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4ième Dimanche de Carême – par Claude WON FAH HIN

Commentaire d’Evangile du samedi 26/03/2022 et Dimanche 27/03/2022

Josué 5.9–12 ; 2 Corinthiens 5.17–21 ;

Luc 15.1.3-11–32

La parabole du fils prodigue met en lumière trois personnages : le Père, le fils prodigue et l’ainé. Habituellement, on appelle ce passage la « parabole du Fils prodigue », mais comme le pense le Père Michel Hubaut, un théologien franciscain, il serait sans doute plus judicieux de l’appeler la « parabole du Père Miséricordieux », les deux fils n’étant là que pour mettre en valeur la Miséricorde du Père et qui tous les deux représentent ceux qui entourent le Christ : les pécheurs et les pharisiens. Le Fils prodigue représente en quelque sorte les pécheurs, capables de se convertir et de demander pardon et le Fils ainé est à l’image des Pharisiens, obéissant à la loi mosaïque, appliquant à la lettre les commandements de Dieu, sans aucun discernement. Voici donc le Fils cadet qui, du vivant de son Père, lui demande sa part d’héritage. Il veut sa liberté, couper les liens qui l’unissent à son Père. Un autre a eu le même comportement vis-à-vis de Dieu. Alors qu’il était avec Dieu, le premier, le plus beau et le plus intelligent de tous les anges, Lucifer (qui veut dire « porteur de Lumière » ou « ange de lumière ») s’est révolté contre Dieu. Il est devenu par la suite celui que l’on appelle Satan qui signifie « adversaire ». S’éloigner de Dieu nous fera devenir opposant à Dieu, à cause du péché, c’est-à-dire la désobéissance aux commandements de Dieu . – Dieu le Père, tout comme son Fils Jésus, a toujours laissé la liberté à ceux qui le suivent. Tous les saints ont toujours eu la liberté de suivre le Christ ou non, alors même qu’ils avaient des visions, des rencontres visuelles avec Jésus ou avec Marie. Mais l’amour de Dieu a toujours été le plus fort en eux et jamais ils n’ont coupé les liens avec Jésus ou Marie. Le Fils prodigue ,lui, veut quitter le père et se faire réellement indépendant du père. Il coupe donc le lien qui l’unissait à son père. Ce n’est pas le fait de partir qui est grave, mais c’est « partir avec la volonté de couper les liens avec le père ». Personne ne peut réellement vivre s’il coupe le lien avec Dieu le Père, qui est Amour. Personne ne peut vivre sans amour.

« La racine du péché vient (justement) de cette revendication d’autonomie absolue… Le péché de l’homme est donc essentiellement une relation filiale rompue….Il va se détruire en voulant se suffire à lui-même. La suggestion du Malin, dans le livre de la Genèse, est claire : « Vous serez comme des dieux ! » (Michel Hubaut – P.306). L’homme qui se passe du père, de Dieu le Père, va à sa propre perte, se croyant lui-même comme un dieu. Il reçoit donc un tiers de la fortune du Père puisque l’ainé, selon Dt 21,17, en reçoit les deux tiers. Il quitte donc son père, son frère et s’en va dans un pays lointain. Si le père représente Dieu le Père, cela signifie que le fils cadet s’éloigne de Dieu mais aussi de son frère ainé qui est toujours à la suite du Père, et donc de l’Eglise qui est toujours dans l’obéissance à Dieu. Autrement dit, il va mener sa vie tout en s’éloignant de Dieu et de l’Eglise. Après avoir dilapidé tout son argent alors que se développe la famine dans toute la région, il commence à ressentir la faim. Il va donc chercher du travail qui consiste à garder les cochons. Le cochon, pour un juif, est un animal impur, qu’on sacrifie aux divinités païennes. « Le métier de porcher était donc considéré comme un métier impur, infâmant ». C’est déjà toucher le fond pour un Juif que d’être gardien de cochons. Et l’évangile nous dit (v.16) : « Il aurait bien voulu se remplir le ventre des caroubes que mangeaient les cochons, mais personne ne lui en donnait ». Le fils cadet connait alors la pire des situations : il vaut moins qu’un animal impur, et pourrait manger la même nourriture que les cochons. Même les hommes offrent la nourriture aux cochons mais pas à lui. Plus on s’éloigne de Dieu et de l’Eglise, plus on finit par faire toutes sortes de bêtises et se retrouver dans les pires situations : voleur, menteur, arnaqueur, criminel, drogue, on ne vit que pour l’argent, le pouvoir, la reconnaissance, le tout en marchant toujours sur les pieds des autres, tout ce qu’un cochon ne sait pas faire. Et voilà alors qu’il se met à réfléchir. V.17 : « Rentrant alors en lui-même, il se dit :  Combien de mercenaires de mon père ont du pain en surabondance, et moi je suis ici à périr de faim! 18 Je veux partir, aller vers mon père et lui dire : Père, j’ai péché contre le Ciel et envers toi; 19 je ne mérite plus d’être appelé ton fils, traite-moi comme l’un de tes mercenaires ». Avouer qu’on a péché, vouloir retourner vers Dieu le Père et réparer sa faute est à la fois un acte de repentir et de conversion. Le fils prodigue commence à comprendre que son père nourrit tous ceux qui sont restés avec lui, son fils ainé et les ouvriers. Ceux qui restent avec Dieu n’ont rien à craindre même si parfois, ils ont eux aussi leurs souffrances, leurs faiblesses, car ils sont toujours des pécheurs comme nous le montre le fils ainé. Mais Dieu accepte que tous les pécheurs, sans exception, reviennent à Lui. Si le monde est impitoyable avec les faibles, Dieu relève les faibles. Rm 15,1 : « …c’est un devoir pour nous, les forts, de porter les faiblesses de ceux qui n’ont pas cette force et de ne point rechercher ce qui nous plaît ». Rm 1,27 : « …Dieu a choisi ce qui est faible dans le monde pour confondre ce qui est fort ».

