer aux grandes vérités de la foi, il est fondé en elles, mais la plupart du temps nous avons un peu tendance à nous « endormir » sur ces grandes vérités et à nous dire que puisque nous avons le minimum vital et essentiel, cela nous suffit. Et nous ne savons pas laisser faire en nous le travail de la grâce de Dieu qui, progressivement, fait que les grandes vérités fondatrices de notre foi et de notre existence, deviennent notre propre chair, notre propre cœur et notre propre intelligence tournés vers Dieu dans et par le Christ. Amen.jesus-christ-0305

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