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17ième Dimanche du Temps Ordinaire – par Claude WON FAH HIN (Jn 6,1-15)

Jésus se rend de l’autre côté de la mer de Galilée. Une foule le suit à la vue des signes qu’il opérait. Les signes, ce sont les miracles. Les gens le suivent à cause de ses miracles. Parmi eux, il y a ceux qui n’ont pas la foi, les sceptiques, qui le suivent pour voir si les miracles sont réels, ou encore les curieux qui recherchent le merveilleux, le surnaturel. D’autres ont une foi qui demandent à être consolidée et ils ont besoin de voir pour croire. Les miracles peuvent aider ceux qui n’ont pas la foi ou ceux qui ont une foi primaire à avancer davantage dans la foi. Parce qu’ils voient, ils croient. A ceux qui ont besoin de voir le Christ opérer des miracles, ou encore à ceux qui ont besoin d’entendre le Christ leur parler, ou encore d’être touché intérieurement, on dit qu’ils ont une foi « sensible », une foi qui s’appuie sur les sens : l’ouïe, la vue, l’odorat, le goût, le toucher, mais aussi sentir sa présence intérieurement, être touché au cœur par l’amour du Christ, avoir une grande paix etc… Il faut toujours que le Christ se manifeste à eux de manière sensible pour que leur foi ne s’éteigne pas. Et à partir du moment où le Christ ne leur donne plus aucun signe pendant un long moment, alors leur foi se met à décliner. Il ne faut pas qu’il en soit ainsi.

Concernant le sacrement de l’Eucharistie, le Seigneur ne se manifeste pas à nous par les sens: nous ne voyons pas le Christ en personne, nous ne percevons pas non plus sa présence intérieurement, mais parce qu’il nous l’a enseigné, nous savons qu’il est là, présent sous forme de pain et de vin. Et c’est Lui qui nous dit : « ceci est mon Corps, ceci est mon sang ». « C’est donc sur la Parole du Christ que notre foi repose pour croire à une autre réalité que ce que nos yeux voient. Saint Pierre-Julien Aymard résume admirablement cette démarche : « la foi, c’est l’acte pur de l’esprit, dégagé des sens. Or, ici les sens ne servent à rien, ils n’ont pas d’action. C’est le seul mystère du Christ (et on parle ici de l’Eucharistie) où les sens doivent absolument se taire; dans tous les autres, dans l’Incarnation, les sens voient un Dieu enfant, dans la Rédemption, on imagine un Dieu mourant. Ici (à l’Eucharistie), rien qu’un nuage impénétrable pour les sens. La foi doit agir seule: c’est le royaume de la foi. Ce nuage nous demande un sacrifice bien méritoire, le sacrifice de notre raison et de notre esprit ; il faut croire même contre le témoignage des sens (à l’Eucharistie, nous ne voyons qu’une hostie, mais notre foi nous donne l’assurance que c’est le Seigneur !), il faut croire également contre les lois ordinaires des êtres (un être humain a une tête, un corps et des membres, et ici, la présence de Dieu se fait autrement que sous forme humaine, sous forme d’hostie, et nous croyons que c’est le Seigneur !), il faut croire même contre sa propre expérience (et mon expérience me dit que je voie une hostie, mais ma foi me dit incontestablement que c’est bien le Christ puisqu’il l’a dit lui-même : Ceci est mon corps, et donc je me base sur la parole même du Christ qui est la Vérité); il faut croire sur la seule parole de Jésus-Christ…Devant le mystère de l’Eucharistie, le Christ nous appelle à capituler à toutes nos raisons pour rentrer dans sa Raison paradoxale. Paradoxale parce qu’informée par l’Amour (parce que notre raisonnement est basé non pas à partir de la réalité sensible, mais sur l’Amour). Dieu nous appelle à nous rendre. A nous rendre à l’Amour plus fort que la mort. L’Eucharistie et la Croix sont des pierres d’achoppement» (Nicolas Buttet – L’Eucharistie à l’école des saints – P.31). Le chrétien, celui qui a une foi profonde n’a pas besoin de miracles pour croire aux signes du Christ, il se base sur la simple Parole de Dieu. Dieu dit et je crois. Dieu fait et je crois. Saint Louis-Marie Grignion de Monfort nous dit (L’amour de la Sagesse Eternelle – §187): « La pure foi est le principe et l’effet de la Sagesse en notre âme (et traduit en clair, cela signifie : la foi pure nous vient de la présence du Christ en notre âme et cette présence divine en notre âme nous permet d’avoir une foi pure) : plus on a de foi, et plus on a de sagesse (= présence du Christ) ; plus on a de sagesse (= présence du Christ), plus on a de foi. Le juste, ou le sage (en qui vit le Christ), ne vit que de la foi sans voir, sans sentir, sans goûter et sans chanceler. … Le sage ne demande point à voir de choses extraordinaires comme les saints ont vu, ni à goûter des douceurs sensibles dans ses prières et ses dévotions. Il demande, avec foi, la divine Sagesse, c’est-à-dire la présence du Christ en nous”.

