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4ième Dimanche de Pâques – Homélie du Père Louis DATTIN (Jn 10, 1-10)

Témoigner de Jésus-Christ

Jn 10, 1-10

Puisque ce dimanche est un jour de prières pour les prêtres, pour les vocations sacerdotales, je voudrais en profiter pour vous dire très simplement quelques mots sur notre travail de prêtres, sur nos souffrances de prêtres, sur nos joies de prêtres, sur nos inquiétudes aussi pour l’avenir.  Ce que je vous dis aujourd’hui, il me semble que les autres prêtres du secteur pourraient aussi le dire à ma place.

 

Tout d’abord : mon travail de prêtre. Vous pensez peut-être que c’est d’abord une affaire de culte, de cérémonies à célébrer (baptêmes, mariages, sépultures), de messes à dire, de confessions à entendre. Bien sûr, mon rôle est de célébrer avec vous Jésus-Christ mort et ressuscité pour nous et de communiquer aux fidèles, la vie de Jésus par les Sacrements. Mais je ne suis pas d’abord un « fonctionnaire du culte ». Non, l’essentiel réside dans cette parole de Jésus à ses apôtres : « Annoncez la Bonne Nouvelle à tout homme ». Là est ma première responsabilité, là est mon rôle essentiel : annoncer l’Evangile, répandre la Bonne Nouvelle de l’amour de Dieu, témoigner de l’amour de Jésus-Christ pour chacun d’entre vous, qu’il soit riche ou pauvre, bon ou mauvais, croyant ou incroyant. Jésus-Christ ne me demande pas de conquérir les autres à son Eglise, à sa bergerie. Il me demande d’annoncer la Bonne Nouvelle de son amour, son projet sur nous, de diffuser son message, d’accueillir tout homme qui cherche, d’aider ceux qui l’ont trouvé à le suivre plus fidèlement.

Mais, il y a toutes sortes de difficultés, et c’est là notre souffrance.

₋ Difficultés qui viennent de nos limites personnelles : “Le berger appelle chacune de ses brebis par son nom”. Hélas ! Comme j’ai du mal à vous connaitre tous, à pouvoir tous vous appeler par votre nom et à vous connaitre, à plus forte raison ceux qui ne viennent guère à l’église et pourtant, Dieu les aime aussi et je dois peu à peu prendre contact avec tous.

₋ Souffrance de se sentir dépassé par tout ce qu’il faudrait faire, inventer, imaginer.

₋ Souffrance devant les jeunes qui sont souvent sur la place de l’église mais qui ne sont pas souvent dedans.

₋ Souffrance de voir le monde et la société s’éloigner de plus en plus de l’esprit de l’Evangile et tomber par le fait même en pleine décadence.  Pour empêcher cette évolution, il faudrait être des saints.

₋ Souffrance de ne pas être des saints !

Mais à côté de ces souffrances, il y a aussi, vous vous en doutez, des joies :

1 – joie de tant d’amitié que je vois surgir spontanément autour de moi.

2 – joie de l’accueil que vous m’avez fait si gentiment et si chaleureusement dans cette église.

3 –  joie de découvrir des gens, de temps en temps, qui ont soif du vrai Dieu, du Dieu d’amour et de pardon que le Christ nous a révélé.

4 –  joie de partager leurs découvertes.

5 – joie de découvrir, chez de nombreux chrétiens, mais aussi chez des incroyants, des merveilles de dévouement et de désintéressement, des richesses de cœur et d’esprit. Tout cela nous montre que l’Esprit Saint est au travail en eux, sans se servir de moi et qu’il les anime avant même que je les ai rencontrés.

6 –  joie aussi de contribuer pour ma petite part à faire progresser le Royaume de Dieu.

7 –  joie de voir la communauté qui se forme peu à peu.

8 – joie de bâtir et d’apporter ma petite pierre au monde nouveau que Jésus est venu construire et, il faut que vous le sachiez,

9 – ces joies-là, joies de travailler pour Jésus-Christ l’emportent largement sur les souffrances dont je parlais tout à l’heure.

Malgré tout, je ne peux m’empêcher d’exprimer quelques inquiétudes pour l’avenir : les jeunes semblent s’éloigner de plus en plus, les prêtres du diocèse vieillissent, ceux qui meurent actuellement ne seront pas remplacés. Dans 15 ans, combien y aura- t- il de prêtres réunionnais dans notre diocèse ?

Malgré de gros progrès, il y a une autre   inquiétude : celle de voir beaucoup de chrétiens, beaucoup de quartiers, encore très passifs ; beaucoup de chrétiens ne prenant pas de responsabilités : ils se contentent d’être des consommateurs de l’Eglise, mais pas des volontaires pour faire le travail de la « mission de l’Eglise ».

Dans un théâtre, il y a quelques acteurs sur la scène et beaucoup de spectateurs dans les fauteuils. L’église devrait être le contraire : plus de gens à agir et moins à regarder les autres !

Il faut absolument que, parmi les chrétiens, il y ait des meneurs, des entraineurs, capables d’animer, de rassembler, de témoigner de Jésus-Christ. Chacun se dit : « Moi, je ne suis pas capable, laissons faire les autres ». Résultat : l’Eglise n’est l’affaire que de quelques-uns alors qu’elle devrait être le souci de tous.

Il faut absolument que nos assemblées du dimanche deviennent, ici, dans notre église, mais aussi, au niveau des secteurs paroissiaux, de vrais communautés chrétiennes : un groupe de gens qui s’aiment et qui sont capables de manifester leur foi.

Il faut deux conditions à la fois :

1ère condition : s’aimer fraternellement, qu’il n’y ait pas de divisions entre vous, qu’on puisse dire à St-Denis, comme à Rome, en montrant du doigt les chrétiens : « Voyez comme ils s’aiment ». Entre vous, il devrait y avoir une union sacrée, celle qui vous lie par l’Esprit Saint : Esprit d’amour, une solidarité, une entraide telle que les autres aient envie de faire partie de notre communauté : « Voyez comme ils s’aiment ».

2e condition : être capable de dire pourquoi nous sommes chrétiens, pourquoi nous avons la foi, quel est notre idéal, le sens de notre vie. Notre religion n’est pas une « affaire privée » qui ne regarde que nous et dont nous ne voulons pas parler. Au contraire, elle doit se dire, s’exprimer. Nous devons témoigner de Jésus-Christ. Notre vie doit être « signe de Jésus-Christ ».

Jésus ne nous demande pas de conquérir le monde. Il nous demande, dans nos paroles, dans notre comportement, dans notre façon de vivre, d’être des « signes de son amour », que nous puissions redire le message chrétien avec nos mots à nous, avec nos occasions à nous, avec notre entourage à nous.

Enfin, il faut absolument qu’il y ait des vocations : des vocations de prêtres, de diacres, de religieux, de religieuses c’est-à-dire des jeunes (ou des moins jeunes) qui acceptent de se donner tout entiers à Jésus-Christ pour continuer son travail.

Cela ne pourra se faire que s’il y a des familles chrétiennes, des communautés chrétiennes, des chrétiens qui soient des exemples et qui donnent envie de devenir comme eux : si des jeunes voient tout cela, ils se diront que « ça vaut la peine de s’engager dans cette magnifique aventure ! »

Quant à moi, et si c’était à refaire, je le referai sans hésiter. AMEN