13ième Dimanche du Temps Ordinaire – par Claude WON FAH HIN

Commentaire du samedi 27/6/20 et dimanche 28/6/20

2Rois 4 8–11, 14–16 ; Romains 6 3–4, 8–11 ; Matthieu 10 37–42

Il est normal que chaque être humain, s’il a toute sa raison et un cœur, aime son père et sa mère ; que ceux qui nous ont mis au monde, qui ont pris soin de nous, qui ont travaillé durs pour nous élever, soient aimés de leurs enfants. Pendant trente ans, Jésus a vécu avec ses parents, Marie et Joseph. Ils lui ont appris à lire et à écrire. Ils l’ont éduqué religieusement en l’emmenant au temple. Joseph lui a appris le métier de charpentier. En honorant ceux qui nous ont donné la vie, on honore Dieu. Car toute vie est don de Dieu qui ne cesse de nous donner son souffle de vie. Le quatrième commandement de Dieu nous dit « Honore ton père et ta mère ». C’est dire l’importance que Dieu lui-même accorde aux pères et mères de famille et à la place qui leur revienne dans la société. La famille est, en général, une église en miniature, le lieu où les uns et les autres s’aiment : présence de l’amour, présence de Dieu. Malgré toutes les difficultés qu’une famille peut avoir : infidélité, division, dispute, mésentente, problèmes d’argent ou de travail, nous avons tous en pensée les mots répétés du Christ qui nous reviennent sans cesse : fidélité, réconciliation, pardon, amour.

Et voilà que Jésus nous dit : « 37 Qui aime son père ou sa mère plus que moi n’est pas digne de moi. Qui aime son fils ou sa fille plus que moi n’est pas digne de moi ». Jésus ne dit pas qu’il ne faut pas aimer son père, sa mère, ses enfants, il dit qu’il ne faut pas aimer sa famille plus que Lui. Aimer les membres de la famille plus que Jésus, au point de les élever au-dessus de Dieu – la famille d’abord, Dieu après – cela relève presque de l’idolâtrie et la définition de l’idolâtrie c’est justement adorer une créature à la place de Dieu et cela peut devenir un obstacle pour aimer Dieu. Les prophètes de l’Ancien Testament n’ont jamais cessé de mettre le peuple de Dieu en garde contre l’idolâtrie. Si vous aimez Dieu en premier lieu, Dieu sera aussi présent dans votre famille. Il fera que cette famille reçoive toutes sortes de grâces divines dont l’amour au sein de nos familles. – Padre Pio, jeune séminariste, par son obéissance absolue à sa hiérarchie, nous montre qu’il aime Dieu bien plus que son propre père. Don Grazio, père de Padre Pio, vient rendre visite à son fils (Padre Pio – Saint Pio de Pietrelcina, transparent de Dieu »- P.36-37) : « Frère Pio, une visite pour toi ». Frère Pio arpente lentement les corridors sombres, il s’approche du parloir. Peut-être est-ce sa maman. Mais non! C’est papa, papa qui est entré d’Amérique (où il est allé travailler pour nourrir sa famille restée en Italie). Don Grazio voudrait jeter ses bras autour de son cou. Il est comme intimidé par le froc brun, par la barbe noire qui encadre le jeune visage de son fils.  Frère Pio ne parle pas. Il reste à deux pas de lui, les yeux baissés. Don Grazio a mal en lui-même. Est-ce que cela valait vraiment la peine de faire cette longue route pour recevoir un accueil aussi froid? Alors, intervient le Maître des novices (supérieur hiérarchique de frère Pio):  » Frère Pio, je vous délie de l’obéissance. Levez les yeux. Vous pouvez parler librement avec votre père.  – Avec un geste tendre, frère Pio jette soudain les mains autour du cou de son papa : « Papa, mon papa ». « Qui aime son père ou sa mère plus que moi n’est pas digne de moi. Qui aime son fils ou sa fille plus que moi n’est pas digne de moi ».  A ceux qui sont réellement à la suite du Christ, et pour aller encore plus loin, Thérèse d’Avila, dans son livre « Chemin de la Perfection » nous dit qu’il faut se détacher de la famille : « si…nous comprenions bien quels dommages nous sont causés par les rapports fréquents avec nos proches… nous les fuirions. Elle ajoute : « Je suis toujours étonnée de voir les dommages qu’entraînent les fréquents rapports avec les parents. A mon avis, on ne saurait le croire, à moins d’en avoir fait l’expérience…Je ne sais ce que nous avons laissé du monde, quand nous déclarons que nous avons tout quitté pour Dieu, si nous ne nous sommes pas détachées du principal, c’est-à-dire des parents. Les choses en sont venues à tel point que les religieux, ou les chrétiens, croiraient manquer de vertu s’ils n’aimaient beaucoup leurs parents et n’avaient de fréquents entretiens avec eux (ce qui est faux, bien sûr).…. Ayons un soin particulier de recommander à Dieu nos parents; c’est justice. Mais ensuite, éloignons-les le plus possible de notre souvenir, parce que notre volonté s’attache naturellement à eux plus qu’à tous les autres. (Chemin de la Perfection P.88) Sainte Thérèse insiste : « Quand tous les saints ne cessent de nous conseiller la fuite du monde, ils proclament évidemment une chose salutaire. Croyez-moi, ce qui, je le répète, s’attache le plus à nous et ce dont nous avons le plus de difficulté à nous détacher, ce sont les parents. Voilà pourquoi ceux qui vont loin de leur pays font bien, si cela les aide au détachement; mais le détachement ne dépend pas, à mon avis, de l’éloignement corporel; il consiste à s’unir généreusement au bon Jésus, Notre Seigneur ». Ainsi, selon Sainte Thérèse, c’est en s’unissant au Christ qu’on se détache des parents ou de ses enfants. Et c’est cette union au Christ qui nous permet d’avoir la paix, une vie sereine, une vie de prières, quel que soient les malheurs des membres de la famille : père, mère, enfants, petits-enfants. Toujours s’attacher au Christ en toutes circonstances. Et Sainte Thérèse continue : « Pour moi, j’ai été beaucoup aimée des miens comme ils me le disaient d’ailleurs, et je les aimais tant…que je ne les laissais point m’oublier. Mais voici ce que j’ai appris par mon expérience et celle des autres…Il est juste d’avoir des rapports avec nos pères et mères quand ils ont besoin de consolation; n’ayons donc pas une conduite étrange à leur égard… Nous pouvons les voir et conserver cependant un détachement complet. J’en dis autant des frères et sœurs ». Ce détachement s’obtient par une grande union au Christ, une confiance totale en Jésus Christ et en Marie. On peut donc fréquenter père, mère, frères et sœurs, nos enfants et petits-enfants tout en restant détaché d’eux. Saint Thérèse d’Avila va encore plus loin quand elle nous dit : « il ne suffit pas de se détacher des proches, si nous ne nous détachons pas de nous-mêmes ». C’est néanmoins chose difficile que de nous détacher de nous-mêmes et de lutter contre notre nature, car nous sommes fort unies à nous-mêmes et nous nous aimons beaucoup. La porte est ouverte ici à la véritable humilité. Cette vertu et celle du renoncement marchent tou­jours ensemble », et sont nécessaires si on veut rester à la suite du Christ.

