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15ième Dimanche du Temps Ordinaire (Mt 13, 1-23)- Homélie du Père Louis DATTIN

Effets de la Parole de Dieu

 Mt 13, 1-23

 Dominante qui sort de cette liturgie de la parole que ce soit la 1ère lecture ou l’Evangile : c’est l’extraordinaire profusion de la grâce de Dieu. La « pluie de Dieu » dans le texte d’Isaïe : cette pluie qui tombe, cette neige qui tombe, qui imprègne le terrain et abreuve le sol et fait peu à peu germer tout ce qu’elle contient pour donner plus tard le pain à celui qui mange « Ainsi, ma Parole, dit Dieu, ne me reviendra pas sans résultat, sans avoir accompli sa mission ».

Et voici, à son tour, la parabole du Semeur qui est avant tout une merveilleuse nouvelle : « Le Semeur, le Seigneur, est sorti pour semer ».

Voilà le temps de la grâce qui est venu : Dieu sème largement. J’allais dire « à tort et à travers », sans regarder, sans économiser, jusqu’à gaspiller ; nul ne peut échapper, nul ne peut être oublié ; la semence tombe partout : à droite, à gauche, sur le chemin, dans les pierres, dans les ronces, dans la bonne terre aussi. Dieu donne sans compter : c’est la bonne mesure dont il parle ailleurs dans l’Evangile ; mesure tassée, secouée, débordante. Aussi n’est-il plus possible d’être découragé !

Combien de fois, le peuple de la Bible, et nous-mêmes, (nous aussi, n’est-il pas vrai ?) avons été découragés, déçus ! Dieu nous fait des promesses, mais nous ne les voyons pas s’accomplir.

Combien de fois, dans l’épreuve, n’avons-nous pas mis en doute la Parole de Dieu !

Combien de fois n’avons-nous pas eu confiance ! Ce Créateur qui fait tomber la pluie fécondante, qui sème à tous vents, serait-il moins efficace pour accomplir ses promesses?

Aussi, le premier message de cette parabole est un message de confiance à ceux qui se plaignent de la lenteur de l’intervention divine : tout ce temps apparemment perdu ! Le Seigneur répond qu’elle ne se mesure pas avec des critères humains sinon peut-être ceux du paysan : semant en octobre, il sait qu’il ne récoltera sa moisson qu’en juillet suivant, qu’il va falloir des mois et des mois de pourrissement, de germination, de croissance invisible pour qu’un jour, il voit sortir de terre, de petites feuilles toutes fragiles qui sont la promesse des tiges, des fleurs, des fruits à venir.

A nous aussi, comme à Dieu, le Semeur, il faut du temps, beaucoup de temps pour que sa grâce opère en nous, qu’elle murisse, qu’elle germe, qu’elle donne du fruit.

« Dieu écrit droit avec des lignes courbes», disait un proverbe chinois.

Déjà, pour faire un corps humain : il faut neuf mois pour le mettre au monde, vingt-cinq ans pour le faire parvenir à la vie adulte, et nous voudrions que Dieu gâche son travail lorsqu’il s’agit du mûrissement et de la croissance de sa vie divine en nous ! Une vie promise à l’éternité ! Peut-être n’avons-nous pas trop de toute notre vie humaine simplement pour laisser Dieu s’implanter en nous, y prendre corps et s’épanouir sur notre pauvre terrain. Oui, Dieu travaille et le jour de la moisson viendra en son temps.

Il faut aborder maintenant, non plus le travail de Dieu, mais celui du Semeur, travail généreux. Nous sommes la terre de ce semeur impénitent, offert à ses semences, criblé de grâces. Personne n’y peut rien, c’est son style à lui. Dieu est comme cela, on ne le changera pas ! Ces grains, ces grâces qui ruissellent et qui rebondissent, à quoi ressemblent-ils ?

Le semeur, c’est Jésus Les grains, c’est la Parole de Dieu La terre, c’est nos coeurs!

