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Épiphanie du Seigneur, Solennité – Homélie du Père Louis DATTIN

EPIPHANIE 

Suivre l’étoile

Mt 2, 1-12

Là ! Elle est là ! Regardez ! Et les trois savants, avec les instruments de l’époque, situent cette étoile nouvelle et stupeur, ils la voient avancer ! Or ces savants, comme c’était le cas à l’époque, n’étaient pas que des astronomes, c’étaient aussi des astrologues : ils savaient lire la signification de ces constellations, un peu comme ceux qui actuellement font votre horoscope. Passionnés comme ils sont, il n’en faut pas plus pour les mettre en marche. Ils savent qu’un jour une étoile doit se lever et qu’un Messie, c’est-à-dire un « Sauveur des hommes », doit naître à l’endroit où se dirigera cette étoile.

  • Aussitôt, c’est la « marche à l’étoile » qui commence. Venus d’Orient, ils arrivent à Jérusalem. On ne nous dit pas la durée de leur voyage et ils demandent, encore harassés par la route :

« Où est le roi des juifs qui vient de naître ? Nous avons vu se lever son étoile en Orient et nous sommes venus nous prosterner devant lui ».

A Jérusalem, c’est la stupeur. On n’a entendu parler de rien ! C’est même l’inquiétude : un roi ? Nous en avons déjà un : c’est Hérode ! Il est là. Sur place, on convoque une réunion : tous les savants, les exégètes, ceux qui connaissent la Bible.

–  « Voyons, ce roi, où doit-il naître ? »

–  « A Bethléem, répondent les spécialistes, car de cette ville doit naître un chef qui sera le « Berger d’Israël » mon peuple ».

Hérode ne se dérange même pas. Il fait venir ceux qui sont déjà fatigués par le voyage et sans bouger lui-même il les envoie à Bethléem avec l’ordre de revenir pour le renseigner :

« Trouvez-le et avertissez-moi ».

Et c’est de nouveau le départ pour les mages : ils n’en sont plus qu’à quelques kilomètres près.

  • Et de nouveau l’étoile s’avance devant eux et les conduit jusqu’à l’endroit où le Sauveur se trouve. Là, entrant dans la maison, ils se prosternent devant l’enfant, l’adorent et lui offrirent leurs cadeaux.

  • Cette histoire est, vous l’avez remarqué certainement, celle d’une Eglise qui bouge et celle d’une Eglise immobile.

Celle qui bouge : ces gens en route, en recherche, à la suite d’une étoile c’est-à-dire en quête d’idéal, de quelqu’un qui doit venir. Ils n’hésitent pas à sortir de chez eux, à se mettre en route, à aller d’étape en étape, sans but précis, se contentant de suivre une étoile qui leur donne seulement une direction. Arrivés à Jérusalem, les voilà obligés de repartir encore pour Bethléem.

En face d’eux, il y a l’Eglise immobile, statique, stagnante, celle qui est installée dans le palais d’Hérode qui se dit aussi « Roi des juifs », Eglise du temple où Noël n’a fait aucun commentaire ; Eglise immobile, paralysée, ankylosée, incapable de changer, d’évoluer, où l’on n’a même pas soupçonné que le Messie (qu’ils attendaient depuis des siècles) venait de naître à trente km d’ici, qu’il allait changer la face du monde !

  • Cette fête de l’Epiphanie et ce récit sont pour nous, aussi, mes frères, plein d’enseignements. Parmi les chrétiens, et dans l’Eglise catholique, il y a souvent deux catégories :

  1. Ceux qui bougent, ceux qui sont capables de se déplacer, de se déranger, de changer quelque chose dans leur vie, ceux pour qui la foi est une  aventure, un voyage  qui va d’étape en étape, un itinéraire qui, peu à peu les conduit vers celui qu’ils recherchent : le Christ-Messie-Sauveur!

Mais malheureusement, il y a aussi :

  1. Ceux pour qui la religion, leur religion, c’est l’immobilisme, le statique. On fait comme on a toujours fait, sans rien changer, sans rien déplacer, sans rien déranger. Leur vie chrétienne est figée, fidèle à ce qu’ils appellent une « tradition » et qui n’est finalement qu’une paresse ! Au lieu d’aller de l’avant, ils vivent, réfugiés dans leurs souvenirs, enfermés dans un réseau d’habitudes, de gestes sans signification et d’idées toutes faites. Alors, mes frères, en ce jour de l’Epiphanie, où nous voyons arriver devant la crèche, trois hommes, harassés de fatigue, mais rayonnants de joie parce qu’ils sont arrivés au but ; et de l’autre côté, un roi Hérode ignorant et qui ne se déplace même pas, entouré de gens qui savent quelque chose, mais qui ne font rien.

En face de ces deux Eglises : une qui se met en marche à la recherche de son Sauveur et l’autre qui reste sur place, persuadée qu’elle n’a plus rien à chercher ni à trouver, laquelle allons-nous choisir ?

Il est certes plus facile de rester chez soi et d’envoyer les autres aller voir, pour nous « avertir » ensuite. C’est ce qu’a fait Hérode et plus tard il préfèrera faire massacrer des innocents plutôt que d’aller lui-même sur place, vérifier qui était Jésus… et reconnaitre en lui, le vrai roi, le seul roi, celui dont en haut de sa croix, le Vendredi Saint, il sera dit sur un écriteau : « Celui-ci est le roi des Juifs ».

  • De toutes façons, quel que soit le choix que nous ferons, nous prenons des risques : si nous sommes de ceux qui font partie de l’Eglise qui bouge, de l’Eglise qui avance dans la direction donnée par l’étoile, il nous faudra :

  – déranger nos habitudes,

  –  nous fatiguer en chemin,

  –  nous mettre en recherche,

  –  nous poser des questions,

  –  sans cesse avoir des doutes, des incertitudes

  –  mais avancer progressivement vers celui qui nous a mis en  route…

  –  pour un jour, le trouver et pouvoir enfin se trouver en sa présence et l’adorer.

Nous aurons pris des risques certes, mais, en fin de compte, nous serons rayonnants de joie comme les mages à la crèche.

Si nous sommes de ceux pour qui la religion n’est qu’un oreiller inconfortable, un « opium », disait Karl Marx, une situation douillette qui nous fige définitivement dans nos idées et qui nous empêche d’évoluer, le risque est encore plus grand, surtout dans notre société  en plein dérangement. Nous risquons gros :

   –  risque d’être à côté de tout ce qui se vit,

   –  risque de vivre dans le passé et d’être exclus de l’avenir.

Le chrétien est celui qui est chargé de bâtir le monde futur, celui du vrai Royaume : non pas celui d’Hérode, mais celui de Dieu !

Alors, comme Abraham, comme Moïse, comme le peuple de Dieu dans le désert, comme les mages venus d’Orient, faisons de notre vie chrétienne, un départ, une marche, un cheminement, une aventure qui nous fera trouver le Christ grâce à l’étoile de l’Evangile. Alors, nous aussi, nous pourrons l’annoncer au monde et l’adorer.  AMEN