Il y a une situation qu’il faut bien comprendre lorsque les créoles disent : « mi manque pas ma messe » comme pour bien dire que l’on met effectivement Dieu en premier dans sa vie. D’abord la messe n’est à personne, elle est universelle, ouverte à tous sans exception, mais en disant « mi manque pas ma messe », c’est une façon de dire que je ne dois pas manquer la messe parce que c’est un rendez-vous nécessaire avec Dieu, et c’est très important pour nous. C’est une manière de dire que Dieu doit être au centre de notre vie. Pourtant, il y a des circonstances où il est normal de ne pas y aller, c’est le cas, par exemple, lorsqu’un membre de la famille est gravement malade et a besoin de soins en permanence. En restant auprès du malade au lieu d’aller à la messe, vous ne péchez pas puisque vous faites preuve d’amour, de patience, de dévouement à l’exemple du Christ lui-même qui a toujours pris soin des malades. Il dit lui-même « J’ai été malade et vous m’avez visité ». Etre auprès d’un malade, c’est être auprès du Christ.

« Qui ne prend pas sa croix et ne suit pas derrière moi n’est pas digne de moi ». Ce sont là des paroles difficiles à comprendre. Père Sesboüé (« Croire ») nous dit que « Porter sa croix apparaît ici comme la manière nécessaire de « suivre Jésus ». Le faire exige un renoncement à soi-même, même éventuellement aux devoirs familiaux prioritaires et conduit à « perdre sa vie ». Et on perd sa vie quand on reste attaché à son ancienne vie, celle du monde, du plaisir, du monde sans Dieu et qu’on ne désire pas vraiment la vie que le Christ nous propose….On pourrait dire, en termes plus modernes, que suivre le Christ est une invitation exigeante à renoncer aux images illu­soires de nous-mêmes qui sont le fruit de notre imagination (et à cause de l’imaginaire, on se croit être quelqu’un dans la vie, quelqu’un d’important, on se croit être au centre des regards, au centre du monde, comme si tous les regards étaient fixés sur soi, et qu’on est meilleur que tout le monde etc…). Nous cherchons tous plus ou moins à nous dérober à notre vérité (et la vérité est que nous sommes pécheurs, plein de faiblesses et beaucoup d’imaginations pour nous relever dans notre propre estime). Notre culture développe un réseau d’images dans les­quelles nous voulons paraître. Vivre comme Jésus, c’est renoncer à toute illusion sur soi-même et se donner aux autres ».

Saint Ignace nous dit la même chose quand il dit : « Il est nécessaire de nous rendre indifférents à toutes les choses créées ». « Chez saint Ignace, nous dit la revue numérique Aleteïa, l’indifférence n’est pas synonyme de désintérêt, ni de mépris. Elle est une manière de se détacher, provisoirement, d’un choix A ou d’un choix B pour permettre à l’Esprit-Saint de souffler et de faire pencher la balance vers le côté qui est le mieux pour soi. L’acte d’oublier, de mettre de côté, durant quelques heures, ses préférences personnelles, ses ambitions, ses craintes, (sa colère), de ne pas s’attacher à une solution plutôt qu’à une autre, permet de laisser émerger la volonté de Dieu en soi. « Ignace savait que, en quelqu’un qui a complétement renoncé à ses volontés propres, le désir qui lui reste alors dans le cœur coïncide exactement avec la volonté de Dieu sur lui ».

La plupart des saints, et c’est normal puisque c’est le même Esprit Saint qui les anime, font les mêmes réflexions que Padre Pio, Saint Ignace ou sainte Thérèse. Cette dernière insiste en affirmant que « tout notre mal vient de ce que nous n’avons pas notre regard fixé sur le Christ; nous nous trompons de route parce que nous ne tenons pas…notre regard fixé sur le chemin véritable » et cela quoi qu’il arrive dans notre vie. Nous devons tous essayer de mettre d’abord le Christ en premier dans notre vie pour que nos familles soient aussi un lieu de vie nouvelle dans le Christ. Que Marie, notre Sainte Mère, nous aide constamment à avoir le regard fixé sur le Christ.

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