27ième Dimanche du Temps Ordinaire – Homélie du Père Louis DATTIN

Augmente en nous la foi

Lc 17, 5-10

Il semble bien que cette fois, les apôtres, qui pourtant ne comprennent pas toujours les paroles de Jésus, aient tapé dans le mille. Souvent, ils posent des questions à côté, souvent, ils interprètent mal. Souvent, ils ne comprennent pas et là, j’allais dire,  « pour une fois », ils semblent poser la bonne question, la bonne demande : « Seigneur, augmente en nous la foi ! » Voilà le point central de notre vie chrétienne : tout dans notre vie devrait être régi, suscité, conduit par la foi.  A tel point qu’un chrétien qui baisse les bras, avoue aux autres : «  Je n’ai plus la foi », tandis qu’un autre qui redécouvre le Christ va dire : «  J’ai retrouvé la foi ». Seule la foi nous ouvre à cet autre monde dont nous sentons bien qu’il est déjà présent en nous et autour de nous. Elle nous ouvre à ces réalités divines et transcendantes, au-delà de toute rationalité scientifique et cette foi-là, il faut bien le reconnaître, elle n’est pas facile, elle n’est pas évidente et même telle ou telle personne de bonne volonté que nous avons rencontrée à côté de nous, nous a dit parfois : « Je cherche, je suis en recherche, mais je n’ai pas encore la foi ».

Car, voyez-vous, cette foi-là, elle ne vient pas de nous. Elle est un don, un don gratuit de Dieu. Elle ne peut être que la réponse de Dieu à une prière humaine : « Seigneur, donne- nous la foi », « augmente en nous la foi ». Regardez ces apôtres, comme dans l’évangile, ils nous paraissent lamentables ! Arrivistes, jaloux les uns des autres, peu intuitifs, lourdauds, pleins de dérobades et de reniements! Qui, sinon Dieu, les a rendus « témoins courageux »  jusqu’au  martyr ?

La  foi  n’est  pas  une évidence, la foi n’est pas non plus une conquête, c’est l’humble accueil d’un don, d’une grâce : cela ne veut pas dire que l’homme n’a rien à faire, mais l’essentiel, pour lui, c’est être accueil. Accueillir est un acte humain éminemment actif. L’homme n’est pas la lumière, mais s’il ouvre les volets, la lumière viendra jusqu’à lui. Si au contraire, il décide de laisser les volets fermés, il n’y aura pas de lumière en lui, le soleil n’y peut rien. Il ne peut entrer dans une pièce que si on lui ouvre, tout grand, portes et fenêtres.

La foi, c’est d’abord l’humble accueil d’un don, d’une grâce. La foi est un soleil : il faut simplement s’y ouvrir, qu’elle puisse pénétrer, nous envahir, nous éclairer, nous faire voir toute chose dans sa vraie dimension, sous sa vraie couleur : un don de Dieu toujours offert à tous, mais il faut s’y ouvrir. Voilà pourquoi, la foi doit être sollicitée : « Seigneur, augmente en nous la foi », « donne-nous plus de lumière pour nous mettre dans la vérité, pour nous faire voir avec les yeux de la foi, tout ce monde spirituel dans lequel nous vivons, dans lequel nous sommes immergés, mais que nous ne soupçonnons parfois même pas ! » C’est vrai que la lumière, on ne la voit pas, c’est elle qui nous fait voir.  Entre une pièce qui est dans le noir et une pièce qui est dans le jour, il n’y a aucune différence, elles sont toutes deux semblables, mais l’une, on la voit, l’autre pas ! C’est la lumière qui nous fait voir qu’elle existe. De même, c’est la lumière de Dieu qui nous fait voir Dieu dans le cœur des hommes, dans les événements, dans la beauté des choses.

Nous vivons souvent comme des aveugles : nous sentons, nous palpons, nous devinons, mais nous ne voyons pas vraiment. Avec la lumière de la foi, au contraire, nous ne voyons plus le monde tel qu’il nous apparaît avec nos yeux de chair, mais tel qu’il est, en réalité, avec la lumière de Dieu qui nous fait voir les choses et les gens : autrement.

« Seigneur, augmente en nous la foi, mets en nous et autour de nous cette lumière qui nous fera voir toutes choses, non pas dans son apparence, mais dans sa réalité ».

