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23ième Dimanche du Temps Ordinaire – par Claude WON FAH HIN

Ézékiel 33 7–9 ; Romains 13 8–10 ; Matthieu 18 15–20

 

Les textes d’aujourd’hui ont en commun de parler de la communauté qu’est l’Eglise, et des petits groupes de chrétiens au sein de l’Eglise. Et dans une communauté ou même des groupes, il y a des règles du vivre ensemble. Ces règles sont établies par les responsables hiérarchiques quand il s’agit de l’Église, et il y a tout simplement des règles du savoir-vivre ensemble que les gens d’une même région ou du même quartier connaissent sans que cela soit clairement indiqué. En tout cas, concernant les chrétiens qui se rassemblent, toutes les règles n’ont qu’une fin : union, solidarité, entre aide, paix, bonne entente et tout cela, en toile de fond, le commandement du Christ : « aimez-vous les uns les autres ». Et c’est en suivant les commandements de Dieu qu’on reconnaît celui qui aime Jésus. Jn 14,21 : « Celui qui a mes commandements et qui les garde, c’est celui-là qui m’aime; or celui qui m’aime sera aimé de mon Père; et je l’aimerai et je me manifesterai à lui ». Et c’est parce qu’on oublie les commandements de Dieu et les enseignements du Christ que l’on finit par ne regarder que ses propres intérêts. On finit alors par s’éloigner du Christ, à commettre des fautes, à semer la mésentente. Le fait d’oublier le Christ, d’oublier ses commandements, d’oublier l’Eglise, nous amène à ne s’occuper que de nous-mêmes, bien égoïstement. Egoïstement parce qu’on est toujours bien attaché au monde et non pas à Dieu ou au Christ. Grignion de Monfort : §75 – « Cette sagesse du monde (qui concerne ceux qui délaissent Dieu) est une conformité parfaite aux maximes et aux modes du monde; c’est une tendance continuelle vers la grandeur et l’estime; c’est une recherche continuelle et secrète de son plaisir et de son intérêt, non pas d’une manière grossière et criante, en commettant quelque péché scandaleux, mais d’une manière fine, trompeuse et politique; autrement ce ne serait plus selon le monde une sagesse, mais un libertinage. §76 – Un sage du siècle (c’est-à-dire quelqu’un qui semble ne pas avoir besoin de Dieu) est un homme qui sait bien faire ses affaires, et faire réussir tout à son avantage temporel, sans quasi paraître vouloir le faire; qui sait l’art de déguiser et de tromper finement sans qu’on s’en aperçoive; qui dit ou fait une chose et pense l’autre; qui n’ignore rien des airs et des compliments du monde; qui sait s’accommoder à tous pour en venir à ses fins, sans se mettre beaucoup en peine de l’honneur et de l’intérêt de Dieu; qui fait un secret mais funeste accord (ou un mélange) de la vérité avec le mensonge, de l’Evangile avec le monde, de la vertu avec le péché, de Jésus-Christ avec Bélial (2Co 6,15 :  c’est-à-dire avec le diable); qui veut passer pour un honnête homme, …. Enfin, un sage mondain est un homme qui, ne se conduisant que par la lumière des sens et de la raison humaine, ne cherche qu’à se couvrir des apparences de chrétien et d’honnête homme, sans se mettre beaucoup en peine de plaire à Dieu, ni d’expier, par la pénitence, les péchés qu’il a commis contre sa divine Majesté ». Voilà pourquoi dans une communauté, et particulièrement dans une communauté chrétienne, des règles sont là pour que le « vivre ensemble » se passe au mieux. Mais parce que l’homme est souvent encore attaché aux choses du monde et pas assez à Dieu, les règles du « vivre ensemble » de la communauté peuvent ne pas être respectées. C’est alors le trouble au sein même de l’Eglise. En cas de conflit, une procédure est à observer. La première démarche consiste à rencontrer en tête à tête la personne conflictuelle et qui pose problème au sein du groupe. Le but est de se comprendre. Dans tous les cas, il faut être diplomate et y aller avec douceur.

Premier cas : Si la personne pêche directement contre Dieu et que l’on soit au courant, il faut essayer d’accompagner, seul à seul, le pécheur avec suffisamment de tact et d’intelligence pour qu’il prenne conscience de son péché et puisse s’en sortir. Des textes tirés de la Bible ou des exemples pris dans la vie courante peuvent fortement contribuer à faire prendre conscience de la gravité du péché. Là encore, la formation biblique peut aider le pécheur à progresser dans son union au Christ et par conséquent dans son attitude à avoir dans la communauté ou dans un groupe.

