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4ième Dimanche Temps Ordinaire (Mc 1, 21-28) – Homélie du Père Louis DATTIN

Jésus parle avec autorité

 Mc 1, 21-28

Dans cet Evangile, frères et sœurs, voici donc Jésus face à face avec le mal, c’est l’affrontement. Mais le Christ est le plus fort : le démon est vaincu, il sort du cœur de l’homme. C’est un combat que Jésus engage pour une libération totale de l’homme.

Eh bien, puisque Jésus a vaincu le mal, sommes-nous encore concernés ? Oui, parce que cet esprit du mal, il est toujours présent au cœur de l’homme, et Jésus, et nous aussi, nous avons toujours à lutter contre lui. C’est ce que nous allons essayer de comprendre.

Vous avez certainement déjà entendu cette question :

« Pourquoi Dieu permet-il le mal ? » Qui n’a jamais entendu cette réflexion : « Si Dieu existait, il n’y aurait pas de mal ? »

Essayons de réfléchir : si Dieu nous aime vraiment, il nous respecte et s’il nous respecte, il va nous laisser libres c’est-à-dire capables de « choisir » ; la grandeur, la dignité de l’homme, c’est son pouvoir de construire, de lutter, de décider, de maîtriser la nature par la science, la technique, un travail qui va le mettre au service de ses frères.

Si Dieu, sous prétexte de bonté, intervenait sans cesse nous disant d’une certaine façon : « Pousse- toi de là, marmaille, tu ne sauras pas élever l’homme, bâtir le monde. Assieds-toi, je vais m’en occuper ». Dieu serait « paternaliste » et non pas « Père« . Un enfant qui a des parents qui font tout à sa place, sous prétexte qu’il n’est pas capable de le faire, est un enfant qui, devenu adulte, sera nul : ses parents ont tout fait à sa place.

Si sous prétexte de faire notre bonheur, on fait tout à notre place, nous devenons des incapables parce que nous n’avons jamais vraiment exercé notre responsabilité personnelle.

Si Dieu concentre tous les pouvoirs entre ses mains, nous ne sommes que des marionnettes, des robots, des esclaves et Dieu devient un dictateur.

– A un alpiniste qui veut gravir une montagne et aller, avec des fatigues et des souffrances, jusqu’au sommet, Dieu ne va pas lui envoyer un hélicoptère pour le déposer sur le sommet qu’il voulait vaincre.

– Dieu ne fournira pas aux patrons, aux ouvriers, des usines clefs en mains fonctionnant sans efforts, avec, en prime, la garantie absolue que tous les problèmes sociaux seront réglés.

– A l’amoureux, il ne donnera pas une belle qui ne pourrait que dire : « Je ne peux pas faire autrement que de t’aimer et te rester fidèle ».

– Aux parents, il ne donnera pas des enfants « bien élevés », sans aucun problème.

Sinon, il n’y aurait plus d’homme et plus de « Dieu-Amour ». Quand nous disons « Je crois en Dieu tout puissant », nous ne croyons pas qu’il est un « tout-puissant » dominateur, un « Napoléon » céleste, mais le « tout-puissant de l’amour » risquant tout par respect pour l’homme.

Le MAL et la souffrance dans le monde sont le prix de la LIBERTÉ et donc de la dignité de l’homme car l’homme n’est pas une BÊTE. Dieu l’a voulu responsable puisque créé par amour et pour l’AMOUR. Ainsi, l’homme est libre. Il le sait. C’est sa grandeur, mais c’est aussi son drame : créé à l’image de Dieu, il voulait être Dieu. Mais il est limité comme la main qui ne peut agir que si elle est reliée au poignet, au coude, à l’épaule, au cœur, au cerveau.

Alors nous voudrions tout pouvoir et tout avoir, comme un petit Dieu qui possède tout pour lui : sa maison, sa voiture, sa télé mais aussi posséder les autres : ma femme, mon mari, mes enfants, mes amis.

 Alors, nous proclamons : « Je ne demande rien aux autres. Je me suffis à moi-même ! » « Allons donc », « Ça me suffit » « Cher petit Dieu » Est-ce toi qui t’es donné la vie ? Est-ce toi qui as construit la maison que tu habites ? Le poste de télé que tu regardes ? Est-ce toi qui as élevé le bœuf dont tu vas manger le carri à midi et écrit les livres dans lesquels tu as étudié ? Tu n’es souvent qu’un parasite qui vit sur le dos des autres. Tu t’enfermes sur tes biens ! ENFERMÉ→ENFER… Ça ne te dit rien ?… Malheureux ! Tu crois posséder tes biens, en fait tu es possédé par eux ! La voilà, la véritable possession ! Tu es ligoté, tu t’es fait posséder !… tout comme Adam et Eve : « Mangez du fruit défendu et vous serez comme des dieux ».

Alors, mes amis, qui va chasser de notre cœur cet esprit du mal ? Qui va nous sauver ? Qui nous libérera ? Ce ne sont pas les guérisseurs et les voyantes : ils se trompent d’adresse en désignant ceux qui nous font du mal. Ce ne sont pas non plus nos seuls efforts, ni nos seules luttes, si justifiées soient-elles. Nous ne sommes pas assez forts contre le mal et nous avons du mal à l’admettre. Nous essayons et nous échouons ! Pourquoi ? Parce que notre cœur n’est pas changé !

Jésus et Jésus seul est assez fort pour transformer notre cœur de pierre en cœur de chair. Jésus seul est le vrai libérateur, le seul qui peut nous rendre la liberté, en nous délivrant de l’Esprit mauvais qui trop souvent nous « possède », nous rend « captif ». Mais jamais Jésus ne nous délivrera pas de force. Il chemine dans nos vies, il continue à interpeler avec autorité.

 

C’est son Esprit qui murmure au creux de notre conscience : « Tu ne vas pas faire cela » ; « Tu ne vas pas continuer à vivre ainsi ».

C’est son Esprit qui, par l’Eglise, nous invite à rejoindre ceux qui luttent et qui travaillent concrètement à bâtir un monde de communion, comme le possédé de la synagogue, un jour ou l’autre, nous reconnaissons Jésus et l’Esprit mauvais en nous se débat :

« Que me veux-tu Jésus de Nazareth ? », « Je sais fort bien qui tu es », « Ce n’est pas possible de vivre comme tu me le demandes : c’est trop dur, trop exigeant…et ma tranquillité ? Et mes petites satisfactions ? Et mes biens ? Si je te donne un peu, tu demandes davantage et si je donne davantage, tu réclames tout ! », « Cesse de me tourmenter ! »

C’est la lutte en nous, le combat spirituel et autour de nous l’Esprit du mal et l’Esprit du Christ : combat mille fois renouvelé dans nos vies partagées.

Frères et sœurs, il n’y a pour nous qu’une seule issue : accueillir la Parole et nous ouvrir à l’Esprit d’amour. Alors, nous aussi, comme le possédé de l’Evangile, nous pousserons un grand cri : le cri de la liberté retrouvée ! AMEN