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3ième Dimanche de l’Avent – Homélie du Père Louis DATTIN

“Que devons-nous faire ?”

Lc 3, 10-18

Ce passage de l’Evangile est un texte clé : il est la jonction entre l’Ancien et le Nouveau Testament. Jean-Baptiste nous dit aujourd’hui comment faire pour passer de l’un à l’autre. C’est Jean qui parle, mais il nous parle du Messie. Il nous parle de Jésus et des conditions du Royaume. Ne sommes-nous pas, nous aussi, dans la période de transition ? Nous sommes le peuple qui attend un sauveur et qui demande à Jean : « Et nous, que devons-nous faire ? », car Jésus va venir. Le Messie arrive et il s’agit de ne pas rater son accueil.

A moins de 15 jours de Noël, ne serait-ce pas le moment de faire le point : « Où en suis-je de ma préparation de Noël ? Qu’est-ce-que j’ai déjà fait ? Que dois-je faire encore ? » Moi, aussi, je dois me préparer, comme la foule qui entoure Jean-Baptiste, à passer d’une Alliance à l’autre, de l’Ancienne à la Nouvelle. Jusque-là, Jean-Baptiste était dans le désert, maintenant il est au bord du fleuve. Nous aussi, tout comme le peuple de Dieu, nous avons eu des périodes de désert. Vous savez, ces périodes où l’on a l’impression que Dieu est absent, que nous sommes seuls et dans le vide, que tout nous lâche et que nous ne pouvons plus compter sur rien, ce peuple de Dieu qui a faim, qui a soif et qui commence à regretter les repas d’Egypte. Et voilà que Jean les amène au bord du fleuve. “Qu’il boive celui qui a soif et qu’il puise aux eaux vives de mon amour”.

Après l’expérience de l’Avent, expérience de l’absence de Dieu, l’Eglise nous dit : « Voici qu’il vient celui dont il dira de lui-même qu’il est l’eau vive », « celui qui boit de cette eau n’aura plus jamais soif ».

Du désert, nous aussi, après nos expériences de dénuement, de soif  et  d’attente  d’autre chose, nous arrivons au bord du fleuve  et  là, nous  trouvons Jean le Baptiste qui  nous  dit : « Convertissez-vous, il est proche celui qui doit venir après moi » et la foule, pleine de bonne volonté répond : « Que devons-nous faire ? » Cette question, est-ce-que nous nous la posons, nous aussi ? A l’approche de Noël : « Que devons-nous faire ? » et que répond Jean-Baptiste ? Il ne nous propose pas des exploits. Il dit simplement :

« Chacun doit reconsidérer la manière dont il vit ».

« Tout d’abord, si tu as deux vêtements, partage avec celui qui n’en a pas ». Le partage, l’attention au frère, être attentif aux besoins des autres, c’est l’une des conditions du passage de l’Ancienne Alliance à la Nouvelle, du trajet du désert vers le fleuve, de l’itinéraire qui nous fait aller de Jean jusqu’à Jésus-Christ.

Des publicains (ils n’avaient pas bonne réputation en Israël) posent aussi la question « Et nous, que devons-nous faire ?» Jean répond: «Soyez honnêtes dans votre métier ».

Arrivent aussi des militaires : « Et nous, que faut-il faire pour nous convertir ? ». « Ne faites violence ni tort à personne. Contentez-vous de votre solde ».

Et ce matin, nous aussi, nous demandons à Jean « Pour attendre le Christ, que devons-nous faire ? » Le Seigneur, tout comme Jean, ne nous demande pas des exploits. Il nous demande d’abord, de bien faire ce que nous avons à faire. Là est d’abord la conversion : une conversion dans le quotidien de nos vies, dans l’ordinaire de nos existences.