C’est pourquoi, comme le fils prodigue retourne à son père, il nous faut, nous pécheurs, faibles parmi les faibles, retourner à Dieu le Père, par le Fils, avec la grâce de l’Esprit Saint et l’aide de Marie. A la vue de son fils au loin, son fils loin de la vie, loin de l’amour, seul, perdu dans le monde, le père court se jeter à son cou pour l’embrasser. Même de loin, Dieu voit notre manière de vivre et c’est lui qui court vers nous pour nous donner la vie, la joie de vivre. Et si son père l’a vu au loin, c’est parce qu’il le cherchait tous les jours à le voir au loin, il l’attendait patiemment qu’il revienne. Dieu le Père pense sans cesse à chacun de nous et attend notre retour vers Lui, il sait que ce sont nos péchés qui nous ont éloignés de lui. Il est nécessaire à nous tous de nous repentir et de nous convertir, et cela se fait par la confession, le sacrement de réconciliation. N’ayons pas peur de nous confesser, le prêtre n’est pas là pour nous sanctionner, ni pour nous juger. Si cela peut nous rassurer, voici ce que nous dit le Pape François dans la « Joie de l’Evangile » (§44) : « … je rappelle que le confessionnal ne doit pas être une salle de torture mais le lieu de la miséricorde du Seigneur qui nous stimule à faire le bien qui est possible ». Alors n’hésitons pas à nous confesser, le cœur libre et confiant en la miséricorde de Dieu. – Le fils commence à s’excuser d’avoir quitté la famille, mais le père ne l’écoute pas, cela ne l’intéresse pas qu’il s’excuse ou qu’il ait fait des bêtises, il est tout simplement heureux de revoir son Fils. « C’est lui le père qui, le premier, court pour venir au-devant de l’homme pécheur. …Pas de longs discours moralisateurs, ni d’examens de conscience compliqués…Dieu sait que son fils a mal. Il sait quel amère expérience il vient de vivre ! Il sait que son fils a plus besoin de tendresse plutôt que de mots pour cicatriser ses blessures, pour retrouver le goût de la vie. Alors « il le couvrit de baisers ! ». Jésus, comme son Père, n’attend pas de savoir si les pécheurs qu’il côtoie manifestent une vraie conversion. Il s’invite chez eux !…son fils est revenu et il ordonne à ses serviteurs : « Vite, apportez la plus belle robe et l’en revêtez, mettez-lui un anneau au doigt et des chaussures aux pieds. 23 Amenez le veau gras, tuez-le, mangeons et festoyons, 24 car mon fils que voilà était mort et il est revenu à la vie; il était perdu et il est retrouvé! ». Lc 15,10 :  « C’est ainsi…qu’il naît de la joie devant les anges de Dieu pour un seul pécheur qui se repent ». L’anneau que lui offre le Père est signe d’autorité et les chaussures, signe de liberté par rapport aux esclaves. Le fils retrouve donc toute sa place au sein de la famille. Il est non seulement pardonné mais réhabilité, retrouvant ainsi toute sa dignité. L’accent est mis non pas sur la mauvaise conduite du fils prodigue, mais sur l’amour inconditionnel du Père, de Dieu le Père, pour ses enfants, sur sa joie de pardonner, sa joie de donner la vie. Notre Dieu est un Dieu de vie et il redonne la vie à ce fils pécheur et le réhabilite dans la famille divine : Dieu est Miséricordieux. Il est Amour et ne peut donner que de l’amour même à ses enfants les plus pécheurs de la terre. Toutes les rencontres avec le Père ou avec Jésus sont des moments de joie et de vie. C’est pourquoi la messe et les sacrements, les groupes religieux, les organisations chrétiennes qui sont des moments de rencontre avec Dieu doivent être des moments de joie et de vie. Préparez sérieusement votre participation aux messes et aux sacrements. – Le fils ainé, voyant la fête organisée en faveur du retour du fils cadet, se met en colère. Il refuse de participer à cette fête et va se plaindre auprès de son père : « Voilà tant d’années que je te sers, sans avoir jamais transgressé un seul de tes ordres, et jamais tu ne m’as donné un chevreau, à moi, pour festoyer avec mes amis ». Et voilà le père qui sort à sa rencontre. Le père est sorti pour se jeter au cou de son fils cadet de retour à la maison, et le voilà encore qui sort à la rencontre de son fils ainé mécontent.

