31ième Dimanche du Temps Ordinaire – par Claude WON FAH HIN

Commentaire du samedi 30 et dimanche 31 Octobre 2021

 

Deutéronome 6.2–6 ; Hébreux 7.23–28 ; Marc 12.28–34

 

Un scribe est un spécialiste de la Loi (en hébreu : la Torah= enseignement), Loi qu’on retrouve dans les cinq livres du Pentateuque (Genèse, Exode, Lévitique, Nombres et Deutéronome) et dont les prescriptions morales sont résumées dans les Dix commandements ou Décalogue. Cette Loi se présente comme un enseignement de Dieu pour régler la vie du peuple de Dieu dans tous les domaines. Dans l’Ecriture, les rabbins avaient répertorié 613 préceptes: 365 interdictions, des actes à ne pas faire, et 248 commandements, des actes à faire. Ces multiples obligations, ces nombreuses pratiques à observer, font du juif fidèle un homme qui ne cesse, tout au long du jour, de penser à Dieu. Mais le risque est grand de tomber dans un formalisme tatillon, un respect scrupuleux dans la forme pour l’application des commandements, autrement dit, on applique bêtement les règles sans réfléchir, sans s’adapter aux situations. L’application de ces lois pouvaient alors devenir pour les Juifs un « joug » difficile sinon impossible à porter. Jésus, parlant à la foule et à ses disciples, dit en Mt 23,4 : « Ils (les scribes et les pharisiens) lient (attachent) de pesants fardeaux et les imposent aux épaules des gens, mais eux-mêmes se refusent à les remuer du doigt »; Et Pierre reprend dans Ac 15,10 : « Pourquoi donc maintenant tentez-vous Dieu en voulant imposer aux disciples un joug que ni nos pères ni nous-mêmes n’avons eu la force de porter? ». Deux dangers pouvaient se présenter dans la manière d’appliquer ces commandements. La première est de mettre tous ces préceptes, toutes ces règles sur le même pied d’égalité sans les ordonner correctement autour de ce qui devrait en être toujours le cœur et qu’on retrouve dans le premier texte d’aujourd’hui (Dt 6,4) : « Yahvé notre Dieu est le seul Yahvé. 5 Tu aimeras Yahvé ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de tout ton pouvoir ». Le deuxième danger est de croire que la justice de l’homme devant Dieu – c’est-à-dire le fait d’être ajusté sur Dieu – , est basée, non sur la grâce de Dieu, mais sur l’obéissance stricte aux commandements et la pratique des bonnes œuvres comme si l’homme, par ses seules bonnes œuvres, pouvaient obtenir le salut. Or nous dit Saint Jean les œuvres du monde sont mauvaises (Jn 3,19-20)  : « 19 tel est le jugement : « la lumière est venue dans le monde et les hommes ont mieux aimé les ténèbres que la lumière, car leurs œuvres étaient mauvaises. 20 Quiconque, en effet, commet le mal hait la lumière et ne vient pas à la lumière, de peur que ses œuvres ne soient démontrées coupables ».

Et voilà ce scribe, bien intentionné, qui pose une question à Jésus : « Quel est le premier de tous les commandements ? ». Question étonnante mais justifiée pour ce spécialiste de la Loi.  Et Jésus répond :  « Le premier c’est :Écoute, Israël, le Seigneur notre Dieu est l’unique Seigneur, 30 et tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme, de tout ton esprit et de toute ta force. 31 Voici le second :Tu aimeras ton prochain comme toi-même. Il n’y a pas de commandement plus grand que ceux-là ». Le Premier commandement vient du Dt 6,4-5 et le deuxième du Lv19,18. Ce sont des lois immuables, toujours valables aujourd’hui. Il faut d’abord reconnaître que « le Seigneur notre Dieu est l’unique Seigneur », et l’accepter pleinement comme l’a fait le scribe qui finit par dire  : « Il est unique et il n’y en a pas d’autre que Lui ». Qu’on ne vienne pas nous dire aujourd’hui, qu’on peut pratiquer deux religions en même temps. Ce n’est pas possible. Que les chrétiens comprennent bien cela et prennent une décision qui fasse la volonté de Dieu. Après avoir reconnu et admis que « Notre Dieu est l’unique Seigneur », vient maintenant l’amour pour Dieu : « tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme, de tout ton esprit et de toute ta force ». Non pas aimer du bout des lèvres, mais du fond du cœur. Vient enfin le commandement suivant : « Tu aimeras ton prochain comme toi-même ».

