13ième Dimanche du Temps Ordinaire – Homélie du Père Louis DATTIN

Suis-moi

Lc 9, 51-62 

Il y a quelques années, frères et sœurs, nous étions en promenade paroissiale avec les fidèles de l’Assomption. Arrivés au pont de la « Rivière de l’Est », il nous a été proposé de nous lancer par-dessus le parapet, avec un élastique qui nous protégerait et nous rattraperait dans notre descente.

Nous sommes restés prudemment sur le pont, attendant de voir une ou deux personnes basculer, et puis, nous sommes repartis parce qu’elles attendaient trop longtemps pour prendre leur décision.

Tous les textes de ce dimanche nous proposent une aventure semblable : pour vivre à plein notre vie chrétienne, il nous faut, nous aussi, faire le saut, tenter l’aventure, lâcher nos petites sécurités et s’engager dans un risque que Jésus lui-même a assumé et qu’il nous propose à son tour. Mais, nous aussi, conscients de ce danger de la vie chrétienne qui doit passer par la Croix, par l’abandon de toutes certitudes humaines, de toutes nos sécurités matérielles, nous sommes là, sur le pont, à regarder s’il y en aurait peut-être un à se lancer, en attendant d’y aller nous-mêmes…

Reprenons la 1ière lecture : Elie, le prophète, est à la recherche d’un disciple pour lui succéder. Il croise Elisée, en train de labourer avec ses deux bœufs, il allait finir. Elie jette sur lui son manteau : c’est-à-dire, le choisit. Aussitôt, Elisée quitte ses bœufs, se met à courir derrière Elie et lui demande la permission d’aller embrasser son père et sa mère avant de partir ; demande bien naturelle, non ? Alors, Elie répondit : « Va, retourne à tes bœufs. Je n’ai rien fait ».

Le choix de Dieu, sa demande sur nous, est exigeante, immédiate, totalitaire. « Exécution immédiate ». Elisée comprend. Il sacrifie son gagne-pain, tue ses bœufs et les fait cuire avec le bois de la charrue et donne à manger à ses gens en signe de départ.

Tout choix de Dieu est un renoncement. Dieu ne veut, pas plus qu’Elie, d’un homme qui tergiverse, hésite, se donne et puis se reprend, un homme qui regarde son passé et qui attend avant de se lancer. Elisée renonce à sa profession pour suivre Elie, pour se lancer dans l’inconnu : inévitablement, l’appel de Dieu arrache l’homme à ses sécurités familiales, sociales, mutuelles, professionnelles. En notre siècle d’assurances renforcées,  de caisses de retraite, de réassurances et de protection de toutes sortes, Dieu exige pour l’homme qui le suit, une liberté totale, le saut dans l’inconnu de Dieu, sans même un élastique pour le retenir dans le vide.

Avons-nous fait, au moins une fois dans notre vie, cette expérience de lâcher nos sécurités pour suivre Dieu alors que notre raison et nos raisonnements nous prêchaient de faire le contraire ?

Dieu va-t-il trouver en chacun de nous cette disponibilité telle que dès sa demande, sans égoïsme, sans regard sur soi, sans regard sur le passé, je puisse lui répondre : « Oui, Seigneur, tout, et tout de suite ».

En  résumé  et  pour faire vite, posons-nous la question gênante : « Suis-je disponible à tout appel de Dieu ? Suis-je capable de lui  répondre « Bien sûr, Seigneur, je le fais immédiatement » ou vais-je me retirer, à pas feutrés, me mettre à réfléchir pour trouver des raisons  qui  vont  contrer  ma  générosité, des justifications de mon égoïsme et de mon inertie ?

Quand on vous demande un service, voyez-vous d’abord le service à rendre ou les obstacles qui vont vous empêcher ou vous permettre de ne pas rendre le service ? Toutes les raisons que nous trouvons et que nous accumulons pour faire écran à la demande de Dieu qui pourtant est insistante ?

 

 

 

Actuellement, sur le diocèse, il n’y a plus de séminaires, faute de vocations parait-il ! Je suis persuadé, que, des vocations, il y en a autant qu’avant et que bien des jeunes se sont entendus poser la question : « Veux-tu me suivre ? »

La question  est aussi présente et aussi pressante qu’autrefois. C’est la réponse qui fait défaut : « Oui, Seigneur, ce ne serait pas mal…mais, dans ton évangile, tu es trop exigeant, il faut tout quitter : mes bœufs, ma charrue, ma maison, mon écran, mes proches, ma petite amie, mon compte en banque et tout cela pour me conduire « Dieu sait où ? « Oui, « Dieu sait où » et nous, nous ne le savons pas ! C’est l’aventure, le risque, le pari de Pascal, le saut dans l’inconnu, la vie extraordinaire de St-Paul, d’un St-François d’Assise, d’un François Xavier, d’un père de Foucauld, de Martin Luther King, de la Vierge Marie qui a dit « Oui ».