Vous vous rendez compte ? Si chacun de son côté commençait à bien faire ce qu’il a à faire! Mais déjà le monde serait changé ! Il n’y aurait plus de magouille, de laisser-aller, de médiocrité, les rapports humains eux aussi seraient complètement modifiés. On commencerait alors à avoir confiance les uns dans les autres, sans arrière-pensée parce que chacun serait sûr que l’autre fait de son mieux. Il ne faut pas rêver d’un monde extraordinaire pour la Nouvelle Alliance, pour la vie au bord du fleuve, pour la vie avec celui que nous attendons. Il faut d’abord mettre en place un monde où chacun, à sa place, où chacun remplit son rôle en faisant de son mieux au service des autres. Ce n’est pas ambitieux et pourtant, déjà, le monde serait changé du tout au tout.

La conversion, c’est d’abord cela : ce n’est pas d’abord un changement de vie. C’est cette vie qui, peu à peu, grâce à nos efforts quotidiens, grâce aussi à l’aide de Jésus  qui  vient  nous  aider, devient  meilleure, plus droite, plus ouverte, plus aimante. La sainteté ne commence pas par des états extatiques, des miracles, du merveilleux, de l’insolite. Elle débute par quelques progrès dans nos activités journalières :

  • un peu plus de conscience,

  • un peu plus de transparence aux autres,

  • un peu plus d’amour pour ceux qui nous entourent.

Voilà pourquoi Jean-Baptiste propose, lui, avant le Baptême offert par Jésus-Christ, un Baptême de pénitence : la pénitence n’étant pas autre chose que la volonté de changer un peu notre vie quotidienne pour lui donner un peu plus de valeur, un peu plus de qualité. « Moi, je ne vous baptise qu’avec de l’eau, mais il  vient  celui  qui est plus puissant que moi et lui, il vous baptisera dans l’Esprit-Saint  et  dans  le feu  ».

Avant même d’être sanctifié par Jésus-Christ et de recevoir le Baptême qui rend fils de Dieu et membre de la famille divine, il faut  d’abord être un homme, une femme, droit, consciencieux, honnête, respectueux de la loi naturelle et de la condition humaine. La sainteté ne peut se greffer et ne peut se développer que dans quelqu’un qui a déjà des qualités humaines capables de faire prendre cette greffe.

Une sainteté ne peut s’épanouir que dans une santé spirituelle déjà existante. Un bon naturel est la seule pierre d’attente d’un bon surnaturel. Vous savez que l’artiste, avant de créer son chef-d’œuvre va d’abord choisir son matériau. Un sculpteur ne va pas choisir n’importe quel bois ou n’importe quel bloc de pierre. Il va prendre celui qui va se prêter le mieux à la réalisation de son projet.

Si vous rêvez d’être un saint, une sainte, essayez d’abord d’être un homme ou une femme de valeur au niveau humain, ce sera plus facile ensuite pour Dieu de faire de vous son ami. Il y a continuité et non pas rupture entre l’humain et le divin, surtout depuis que Jésus s’est fait homme, est devenu le prototype de l’homme, même de celui qui n’est pas croyant.

C’est pourquoi Jean-Baptiste ne demande pas à la foule, des gens de bonne volonté qui l’entourent, des  exploits, ni des objectifs héroïques. Il leur dit seulement : « Faites votre devoir. C’est Dieu qui fera le reste car sans lui, vous ne pouvez rien faire ».

Le plus souvent, la conversion pour nous ne sera pas un changement spectaculaire, une métamorphose étonnante. Non, elle sera, elle doit être, pour préparer Noël, quelques actes à poser, des actes et pas  seulement des désirs de changement ou des velléités de sainteté. Le Seigneur, à Noël, fera le reste : lui seul en est capable. Encore faut-il le faire !

Notre vie, nous rappelle l’Evangile d’aujourd’hui, est tissée et malaxée de bien et de mal, comme dans la moisson où il y a, à la fois, le grain de blé et la paille. Notre vie spirituelle consistera souvent  en  un travail bien simple, bien humble, bien modeste : essayer de trier le bon du mauvais dans notre vie de tous les jours afin que le Seigneur puisse amasser le grain dans son grenier et brûler en nous la paille inutile.

A la question posée par la foule: « Que devons-nous faire ? », Jean-Baptiste nous répond : « Fais ce que tu as à faire, mais fais- le bien ».  AMEN