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16ième Dimanche du Temps Ordinaire (Mc 6, 30-34) – Homélie du Père Louis DATTIN

Repos spirituel

Mc 6, 30-34

« Reposez-vous un peu ». Eh oui ! « Reposez-vous un peu », c’est une parole de l’Evangile et même l’Evangile d’aujourd’hui ! Nous connaissons l’Evangile du « renoncement« , celui de la « pauvreté« , celui de « l’amour« , celui de la « vigilance« . L’Evangile du « repos » nous est moins familier, comme si le chrétien devait toujours vivre sous pression, le front plissé, anxieux du Royaume de Dieu, tendu et à l’affût de la moindre occasion ! Un homme sérieux : le chrétien !

Il est porteur d’un tel message ! Si vous demandiez à un indifférent de vous dessiner « le portrait- robot » du chrétien, aurait-il, ce chrétien, un visage souriant, détendu, reposé ? Ce n’est pas sûr…et pourtant !

Dimanche dernier, dans l’Evangile, nous avons vu les apôtres partir deux par deux, sans sacs, sans vêtements de rechange, sans argent ; un bâton seulement, une seule tunique, une paire de sandales. Aujourd’hui, ils reviennent et ils racontent à Jésus tout ce qu’ils ont fait et dit. Ce qui est certain, c’est que Jésus les trouve fatigués et qu’il veut les emmener à l’écart, dans un coin tranquille. « Reposez-vous un peu ».

En effet, nous dit St-Marc, « la foule des arrivants et des partants était si grande qu’on n’avait même pas le temps de manger » et c’est certainement d’autorité que Jésus les embarque de l’autre côté du lac. Soulignons au passage, cette délicatesse du Seigneur : il les accueille, il les rassemble, les prend à l’écart et les écoute parler. Il perçoit leur fatigue et aussitôt il organise leur repos.

Oui, il est bien le véritable berger dont nous parle Jérémie dans la première lecture, il s’occupe de ses brebis, il les rassemble et les mène dans un lieu tranquille. « Elles ne seront plus apeurées et accablées et aucune ne sera perdue », déclare le Seigneur. Nous l’avons chanté tout à l’heure : « Sur de frais pâturages il me laisse reposer, je ne manque de rien », « Il me mène auprès des eaux tranquilles, il me fait revivre, il me conduit par les bons sentiers et je ne crains aucun danger, sa houlette me guide et me rassure ».

Il est là, le bon berger, qui veille sur nous, attentif à ce qu’il nous faut. Et sans doute, cet Evangile tombe bien ! Au moment où vous êtes en vacances, où vous vous apprêtez à y partir : le Seigneur vous dit aussi : « Reposez-vous un peu».

En quoi va consister ce repos pour un chrétien ? Comment va-t-il l’organiser, le remplir, le rendre effectivement reposant ? Détendant ? En quoi sa vie chrétienne va-t-elle différer pendant ces semaines de congé ?

N’oublions pas tout d’abord que Jésus n’est pas un entraîneur de performances athlétiques, un soigneur de champions, il n’est pas non plus un chef d’entreprise lointain, toujours prêt à sanctionner nos efforts ou nos insuffisances. C’est un ami avec son ami, un berger avec sa brebis.

Pendant les vacances, il faudrait pouvoir retrouver cette proximité, cette intimité, cette simplicité que nous devrions avoir avec le Seigneur : lui raconter, comme les apôtres, ce que nous avons fait ; faire le point, lui dire ce que nous désirons faire, ce qui marche et ce qui ne marche pas ; prendre du temps pour reprendre conscience que, même invisible, le Christ est au centre de notre action passée et future. Cette vie du Seigneur, elle est d’abord en nous, comme la sève dans la branche, comme l’air dans nos poumons, comme le sang dans nos veines.

La sève, le sang, l’air : nous ne les voyons pas et nous savons cependant qu’ils nous font vivre. Parfois, dans l’action, dans l’agitation, nous ne sommes pas attentifs à cette présence de Dieu… Que de fois durant l’année, nous avons dit à propos de la prière, de l’attention aux autres : « Je n’ai pas le temps » et c’était souvent vrai ! Mais pendant les vacances, si nous n’avons pas le temps, c’est que nous ne voulons pas le prendre et que nous voulons continuer à nous agiter, seulement d’une autre manière. Eh oui, prendre du temps, prendre son temps, vivre à un autre rythme, lever le pied et commencer à regarder autour de nous et en nous, redécouvrir les autres aussi.

Un père de famille me disait au retour des vacances : « Pendant celles-ci, j’ai fait du bateau avec mon fils. Il n’y avait pas de vent, alors je discutai avec lui. Je n’ai pas fait beaucoup de bateau mais j’ai découvert mon fils ! »

Deux jours après, le fils en question me disait : « J’ai découvert mon père ! Il est tout autre que je ne l’imaginais ».

Quel était le plus important ? Faire du bateau ou connaître son fils ? Et pourtant, il ne l’aurait jamais connu s’il n’avait pas fait du bateau avec lui.

Essayons pendant les vacances de reprendre en main notre vie. Nous vivons habituellement immergés dans une existence dont nous ne maîtrisons plus le déroulement ni l’orientation. Nous sommes « emportés », souvent « à la dérive », physiquement, psychologiquement, moralement, spirituellement. « Refaire surface », « se reprendre en main », « reprendre son souffle » : toutes ces expressions disent bien que nous avons conscience qu’il y va de la qualité de notre être.

Les écologistes parlent, ainsi que les syndicalistes de la « qualité de la vie » : qualité de ce que nous mangeons, mais aussi de ce que nous faisons ; qualité de notre existence chrétienne aussi : prendre « le temps de vivre » en chrétien, avec un certain recul pour juger et apprécier ce que je fais tous les jours. Le bon berger m’invite à me reposer sur de frais pâturages. Il veut me conduire auprès des eaux tranquilles pour me faire revivre et me diriger par les bons sentiers. Il désire pour moi du loisir, du repos.

 Du reste, l’invitation du Christ est formelle :

« Venez à moi, vous tous qui peinez et moi je vous procurerai le repos », « Prenez sur vous mon joug, devenez mes disciples, car je suis doux et humble de cœur, et vous trouverez le repos ».

Un  jardinier me disait  que lorsque ses plantes végétaient, il les changeait de terrain pour les mettre dans une terre riche.

Il appelait ce coin de son jardin « le jardin de la Résurrection ».

Les vacances, le lieu et la façon dont nous les prenons, ce devrait cela : un « jardin de la Résurrection » pour reposer notre corps, apaiser nos nerfs, pour que se renouvelle notre capacité de penser, d’aimer ; un temps pour reconnaître qu’à l’intérieur de ce mouvement de Recréation, de surrection, le Seigneur est vivant ! Voici pourquoi aujourd’hui, le Seigneur nous dit, comme aux apôtres : « Reposez-vous un peu », changez de vie, changez de rythme et vous serez plus vivants de cette vie même de Dieu que l’on appelle « la grâce ».

            Que cette messe elle-même, temps spirituel fort de nos vacances, remette en contact tout notre être, en recherche d’une meilleure forme avec « le Christ Ressuscité » qui est sa « forme définitive » et la nôtre bientôt. AMEN