Et ce commandement d’aimer son prochain signifie qu’il faut se tourner vers l’autre, et dans l’autre se trouve aussi Dieu. On aime donc Dieu à travers l’autre. Mais des questions peuvent se poser chez le chrétien : pourquoi devrai-je aimer Dieu ?  Ce qu’il a appris au catéchisme peut se résumer à ceci : Dieu est Amour et il nous aime. Mais lorsqu’il dit « Dieu nous aime », en est-il vraiment convaincu ? Et même lorsqu’on lui dit que Dieu a donné la vie de son Fils Jésus pour nous, il ne comprend pas forcément parce que cela n’a pas d’impact en lui, cela ne le touche pas. Et il ne voit donc pas pourquoi il devrait aimer Dieu. Il faut peut-être alors entrer dans les détails pour montrer ce que Dieu a fait pour nous et dans quel but. Et pourquoi, en retour, nous devons aimer Dieu. – Prenons  trois exemples : 1) Lorsque des parents attendent la naissance d’un enfant, avant même sa venue, ils ont tout préparé : chambre, berceau, vêtements, tout le nécessaire pour le nourrir et surtout ils l’aiment avant même sa venue. En cela, nous refaisons ce que Dieu a fait bien avant nous : avant la venue de l’homme – après avoir envoyé son esprit qui planait sur les eaux – il a tout préparé en six jours – la terre, le ciel, la lumière, l’eau, les plantes, le jour et la nuit, les animaux, et lorsque tout était prêt, Dieu crée l’homme. Dieu a tout pensé pour que nous soyons bien accueillis sur terre. Ce sont des actes d’amour. Nous aimons nos enfants ? Dieu aussi nous aime comme ses enfants. – 2) Si nous parlons de l’Incarnation, là aussi c’est Dieu Amour qui nous envoie son Fils pour nous sauver. Les prophètes de l’Ancien Testament envoyés par Dieu pour rappeler ses commandements et veiller à la fidélité du peuple envers Dieu, ont pour la plupart été tués. Dieu décide alors d’envoyer son Fils. Passer de l’état de Dieu à l’état de vrai homme, tout en bénissant tous les âges de la vie depuis la naissance à la mort, c’est une preuve d’amour. Dieu se met à la hauteur des hommes, Il s’est rabaissé au niveau des hommes pécheurs, faibles, infidèles. Il n’était pas obligé de le faire, sinon seulement parce qu’Il nous aime, et qu’Il veut aussi nous sauver. Avez-vous déjà vu de grands hommes d’Etat devenir un homme simple et vrai et venir vivre au milieu de son peuple pour mieux en prendre soin? Dieu n’a pas eu peur de devenir simple pour aider les plus simples, pauvre pour aider les pauvres, secourir les malades, les éduquer pour avoir la vie éternelle tout en nous donnant les moyens pour ce but. – 3) Si nous parlons de la Passion du Christ, en quoi est-ce de l’amour de Dieu pour nous ?  En quoi donner sa vie pour nous est une preuve d’amour ? Seriez-vous prêt à, non pas donner votre vie, mais simplement à donner un rein, de la moelle osseuse, ou certains de vos organes à quelqu’un qui vous hait, qui vous a toujours rabaissé, maltraité, sali, déshonoré ou je ne sais quoi encore ? Le Christ, Lui, l’a fait pour nous tous, pas seulement pour les bons fidèles, mais aussi pour ceux qui l’ont trahi, ceux qui lui ont porté de faux témoignages, ceux qui l’ont condamné alors qu’il était innocent, ceux qui l’ont flagellé, ceux qui l’ont fait porter le poids de la croix, ceux qui lui ont donné le fiel à boire, ceux qui lui ont craché dessus, ceux qui l’ont giflé, ceux qui lui ont mis la couronne d’épines, ceux qui lui ont planté les clous, puis l’ont crucifié , et transpercé d’un coup de lance alors qu’Il est sur la Croix. 