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La Sainte Trinité (Mt 28, 16-20) – Homélie du Père Louis DATTIN

Envoi des disciples

Mt 28, 16-20

Dès le début de cette messe, frères et sœurs, nous avons fait sur nous, le « signe de croix » : un geste souvent automatique, appris dès notre petite enfance et auquel parfois nous n’attachons pas grande importance. En même temps que ce geste, nous disons aussi des paroles qui sont tellement passées dans notre bouche que nous n’y faisons guère attention et pourtant ce « Au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit » est la quintessence, le résumé essentiel de notre foi totale.

Et le jour de notre Baptême, en versant l’eau sur notre front, qu’a-t-on dit ? « Je te baptise « Au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit « ».

Lorsqu’après avoir confessé nos fautes, le prêtre nous pardonne au nom de Dieu : que dit-il ? « Je te pardonne toutes tes fautes  » Au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit  » ».

Autrement dit, toute démarche chrétienne, tous les gestes religieux du christianisme commencent et finissent par cette fameuse formule trinitaire « Au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit ». Et pourtant, il faut bien l’avouer, dans notre vie de tous les jours, cette vie trinitaire n’envahit pas notre quotidien. Nous pensons davantage à Jésus parce qu’il s’est fait homme comme nous, à la Vierge Marie, sa mère ou même à St-Expédit ou au frère Scubilion, et pourtant la sagesse populaire ne nous dit-elle pas qu’ « il vaut mieux s’adresser à Dieu qu’à ses saints » ?! Cette fête d’aujourd’hui, celle de la Trinité Sainte, est là pour nous ramener à l’essentiel, au noyau de notre foi, à la source de tout amour, au tremplin de toute espérance.

 Ecoutons les premiers mots que nous adresse le prêtre au début de la messe : « Que la grâce de notre Seigneur Jésus-Christ, l’amour de Dieu le Père, la communion de l’Esprit Saint soient toujours avec vous ». Il nous place d’emblée en présence de la Sainte Trinité. C’est là, en elle, qu’il faut chercher les tenants et les aboutissants de notre foi.

Un père, prêtre et savant théologien, m’a avoué que pendant longtemps, si l’on avait enlevé la Trinité de son univers religieux, cela ne l’aurait pas tellement gêné. Il aurait très bien vécu sans Trinité mais à présent, me disait-il, « la Trinité de Dieu est pour moi, essentielle ». Jusque-là, il croyait en Dieu, qu’il soit ou non Trinité, et maintenant, il croyait en Dieu parce qu’il est Trinité.

Max Thurian, ce pasteur de Taizé, devenu prêtre catholique, nous dit que le mystère de Dieu est plus accessible à notre foi par la Trinité que l’affirmation d’une seule personne divine.

En ces trois personnes, Dieu devient plus proche, plus près de nous, car il se manifeste comme un Dieu vivant, dans la vie communautaire de qui nous pouvons entrer par la foi et dans la prière.

La Trinité nous révèle que Dieu n’est pas seul, qu’il n’est pas « l’éternel célibataire des mondes » ou le « grand horloger » de Voltaire, mais que Dieu est le Vivant, qu’il est « communion », dialogue d’amour. Dire Dieu, pour nous, chrétiens, c’est nommer dans un même élan d’amour, le Père, le Fils et l’Esprit-Saint.

Le père Varillon avait l’habitude d’affirmer : « Dire que Dieu est amour et qu’il est Trinité, c’est exactement la même chose ».

Admettez que Dieu soit seul, comment dans ce cas-là, peut-il être amour ? Qui peut-il aimer ? Comment peut-il être communautaire, dialoguant, vivant d’une charité interpersonnelle ?

Bien sûr, il a fallu que Jésus nous le révèle. C’est Jésus qui nous a fait la confidence qu’ils sont trois en Dieu. Il nous a dit que Dieu est son Père et notre Père et qu’en nous quittant, il nous laisserait l’Esprit : la raison humaine recule dans ce Dieu trois tellement unis par l’amour qu’ils sont « un ». Mais il est possible cependant d’en saisir quelque chose, nous les hommes, justement, parce que nous sommes créés à l’image de Dieu.

Par notre expérience de l’amour : aimer, pour nous, aimer quelqu’un, c’est vouloir être tellement uni à l’autre que nous ne fassions plus qu’un avec lui mais en respectant sa personne et la mienne. L’amour veut à la fois l’unité et la distinction.

Or, justement, ce que nous pouvons comprendre de la Trinité, c’est qu’elle est trois générosités qui se donnent l’une à l’autre. Dans le Père, le Fils et le Saint-Esprit, il y a l’impossibilité absolue de repliement sur soi, pas de traces de propriété de soi-même. Chacun est un pur don de soi pour les deux autres, un total oubli de soi pour les autres. C’est leur amour qui fait leur unité et c’est parce que Dieu est amour qu’il est unique et que nous pouvons dire : « Je crois en un seul Dieu ».

Jésus nous a rappelé que nous aussi, nous sommes bâtis sur le plan de Dieu, « à son image ». Il nous dit à son tour que, nous les hommes, nous devons nous aimer les uns les autres jusqu’à créer cette unité entre nous et avec lui et nous insérer dans ce mouvement d’amour qui est le sien ! On se demande parfois ce qu’est le ciel, ce que nous y ferons. Vous n’avez qu’à contempler la Trinité et vous le saurez.

Nous serons tellement unis les uns aux autres dans un même amour, celui de Dieu, amour tellement fort que nous devenons d’abord communauté-unité tout en ne perdant rien de notre personnalité, qui, au contraire, sera d’autant plus épanouie qu’elle sera aimante et aimée. Jamais l’unité, fruit de l’amour, ne détruit les êtres particuliers ; au contraire, elle les valorise.

 Nous savons d’ailleurs par expérience que notre personnalité ne s’est jamais autant épanouie, ouverte, déployée que par l’amour que les autres nous ont porté. Nous sommes tous des fruits de l’amour. Rappelons tout ce qu’ont fait les autres : père, mère, frères et sœurs, éducateurs, école, mouvements, Eglise pour que nous en arrivions à ce que nous sommes devenus ! Quelle somme d’amour il a fallu ! Ce Dieu, Trinité c’est-à-dire communauté d’amour est notre avenir. Il se tourne vers nous et nous attire à lui. Dieu Trinité, cela veut dire : amour et présence. Dieu vers nous = le Père ; Dieu avec nous = Emmanuel, Jésus ; Dieu en nous = l’Esprit-Saint.

Parce qu’il est Trinité, Dieu ne reste pas enfermé sur lui-même. IL est attentif aux hommes, il se tourne vers eux. Le Père est venu à nous par son Fils qu’il nous a envoyé et depuis la Pentecôte, le Père et le Fils viennent à nous, par l’Esprit-Saint qui habite en nos cœurs. Rappelons-nous les dernières paroles de Jésus : « Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils unique » et à son tour Jésus déclare : « Il vous est bon que je m’en aille, car si je ne m’en vais pas, l’Esprit ne viendra pas en vous ».

Voilà, j’allais dire, le travail, le bilan de la Sainte-Trinité de Dieu : une plénitude d’amour qui a suscité la descente de Dieu vers les hommes et qui les accompagnera toujours. AMEN