Résurrection du Seigneur (Messe du jour – Jn 20, 1-9) – Homélie du Père Louis DATTIN

PÂQUES

Jn 20, 1-9

Vous venez d’entendre Saint Marc dans l’annonce de la Résurrection du Christ. Pour les premiers qui ont cru à la Résurrection, on peut dire que tout a commencé :

 . avec une question : « Qui nous roulera la pierre ? »

 . avec un constat surprise : le vide du tombeau

 . avec une peur panique qui tourne à la fuite

 . et enfin, avec une annonce étrange qui n’en finit pas de nous provoquer vingt siècles après : « Il est ressuscité ! Il est vivant ! »

Une question, un constat, une peur, une annonce, et c’est à partir de cette expérience et, sur leur parole, que nous aussi, nous osons croire qu’il est ressuscité !

Et d’abord, une question : Marie de Magdala, mère de Jacques et Salomé la formulaient ainsi « Qui nous roulera la pierre ? ».

Nous aussi, nous sommes anxieux. Nous voyons actuellement et nous assistons impuissants à des événements et nous vivons des situations dans lesquelles il nous semble que nous sommes dépassés. Il y a dans cette question un lourd poids d’anxiété :

 – c’est le cri de notre impuissance, lorsque tous les jours, nous apprenons que les hommes se haïssent, qu’ils profanent les biens des autres, le patrimoine de notre création, qu’ils saccagent notre civilisation, qu’ils ne tiennent aucun compte des valeurs auxquelles nous sommes les plus attachés

– c’est le cri de l’impuissance en face de ce mur de pierres tombales derrière lesquelles la mort semble nous enfermer définitivement.

« Qui nous ouvrira ce mur ? Qui sera assez fort pour rouler cette pierre qui nous bouche l’avenir ? » Il n’y a personne actuellement qui soit capable de résoudre la situation. Alors, c’est nous qui sommes roulés (pas la pierre). En voyant ce que nous voyons actuellement, nous nous posons la question : « La vie ne serait-elle pas une farce ? », farce de l’homme bloqué et prisonnier de pierres trop lourdes pour être seulement déplacées, pierres trop lourdes de nos tombeaux d’égoïsme, d’orgueil, de magouilles, de haine, de mensonge.

Qui nous libèrera de tout ce qui pèse actuellement trop lourd dans nos vies ? Qui nous enlèvera ce qui risque de nous enfermer définitivement dans nos tombeaux ? C’est une bonne question, pour le jour de Pâques !

Ensuite arrive une surprise : le tombeau vide. Il était ouvert, ce tombeau, vide !… Ce vide que nous ressentons à certains jours où, sans avoir prié, sans s’être recueilli auparavant, nous avons vécu à l’extérieur de nous-mêmes, où nous avons essayé de le combler par la consommation de gadgets, de choses futiles et superficielles, ce vide que Marx pouvait définir ainsi : « L’homme n’est que du néant en sursis », ce vide que Jean-Paul Sartre pouvait résumer ainsi : « L’homme naît sans raison, se prolonge par faiblesse et meurt par hasard ».

Et cependant, nous pressentons autre chose : l’homme a un avenir, il a une destinée, sa vie a un sens c’est-à-dire, à la fois, une direction et une signification. Où est la vérité de la vie ? Où est la vérité de l’homme ? Pourquoi est-il sur terre ? Est-il appelé par quelqu’un ? Sommes-nous fruits du hasard donc de l’absurdité, fruit de la nécessité donc de l’esclavage ou fruit d’une liberté proposée à laquelle nous avons à répondre librement ?

Pascal, lui, fait ce constat : « L’homme dépasse l’homme ». L’homme est plus qu’un homme, la vie est plus que la vie, la vérité : plus que ce qu’on peut en connaitre ou en dire. Mais devant ce grand vide : celui de nos espaces, le vide de nos vies, le vide de la mort, nous sommes comme les femmes de l’Evangile après la question et la surprise.

