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3ième Dimanche de Pâques – Homélie du Père Louis DATTIN (Jn 20, 19-31)

En route avec le Ressuscité

Lc 24, 13-35

Au cours d’un voyage en chemin de fer, un contrôleur passe dans le couloir et demande, à tous, leurs billets. Seul, un homme ne bougea pas. Le contrôleur se plante devant lui :

₋ « Votre billet monsieur, s’il vous plait ? »

Très calmement, il répondit :

₋ « Je n’en ai pas, parce que je ne sais pas où je vais… je n’ai pas de destination.  Je vais nulle part ».

Une fois l’étonnement passé et le voyageur débarqué à la station suivante, en réfléchissant, je me disais qu’après tout, il y avait beaucoup de personnes dans cette situation, pas dans un petit voyage seulement, mais pour le ‘’grand voyage ‘’ : celui de leur existence.

Tenez, admettez un instant que vous soyez chargés d’une enquête « Destination-Vie » ; vous devez demander à tous ceux que vous rencontrez dans la rue, avec une fiche et un magnétophone :

₋ « Pardon, monsieur, qu’est-ce-que vous faites sur la terre ? Quelle est votre destination ? Où allez-vous ? Quel est votre but ? Vers quoi ou vers qui vous dirigez-vous ? »

Vous seriez abasourdi par les réponses. La plupart de vos questionnés vous répondraient :

₋ « Mais, monsieur, je n’en sais rien, je me contente de vivre au jour le jour… je vis aujourd’hui, on verra bien demain. Un point d’arrivée ? Un but ? Une mission à remplir ? Une destination ?

₋ « Non, monsieur, pour moi, la vie est un tunnel dont je ne sais même pas s’il existe une sortie. Je suis né sans raison, je me prolonge par faiblesse et je mourrai un jour par hasard aussi ».

Quelle désespérance ! Une petite molécule qui apparaît soudain dans un rayon de soleil et qui disparaît aussitôt dans la nuit immense : est-ce mon destin ?

« Non, nous dit St-Pierre, dans la 1ière lecture, votre séjour sur terre a un sens, un but, une signification. Le Christ vient, par sa mort et sa Résurrection, vous libérer de la vie sans but que vous meniez à la suite de vos pères ».

Depuis Pâques, depuis la Résurrection du Christ, j’ai un itinéraire. Mon cœur a une ambition : un livre, l’Evangile est pour moi une boussole ; bien plus, j’ai un guide qui se met à ma disposition pour m’indiquer le chemin :

« Celui qui me suit ne marchera pas dans les ténèbres ; il aura avec lui la lumière de la vie ».

 C’est tout le sens et l’éclairage de ce bel Evangile d’aujourd’hui. Voilà deux hommes, abattus, tristes, mettant un pied devant l’autre, sans trop savoir où ils vont, parce qu’ils avaient espéré une belle aventure et que celle-ci a éclaté comme une bulle. Ils sont découragés : ce fameux « Jésus » dont ils avaient tant espéré ! Eh bien voilà ! C’est fini ! Une belle histoire ! Un beau rêve !… N’en parlons plus ! Tournons la page, nous avons été des naïfs.   Vous connaissez la suite. Je viens de vous la lire : cet homme qui s’approche et qui les questionne d’abord, puis, qui, au long des kilomètres de marche, réanimant au fond de leur cœur, un feu qui s’était éteint, ils l’invitent à rester avec eux à l’auberge et c’est la révélation !

Non ! Le monde n’est pas absurde. Non ! Nous ne tournons pas en rond. Non ! Nous ne sommes pas sur terre par hasard… nous sommes aimés de Dieu et c’est vers lui, qui est notre Père, que nous allons. Nous sommes en route, dans la joie, pour une réunion de famille, sous la conduite de Jésus Ressuscité qui rompra le pain avec nous tous.

Frères, ne nous faisons pas d’illusion, cette histoire d’Emmaüs, c’est la nôtre. Emmaüs, c’est notre route. Qui d’entre vous, à certains moments de sa vie, ne se trouve pas sur une route de cafard et de désespérance, ils avancent en trainant les pieds, sans but bien précis, tournant aussi le dos à Jérusalem, c’est-à-dire à la Résurrection qui vient de se produire comme la joie qui éclate. La vie est derrière eux et ils parlent à l’imparfait, au passé « et nous qui avons espéré ». C’est une histoire finie, classée et sur cette route du désespoir, Jésus s’approche et marche vers eux. Il leur fait redire ce qu’ils ont sur le cœur, leur pose des questions, puis il les invite à tout relire « selon les Ecritures ».

Le 1er signe que nous donne le Seigneur pour renaître à la foi : c’est le signe des Ecritures = la liturgie de la Parole. 1ère lecture – 2e lecture : il leur cite Moïse, les prophètes. Alors ils comprennent peu à peu que la Croix n’est pas un échec, mais une preuve suprême d’amour.  Pour nous aussi, à la lumière de la Parole de Dieu, tout prend un autre sens, un avenir s’ouvre devant nous. Prenons la Bible, soyons à l’écoute de la Parole dans nos assemblées. Alors nous nous reprenons à espérer : la Parole de Dieu éclaire d’une lumière nouvelle les évènements de notre vie.

Après le signe de la parole, il y a le signe du Repas : comme dans la messe, nous allons passer de la table de la Parole, du temps de l’écoute à la table eucharistique, celle du pain du partagé.  Déjà, en entrant dans l’auberge, nos deux disciples sont tout retournés « leur cœur est tout chaud ».

« Reste avec nous car le soir tombe ». Ils sont éclairés par la Parole. Vient ensuite le signe du Repas : c’est là, pour les disciples, comme pour nous, que se fait la reconnaissance.  En rompant le pain avec eux, Jésus pose le signe de l’Alliance, le signe de la Cène et c’est ce geste qui leur ouvre les yeux, ce geste qui est le Sacrement de l’invisible, le Sacrement de sa présence :

« Ils le reconnaissent à la fraction du pain ». C’est lui ! C’est lui !

Vous avez remarqué comme la scène d’Emmaüs suit le déroulement de la messe ? Au départ : la Parole de Dieu, qui veut réchauffer, transformer notre cœur, lui ouvre des horizons nouveaux, nous réanime spirituellement. Puis, après, l’Evangile nous disons au Seigneur : « Maintenant que la Parole a produit son effet dans notre cœur, maintenant Seigneur, reste avec nous », « Viens partager notre pain ».  Et nous passons à la table de l’Eucharistie : celle où le Seigneur va rompre le pain et se faire reconnaitre « Ils le reconnaissent ». Nous le reconnaissons mais il disparaît à nos regards.

Vient alors, le 3e temps : celui de la joie à annoncer. Ils ont le cœur « retourné » alors ils retournent à Jérusalem, pleins d’enthousiasme : « C’est vrai, le Seigneur est ressuscité ».

A la fin de la messe, le prêtre vous dit, à vous aussi, après la communion : « Allez dans la paix, dans la joie du Christ. Allez, ne restez pas : reprenez la route en sens inverse pour annoncer la Bonne Nouvelle à ceux qui cherchent dans la nuit ou qui pensent que leur chemin ne mène à rien ».

A celui qui tout à l’heure était dans notre voiture de chemin de fer, sans billet, sans savoir sa destination, donnons-lui notre billet, disons-lui notre destination ! Billet aller sans retour vers l’amour du Père dans son Royaume. AMEN