3ième Dimanche de Pâques – Homélie du Père Louis DATTIN

La foi

Jn 21, 1-19

Rappelons-nous, frères et sœurs, pour une meilleure écoute de cet évangile, que cette belle scène, au bord du lac, se passe en Galilée. La Résurrection, elle, a eu lieu en Judée. Mais Jésus avait dit à Marie Madeleine et aux apôtres :

« Partez en Galilée, c’est là que vous me verrez ».

Et Pierre retrouve son pays et ses vieilles habitudes et dit aux autres : « Je m’en vais à la pêche ».

Et les disciples lui répondent : « Nous allons avec toi ».

C’est Pierre qui prend l’initiative, c’est Pierre qui dirige la manœuvre tout comme c’est le pape qui donne les grandes impulsions et directives de l’église.

Hélas, « ils passèrent la nuit sans rien prendre ».

Notre activité apostolique, à nous aussi, est bien vaine, bien improductive si nous nous mettons au travail sans la présence du Seigneur. Sans lui, ils sont bredouilles, ils ne prennent rien. Au lever du jour, la jeune Eglise est fatiguée, démoralisée surtout, pas à prendre avec des pincettes, quand un inconnu pose la question, justement celle qu’il ne faut pas poser à des pêcheurs qui n’ont rien pris :

« Oh ! Les enfants, auriez-vous quelque chose à manger ? »

C’est la honte. Sèchement, ils répondent : « Non, rien ! »

Et voilà le pire : cet étranger qui veut leur donner des conseils, à eux, les professionnels ! Mais de quoi se mêle-t-il !

« Jetez le filet à droite de la barque, vous trouverez ! »

Malgré toute leur rancœur, leur lassitude, ils le font cependant.

C’est Jésus qui dirige l’Eglise. C’est Jésus qui en est son inspirateur et l’Eglise, même Pierre, n’a qu’à obéir aux inspirations de l’Evangile, aux désirs de l’Esprit Saint, s’ils veulent faire de l’Eglise un instrument efficace au service du salut.

A chaque fois que l’Eglise n’a pas écouté les conseils de Jésus, à chaque fois qu’elle n’a pas fait exécuter les inspirations de l’Esprit Saint, elle est bredouille, elle ne prend rien, elle s’agite en vain. Mais dès qu’elle obéit à son Seigneur et Maître, l’Eglise peut tirer son filet, il est plein : ces poissons multiples qu’ils n’arrivent même pas à ramener sur le rivage, tous ces hommes sauvés que l’Eglise a bien du mal à tirer jusqu’au Royaume de Dieu, en proximité de Jésus, tellement il y en avait.

C’est Jean qui identifie le premier Jésus : Jean, c’est l’amour qui devine, l’amour intuitif, qui va au-delà des apparences :

« Cet inconnu, mais, c’est le Seigneur ! Ce ne peut être que lui ».

De même, ce n’est pas toujours l’autorité de l’Eglise, mais plutôt les prophètes, les charismatiques, les contemplatifs, qui discernent dans les « signes des temps », la présence du Seigneur et ses nouvelles directives. Mais c’est le rôle de Pierre de les authentifier, de les déclarer divines. Dès que Pierre entend Jean, il se jette à l’eau pour aller à la rencontre du Seigneur.

Pierre, le pape, en tête de l’Eglise, est le premier à se mouiller, à prendre position officiellement pour reconnaître dans le maquis du monde actuel, ce qui est divin et ce qui ne l’est pas, ce qui mène vers Dieu ou ce qui l’en écarte.

Les disciples suivent en barque, amenant sur le rivage du ciel, tous ces hommes rassemblés dans le filet de l’Eglise sous la conduite des apôtres, pêcheurs d’hommes. Arrivés sur la rive, Pierre voit un feu déjà préparé par Jésus avec du poisson posé dessus. Tous les hommes ne sont pas sauvés par l’Eglise : ils sont d’abord sauvés par la Croix du Christ et sa Résurrection. Mais Jésus veut faire participer les apôtres à cette œuvre de salut :

« Apportez donc de ce poisson que vous venez de prendre ».

L’homme a l’honneur de participer à l’œuvre de Dieu et d’y apporter sa part, sa contribution. Il y avait aussi du Pain ! Rappelez-vous, le pain d’Emmaüs, le pain du Cénacle, le pain de la Cène, le pain qu’il va rompre et qui est le signe, non seulement du partage mais aussi de la Révélation.

