1

2ième Dimanche de l’Avent – Homélie du Père Louis DATTIN (Mt 3, 1-12)

Préparez-vous

Mt 3,1-12

« Frères, tout ce que les livres Saints nous ont dit, est écrit pour nous instruire afin que nous possédions l’Espérance ».

Cette parole de Paul, entendue tout à l’heure, nous invite aujourd’hui à une écoute attentive de l’Ecriture. Or, les textes d’aujourd’hui sont bien rudes, celui de l’Evangile en particulier : « Convertissez-vous ! Convertissez-vous ! » Celui qui martèle cet ordre sans échappatoire est un homme austère qui se contente d’une nourriture frugale ; il donne libre cours à sa colère contre les juifs bien- pensants :

« Engeance de vipère », leur dit-il.

A Jean-Baptiste, tout de suite, pour nous justifier, nous disons : « Je n’y peux rien, c’est mon caractère, je suis comme ça ! ». C’est ainsi que nous nous disculpons du mal qu’il nous arrive de commettre.

Est-il vrai qu’on ne peut pas changer, qu’on ne peut pas se convertir ? Est-il vrai que chacun de nous est enfermé dans sa génétique, son passé, ses habitudes ? Si cela est vrai, alors où est la liberté de l’homme ? En tous cas, aujourd’hui, Jean-Baptiste, avec une violence inouïe, nous dit le contraire :

« Vous pouvez changer ! Vous pouvez vous améliorer ! Vous le devez ! Il le faut ! »

Il nous dit : « Dieu va faire irruption dans notre monde. C’est bientôt ! C’est proche ! », et cette arrivée de Seigneur exige une conversion urgente. Jean-Baptiste n’est pas tendre pour ceux qui voudraient considérer la venue du Messie comme une bonne petite fête bien tranquille ou insignifiante car c’est la « colère « , le  » jugement  » qui vient !

« Tout arbre qui ne produit pas de bons fruits (c’est nous, les arbres) sera jeté au feu et déjà la cognée est à la racine ! ».

Cette phrase décrit le moment précis où le bûcheron calcule son geste en posant sa hache à l’endroit où il va frapper … tant est grande la proximité du jugement et l’urgence de la conversion.

Une deuxième image vient renforcer cette nécessité de la conversion : Dieu vient pour faire un tri, pour séparer le blé de la balle : « Il tient une pelle à vanner dans la main et il va nettoyer son aire à battre le blé : il va séparer la balle qu’il va jeter au feu et mettre le blé dans son grenier ».

Ainsi, l’irruption de Dieu, c’est sérieux. Avec Jean-Baptiste, nous sommes loin des mièvreries de la crèche autour du « petit Jésus » et encore plus loin des cadeaux et des préparatifs gastronomiques qui envahissent les médias et les vitrines en ces jours qui précèdent Noël. Le « petit Jésus  » de la crèche, c’est quelqu’un ! Quelqu’un avec qui il va falloir compter ! Quelqu’un devant qui, il faudra prendre parti.

Quand le vanneur prend sa pelle pour trier le bon grain de la paille, c’est bien sûr une bonne nouvelle pour le blé qui va être nettoyé, purifié mais c’est une catastrophe pour la paille qui va être brûlée au feu ! Sommes-nous capables d’entendre ces paroles ?

 Nous voilà bien loin de la gentillesse superficielle d’une fête de Noël édulcorée ! Parmi les juifs qui allaient voir Jean-Baptiste, il semble qu’il y ait eu deux types de fidèles :

 –  les uns, très ordinaires sans doute, venaient confesser leurs péchés pour se préparer à la visite de celui que tout Israël attendait. On les devine, sortant de l’eau, résolus à porter du fruit, les fruits de leur vraie conversion.

–  les autres, pharisiens et sadducéens, viennent accomplir le rite avec un cœur encombré de leur fausse sécurité de « gens en règle « . Il n’y a rien de pire que des gens qui se croient  » en règle « . Puisqu’ils sont en règle, pourquoi changeraient-ils ? Pourquoi se convertiraient- ils puisqu’ils se croient déjà convertis ?! Ils peuvent donc se dispenser d’une demande personnelle de conversion.