1P2,21.23 : « Le Christ a souffert pour vous, vous laissant un modèle afin que vous suiviez ses traces…lui qui, insulté, ne rendait pas l’insulte, souffrant (mais) ne menaçait pas, mais s’en remettait à Celui qui juge avec Justice. Sur la Croix, Jésus dit à Sœur Faustine (§323) qu’il priait son Père pour nous: « Quand J’agonisais sur la Croix, Je ne pensais pas à Moi, mais aux pauvres pécheurs et Je priais Mon Père pour eux ». Lui, innocent, il a accepté tout cela sans dire un seul mot pour se défendre. Tout cela pour sauver, non seulement son peuple, mais encore toute l’humanité, alors même qu’une grande partie de l’humanité refuse de Le suivre. C’est nous, les pécheurs, qui méritons la mort, pas Lui. Se sacrifiant à notre place, le Christ reçoit de son Père le pardon, la miséricorde, non pas pour Lui – car Il est vrai Dieu, vrai homme et n’a pas de péché – mais pour toute l’humanité. Comment peut-on ne pas aimer le Christ qui nous aime tant et qui a donné sa vie pour nous et qui, malgré nos infidélités, malgré nos manques d’amour, malgré nos péchés, continue de nous aimer? C’est pour cela que la réponse de Jésus au scribe est « tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme, de tout ton esprit et de toute ta force et ton prochain comme toi-même », parce que Jésus sait parfaitement bien que nous ne l’aimons pas de tout notre cœur, que nous ne l’aimons pas de toute notre âme, de tout notre esprit, de toute notre force et que nous nous n’aimons pas assez notre prochain. Il nous le dit en Jn 5,42 : « Je vous connais : vous n’avez pas en vous l’amour de Dieu ». C’est donc une invitation à nous impliquer davantage, de tout notre cœur, dans nos relations avec Dieu et les autres, et ne pas vivre superficiellement. – Et Lorsque Jésus nous dit « aimez vos ennemis », cela nous parait impossible parce qu’un ennemi est un ennemi, quelqu’un qu’on n’aime pas. D’abord, Jésus a aimé tout le monde sans exception, et il a eu et a encore beaucoup d’ennemis. Nous, les êtres humains quand on parle d’amour, on pense aux sentiments. Les exemples donnés sur la Création et la Passion de Jésus montrent que Dieu le Père et le Fils nous aiment par des actes d’amour, des actes et non pas avec des paroles dites du bout des lèvres. Sœur Faustine (§391) : « L’amour ne réside ni dans les mots, ni dans les sentiments, mais dans les actes. C’est un acte de volonté, c’est un don, c’est-à-dire une donation ». Ainsi « aimez vos ennemis » se fera par des actes : un petit « bonjour » même discret, ne pas montrer d’animosité, de sentiment d’hostilité, d’agressivité envers l’autre, participer à des actions communes qui édifient, qui élèvent, qui font grandir etc… Même si les mots d’amour ne sortent pas, les actes d’amour doivent parler haut et fort pour faire la volonté de Dieu. Tout cela nous amènera à lutter contre notre propre orgueil, en laissant beaucoup de place à l’humilité, sachant que devant Dieu, nous sommes tous à égalité, car tous pécheurs. Rien qu’en appliquant les deux commandements, Dieu nous donne, ici sur terre la paix, la fraternité, la solidarité, l’entraide, et après la mort : le Royaume de Dieu, la vie éternelle. Il appartient alors au peuple de Dieu de s’émerveiller devant son amour et de Lui rendre grâce car « le propre du Dieu, qui est amour, est de nous combler de bienfaits. En échange de ses bienfaits, l’homme ne peut rien donner d’autre à Dieu que cet humble « merci» puisque tout appartient déjà au Créateur. Ce « merci » doit être exprimé par toute la vie du croyant (son attitude, sa manière d’être, ses relations envers les autres, sa vie spirituelle)… La conséquence pratique … consistera à marcher humblement selon les voies du Seigneur dans une obéissance d’amour à ses commandements …C’est un hymne à la vie, un hymne à la joie » (Nicolas Buttet – L’Eucharistie à l’école des saints – P.43-44.46). Ce sera notre manière à nous de dire merci au Seigneur. Prions Marie pour qu’elle nous aide à aimer davantage Dieu et notre prochain.

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