20ième Dimanche du Temps Ordinaire – par Claude WON FAH HIN

Commentaire du dimanche 16 Août 2020 –  20e dimanche ordinaire (A).

Isaïe 56 1, 6–7 ; Romains 11 13–15, 29–32 ; Matthieu 15 21–28

Suite à un débat avec les Pharisiens sur « le pur et l’impur », Jésus se retire dans la région de Tyr et Sidon, pays de païens, considérés comme des impurs par les pharisiens et les scribes. Et voilà qu’une femme s’approche de Jésus. Alors que Marc nous parle d’une syro-phénicienne, donc une étrangère, Matthieu nous parle d’une « cananéenne », et c’est intentionnel de la part de Matthieu.  Claude Tassin nous dit que « si le Judaïsme accueillait des païens convertis que l’on appelait « prosélytes », certains peuples ne pouvaient pas être admis comme prosélytes (païens convertis au judaïsme) parce que des sentiments d’antipathie, d’hostilité et de haine des ancêtres (de l’Ancien Testament) rendaient leur intégration impossible et les Cananéens faisaient partie de ces peuples à jamais exclus ». A propos de ces nations païennes, et donc des Cananéens, voici ce que nous dit Deutéronome 7,2-4 : « 2 Tu ne concluras pas d’alliance avec elles, tu ne leur feras pas grâce. 3 Tu ne contracteras pas de mariage avec elles, tu ne donneras pas ta fille à leur fils, ni ne prendras leur fille pour ton fils. 4 Car ton fils serait détourné de me suivre; il servirait d’autres dieux; et la colère de Yahvé s’enflammerait contre vous et il t’exterminerait promptement ». Et Dt 20,17-18 ajoute : « 17 … tu les dévoueras à l’anathème (c’est-à-dire « tu vas les livrer à la condamnation, à la réprobation, à la malédiction »)…ces Cananéens…ainsi que te l’a commandé Yahvé ton Dieu, 18 afin qu’ils ne vous apprennent pas à pratiquer toutes ces abominations qu’ils pratiquent envers leurs dieux (= des idoles) : vous pécheriez contre Yahvé votre Dieu! ». Ainsi les Cananéens sont tenus éloignés du peuple de Dieu parce qu’ils adorent des idoles. Sur le plan religieux, Canaan est l’ennemi d’Israël. Aujourd’hui, dans le nouvel Israël qu’est l’Eglise, il est donc impossible d’adorer à la fois le Dieu que Jésus-Christ nous enseigne et des idoles, c’est-à-dire d’autres dieux que la sainte Trinité – Père, Fils et Saint Esprit-, interdit de pratiquer en même temps deux religions, interdit d’aller à la fois à l’Eglise et au Temple. Si certains pensent tromper les responsables des paroisses, ils ne pourront jamais tromper notre Dieu qui connaît tous leurs secrets. – La Cananéenne, bien que païenne, a déjà entendu parler de Jésus car la réputation de ce dernier a franchi les frontières.