Devant cette foule qui est venue à la suite de Jésus, ce dernier semble s’inquiéter et dit à Philippe : « Où achèterons-nous des pains pour qu’ils aient de quoi manger ?  En parlant ainsi, il le mettait à l’épreuve ; il savait quant à lui, ce qu’il allait faire ». Ainsi, Dieu, parfois, nous met tous à l’épreuve : nous prions beaucoup, et Dieu semble ne pas exaucer nos prières ; nous venons à la messe et nous devrions recueillir, à cause du sacrifice du Christ, les bénédictions et les grâces données par le Père, mais de notre côté, rien ne semble changer et on finit par se dire : à quoi servent nos prières ? à quoi cela sert-il de venir à la messe ? En la matière, l’ignorance est notre pire ennemie, et c’est pour cela que Saint Pierre-Julien Aymard nous dit : « il faut croire même contre le témoignage des sens, contre les lois ordinaires des êtres, contre sa propre expérience ». Robert Spaemann, un laïc allemand (Athéisme et foi – XXIV-1 – 1991) nous dit avec juste raison : « Croire signifie : laisser tomber toutes les conditions… La foi est un acte raisonnable dont chacun est responsable. Cela signifie que la foi est un acte raisonnable d’obéissance (à la Parole de Dieu), une capitulation inconditionnelle des opi­nions propres et des désirs propres devant Dieu qui se manifeste, une capitula­tion dont chacun porte la responsabilité. Un croyant qui pose des conditions pour croire ne mérite pas ce nom. […]». Il s’agit de croire que nos prières comptent énormément pour Dieu qui n’arrête pas de nous dire qu’il faut « prier sans cesse sans se décourager » (Lc 18,1) , et que la messe est la plus grande et la plus importante prière adressée à Dieu, c’est pour cela que le Christ nous a dit : « faites ceci en mémoire de moi » ( 1Co 11,24 ; Lc 22,19). De même, il faut croire que l’amour, le pardon, l’humilité etc…tout ce que le Christ nous a enseigné, tout cela aussi a son importance pour que nous les mettions en pratique et cela sans se poser de questions. La foi est obéissance à la parole de Dieu. – On finit par trouver un enfant qui a cinq pains et deux poissons. Pas besoin de faire des études pour comprendre ce n’est pas grand-chose par rapport à la foule immense qui a faim. A ce moment-là, c’est la foi en Jésus-Christ qui est mise à l’épreuve. Notre raison nous dit qu’il est difficile de croire qu’on pourra nourrir plus de cinq mille personnes avec cinq pains et deux poissons. Mais notre foi nous dit aussi qu’en toutes circonstances, nous devons garder fermement notre confiance en Dieu. Jésus trouvera forcément une solution à nos problèmes. Avec la foi, les problèmes vont s’estomper petit à petit, sans bruit, comme on dit en créole, « en douce et sans secousse ». Dieu nous donnera suffisamment de patience pour que les choses s’arrangent au fur et à mesure, mais gardons notre confiance en Dieu. Pour nos prières de demande, on s’apercevra à un moment donné, que ce que nous avons demandé à Dieu, il y a un an ou deux ou même plus, a déjà été exaucé depuis plusieurs mois déjà, sans que nous en ayons pris conscience et on commencera alors à croire en la puissance de la prière. Celui qui priait à peine, à force de demander à Dieu la grâce et l’amour de la prière, voit petit à petit qu’il s’est mis à prier sans peine tous les jours et durant toute la journée, bien longtemps après que Dieu l’ait exaucé. Nous sommes parfois stupéfaits de ce que la foi peut faire. – « Jésus prit les pains et, ayant rendu grâces, il les distribua aux convives, de même aussi pour les poissons, autant qu’ils en voulaient ». Les moyens humains sont souvent faibles, et il nous est impossible de partager cinq pains et deux poissons entre cinq mille personnes, mais le Christ lui-même nous affirme en Mt 19,26 : « Pour les hommes c’est impossible, mais pour Dieu