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La Pentecôte – Homélie du Père Louis DATTIN

L’Esprit Saint dans nos vies

 Jn 14, 15-26

Lorsque nous lisons, dans les « Actes des apôtres », que les frères, c’est-à-dire les disciples de Jésus, étaient réunis, j’ai l’impression qu’ils ne devaient pas être bien fiers. Réunis pour se rassurer, par peur de se trouver seuls dans une aventure qui les dépasse. Quand on est ensemble, on peut se rassurer les uns les autres. Ils n’ont pas oublié ce fameux Vendredi, à l’avant-veille de Pâques : Jésus arrêté, jugé, bafoué, méprisé, mis à mort sur la croix. Bien sûr, ensuite, ils l’avaient vu ressuscité. Malgré tout cela, ils n’étaient pas encore bien rassurés. Jésus leur avait dit : « Je vous envoie une force venue d’en haut ».

 

Malgré cela, ils étaient un peu comme nous, certains jours où nous sommes en train de nous dire : « Si Dieu était présent avec moi, je n’aurais pas peur. Je saurais ce qu’il faut faire mais là, je n’ose pas car je ne sais pas, je n’ose pas, j’ai peur ».

Eux aussi avaient peur, « ils avaient verrouillé les portes du lieu où ils étaient par peur des Juifs ». Ces apôtres étaient souvent comme nous, ils n’étaient pas bien courageux.

En les regardant vivre avec Jésus, on a bien l’impression qu’ils ne comprenaient rien à ce que disait Jésus : il leur arrivait même de comprendre à l’envers et Pierre va jusqu’à se faire traiter par Jésus de « Satan » !

Nous aussi, souvent, nous avons du mal à comprendre qui est Dieu, ce qu’il souhaite. Nous avons du mal à comprendre le mystère du mal et de la résurrection. Pour nous aussi, bien des questions nous laissent sans réponses. Non seulement ils ne comprennent pas, mais ils se disputent ensemble pour savoir qui était le plus grand, pour savoir qui serait le chef après Jésus.

On voit même une mère venir pistonner ses deux fils : Jacques et Jean, lui demandant les meilleures places pour eux !

Tout comme nous-mêmes, il nous arrive de nous heurter entre nous, à propos de méthodes de catéchisme, de types de messes, de liturgie, au lieu de mettre en pratique le « Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés ». Ces disciples peureux, qui ne comprennent pas grand-chose et à qui nous ressemblons comme deux gouttes d’eau, finalement, ils vont être envahis par l’Esprit et, du coup, ils vont changer : les voilà, maintenant, à la Pentecôte, qui non seulement n’ont plus peur, mais qui comprennent le message de Jésus et qui vont même jusqu’à l’expliquer ! Pierre, celui-là même qui avait renié Jésus, prend la parole devant des foules de toutes races, et eux, comprennent ce qu’il dit. On le verra répondre au tribunal des juifs avec une assurance et une clarté stupéfiante !

La Pentecôte, c’est cela ! C’est la transformation, par l’arrivée de l’Esprit-Saint, qui, non seulement, nous rassure, mais nous fortifie, nous fait comprendre, qui fait de nous des témoins.

Les apôtres ne sont plus des disciples seulement, ils deviennent des « apôtres », c’est-à-dire capables de se faire comprendre du monde entier.

La  Pentecôte : ce  n’est  pas  simplement  pour eux, c’est pour nous aussi, aujourd’hui. L’Esprit Saint, si nous ne lui faisons pas barrage, est capable de nous transformer, nous aussi, de faire de nous des apôtres, nous qui sommes peureux pour dire notre foi, nous qui avons du mal à comprendre le mystère qu’est Dieu, nous qui sommes souvent divisés pour des bêtises, nous aussi, nous avons reçu l’Esprit Saint au Baptême, nous avons été affermis, confirmés, rendus fermes.

Accepterons-nous  de nous laisser envahir par l’Esprit Saint pour qu’il nous transforme ?