 Après la surprise, la peur : qui d’entre nous, à certains moments de sa vie, il n’y a pas si longtemps peut-être, et encore maintenant, n’a pas connu la peur ?

 . cette peur d’une humanité qui a perdu le sens d’elle-même,

 .  peur de l’homme sans boussole ni sextant, au milieu de l’océan,

 . peur de ces menaces, soit naturelles comme celles d’un cyclone soit humaines comme celles des troubles civils,

 . peur de vivre perdu dans un monde insécurisé où nous ne trouvons pas de réponses à toutes nos questions,

 . peur devant ce qui semble nous dépasser.

Et dans ce contexte-là, avec nos questions, nos constats, nos peurs, voilà qu’encore une fois, nous entendons, comme les femmes d’hier, une annonce étrange, bouleversante et qui ne cesse de nous provoquer « Il est ressuscité ! ». Mais comment y croire ?

Voici l’annonce, annonce provocante ! Est-elle si incroyable ? Celui-là même qui est ressuscité nous a pourtant pris une comparaison toute simple, avant de mourir : « Regardez le grain de blé, il meurt dans la terre et de sa mort, jaillit le fruit qui fait vivre ».

C’est vrai, la vie peut jaillir de la mort, ce n’est pas incroyable puisque c’est inscrit aussi dans la nature. Nous pressentons aussi qu’il y a en nous, quelque chose de plus grand que la mort et même plus grand que la vie… et c’est l’amour : tous les amoureux le savent bien, qui voudraient que leur amour dure toujours, éternellement ! Oui, nous sommes faits pour cela ! Ce père de famille qui, peu de temps avant sa mort, disait à son enfant : « Vois-tu, ce n’est pas mourir qui est dur, c’est de quitter ceux qu’on aime ». Autrement dit : l’amour est plus grand que la mort et l’on peut perdre la vie humaine, mais pas l’amour que nous avons donné, et celui que nous avons reçu.

« L’amour, affirme St-Paul, ne passera jamais ! » et c’est vrai, qu’en ce jour de Pâques, nous pouvons dire avec un grand théologien :

« Il est arrivé quelque chose à la mort depuis que le Christ l’a subie » et c’est l’amour qui a fait cela ! Lorsque, du haut de la croix, Jésus dit : « Père, pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font », il nous révèle que l’amour est plus grand et plus fort que le mal. C’est à nous d’y croire : c’est l’amour qui rend vivants, qui nous fait ressusciter et déjà sur la terre, et déjà dans notre vie “Il est ressuscité !”.

Voulez-vous savoir si vous croyez vraiment que Jésus est ressuscité ? Alors, répondez à 2 questions :

. La 1ère : Avez-vous envie de ressusciter ? Avez-vous envie de ressusciter à une vie qui vaudrait la peine d’être vécue pour toujours, avec les autres, avec le Christ, avec Dieu ? Oui ou non ?

 

. La 2e : Avez-vous envie de ressusciter les autres, c’est-à-dire de leur donner un peu de votre vie, un peu du « meilleur de vous-même », les aider à ressusciter, eux aussi, à leur tour et cela, dès maintenant, parce qu’ils n’ont pas eu leur compte de vie, leur compte de bonheur ?

Jean l’apôtre, un des premiers à avoir cru à la Résurrection de Jésus, a ce mot décisif : « Nous savons que nous sommes passés de la mort à la vie lorsque nous aimons nos frères ». Nous croyons vraiment à la Résurrection quand nous nous mettons à aimer nos frères.

Frères et sœurs, c’est dans cette expérience-là : l’amour partagé, le pain partagé (rappelez-vous les compagnons d’Emmaüs) que la Résurrection du Christ ne nous paraîtra ni étrange ni étrangère, « c’est là que le Christ ressuscité nous précède » comme il l’avait annoncé. AMEN

 

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