Dieu le Père n’arrête pas de sortir pour aller à la rencontre de tous : ceux qui reviennent vers Lui et ceux qui sont encore en dehors de la fête et de la joie offertes par Lui.  Mais tous sont conviés à entrer dans le bonheur qu’il offre gratuitement. Les mots prononcés par le fils ainé – « servir, obéissance à tous les ordres ou à tous les commandements » – nous renvoient aux pharisiens et aux scribes qui obéissent à la lettre aux commandements de Dieu sans y mettre leur cœur, et souvent agissent à leurs profits, quitte à détourner la Loi. D’où ces conseils préventifs que le Christ leur donne : «Malheur à vous…qui délaissez la justice et l’amour de Dieu (Lc 11,42) ; Malheur à vous, les légistes, parce que vous chargez les gens de fardeaux impossibles à porter et vous-mêmes ne touchez pas à ces fardeaux d’un seul de vos doigts (Lc11,46) ». – Et le père répond à son fils ainé : « Toi, mon enfant, tu es toujours avec moi, et tout ce qui est à moi est à toi. 32 Mais il fallait bien festoyer et se réjouir, puisque ton frère que voilà était mort et il est revenu à la vie; il était perdu et il est retrouvé ». Le fils ainé ne se rend pas compte du privilège qu’il a d’être toujours avec le Père et ne devrait pas se plaindre : « Tout ce qui est à moi, lui dit le père, est à toi », autrement dit le fils qui reste avec Dieu est assuré d’avoir une part du Royaume de Dieu, puisqu’il est toujours avec le Père. Il est même bon de se détourner de choses de la terre pour se consacrer à Dieu tout en étant dans le monde sans être du monde, de ce monde qui ne pense qu’à « gagner » et « à gagner toujours plus bien égoïstement » sans jamais partager envers ceux qui sont dans le besoin ; à rechercher le pouvoir ou encore les honneurs. Le Pape François nous dit (« Amour – service – Humilité  » – P.83-84) : La 1ère tentation commence toujours par la tentation de la richesse, puis viennent la gloire, l’honneur, le pouvoir, et enfin l’orgueil…De là proviennent tous les péchés et vices. » Celui qui demeure en Dieu se contente de peu de choses, juste de quoi manger, boire, dormir. Dieu, à lui seul, vaut bien plus que n’importe quelle richesse. Si nous sommes des fils ainés, obéissants aux commandements de Dieu, essayons de méditer, avec Marie, ce que Dieu le Père nous dit : « Toi, mon enfant, tu es toujours avec moi, et tout ce qui est à moi est à toi ».