Est-ce-que nous croyons vraiment que Dieu peut nous changer? Qu’il peut nous faire sortir de nous-mêmes pour devenir différents ? Que sa force est suffisante pour que nous soyons autrement ? Et n’est-ce-pas  cela d’abord  notre peur ?

Peur qu’il nous bouscule : peur du changement, peur de l’aventure qu’il nous propose.

Ah ! Si notre petite vie, bien rythmée par nos emplois du temps, nos habitudes, nos routines, si tout cela allait être bousculé et qu’il entrait un grand vent dans notre vie qui balaie tout comme dans la pièce où se trouvaient les apôtres ! Est-ce-que nous sommes prêts à risquer notre  vie  au grand vent  de  l’Esprit ?

Ou bien notre religion n’est-elle qu’une sécurité de plus dans une vie spirituelle qui serait calculée, calfeutrée et à l’abri de toute bourrasque ? Oui, et c’est cela qui est exaltant dans notre vie avec le Christ, c’est qu’il y a « la Pentecôte » : ce grand vide où il faut nous jeter à corps perdu pour être pris en main par l’Esprit qui fait de nous ce qu’il désire.

L’Esprit, disait déjà Jésus à Nicodème « souffle où il veut (et pas où nous voulons) et nul ne sait d’où il vient, ni jusqu’où il nous emmènera ».

Jésus avait dit à Pierre, sur le bord du lac : « Un autre te mènera là où tu ne voudras pas  et celui qui consent à perdre son âme, c’est-à-dire à l’exposer au souffle de l’Esprit, à la brûler au feu de l’Esprit, celui-là la sauvera ».

Est-ce-que c’est nous qui nous nous dirigeons intérieurement ou bien est-ce l’Esprit Saint ?

Sommes-nous encore les maîtres de notre vie ou est-ce l’Esprit qui s’en est rendu le maitre ?

Est-ce-que c’est sa volonté qui est faite ou bien est-ce la nôtre ?

On ne peut posséder l’Esprit, c’est lui qui nous possède et c’est lui qui vous change.

Essayez de prendre dans vos mains, dans vos bras, de l’eau, du feu, un souffle, les trois symboles de l’Esprit Saint : impossible. L’eau, le vent, le feu, ça n’a pas de contours précis, définis, ça ne se prend pas, ça ne résiste pas à une pression, ce n’est pas solide, et pourtant l’eau laissée à elle-même se répand, le feu brûle et s’amplifie, le souffle passe et emporte tout sur son passage !

Julien Green notait au moment de sa conversion dans son journal : « Introduire le surnaturel dans sa vie, rompre la digue qui nous protège contre Dieu, c’est se vouer à une tragédie sans nom. Dieu est assiégeant ; le plus souvent, on lui oppose une invincible médiocrité, mais si on cède sur un point, alors c’est le ciel entier qui se rue en nous ».

La Pentecôte, c’est cela. C’est cette irruption de Dieu en nous parce que nous l’avons laissé s’introduire dans notre existence.

Est-ce cela que nous allons essayer de faire aujourd’hui ?

L’Esprit sera-t-il assez fort ou plutôt notre égoïsme sera-t-il assez faible pour se laisser emporter par cette eau immergeante, par ce feu brûlant, par ce souffle purificateur ?

Sans l’Esprit, nous rappelle Ignace de Lattaquié :

  1. Dieu est loin,

  2. le Christ reste dans le passé,

  3. l’Evangile est une lettre morte,

  4. l’Eglise : une simple organisation,

  5. l’autorité : une domination,

  6. la mission : une propagande,

  7. le culte : une évocation et

  8. l’agir chrétien : une morale d’esclaves.

Mais, avec l’Esprit, en lui, tout change :

  1. Le cosmos est soulevé

et gémit dans l’enfantement du Royaume

  1. Le Christ ressuscité est là !

  2. L’Evangile devient puissance de vie

  3. L’Eglise signifie la communion trinitaire

  4. L’autorité est un service libérateur

  5. La mission est une Pentecôte

  6. La liturgie est mémorial et anticipation

  7. L’agir humain est déifié. AMEN