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« Imaginons que, dans votre assemblée, arrivent en même temps un homme au vêtement rutilant, portant une bague en or, et un pauvre au vêtement sale. Vous tournez vos regards vers celui qui porte le vêtement rutilant et vous lui dites : « Assieds-toi ici, en bonne place » ; et vous dites au pauvre : « Toi, reste là debout », ou bien : « Assieds-toi au bas de mon marchepied. » Cela, n’est-ce pas faire des différences entre vous, et juger selon de faux critères ? » (Jc 2, 2-4)
Dans la seconde lecture, Jacques nous met en garde contre la discrimination dans l’Église. Même si dans l’Église il ne devrait pas y voir de place d’honneur, nous devons reconnaître que lorsque quelqu’un d’important visite notre Église, nous l’accueillons avec une plus grande considération. Par exemple, si le maire de la ville vient à l’une de nos célébrations, nous ferons tout notre possible pour qu’il se sente bien accueilli, et c’est normal. Il me semble que l’attitude dénoncée par Jacques est surtout le dédain que l’on peut manifester au pauvre.
Devant certaines de nos Églises comme St Henri et St Baudile, il y a parfois des personnes qui font la manche et parfois, nous ne les saluons même pas. Jacques nous rappelle que ce n’est pas l’attitude que doit avoir un disciple de Jésus.
Dans sa Première Lettre aux Corinthiens, Saint Paul compare l’Église au corps humain qui est composé de plusieurs membres. Et écoutez ce qu’il écrit au sujet des membres de l’Église les moins honorables :
« … Les parties du corps qui paraissent les plus délicates sont indispensables. Et celles qui passent pour moins honorables, ce sont elles que nous traitons avec plus d’honneur ; celles qui sont moins décentes, nous les traitons plus décemment ; pour celles qui sont décentes, ce n’est pas nécessaire. Mais en organisant le corps, Dieu a accordé plus d’honneur à ce qui en est dépourvu. Il a voulu ainsi qu’il n’y ait pas de division dans le corps, mais que les différents membres aient tous le souci les uns des autres » (1 Co 12, 22-25).
Nous comprenons que de la même façon que nous protégeons les parties les plus fragiles de notre corps, nous devons aussi protéger ceux qui sont les plus pauvres et les plus petits dans l’Église.
Nous en avons un exemple d’une telle attitude dans le texte d’évangile de ce dimanche (Mc 7, 31-37). Des gens, probablement en bonne santé, amènent à Jésus une personne « pauvre », un « petit » pour ainsi dire, puisque cette personne ne possède pas la faculté d’entendre et qu’elle a du mal à parler. Et Jésus, tel un médecin, prend en charge cette personne et la traite avec le plus grand respect. Il ne se contente pas de prononcer une parole pour la guérir, mais il amène cet homme à l’écart de la foule et lui accorde toute son attention.
Ce qui est étonnant et qui rend leur geste encore plus admirable, c’est que les gens qui amènent la personne sourde à Jésus ne sont même pas juifs, puisque la scène se passe dans le territoire de la Décapole, donc dans une terre païenne.
Nous pouvons ici faire un lien avec la première lecture qui est un court extrait de la partie du livre d’Isaïe qu’on appelle la « petite apocalypse/révélation d’Isaïe » qui décrit les derniers combats menés par le Seigneur contre les nations païennes. Dans l’extrait que nous avons entendu, il est question de la transformation du désert syrien par lequel sont passés les israélites lorsqu’ils sont rentrés de leur Exil à Babylone. Ces paroles sont pleines d’espérance. Je vous relis quelques extraits de cette première lecture :
« « Soyez forts, ne craignez pas. Voici votre Dieu (…) Il vient lui-même et va vous sauver. » Alors se dessilleront les yeux des aveugles, et s’ouvriront les oreilles des sourds (…) et la bouche du muet criera de joie ; car l’eau jaillira dans le désert, des torrents dans le pays aride. » (Is 35, 4-6)
Dans cet extrait, il est question des oreilles des sourds qui s’ouvrent, et de la bouche du muet qui crie de joie. Lorsque nous prenons en considération que les gens qui amènent la personne sourde et mal-parlante à Jésus ne sont pas juifs, et que par conséquent, ils ne connaissent pas les textes des prophètes, il est surprenant de constater que, sans le savoir, ils réalisent les signes annoncés par le prophète Isaïe lorsqu’ils s’écrient :
« Il a bien fait toutes choses : il fait entendre les sourds et parler les muets. » (Mc 7, 37).
Cependant, lorsque l’on regarde de plus près le texte d’évangile, nous pouvons nous interroger : est-il vraiment correct de dire que Jésus fait entendre les sourds et parler les muets à partir de la guérison opérée par Jésus dans le texte d’évangile de ce dimanche ?
Tout d’abord, l’homme qui est amené à Jésus par la foule n’est pas muet. Il a simplement une difficulté d’élocution. Et nous pouvons deviner que si cette personne a du mal à parler, c’est parce qu’elle n’entend pas. Ainsi, la difficulté à parler de cet homme est liée à sa surdité.
Comme toujours, quand dans un texte d’évangile, Jésus fait un miracle, il ne faut jamais s’arrêter à la dimension surnaturelle, mais il faut chercher à en comprendre le sens.
Et il me semble que si nous voulons comprendre le sens de la guérison réalisée par Jésus dans l’évangile de ce dimanche, il ne faut pas séparer les deux handicaps, celui de la surdité et celui du problème d’élocution.
Relisons un morceau de l’évangile :
« Jésus (…) lui mit les doigts dans les oreilles, et, avec sa salive, lui toucha la langue. Puis, les yeux levés au ciel, il soupira et lui dit : « Effata ! », c’est-à-dire : « Ouvre-toi ! » Ses oreilles s’ouvrirent ; sa langue se délia, et il parlait correctement » (Mc 7, 33-35).
Nous voyons, que pour guérir, l’homme s’est d’abord laissé toucher par Jésus, puis entendre sa parole : « Effata ! », c’est-à-dire : « Ouvre-toi ! ».
Ce miracle a aussi une dimension symbolique avec un message pour chacun d’entre nous : Si nous voulons « parler correctement », si nous voulons faire un bon usage de notre parole, nous devons d’abord, nous laisser toucher par Jésus et l’écouter.
Alors chers frères et sœurs, demandons au Seigneur de guérir notre surdité à sa Parole, afin que nous puissions « parler correctement » de ses « innombrables merveilles » (Ps 9, 2). Amen.