Chacun de nous le sait très bien, il ne s’agit, pas seulement de quelques petites modifications dans mon style de vie, mais d’un changement radical. Il s’agit de passer des belles théories à la rude réalité de la pratique. Certains convertis ont avoué qu’il leur a fallu parfois des années pour passer de l’éclair de la vérité à l’engagement dans une vie vraiment nouvelle ! Et surtout, surtout ne nous excusons pas de ne pas nous convertir en pensant que nous ne sommes déjà pas si mal que ça ! Pourtant, lequel d’entre nous oserait dire qu’il n’a plus de progrès à faire ? Toujours, nous sommes en dessous de ce que le Christ attend de nous.

Aujourd’hui, Jean-Baptiste, comme un ouragan, nous crie que nous sommes capables d’aller plus loin, que nous avons tort d’être habitués, blasés, lassés.

« Allons ! Debout ! Avance ! Tu fais la révision de ton moteur, fais la révision de ta vie ! Repars à neuf ! Tu peux améliorer ta façon de vivre ! Renonce à ta médiocrité ! Deviens un bon arbre qui produit, pas simplement des feuilles mais de bons fruits » ; « Convertissez-vous ! Préparez le chemin du Seigneur ! Rendez droits ses sentiers car le Royaume de Dieu est proche ! »

  • Se convertir signifie se retourner, changer de mentalité ; ce qui suppose la transformation radicale de celui qui, renonçant aux sécurités antérieures et extérieures (l’orgueil, le pouvoir, le bien-être) se lance dans l’aventure de la foi. Il ne s’agit pas seulement de repeindre la chaloupe du bateau ni même de monter une voile supplémentaire, mais à ce bateau lui faire changer de cap!

  • Se convertir, c’est mettre totalement sa confiance dans un maitre dont les exigences n’ont pas d’autres justifications que l’amour qu’il nous porte. Au catéchuménat, la cellule d’église qui prépare les adultes au Baptême, j’ai entendu des mots très forts pour le dire : « Dieu est entré dans ma vie », me disait l’un d’eux ; et un autre, qu’on félicite de sa démarche, protestait : « Mais ce n’est qu’un commencement ! On n’est pas converti une fois pour toutes ! »

Je me demande parfois si certains, dans l’Eglise depuis leur berceau, ne se sont jamais convertis, une seule fois ? Et pire encore, s’ils se convertiront un jour ?… Il en est de notre foi au Christ comme des amours humaines : le jour du mariage, chacun des époux s’engage avec ferveur dans une vie nouvelle. Il est résolu à se confier totalement à l’autre tandis que l’autre se confiera totalement à lui.

Or, tous les vieux époux vous le diront, le tissu conjugal doit être remaillé au gré des saisons pour garder sa solidité. Le tissu de notre vie chrétienne, lui aussi, doit être remaillé à chaque saison.

Attention, à l’approche de Noël, ne nous contentons pas de bonnes intentions sinon nous aurons raté le Noël de cette année. Avant de parler, il faut poser des actes. Jean-Baptiste, lui a changé son style de vie ; il part au désert, il s’habille et mange de façon frugale : poils de chameau, miel sauvage, sauterelles frites.
Après quoi, il peut parler, et nous, prédicateurs d’homélies, catéchistes, chargés du message de Dieu, parents soucieux de l’éducation de leurs enfants, militants engagés dans la réforme de la société, n’est-il pas fréquent que nous nous contentions de beaux discours qui interpellent les autres, alors que nous n’avons pas, nous-mêmes, produit des fruits de conversion ? Où en sommes-nous en ce deuxième dimanche de l’Avent ? Quels fruits avons-nous porté ces derniers jours ?

Jésus veut demeurer chez nous : faisons-lui place !

En vérité, il nous accueille bien mieux que nous ne l’accueillons :

il nous convertit bien plus que nous ne nous convertissons.

Sachons, au moins, travailler avec lui !     AMEN