Quant à Jésus, l’évangile de Luc nous dit : « Comme le temps approchait où il allait être enlevé de ce monde (et nous savons comment : par la Croix) il prit avec courage la route de Jérusalem : cette route, il sait où elle le mène : à Gethsémani, au prétoire de Pilate, au Golgotha, « il prit avec courage la route de Jérusalem ».

Si Dieu tient à vous, ce dont je suis sûr, et si vous, vous tenez à Dieu, ce qui  reste  à démontrer, malgré  votre bonne  volonté, il arrive toujours un moment, un moment crucifiant où il faut faire un choix : « le monde ou Dieu », « ma vie ou celle de Jésus ».

Est-ce un « chemin de promenade » ou la « route de l’aventure » ?

A voir certains chrétiens, si tranquilles, si peu inquiets du sort de leur société, si peu soucieux de leur avenir, on peut se demander :

– ou bien s’ils ont déjà fait ce choix et qu’ils ont tout largué,

– ou bien s’ils ne l’ont jamais fait et qu’ils ont tout gardé.

– S’ils ont eu le courage de dire oui et de tout laisser pour suivre le Seigneur, alors ils ont rompu les chaînes de l’esclavage dont nous parle St-Paul aujourd’hui. Ils  sont devenus des hommes libres car, oui, c’est vrai et nous devons le rappeler plus fortement à l’occasion de ce jubilé de la Miséricorde, le chrétien est un homme libéré par le Christ, au moment du Baptême. Alors, ne reprenons pas les chaînes de notre ancien esclavage : égoïsme, orgueil, mensonge, vengeance, rivalités, désunions, mépris des autres.

La véritable liberté intérieure, c’est dans l’Evangile, et c’est par la pratique évangélique que vous la trouverez. Ils me font sourire ceux qui croient que la liberté est une invention du 18e siècle et que les droits de l’homme datent de 1789 !

Il y a longtemps que le Christ et les chrétiens en vivent. Relisez l’évangile et St-Paul : vous y trouverez tous ces principes et ce n’est pas par hasard qu’ils ont été rédigés dans un pays qui a macéré dans 18 siècles de christianisme. Au pays d’un St-Irénée, St-Louis, Ste-Jeanne d’Arc, St-Vincent-de-Paul, d’un curé d’Ars, d’un frère Scubilion ou de l’abbé Pierre, de Jean Vanier, c’est facile de cueillir des fleurs sur l’arbre du christianisme et de les offrir au monde en disant : « Regardez comme c’est beau, c’est nous  qui  les  avons  produites : coupées  de  leurs racines, ces fleurs du christianisme que sont la liberté, l’égalité (vous êtes fils de Dieu), le fraternité (vous êtes tous frères), que vont-elles devenir sans l’esprit qui les anime ? Laïcisées, elles ne sont plus que des inscriptions gravées sur le fronton de nos mairies, avec en dessous, des hommes enchaînés, inégaux, et bien peu fraternels.

Contentons-nous, pour finir, de relire ce que St-Paul nous disait tout à l’heure : « Vous avez été appelés à la liberté », mais attention ! Que cette liberté ne soit pas un prétexte pour satisfaire votre égoïsme.

Au contraire : « Mettez-vous par amour au service les uns des autres car toute la loi atteint sa perfection dans un seul commandement : Tu aimeras ton prochain comme toi-même ». Si vous vous mordez, si vous vous dévorez les uns les autres, prenez garde…Vous allez vous détruire les uns les autres. Je vous le dis. « Vivez sous la conduite de l’Esprit,  « l’Esprit de Dieu », alors vous n’obéirez pas aux tentations égoïstes du monde ».

En effet, vous le savez, frères et sœurs, il y a en nous, et il y a entre nous, un frein qui nous empêche de faire ce que nous voudrions. Mais si vous répondez « oui » ,de tout cœur, à l’invitation de l’Esprit qui est en vous, à l’appel du Christ qui vous dit : « Viens et suis-moi », à l’appel d’un Dieu qui vous dit : « Vivez en frères, car vous êtes tous mes fils », alors, prenez la route, prenez votre bâton de pèlerin de la vie pour aller vous aussi, en compagnie du Christ jusqu’à la Jérusalem Céleste, celle qui est au-delà de la croix.

« En cours de route, un homme dit à Jésus :

Maître, je te suivrai partout où tu iras ».

Sommes-nous capable de dire et de faire comme lui ? AMEN

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