La foi est le soleil et la prière est la fenêtre que l’on ouvre à la lumière de Dieu. C’est  pourquoi  les apôtres font cette prière :

« Augmente en nous la foi ». Il faut nous ouvrir au don de Dieu : « Seigneur, donne-moi la foi ! » A celui qui n’a pas la foi ou qui n’en a pas assez, on ne peut que lui conseiller la prière : « Seigneur, faites que je voie », « Va ta foi t’as sauvé » et Jésus nous répond comme aux apôtres : « La foi, si vous en aviez gros comme une graine de moutarde (c’est-à-dire une des plus petites graines qui existent) vous diriez au sycomore que voici (le sycomore étant l’arbre le plus difficile à déraciner), déracine-toi et va te planter dans la mer et il vous obéirait ».

Jésus, bien sûr, ne nous conseille pas ici, de demander des miracles sensationnels, il n’a jamais, lui, transplanté des sycomores dans la mer et il a souvent refusé les signes merveilleux qu’on lui demandait. Mais il nous rappelle, avec force, par cette image, que la foi nous ouvre à l’impossible, que la foi nous ouvre à Dieu, autrement : le plus petit bout de foi est plus fort que toutes les entreprises humaines et nous vérifions cela avec les apôtres justement, après Pâques, après la Pentecôte. Eux, ces pauvres gens sans influence, sans pouvoir, sans moyens financiers, sans organisation, sans journal, sans télévision, sans rien, ils ont, de fait, changé le cours de l’histoire et transformé définitivement la mentalité du monde, en s’appuyant sur la seule foi, à laquelle on s’ouvre, par la prière.

* Regardez tout est changé par la foi : la Vierge attend un enfant, un homme est né de Dieu, le ciel est parmi nous, le peuple n’est plus seul.

* Il ne faudrait qu’ »un brin de foi » et vous verriez les arbres dans la mer, les mendiants qui sont rois, les puissants renversés, les trésors qu’on partage.

* Regardez : l’eau se change en vin, le vin devient du sang, les pains se multiplient, le peuple n’a plus faim ; il ne faudrait qu’un brin de foi.

* Regardez : l’infirme peut marcher, l’aveugle voit le jour, les sourds entendent, le peuple n’a plus mal et vous verriez les arbres dans la mer, les bourreaux sans travail, les menottes rouillées, les prisons inutiles…

*  Il ne faudrait qu’un brin de foi, gros comme une graine de moutarde, pour voir les découragés qui reprennent espoir, les pécheurs qui se redressent, les chemins sans issues qui s’ouvrent, les guerres qui s’arrêtent, l’amour qui renaît, les montagnes déplacées : nos montagnes de peur, d’égoïsme, d’anxiété et de lâcheté.

*  Le monde est en crise, l’Eglise est en crise, la famille est en crise, l’école est en crise, l’économie est en crise ; la mort triomphe, mais la Croix est vide et nue, mais le tombeau du Christ est vide et nos tombes, un jour aussi, et l’homme se tient debout, le peuple n’a plus peur.

*  Il ne faudrait qu’un brin de foi et vous verriez les arbres dans la mer, les fusils enterrés, les armes au rebut et les montagnes qui dansent.

*  Si nous avions un brin de foi, nous en ferions des choses ! Les trésors du monde seraient pour tous, les bombes et les fusées inutiles. « Utopie » dira-t-on ! A quoi ça sert de dire cela ?

Alors que devant moi, pillages et violence, disputes et discordes se déchaînent !

« Si vous aviez un peu de foi ! » A quoi bon la foi ? Combien de temps faudra-t-il encore croire sans voir ? Appeler au secours sans que rien n’arrive. On le comprend : les lectures de ce jour lèvent de lourdes questions. Mais ce que dit le Seigneur, ce ne sont pas seulement des mots ; ce qu’il dit, c’est Jésus fait chair.

Je comprends que cet arbre planté dans la mer, c’est d’abord l’arbre de la Croix dressé au milieu des souffrances de l’homme (la mer, chez les juifs, c’est l’empire du mal). Si nous avions un peu de foi, nous verrions déjà que cet arbre de mort a refleuri et qu’il est le signe d’une victoire annoncée sur le mal.

Si nous avions un peu de foi, à la suite du Christ, nous aussi, nous planterions au milieu de ce monde ces signes faibles, mais nécessaires qui annoncent la victoire de Jésus sur le mal.

29« Ce n’est pas un Esprit de peur »  que Dieu nous a donné, nous rappelle  St-Paul, « mais un Esprit  de force, d’amour et de raison ».  Alors, animé par un tel Esprit, l’Eglise peut planter, au cœur des puissances de mort, la victoire pascale de Jésus : l’Arbre de vie dressé sur la mer du péché.  AMEN

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