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17ième Dimanche du Temps Ordinaire- Homélie du Frère Daniel BOURGEOIS, paroisse Saint-Jean-de-Malte (Aix-en-Provence)

Que ton nom soit sanctifié

 

 

que ton nom soit sanctifiéNous venons d’entendre dans la version de saint Luc les mots qui, depuis vingt siècles, n’ont jamais cessé de porter la prière de l’Église. En effet, tout ce qui anime la prière de l’Église, incessamment et en tout lieu n’est jamais qu’un développement, un commentaire qui puise ses racines dans la prière de Jésus : « Père ! Que ton Nom soit sanctifié ! » Je voudrais que nous réfléchissions un instant sur le caractère paradoxal de cette première démarche.

« Père ! Que ton Nom soit sanctifié ! » La première demande du Pater a l’allure d’une demande mais elle n’est pas exactement une demande, car que signifierait de dire à quelqu’un : « Que ton Nom soit sanctifié ! » Quand on sait que, dans la tradition biblique, le nom signifie l’être même de la personne et que personne n’est plus saint que Dieu Lui-même. Par conséquent : « Que ton Nom soit sanctifié ! » Comment peut-on vouloir que Dieu dans sa personne, dans son être devienne plus saint, soit rendu plus saint ?

En réalité, il ne s’agit pas exactement là d’une demande mais plutôt d’une sorte de reconnaissance fondamentale. « Tu es le Dieu qui est quelqu’un et qui manifeste qu’Il est quelqu’un à travers deux choses : la paternité et la sainteté ». Et le croyant ne demande pas quelque chose en plus de cela, il demande simplement que cette réalité-là soit reconnue pour ce qu’elle est, la totalité du mystère de Dieu. Dieu est le Nom. Il est quelqu’un. Il est une personne. Et si nous le savons c’est précisément parce que Jésus Lui-même nous a communiqué la capacité d’entrer dans ce mystère de relation personnelle. La révélation trouve son achèvement, son plus haut point dans ce moment où Jésus initie ses disciples à ce type nouveau de relation personnelle avec le Père. Non pas qu’auparavant il n’y ait pas eu de relation personnelle avec le Père, mais là, nous en recevons l’assurance, la certitude dans la présence même de Jésus. Désormais toute relation avec le mystère de la personne du Père s’enracine dans le fait que Jésus nous l’a révélé, nous l’a dite et nous y initie, nous y conduit et nous y introduit.89341035_o

C’est précisément la raison pour laquelle cela se manifeste par la paternité. Lorsque nous prions, nous sommes engendrés à Dieu. Finalement la prière est l’acte de genèse de nous-mêmes en face de Dieu. La prière n’est pas simplement une activité de la pensée. La prière n’est pas simplement une certaine manière d’envisager Dieu, de lui parler ou de nous adresser à Lui. La prière, c’est notre propre genèse à Dieu. Par la prière, nous sommes engendrés comme fils, nous laissons se déployer en nous notre être de fils. Et par ce biais de la paternité qui nous engendre au mystère de Dieu comme notre Père, nous découvrons la sanctification, nous découvrons la sainteté, c’est-à-dire l’inaccessibilité de Dieu. Mais c’est précisément là où toutes les religions païennes qui à certains moments mettaient l’accent sur la transcendance d’un dieu inaccessible trouvent une sorte de revirement total. C’est à l’intérieur de la reconnaissance de Dieu comme Père, de Dieu avec qui nous avons une relation que nous disons qu’Il est saint, qu’Il nous dépasse infiniment.

Le chrétien vit cette relation avec son Père, il est engendré à la relation par laquelle il est fils du Père, et au cœur même de cette relation il s’aperçoit que cette relation n’est pas une sorte de simple symétrie ou de réciprocité de tu à toi, mais que, en réalité, au cœur même de cette intimité, l’homme est mis devant le secret de la personne de Dieu, le secret de son nom. C’est la raison pour laquelle nous n’avons jamais fini d’être engendrés à Dieu. Bien sûr c’est une aventure qui, déjà sur terre, est pleine de rebondissements, de progrès et parfois aussi de chutes, parce que nous sommes des êtres de chair et de temps. Mais en même temps, parce que nous cherchons le secret même du cœur de Dieu, c’est une aventure qui n’a jamais fini et qui ne cessera jamais, même dans le mystère de la contemplation du Nom divin. Parce que, là encore, l’éternité n’est pas ce long moment interminable, mais elle est simplement ce temps où continue, sur un autre mode encore plus réel, encore plus fort, la sanctification du nom, c’est-à-dire cette fascination du secret même du cœur de Dieu qui nous a été ouvert en Jésus-Christ. Amen.notre père2