Deuxième cas, si la personne pêche contre nous, c’est-à-dire nous fait du tort. Là aussi, de manière diplomate, on sera amené à faire comprendre, seul à seul, avec douceur, à la personne le tort qu’il nous a fait personnellement ou au groupe de manière. Si cette première démarche se montre infructueuse, on aura alors recours à la communauté ou au groupe pour corriger fraternellement le fautif. Si, même dans ce cas, ce dernier ne se corrige pas, alors cela peut aller jusqu’à la coupure de certains liens d’ordre social pour que le groupe puisse continuer sereinement sa mission, ou, à un autre niveau si les cas est extrêmement grave, aller jusqu’à l’excommunication par la hiérarchie. C’est ce qui s’est passé il y a quelques années lorsque l’évêque de la Réunion a fait afficher dans chaque église un communiqué pour dire qu’à la Réunion une personne a été excommuniée de l’Église. Dans tous les cas, comme tout péché, c’est toujours une affaire en rapport avec les commandements de Dieu : aimer Dieu et aimer son prochain, mais aussi d’obéissance de la foi. Parce que nous avons foi en Dieu, cette foi nous amène à l’obéissance des commandements de Dieu. Et tout péché est une désobéissance. Ne pas aimer son prochain c’est une manière aussi de dire qu’on ne pense pas aux autres et qu’on pense surtout à soi-même. Comme dit le créole : « A moins même mon maître ». Or, tout l’enseignement du Christ est de nous dire qu’il faut aimer Dieu et son prochain. Il ne nous demande pas d’être amoureux de tout le monde mais d’aimer tout le monde. Et aimer, cela commence souvent par « des petits riens » qui peuvent faire plaisir aux autres : un regard, un bonjour, un petit signe de la main, ne pas se mettre en colère alors même qu’il y aurait toutes les raisons de l’être, éviter la critique, ne rien dire à ceux qui vous regardent de travers, etc…Dans tous les cas, le chrétien peut toujours se conduire en chrétien, et il le pourra à la seule condition d’avoir le regard fixé sur le Christ. Mi 6,8 : « On t’a fait savoir, ô homme, ce qui est bien, ce que Yahvé réclame de toi : rien d’autre que d’accomplir la justice, d’aimer la bonté et de t’appliquer à marcher avec ton Dieu ». Accomplir la justice, c’est se comporter de manière à rester en accord avec les commandements de Dieu tout en vivant dans le monde, dans une communauté ou dans un groupe de chrétiens. Ce qui signifie que Celui qui est à la suite du Christ doit être capable de garder son sang-froid, son calme, avec une paix intérieure qui ne le quitte pas parce son regard intérieur est fixé sur le Seigneur alors même, qu’il subit toutes sortes de vexations ou de critiques et être capable de reconnaître qu’il a tort dans certains cas.  « Le Seigneur ne demande rien d’extraordinaire à l’homme, mais seulement d’agir de manière droite en évitant le péché (c’est le sens de l’expression « pratiquer le droit »), aimer et pratiquer la miséricorde (hesed), et enfin vivre humblement avec Dieu. Voilà la conduite de l’homme qui plait à Dieu. On n’a pas besoin de tout retenir de la Bible, mais une seule expression : « Celui qui aime autrui a de ce fait accompli la Loi », ce qui signifie que tant que vous aimez le prochain, quel qu’il soit, vous ne péchez pas et tout ce qui est dit dans la Bible vous êtes en train de l’accomplir parce que vous avez de l’amour pour les autres. L’amour ou la charité c’est la même chose, et « la charité est la Loi dans sa plénitude ». Saint Augustin nous dit : « aime et fais ce que tu veux ».

Autrement dit, en aimant le prochain, vous accomplissez toutes les lois qui se trouvent dans la Bible et donc les dix commandements dont certains ont été repris par le deuxième texte d’aujourd’hui : « Tu ne commettras pas d’adultère, tu ne tueras pas, tu ne voleras pas, tu ne convoiteras pas, et tous les autres se résument en cette formule : Tu aimeras ton prochain comme toi-même. 10 La charité ne fait point de tort au prochain. La charité est donc la Loi dans sa plénitude ». Et la correction fraternelle dont parle l’Evangile, contrairement à ce qu’on pourrait penser, est une manière d’exercer la charité, l’amour, pour aider le pécheur à rectifier sa conduite de manière à plaire à Dieu. Le 1er texte d’aujourd’hui s’adresse au prophète qui doit avoir un rôle de guetteur. Le prophète n’est pas quelqu’un qui prédit l’avenir, son rôle est de dire la parole de Dieu. Tout chrétien, d’une certaine manière, est capable de dire la parole de Dieu, et donc d’être prophète à son niveau. Dieu donne donc la parole aux prophètes que sont les chrétiens pour faire passer ses lois, ses messages d’amour et de paix. Au prophète Jérémie (Jr 1,9) voici ce que Dieu lui dit : 9 … Voici que j’ai placé mes paroles en ta bouche ». Cet homme que Dieu inspire a le devoir de dire la parole de Dieu lorsque c’est nécessaire. Ézékiel nous dit: « Si je dis au méchant :  Méchant, tu vas mourir, et que tu ne parles pas pour avertir le méchant d’abandonner sa conduite, lui, le méchant, mourra de sa faute, mais c’est à toi que je demanderai compte de son sang. 9 Si au contraire tu as averti le méchant d’abandonner sa conduite pour se convertir et qu’il ne s’est pas converti, il mourra, lui, à cause de son péché, mais toi, tu auras sauvé ta vie ». L’Évangile d’aujourd’hui dit la même chose : 15 « Si ton frère vient à pécher, va le trouver et reprends-le, seul à seul. S’il t’écoute, tu auras gagné ton frère ». S’il n’écoute pas, cela retombera sur lui-même, il mourra de sa faute mais le chrétien qui l’aura conseillé sera quitte devant Dieu parce qu’il aura fait un geste d’amour envers le fautif pour essayer de le ramener à Dieu. C’est ce qu’on appelle la « correction fraternelle ». Et la correction fraternelle » est un devoir pour tout chrétien. Jc 5,20 : « celui qui ramène un pécheur de son égarement sauvera son âme de la mort et couvrira une multitude de péchés ». 1P4,8 : « conservez entre vous une grande charité, car la charité couvre une multitude de péchés ». Que Marie nous aide à répandre autour de nous l’amour de Dieu.