Elle crie à Jésus : « ayez pitié de moi, Fils de David ». Cette expression est une prière, c’est notre « Kyrie eleison » et reconnaître en Jésus-Christ le Fils de David, c’est reconnaître Jésus-Christ comme étant le Messie, l’envoyé de Dieu pour le salut du monde. Jésus vient de rencontrer une païenne qui a une véritable foi alors que lui-même venait d’avoir une controverse avec des Pharisiens et les scribes, des chefs religieux, qui mettaient en doute l’attitude de Jésus sur le pur et l’impur. Et nous nous trouvons devant un paradoxe étonnant : d’un côté, une païenne qui a la foi en Jésus-Christ et de l’autre, des responsables religieux, des guides religieux, qui manquent de foi en Jésus. Jésus ne répond rien à la Cananéenne lorsque celle-ci lui dit « ma fille est malmenée par un démon ». Le démon est l’ennemi de Dieu et Jésus n’intervient pas. C’est le problème que se posent les chrétiens : pourquoi Jésus ne répond à nos prières de demande ? Pourquoi n’exauce-t-il pas nos prières ? Pourquoi ne réagit-il pas devant tous ces malheurs qui existent dans le monde ? Pour aller au plus simple, il suffit de lire le livre de Job. Job est un fidèle de Dieu. Et Satan vient voir Dieu pour lui dire que Job lui est fidèle parce qu’en ce moment tout va bien pour lui : il a une belle famille, il est riche, il a une ferme et des animaux, il a une bonne santé, il a tout pour être heureux. Mais si Job voyait mourir ses enfants, sa femme, s’il voyait tous ses biens partir en fumée et qu’il s’appauvrisse, et surtout si sa propre santé allait au plus mal, est-ce que Job aurait encore la foi en Dieu ? Et Dieu permet à Satan d’agir dans la vie de Job, à la seule condition de ne pas le faire mourir. Et Job résiste à tout : il perd sa famille, tous ses biens, il est gravement malade, il a tout perdu. Mais il garde sa foi en Dieu. Et là, Dieu lui redonne tout. Comme quoi, Dieu tient compte de notre foi. Si notre foi tient bon, envers et contre tout, alors Dieu exaucera nos prières. Toutes nos prières sont entendues par le Christ et il ne les oublie jamais. Le problème vient souvent de ce que nous mettons un délai à Jésus pour exaucer nos prières et si nous voyons que dans un mois, trois mois, un an ou deux, nos prières ne sont toujours pas exaucées, alors nous nous décourageons et parfois nous abandonnons nos prières. Dieu met souvent notre foi à l’épreuve et il faut continuer à croire en Jésus Christ. Il nous entend, et s’il n’exauce pas telle ou telle de nos prières, c’est souvent parce qu’il nous propose quelque chose meilleur que ce que nous avons demandé. Et dans ce cas, pas de regret que le Christ n’ait pas exaucé telle ou telle de nos prières tel que nous l’aurions souhaité. Il le fera en temps voulu par lui et de la meilleure manière qui soit.

Voici que dit Saint-Louis Marie Grignion de Monfort dans « L’Amour de la Sagesse Eternelle » [§188] : « Il ne faut pas faire comme la plupart des personnes qui demandent à Dieu quelque grâce. Quand ils ont prié pendant quelque temps considérable, comme des années entières, et ne voient pas que Dieu exauce leurs prières, ils se découragent et ils cessent de prier, croyant que Dieu ne veut pas les exaucer; et par là ils perdent le fruit de leurs prières et ils font injure à Dieu, qui n’aime qu’à donner, et qui exauce toujours les prières bien faites, soit d’une manière, soit de l’autre. Quiconque donc veut obtenir la Sagesse (Dieu) doit la demander jour et nuit, sans se lasser et sans se rebuter. Bienheureux mille fois sera-t-il, s’il l’obtient après dix, vingt, trente années de prières, et même une heure avant [de] mourir. Et, s’il la reçoit après avoir passé toute sa vie à la rechercher et à la demander et à la mériter par toutes sortes de travaux et de croix, qu’il soit bien persuadé qu’on ne la lui donne pas par justice, comme une récompense, mais par pure miséricorde, comme une aumône.

Devant le silence de Jésus face aux cris de la Cananéenne, les disciples, agacés par ces cris, interviennent auprès de Jésus pour lui dire en quelque sorte de satisfaire à la demande de la Cananéenne, et donc de guérir sa fille afin qu’elle arrête de crier. Ce à quoi, Jésus répond : « je n’ai été envoyé qu’aux brebis de la maison d’Israël ». C’est une manière de dire qu’il ne guérira pas la fille de la Cananéenne qui ne fait pas partie du peuple de Dieu et Jésus n’est là que pour sauver le peuple choisi de Dieu.