Il y a « Eglise », dès qu’il y a partage : repas avec Jésus, pain rompu, repas fraternel. Le filet est tiré à terre, c’est la mission de l’Eglise : pouvoir présenter à Jésus l’ensemble de l’Humanité, rassemblée dans les filets de Pierre et des apôtres à la gloire du Père.

« Il y en avait 153 ». Peut-être êtes-vous intrigués par ce chiffre : St-Augustin a jonglé avec et en a fait toute une mathématique spirituelle. On nous dit plus simplement que l’antiquité connaissait 153 espèces de poissons, si bien que ce chiffre indique la totalité, la plénitude. C’est toute l’Humanité qui doit être sauvée par le Christ et par l’église.

« Et le filet ne s’était pas rompu ». Ce n’est pas la quantité des disciples qui menace l’unité de l’Eglise, c’est leur discorde, leurs tiraillements et divisions intérieures.

Et les voilà maintenant qui déjeunent avec Jésus : un déjeuner avec une ambiance toute particulière, un déjeuner dans la foi.

Personne n’ose demander au Seigneur : « Qui es-tu ? »

Ils savaient que c’était le Seigneur et, en même temps, ils savent que c’est une certitude intérieure, mais pas uniquement visuelle, ni évidente.

Nous aussi, à certains moments de notre vie, nous avons dit :

« C’est le Seigneur », nous en étions sûrs, sans en avoir une évidence visuelle. Après ce travail d’Eglise accompli sur l’ordre de Pierre, mais aussi sur le conseil de Jésus, tout comme aujourd’hui, où l’Eglise travaille toujours sous les ordres de Pierre, mais aussi sur le conseil du Seigneur, Jésus estime qu’il est temps de donner à Pierre son investiture, de le faire pape c’est-à-dire de lui donner la primauté qu’il lui avait annoncée quelques temps auparavant :

« Tu es Pierre et, sur cette pierre, je bâtirai mon Eglise ».

            Mais une ombre persiste, un mauvais souvenir : personne n’a oublié le triple reniement de Pierre, comme personne n’a oublié la vie de certains papes dans l’histoire de l’Eglise.

On a beau être pape, investi par le Seigneur d’une mission capitale, on en est pas moins un homme avec ses faiblesses, ses lâchetés, ses humiliations, tout comme notre Eglise elle-même, dont nous faisons partie, n’est pas toujours la fiancée sans ride et sans tâche que le Seigneur voudrait présenter au Père. Heureusement nous dit St-Jean :

« Dieu est plus grand que notre cœur et notre cœur aurait beau nous accuser, Dieu balaie tout par son amour ».

Et de fait, c’est bien d’amour qu’il s’agit, malgré nos faiblesses. C’est pourquoi le Seigneur va poser à Pierre la triple question opposée au triple reniement. Il n’est plus question maintenant de demander à Pierre s’il connaît Jésus. Mais le Christ lui demande : « M’aimes-tu ? »

Connaître Jésus, c’est bien, mais l’aimer, c’est tout autre chose ! Et notre service, celui du pape, comme le nôtre, n’est pas la base de connaissance du Christ (bien qu’il faille le connaitre toujours un peu mieux) mais l’amour, pour celui qui, le premier, nous a aimé sans mesure.

Trois fois de suite Jésus pose la question, nous pose la question, à nous aussi, ce soir (ce matin) :

« Toi, Pierre, Jean, Georges ou Madeleine, m’aimes-tu ? »

Qu’allons-nous répondre à notre tour ? Nous n’avons pas de meilleure réponse que d’emprunter à notre tour, la réponse de Pierre, nous aussi pauvres pêcheurs :

« Seigneur, tu me connais et même tu me connais bien mieux que je ne peux me connaître moi-même, alors tu le sais bien »

« Oui Seigneur, oui Seigneur, je t’aime ».

Et cependant, parce qu’il avait renié trois fois, une fois de plus et une fois encore, le Seigneur lui demande :

« Simon est-ce-que tu m’aimes vraiment ? »

Pierre fut peiné par cette troisième demande :

« Seigneur, tu sais tout, tu sais que je t’aime vraiment ».

Il lui dit alors :

« Sois le berger de mes brebis »,

Comme il nous dit à nous aussi :

« Puisque tu dis que tu m’aimes vraiment, deviens apôtre, deviens ouvrier de l’Eglise, moissonneur dans le champ du Père, pêcheur d’hommes dans la mer du péché ».

Pape, évêques, prêtres ou laïcs, nous sommes tous embauchés pour ramener le filet de l’Humanité jusqu’à la rive de Dieu. AMEN

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