Ce ne sont pas seulement des dons, des charismes, pas seulement des paroles, ce sont des semences divines devenues chair, devenues vie de Dieu en nous, comme celle d’un époux. Mais cette semence tombe-t-elle ? Sur des terrains extrêmement divers et c’est là encore que nous constatons le respect de Dieu pour la liberté de l’homme : sans une libre adhésion humaine, Dieu ne peut rien. Quelle est la qualité du terrain où tombe cette semence de Dieu ? Quelle est la qualité de l’accueil que nous réservons à cette Parole qui doit féconder notre cœur ?

Il y a le terrain : le bord du chemin, dur comme de la pierre sur lequel l’homme passe et repasse en écrasant, en piétinant la Parole de Dieu qui n’a aucune chance, alors, de s’implanter ; la terre manque.

Combien en avons-nous vu autour de nous, de ces personnes au cœur de pierre, durs avec les autres, durs en affaires, l’âme martelée par les pas pesants de tous ceux qui piétinent les sensibilités, l’affectivité et qui ne connaissent pas d’autres terrains que ceux où l’on pose ses gros sabots.

La semence, elle, est bien trop petite, bien trop modeste pour qu’ils y fassent attention ! Ils passent dessus allègrement.

Aussi sont-ils aussi peu respectueux de ceux qui les entourent : ils avancent comme des bulldozers, sans rien voir de ce qu’ils écrasent, « ils regardent sans regarder, ils entendent sans écouter » et surtout sans comprendre vraiment. Ainsi s’accomplit pour eux la parole du prophète Isaïe : « Vous aurez beau écouter, vous ne comprendrez pas. Vous aurez beau regarder, vous ne verrez pas », « leur cœur s’est alourdi : ils sont devenus durs d’oreille, ils se sont bouchés les yeux. Leur cœur ne comprend rien et ils ne se convertissent pas ».

En fait d’accueil à la grâce de Dieu, certains sont des blockhaus non seulement impénétrables à cette vie divine mais ils ont tout fait pour s’en défendre et s’en protéger, car, sans rien comprendre, ils ont pourtant réalisé que si Dieu pénétrait dans leur vie, ce ne serait plus eux, les maitres, mais bien Dieu lui-même qui va les embarquer dans une aventure qu’ils ne désirent surtout pas : tous ont le droit de pénétrer dans leur existence, sauf la semence de Dieu, la vie de Dieu, qui, seule, pourtant, pourrait un jour les féconder.

Parole de Dieu piétinée sur le chemin de la vie – Parole de Dieu séchée, asséchée, desséchée dans un terrain pierreux où il manque la terre c’est-à-dire l’accueil : il entend la Parole plus qu’il ne l’écoute mais il n’a pas de racine.

Comment dans ce cas-là, la Parole de Dieu va-t-elle à son tour prendre racine en lui ? La catégorie de tous les superficiels, les gens de surface, qui font plus attention à la vie extérieure : société, apparences, façades, modes, look, poudre aux yeux, frime, un magasin tout en vitrine où il n’y a rien dans les rayons…

Parole de Dieu piétinée – Parole de Dieu en terrain pierreux – semence aussi qui tombe dans les ronces : « Oh ! Seigneur, nous voudrions bien t’accueillir mais vois-tu nous avons tellement de soucis, tellement d’occupations de toutes sortes, notre emploi du temps est tellement chargé et tu n’as pas la priorité, alors on te donne une petite place provisoire, vite étouffée, vite invivable au milieu de tout ce fracas et ce foisonnement uniquement humain ». La Parole est étouffée, couverte par les hauts parleurs des médias, des courants d’idées, du vacarme, des modes et des airs du temps.

Frères et sœurs, finissons par la bonne terre car elle existe, elle aussi, c’est la terre d’accueil qui reçoit la pluie et la neige de Dieu afin de pouvoir féconder la semence et faire germer un monde nouveau.

« Toute Parole qui sort de ma bouche, ne me reviendra pas sans résultat sans avoir fait ce que je veux, sans avoir accompli sa mission ».

La bonne terre, c’est celui qui entend la Parole et qui la comprend, c’est-à-dire qu’il la prend avec lui. AMEN