Envoyé par son Père, Jésus ne veut faire que la volonté de son Père. Ce sont ses disciples qui seront ensuite envoyés dans le monde entier (Mt 28,19). Mais la Cananéenne revient à la charge et se prosterne devant Jésus. Le geste de prosternation est un geste d’adoration et cela signifie qu’elle reconnaît Jésus comme Dieu avec toutes les conséquences qui en découlent : n’adorer qu’un seul et unique Dieu, abandon des idoles, se mettre à la suite du Christ, aimer son prochain etc…Il s’agit d’une véritable conversion de la Cananéenne. Le Pape François (dans son livre « Amour, Service et Humilité » – P.78) nous dit : « Si nous avons déjà choisi un état de vie, réformons-le pour le meilleur. La question est en quel état de vie, ou par quelle réforme de mon état de vie, mon cœur reviendra-t-il davantage « ami de Jésus », sera-t-il plus semblable à Lui, plus pauvre, plus humble et plus serviable? Dans quel état de vie, ou par quelle réforme dans mon état de vie, l’amour de Jésus prendra-t-il définitivement racine en moi? » Et dans son autre livre (« Les tâches de la famille chrétienne » – P.17), il ajoute : « Il faut une conversion continuelle, permanente, qui, tout en exigeant de se détacher intérieurement de tout mal et d’adhérer au bien dans sa plénitude, se traduit concrètement en une démarche conduisant toujours plus loin…en une dynamique qui va peu à peu de l’avant, grâce à l’intégration progressive des dons de Dieu et des exigences de son amour … dans toute la vie personnelle et sociale de l’homme. C’est pourquoi un cheminement pédagogique de croissance est nécessaire » – il faut donc se former sur le mystère du Christ et de l’Eglise pour être capable d’intégrer les dons de Dieu et connaître les exigences de son amour dans notre vie personnelle et sociale, et les formations SEDIFOP sont bon moyen de se former – « pour que les fidèles, les familles …à partir de ce qu’ils ont déjà reçu du mystère du Christ, soient patiemment conduits plus loin, jusqu’à une conscience plus riche et à une intégration plus pleine de ce mystère dans leur vie ».

N’hésitez pas à vous faire inscrire au SEDIFOP si vous désirez mieux comprendre votre religion et pouvoir avancer. C’est Saint Augustin qui dit : « Il faut comprendre pour croire et croire pour comprendre ». La Cananéenne s’étant prosternée devant Jésus lui crie, presque de désespoir: « Seigneur, viens à mon secours ». Cela aussi est une prière chrétienne, et sans doute chacun de nous l’a crié aussi au Christ, tout comme le « ayez pitié de nous ». Une païenne qui dit des prières chrétiennes et qui croit en Jésus-Christ. La réponse de Jésus nous semble dur à entendre : « Il ne sied pas de prendre le pain des enfants et de le jeter aux petits chiens », autrement dit « Jésus doit s’employer au salut des Juifs, « enfants » de Dieu et des promesses, avant de s’occuper des païens, qui n’étaient, aux yeux des Juifs de l’époque, que des « chiens ». Mais c’est sans doute aussi une épreuve donnée à la Cananéenne comme Dieu en a fait à Job ou encore à Abraham dans le sacrifice d’Isaac, son fils unique. Et la Cananéenne va jusqu’au bout de sa foi, elle ne fait pas semblant : « Oui, Seigneur! dit-elle, et justement les petits chiens mangent des miettes qui tombent de la table de leurs maîtres ». Non seulement elle appelle Jésus « Seigneur » pour la troisième fois, après l’avoir reconnu comme « Fils de David », ce qui signifie qu’elle le reconnaît comme le vrai Dieu, mais encore elle confesse sa soumission à l’histoire sainte qui effectivement fait du peuple d’Israël, le peuple choisi de Dieu. L’expression « petits chiens » employée par Jésus, au lieu de « chiens » employé par les Juifs, montre la délicatesse et la douceur avec laquelle Jésus traite les païens. Et Jésus, après avoir mis à l’épreuve la foi exemplaire de la païenne explose de joie : « Ô femme, grande est ta foi! ». La foi est un mouvement de confiance et d’abandon par lequel l’homme ou la femme renonce à compter sur ses propres pensées et sur ses propres forces, pour s’en remettre à la parole et à la puissance de Jésus. Devant une telle foi, Jésus ne peut rester insensible et il agit immédiatement : « Qu’il t’advienne selon ton désir!  Et de ce moment sa fille fut guérie ». La foi sauve, elle sauve même les païens qui croient en Jésus et qui vont cheminer vers Jésus. La Cananéenne est un exemple de foi pour les disciples de Jésus qui découvrent par la même occasion que n’importe qui, sans exception aucune, peut être sauvé. C’est pourquoi, à notre tour, nous devons comprendre que le racisme n’a pas sa place chez le chrétien : Juifs, Musulmans, Blancs ou Noirs, (Malabars et Chinois aussi !), tous peuvent être sauvés par le Christ, de même que tous les criminels du monde, eux aussi à l’exemple du bon larron sur la croix, peuvent être sauvés. Que Marie nous aide à nous unir à l’Amour qu’est le Christ, qu’elle nous aide à aimer le monde, sans exception et à ne rejeter personne.

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