15ième Dimanche du Temps Ordinaire – Homélie du Père Louis DATTIN

Envoi en mission

Mc 6, 7-13

Vous vous rappelez, frères et sœurs, que dès le début de l’Evangile, Jésus choisit des collaborateurs : il complète son groupe peu à peu, jusqu’à douze, chiffre symbolique indiquant qu’il a l’intention de fonder un nouveau peuple d’Israël à partir de douze tribus et nous voyons ces douze hommes accompagner partout Jésus, se tenant toujours à ses côtés. Mais, s’ils sont là, ce n’est que pour se former pour être envoyés ensuite à leur tour. Jésus va peu à peu leur confier sa propre mission ; eux aussi, ils sont chargés de prêcher : c’est le temps de l’Eglise qui commence. Dieu ne veut pas tout faire : il attend de nous, notre rôle à jouer. Il nous confie ses responsabilités. Très souvent, nous nous faisons du chrétien une image d’un homme fidèle, à côté du Christ, qui l’écoute et essaie de mettre en pratique personnellement son enseignement : ce n’est qu’un seul aspect du chrétien.

Le chrétien, c’est aussi et surtout, celui qui est envoyé par Jésus auprès des autres, pour leur dire à son tour, le message de Jésus qu’il a reçu lui-même : il est le relai, le diffuseur du message de Jésus.

Le chrétien est celui qui est chargé par Jésus de prêcher, d’annoncer la Bonne Nouvelle. Je ne suis pas seulement un chrétien à usage interne c’est-à-dire pour ma sanctification personnelle, mais un chrétien à usage externe, envoyé par le Christ aux autres, pour leur dire à mon tour et leur faire voir, moi aussi, comme témoin, ce que doit savoir, ce que doit faire un chrétien. « Il les envoie » pendant les cinq premiers chapitres de l’Evangile. Marc nous fait voir les disciples formant un groupe uni et soudé, les uns à côté des autres, autour de Jésus.

Dans cet Evangile, c’est le contraire : le Christ les envoie deux par deux, six petits groupes, en mission.

 

 

Ce mouvement d’apostolat et de retour auprès de Jésus puis de départ auprès des autres, c’est le mouvement même du cœur. Votre médecin dirait la « diastole » et la « systole » : le sang se rassemble vers le cœur puis il est propulsé dans les différentes parties du corps pour l’irriguer. Dans notre vie spirituelle, on assiste à ce double mouvement : on se rassemble près de Jésus le dimanche, puis on se disperse dans la vie quotidienne pour y être des témoins de Jésus.

La même chose en nous : des moments de prière, de grande intimité avec Jésus dans le silence, le recueillement, puis le départ vers les autres, le témoignage à leur donner, la vie de Jésus à porter, à colporter, à diffuser autour de nous.

Une vie spirituelle ne sera jamais complète et normale si je me contente :

. ou bien de rester auprès de Jésus, sans aller annoncer sa Parole et diffuser son message ;

. ou bien d’être l’émissaire de Jésus pour les autres sans avoir expérimenté auprès de lui, cette présence silencieuse et attentive qui me permet de dire aux autres ce que j’ai appris de lui.

Que diriez-vous d’une batterie électrique que l’on solliciterait toujours sans jamais la recharger ? Elle serait vite à plat. Mais que diriez-vous aussi d’une batterie chargée dont on ne se servirait jamais ! Dans les 2 cas : elle devient inutile.

A tous les chrétiens qui crient : « Vie intérieure », il faut dire : attention, il y a aussi la mission ! Le message à faire connaitre. A tous  les chrétiens qui disent « la mission, l’apostolat », il faut leur rappeler que ce n’est possible qu’en demeurant au préalable auprès de Jésus, pour nous imprégner de sa Parole et de son Esprit.