tout est possible » et en Mc 9,23 : « tout est possible à celui qui croit ». Si Jésus le dit, il n’y a aucune raison de ne pas le croire sur parole. Et voilà que les gens pouvaient manger « autant qu’ils en voulaient ». Dieu ne peut pas voir son peuple mourir de faim, Il a pitié de nous et veille sur nous en permanence. Mais la nourriture du Seigneur n’est pas seulement constituée de pain et de poissons, Il nous offre aussi sa Parole en nourriture. Mt 4,4 : « Ce n’est pas de pain seul que vivra l’homme, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu » et la Parole est Dieu ( Jn 1,1). « La Parole est devenu un homme » (Jn 1,14 – bible en français courant), et cet homme, le même à la Cène comme à l’Eucharistie, qui est à la fois prêtre et victime, nous dit du pain appelé encore « hostie » : « Ceci est mon Corps ». Notre nourriture, c’est à la fois la Parole et le Pain vivant que nous retrouvons à la messe, et ces deux mots désignent le Christ. La multiplication du pain nous mène à l’Eucharistie. A la messe, Jésus-Christ multiplie son Corps en quantité suffisante pour que chacun puisse recevoir Dieu. Et nous pouvons en recevoir autant que nous voulons, c’est-à-dire tous les jours de la vie si nécessaire, jusqu’au moment où nous irons le rejoindre dans son Royaume. Ce Pain nous est nécessaire, et le Catéchisme de l’Eglise Catholique nous dit (CEC 1416) : « La sainte Communion au Corps et au Sang du Christ accroît l’union du communiant avec le Seigneur, lui remet les péchés véniels et le préserve des péchés graves ». Le Cardinal Walter Kasper ( « La Miséricorde » – P.161), Président du Conseil Pontifical pour la promotion de l’unité des chrétiens, affirme également ceci: « A chaque Eucharistie, la puissance de la Miséricorde divine – venant du sang du Seigneur, versé sur la Croix (Mt 26,23) – est agissante et pardonne les péchés. Ainsi la participation à l’Eucharistie nous obtient le pardon des fautes quotidiennes ». CEC 1393 : « l’Eucharistie ne peut pas nous unir au Christ sans nous purifier en même temps des péchés commis et nous préserver des péchés futurs ».  Faisons tout notre possible pour communier au Corps du Christ après avoir réuni toutes les conditions demandées par l’Eglise : se convertir, aller se confesser, et recevoir le Christ le plus souvent possible. – Et rappelons-nous que les personnes qui ont été en totale communion avec le Christ sont les Saints. Il nous faut lire la Vie des saints. [Inspiré de l’introduction à Saint Jean de la Croix (Tome I – P.7 et 8)]: « Beaucoup d’âmes sont si faibles qu’il est impossible de leur parler de perfection de l’amour, parce qu’ils sont incapables de sortir d’une vie de péché ou d’accepter la moindre souffrance, si minime soit-elle. Pour sauver ces âmes, il n’y a que l’amour, et cet Amour a pour nom « Jésus Christ » qui a fait sa demeure chez tous les saints. Des âmes enfoncées dans des habitudes de péché ne pourront se relever périodiquement et reprendre la lutte que lorsqu’elles sont stimulées par l’air vif des cimes que le saint découvre à notre regard. Pour certains êtres humains tombés très bas, seules les splendeurs de l’intimité divine que l’on retrouve chez les saints pourront efficacement faire contrepoids aux attraits violents de l’abîme d’en bas ». Il nous faut plonger dans la vie des saints, témoins de l’union intime de l’être humain avec Dieu, qui, tous, nous parlent du Christ ou de Marie de la manière la plus belle qui soit pour être capable d’élever notre âme vers Dieu et nous donner cette envie, si nécessaire, de mieux le connaitre.  Que Marie nous aide à avoir une plus grande foi, et un plus grand amour envers Dieu et les êtres humains.

                                                                                                  Claude Won Fah Hin