5ième Dimanche Temps Ordinaire (Mc 1, 29-39) – Homélie du Père Louis DATTIN

Le mal et Pâques

 Mc 1, 29-39

La liturgie de dimanche dernier nous avait confrontés au problème du mal et déjà nous nous posions cette question :

« Comment Dieu, qui est amour, bonté, justice, permet-il autour de nous et sur nous, cette emprise du mal ? » Il y a là une contradiction entre un Dieu bon, Père tout-puissant et un mal, mauvais, adversaire de l’homme et qui semble tout-puissant, lui aussi.

Pour mieux nous le faire sentir, la liturgie d’aujourd’hui campe devant nous : deux hommes aux prises avec le mal, Job et Jésus.

Job, vous venez de l’écouter : ce sont des paroles de désespoir et d’amertume. Il essaye de comprendre le sens de sa vie : « Celle-ci, dit-il, est une corvée », « l’homme n’est qu’un manœuvre, un esclave », « je ne gagne que du néant », « la nuit, je désire le jour ; le jour, je désire la nuit », « et cette chienne de vie court plus vite devant moi que la navette du tisserand ». Et puis, un jour, cette navette s’arrête brusquement : il n’y a plus de fil = souffle de vie, et le bonheur, alors ? C’est pour quand ?

Il y a certains moments de notre vie où nous pourrions en dire autant.

. Cri personnel : nous nous débattons dans les soucis de la famille, le chômage des uns, la méchanceté des autres, la maladie des enfants, les injustices de certains, le handicap d’un être cher, le double jeu des menteurs, l’égoïsme sacré des repliés sur soi.
. Cri collectif : « Mais, Seigneur, ces milliers de personnes qui meurent en Israël, en Irak, au Soudan ; ces bidonvilles d’Amérique Latine ; ces milliers de chômeurs écartés de la vie, de la société ; tous ces mal-aimés ; tous ces humiliés ».

. Cri de révolte contre l’homme et contre Dieu.

            C’est du chapitre 7 du « livre de Job » que cette lecture est extraite et ce n’est qu’en allant plus avant dans la souffrance et aussi dans sa réflexion que Job découvre Dieu présent dans sa vie.

Au chapitre 42 de ce même livre, enfin il s’écrie : « Jusqu’ici, je ne te connaissais que par « oui- dire », mais maintenant mes yeux t’ont vu ! ».

Il ne dit pas : « Tu m’as expliqué ce mystère ».

Il ne dit pas : « J’ai compris pourquoi j’ai souffert ».

Non, il dit seulement : « Mes yeux t’ont vu ». Dans sa souffrance, dans sa misère, au creux de l’épreuve, il a vu Dieu : il était , présent à côté de lui, en lui. Au lieu d’une explication, à la place d’une solution, il y avait quelqu’un à côté de lui, qui souffrait avec lui.

Job n’a pas de réponse : il a découvert Dieu au cœur du problème, au cœur de sa situation, le mal reste toujours le mal. 

Le mal, quoiqu’on ait pu dire, n’est jamais un bien et il n’y a pas, comme on l’a dit parfois, de « bonne souffrance » et le chrétien comme Job, a « le droit« , bien plus, « le devoir » de lutter de toutes ses forces, de combattre le mal sous toutes ses formes :

* mal physique de la maladie

* mal intellectuel de l’ignorance ou de l’erreur

* mal affectif de l’égoïsme ou de la méchanceté

* mal spirituel de l’athéisme, de l’indifférence et des fausses pistes spirituelles.

Tout cela, nous devons le combattre avec vigueur et sans ambigüité, d’abord en nous et puis autour de nous. Le mal sera toujours mal et parce que c’est mal, il faut le chasser, l’écraser : ce que parfois on a appelé « résignation » n’est qu’une abominable capitulation de l’homme qui baisse les bras au lieu de continuer à lutter.

 Job ne se résigne pas. Job n’admet pas. Mais au bout de ses réflexions et de ses raisonnements humains, il a vu « quelqu’un« , présent, en lui et à côté de lui, luttant avec lui comme un partenaire, comme un compagnon d’arme : « Mais, maintenant, mes yeux t’ont vu, aussi je retire mes paroles ». Dieu luttant à ses côtés, avec lui, Job ne parle plus, il va agir, lutter, sachant qu’il n’est plus seul pour le faire. Pour lui, le mal n’est plus un « Problème ». C’est « un ennemi » contre lequel il va falloir se coltiner, ayant à ses côtés, celui qui a vaincu le mal définitivement : Jésus-Christ.

Eh bien, puisque je l’ai nommé, passons de Job à Jésus et nous aurons trouvé, non pas une réponse, une solution intellectuelle mais le vainqueur du mal. Quand j’étais jeune, j’ai appris un jour qu’un avion avait « passé » « le mur du son », crevé « le mur du son » et qu’il évoluait désormais dans un silence total. Il passait d’un monde à un autre monde. Le Christ, lui, par sa mort et sa Résurrection, a crevé le « mur du mal » et à sa suite, par sa vie reçue au Baptême, par nos souffrances unies à sa Passion, par notre passage à la vie éternelle, nous crevons, nous aussi, ce « mur du mal » : passage qui s’effectue entre le « Vendredi Saint » de chacun d’entre nous et l’aube de notre « Pâques » qui veut dire « passage ». Tous, nous avons à effectuer ce « passage », crever ce mur du mal. Après toutes nos épreuves, après toutes nos souffrances, après notre Vendredi Saint, il y a « Pâques » qui se profile à l’horizon.

La lueur de l’aube nouvelle, la lumière au bout du tunnel. A la suite de Jésus-Christ, « premier né d’entre les morts », figure de proue de l’Humanité en marche, nous n’avons pas à disserter sur le problème du mal. Jésus-Christ n’a pas fait de conférences sur « le mal », il s’y est attaqué : « Satan, sors de cet homme ». Il guérit la belle-mère de Simon : il l’a fait lever.

 Nous tous, les accablés, les prostrés, les couchés, les résignés, Jésus-Christ nous fait lever : il veut que nous soyons des hommes « debout« . « Elle les servait » debout pour nous mettre au service des autres, luttant à notre tour, en compagnie du Christ contre ce mal omniprésent. « Le soir venu, après le coucher du soleil, on lui amenait tous les malades et ceux qui étaient possédés par un esprit mauvais : et il les guérissait et chassait beaucoup d’esprits mauvais ».

Jésus-Christ n’apporte pas de solution à la souffrance, Dieu n’est pas venu supprimer la souffrance, il n’est même pas  venu l’expliquer, « Il est venu, nous dit Claudel, la remplir de sa présence, la prendre à bras le corps », et c’est le crucifix : ce crucifix auquel nous sommes tellement bien habitués que nous ne le regardons parfois même plus.

La souffrance pourtant, elle est là, désormais, clouée à la Croix par Dieu. Jésus-Christ l’a prise toute entière pour la tuer par sa propre mort. Lorsque Jésus fut descendu de cette croix, corps inerte, sans vie, on aurait pu croire que le mal était le vainqueur absolu et définitif : c’était compter sans Pâques, « le Mystère Pascal ». C’est la « lutte finale » où Dieu a fait mourir la mort, la souffrance, le mal. C’est par là qu’il nous faut passer à la suite du Christ.

Il y a des « Vendredi Saint » dans notre vie, mais surtout il y a « Pâques » : la victoire définitive sur le mal. AMEN

image_pdfimage_print

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Question antispam * Time limit is exhausted. Please reload the CAPTCHA.

Top