« Il les envoie  » deux par deux » » : il faut être deux pour que le témoignage soit valable. Dans la justice des hommes aussi : un seul peut se tromper. Deux témoins, c’est plus convaincant. Dans le Livre des Proverbes, il est dit :

« Deux hommes valent mieux qu’un ; en effet, s’ils tombent, l’un relève l’autre », « Malheur à celui qui est seul, il est peu crédible ».

La première règle de l’apostolat, c’est de faire équipe. Déjà, la vie fraternelle est une prédication vivante : avant même de dire un mot. Rappelez-vous le « Voyez comme ils s’aiment » des premiers Romains voyant vivre les premiers chrétiens. Notre apostolat est en priorité « communautaire ».

Malgré la tentation chez certains de travailler tout seul dans leur coin, volontiers individualistes, nous avons plus confiance en ce que nous faisons nous, tout seuls, « plutôt que de perdre du temps », pense-t-on à le faire avec plusieurs, et puis nous n’aimons pas beaucoup le contrôle de nos frères sur notre conduite… et pourtant ?

La mission n’est pas une œuvre individuelle relevant d’une initiative privée : elle a son origine dans le désir de Jésus, elle est affaire d’équipes, elle est action communautaire. Cela permet de s’épauler l’un l’autre, de se contrôler mutuellement dans le témoignage porté.

            Les voilà donc partis, deux par deux : six groupes. Quelles recommandations Jésus leur donne-t-il ? On ne voit pas Jésus leur donner des recommandations sur le contenu doctrinal, sur « ce qu’il faut dire« , ce qu’il faut prêcher…

Non, il s’occupe d’abord de leur équipement. Le témoignage de vie est en effet plus important que ce qu’ils vont dire, le témoignage de la Parole.

– 1er conseil : la pauvreté. Les disciples doivent se présenter démunis de tout prestige humain : pas d’équipement ni d’équipages, pas de logistique encombrante. Ils n’ont comme appui que leur foi en celui qui les envoie. St-Paul, plus tard, lui aussi, pauvre et vivant au jour le jour, disait : « Nous sommes comme des vases bien fragiles, mais porteurs d’un trésor inestimable : le « message de Dieu ». Aussi, je suis venu sans éloquence, sans philosophie, mais faible, craintif, sans poudre aux yeux, notre seule puissance étant celle de Dieu ».

 – Attention à l’Eglise triomphaliste qui s’appuierait sur ses monuments, sur sa culture, ses traditions, ses influences, ses relations au dépend de ce qui fait sa seule vraie richesse : le message dont elle est porteuse, la présence de Jésus avec elle, est sa seule vraie richesse. Tout le reste n’est que quincaillerie, accessoires. Attention aux chrétiens trop soucieux d’un équipement évangélique, structures lourdes et matérielles pour évangéliser.

– Le Christ préfère des troupes légères, sans bagages encombrants, toujours prêtes à partir ailleurs. St-François Xavier, nous dit-on, est parti du Portugal, en mission, sans aucun bagage, ni coffre, ni malle, seulement son crucifix et son Evangile. S’il avait eu beaucoup de cantines et valises, il serait sans doute resté à Goa au lieu d’aller plus loin, aux Philippines, au Japon et jusque devant la Chine. Ce n’est pas parce qu’une paroisse est suréquipée de moyens audio-visuels, d’informatique et de duplicateurs qu’elle sera plus apostolique.

Frères et sœurs, en plus de cette homélie, résumons-nous : nous avons vu que le Seigneur nous veut à certains moments près de lui, mais qu’il nous envoie près des autres, aller près des autres et revenir vers lui : double mouvement d’écoute de la Parole et de diffusion de cette Parole.

Etre auprès de Jésus n’a jamais été un refuge. C’est plutôt une « station-service » pour repartir en mission auprès des autres. Cette mission est communautaire : jamais un apôtre vrai n’est seul. Il vit avec d’autres.

Enfin, cette mission ne s’appuie pas sur des moyens humains seulement, mais sur sa foi au Seigneur qui nous dit comme à Paul : « Ma grâce te suffit ».  AMEN

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