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Dimanche de Pâques – Homélie du Père Louis DATTIN

Le grand passage

 Oui, c’est Pâques ! Vous qui êtes ici ce matin, vous le savez et en plus vous savez ce que c’est ! Mais dans le grand public qui sait ce qu’est Pâques ?

« C’est le jour où l’on fait ses pâques », m’a répondu ce petit futé.

« Un jour de fête où l’on sort une jolie robe à la mode », m’a répondu une jeune fille.

« Ce sont les petites vacances avant les grandes vacances », m’a répondu un écolier.

« La fin du Carême », m’a répondu quelqu’un qui ne connaissait du Carême que la « mi-carême ».

« La fin de la période cyclonique », m’a dit un autre (ce n’est pas si sûr que ça).

Eh oui, on avance dans la vie, accaparé par ses soucis quotidiens : le jardin à nettoyer, la belote du soir, la visite à rendre, l’enterrement à suivre, le déjeuner à cuire, la lessive à étendre, des courses à faire. On court à son travail, à ses plaisirs, à ses devoirs.

A-t-on le temps de lever la tête ? De voir un peu plus loin, un peu plus large ? Et la vie passe, lentement mais sûrement comme le grand fleuve pas toujours tranquille. Mais un jour, on s’aperçoit que les rives ont changé, que les horizons ne sont plus les mêmes, que le jour baisse et que dans le ciel passent des nuages lourds.

Est-il temps encore de s’arrêter,  de songer à sa situation, au sens de sa vie, à ce vers quoi Dieu nous appelle depuis si longtemps déjà ? Oui, c’est vrai, nous passons.

 

Mais, le mystère pascal, cette pâque de l’Ancienne et Nouvelle  Alliance, qu’est- il  au  juste, sinon  un  passage ? Passage de la mort à la vie ! Hier, nous avons contemplé Jésus, mort sur la croix, exsangue, le cœur percé par la lance du soldat, scellé dans son tombeau et devant : les gardes vigilants ! Mais cette nuit-là, il sort, il est vivant, il apparait aux disciples et aux apôtres traumatisés qui osent à peine y croire. Il les lance à la conquête du monde et voici, depuis ce moment, un immense courant de joie qui passe, l’univers devient frémissant d’une espérance énorme.

L’histoire change de sens et depuis 2 000 ans, les cœurs ne cessent de tressaillir. Oui, Pâques : c’est pour nous le mystère du passage, de notre passage. De toute façon, nous venons de le constater : nous passons.

Oui, c’est vrai, mais par quel itinéraire ?

Nous avons tous besoin de changer, vous l’avez encore éprouvé lors de votre dernière confession.

Nous avons tous besoin de passer de l’égoïsme à l’amour, du péché à la sainteté, de la nuit à la lumière, de la haine à la bonté, de la colère à la patience, de l’orgueil à l’humilité et cela nous ne le ferons pas tout seuls : nous en sommes bien incapables, si nous ne recourons pas à une autre énergie que la nôtre, à une autre force que la nôtre.

Nous savons bien notre faiblesse : c’est toujours dans les mêmes fautes que nous retombons, c’est toujours les mêmes aussi, que nous accusons et c’est normal : tous nous sommes faibles et pécheurs et pour sortir, pas seulement de notre péché, mais, même de notre routine, nous avons besoin d’un passeur.

Ce passeur, c’est celui qui, à notre tête, a déjà, lui, effectué le parcours : Jésus-Christ, passeur de la mort, ne se contente pas, à Pâques, de passer de la mort à la vie, il nous fait passer, tous, à sa suite, par cette même mort pour aller vers sa vie qui doit être la nôtre. Pâques :

– C’est Jésus-Christ, debout, vivant, marchant devant nous et nous indiquant le chemin.

– C’est le bon Pasteur qui indique la voie.

– C’est la Vérité.

– C’est la vraie Vie et définitive !

N’a-t-il pas dit : « “ Je suis la voie, la vérité, la vie ” ».

Pas pour lui, pour nous.

            C’est l’assurance que tout est vrai de ce qu’il a dit, que nous n’avons plus qu’à prendre le route derrière lui, et que, à l’heure qui approche, nous aussi, nous ressusciterons avec lui, puisque, cette vie-là, celle du Christ, elle est déjà là, présente, agissante en nous depuis notre Baptême. Nous sommes déjà ressuscités et nous attendons ce passage de la mort du péché, à la vie épanouie et définitive dans l’intimité de Dieu.

Voilà pourquoi, avant tout et c’est la priorité absolue de notre vie, il faut nous attacher à Jésus-Christ. Un grand savant Jaspers disait : « Plus je vais de la philosophie à la théologie, du droit à l’histoire, de la psychologie aux sciences humaines, plus j’ai envie d’ouvrir simplement  « mon évangile », et  plus les faits qui y sont relatés, plus les paroles qui y sont dites me parlent chaque jour et plus je me sens concerné par eux ».

Voilà le centre, le noyau de notre foi ; nous n’avons plus qu’une chose à savoir : le Christ est ressuscité et il nous entraîne tous vers lui, pour vivre de sa Résurrection, « notre grand passage ».  AMEN