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2ième Dimanche de Pâques ou de la Miséricorde Divine – Homélie du Père Louis DATTIN (Jn 20, 19-31)

Joie, prière, charité

Jn 20, 19-31

« Oui, c’est vrai, Marie-Madeleine et Marie ont bien dit aux disciples que le tombeau était vide ». « Oui, elles ont bien dit que  Jésus est ressuscité d’entre les morts ».  « Oui, elles ont affirmé que Jésus leur est apparu ».

 

 

 

₋ Rappelez-vous, c’était l’Evangile de dimanche dernier.  Oui, mais

₋ Mettez-vous à la place des disciples… Comment croire la parole de ces femmes ? Comment croire sans avoir vu ?

Alors, que font-ils ? Ils se calfeutrent dans une maison, ils verrouillent les portes, ils ont peur… Ils se souviennent encore des heures terribles du jeudi soir, au Jardin des Oliviers, du fameux Vendredi où, de loin, répétant les ‘’ont dit’’, ils ont appris le procès devant Caïphe, le reniement de Pierre, le dialogue avec Pilate, les coups de fouet, le manteau rouge, les crachats puis, à l’horizon, cette Croix dressée où vers 3 heures, on a entendu un grand cri :

« Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? »

Oui, c’est l’échec total. Comment, après cela, après avoir vu tout cela, comment croire encore ?

Paralysés par la peur, les portes verrouillées : Jésus apparaît au milieu d’eux. On ne dit pas qu’il « vient », qu’il force les portes, non : il est là, bien vivant, dans ce corps qui porte les traces de sa vie antérieure, les cicatrices des clous.

 Ils le reconnaissent. C’est bien lui ! Il n’y a pas de doute possible : c’est lui et ce n’est plus lui ; il est le même, mais le même devenu « autre » – Présence identique mais nouvelle –

« La paix soit avec vous ». Jésus vient d’abord libérer ses amis de leur peur : oui, c’est bien lui et ils ne sont pas abandonnés. Il vient dissiper la crainte dans laquelle ils baignent et tout de suite, il ne perd de temps, il les envoie en mission :

« De même que mon Père m’a envoyé, moi aussi, je vous envoie » et  « il répandit sur eux son souffle », comme autrefois, dans le récit de la création, Dieu souffla sur Adam pour lui insuffler la vie. Mais ici, ce souffle, c’est celui de l’Esprit Saint pour qu’il les accompagne en mission. Pas de mission possible sans l’Esprit Saint qui est à la racine de toute nouvelle création. Or, cette Résurrection est le premier jour d’une Alliance nouvelle, jour de naissance d’une vie neuve.

Imaginez la joie des disciples et l’étonnement de Thomas quand, arrivé peu après, les autres lui annoncent l’incroyable vérité ! Mettons-nous à sa place ! Pour le savoir, examinez votre réaction lorsqu’on vous raconte des histoires « à coucher dehors ».

Prenez-vous une attitude de refus ou faites-vous confiance ? Thomas, lui, il ne peut pas le croire, il craint l’illusion collective et demande des preuves :

« Je ne suis pas d’accord. Je ne me laisserai pas convaincre aussi facilement ! Il me faudra voir les trous des clous, vriller mon doigt et plonger ma main dans son côté ».

« Merci, Thomas, tu nous as rendu service ! Nous aussi, nous sommes un peu ou beaucoup comme toi : il faut vérifier avant de croire. En exigeant des preuves indubitables, tu as renforcé le témoignage des apôtres et ton exigence est une garantie nouvelle pour nous ! »

C’est pourquoi, le dimanche suivant, Jésus se prête de bonne grâce aux vérifications de Thomas.

 « Thomas, avance ton doigt ici et vois mes mains. Avance ta main et mets-la dans mon côté : ne sois pas incrédule mais croyant ».

₋ Croyant, il l’est mais après avoir vu et c’est pourquoi Jésus, en pensant à nous tous, qui croyons sans avoir vu, en nous fondant seulement sur le témoignage des apôtres, lui dit :

« Parce que tu m’as vu, tu crois ; heureux ceux qui croient sans avoir vu ! »

₋ « Mon Seigneur et mon Dieu ! »

Thomas est saisi par la présence du Christ qui s’impose à lui.

Thomas lui crie sa foi.

Thomas a identifié cet homme : c’est lui, c’est bien lui !

Thomas devient témoin. Il a vu, il a cru ; il est comme le trait d’union entre ces témoins visuels et nous. Grâce à lui, s’ouvre, dans la continuité de la Résurrection, le temps d’une Eglise mise sous le signe « du croire sans voir ».

« Croire sans voir » : désormais, c’est notre statut, état des croyants de tous les temps, de tous les pays.  Le Ressuscité, n’est pas, comme pour Thomas, à portée de notre main. Nous ne pouvons pas, comme Thomas, « toucher du doigt » celui en qui nous croyons. Nous devons faire confiance à cette longue chaîne de témoignages qui remonte le temps jusqu’au Christ. Nous ne pouvons pas voir ; il faut passer au « croire » : « croire » en cette parole qui malgré vingt siècles retentit toujours sur notre terre et qui proclame que « Jésus le Nazaréen est ressuscité ».

Peu à peu, les disciples ont compris que l’essentiel, ce n’était pas de voir Jésus mais de croire en lui, croire aux signes par lesquels il se révèle.  En voyant, on touche avec la main, avec les yeux ; en croyant, on touche avec le cœur.

Souvent, on répète ce proverbe : « Loin des yeux, loin du cœur ». La foi chrétienne fait mentir cet adage. Mes yeux ne voient pas comme ceux de Thomas mais mon cœur sait parce que nous avons compris qu’avec Jésus l’éloignement n’est qu’apparent.  Par la foi, le Christ est réellement proche.

Nana Mouskouri, cette chanteuse orthodoxe, habituée à toucher les icônes, disait : « Ma foi, c’est ma main pour toucher Dieu » : foi encore trop sensible.

« Notre foi, c’est notre cœur pour sentir Dieu » : foi encore trop sensible. Pour être vraie, la foi doit être au creux de moi-même, au creux de l’Eglise, rencontre personnelle et collective, concrète, avec Jésus-Christ. Elle ne va pas seulement à un texte sacré, à une tradition mais à une personne que je sais « vivante », que je sais « présente » à côté de moi, et même, à la communion, en moi : « Mon Père et moi, nous ferons en lui notre demeure !»

Alors je peux lui dire en toute vérité : « Mon Seigneur et mon Dieu !».

A nous aussi, il nous est demandé de faire cette expérience de la rencontre, comme Thomas aux pieds de Jésus, comme les disciples d’Emmaüs, sur la route où il était présent, discutant avec eux.

Le tout, c’est de le reconnaître : à nous, de le voir ; à nous, de le faire voir ; à nous, de le -identifier

à travers cet homme qui me pose des questions,

à travers cette femme qui pleure,

à travers cet enfant tout désemparé,

à travers ce malade qui ne sait plus où il en est,

à travers ce jeune qui se pique pour essayer de voir et de croire à autre chose …

C’est la mission que les apôtres ont reçue avec le souffle de l’Esprit. C’est la mission de notre Confirmation.

« Ne soyons pas inquiets ». Le Christ, par deux fois, nous a dit : « La paix soit avec vous ».

Cette soirée pascale est le tournant de l’histoire. C’est déjà la Pentecôte : « Recevez le Saint Esprit ». C’est la naissance de l’Eglise. Ce soir-là, le monde entier entre déjà dans l’aube de la Résurrection. AMEN