Un don de soi généreux, mais réfléchi
Luc 14, 25-33
Cet évangile, mes frères, peut nous sembler contradictoire.
Au début, le Seigneur nous invite à une aventure radicale, à un risque total. « Il faut tout quitter », « préférer le Christ » à sa mère, à sa femme, à ses enfants, à sa propre vie, prendre sa croix, marcher à sa suite… C’est un coup de clairon avant l’attaque, un ordre du jour, une proclamation martiale.
Et puis, dans la seconde partie, il semble que ce soit le contraire. « Attention ! Avant de vous lancer, réfléchissez, asseyez-vous, prenez du temps, calculez le pour et le contre ».
Ne vous lancez pas dans une aventure sans en avoir, auparavant, calculé les conséquences.
Ne vous engagez pas sans en avoir mesuré toutes les suites.
Ne prenez pas de risques sans avoir prévu toutes les difficultés qui peuvent survenir.
Jésus nous demande, à la fois, et dans le même temps, de « tout sacrifier » en un geste absolu et fou, et pourtant, de nous asseoir pour évaluer nos chances de réussites.
En fait, il n’y a pas contradiction entre ces 2 attitudes : au contraire, elles se complètent. Une aventure n’est réussie que si, au préalable, elle a été mûrement réfléchie. Un Lindbergh avant de survoler l’Atlantique, un d’Aboville traversant l’Atlantique à la rame, un spéléologue ou un alpiniste,… tous vous diront que l’entreprise ne réussira que si, bien sûr, on a une certaine force de caractère, mais, aussi et surtout, parce que cette aventure a été longuement et minutieusement préparée.
Il en est de même dans « l’aventure de la foi » qui nous met à la suite du Seigneur Jésus : car la foi, c’est vrai, est une aventure, une folle aventure. Quand on a vécu toute une semaine dans le terre à terre quotidien et souvent banal, quand on a réalisé combien la vie humaine est limitée et fragile, on éprouve le besoin d’un grand souffle. Actuellement surtout, à cause de la rationalisation de la vie, à cause de la froideur de la technique, un grand désir (surtout chez les jeunes), d’autre chose, d’ailleurs, se fait jour.
Or, précisément, Jésus nous propose ce dépassement, cette grande respiration, cette grande aventure.
Il s’agit de préférer Dieu à tout le reste.
Il s’agit d’abandonner tout pour suivre Jésus. Mais attention ! Ne faisons pas de contre-sens : il est impensable que Jésus nous demande de ne pas aimer les nôtres : nos parents, notre conjoint, nos enfants ! Tout l’Evangile nous dit d’aimer, mais Jésus choisit justement nos affections les plus fortes pour nous dire d’aimer « encore plus« .
Il s’agit bien, d’une sorte de « saut mystique », d’une folle aventure. Jésus est un absolu, un infini qui doit dépasser toutes nos attaches humaines. Jésus est l’amour prioritaire.
Cependant, le Seigneur ne veut pas que notre foi, pour généreuse qu’elle soit, soit irréfléchie, un enthousiasme passager, une décision sans discernement. Il nous demande « de nous asseoir pour calculer si l’aventure est raisonnable ». Notre foi doit venir en même temps, d’un élan du cœur et d’un calcul de la raison, les deux à la fois, pas l’un sans l’autre !