Solennité du Christ Roi – Homélie du Père Louis DATTIN

Christ Roi

Jn 18, 33b-37

 

Lorsque le pape Pie XI, en 1925, institua cette fête du Christ-Roi, cela provoqua un étonnement encore partagé par certains.

Pourtant, nous disons bien que Jésus est ‘’Seigneur’’, mais peut-être que ce mot de ‘’Seigneur’’, en parlant du Christ, s’est dévalué, usé et que nous n’y faisons plus attention.

 

 

Aujourd’hui, mes frères, essayons de reprendre conscience de cette ‘’Seigneurie’’ du Christ, de cette ‘’royauté de Jésus’’.

S’il y a eu étonnement, c’est justement parce que le Seigneur, dans toute sa vie, depuis sa naissance jusqu’à sa mort, est apparu comme le contraire d’un roi, un anti roi.

.   Quoi donc !

Un roi, cet enfant, réfugié, né dans la paille d’une étable !

Un roi, ce vagabond qui va, de village en village, annoncer que les pauvres, les doux, les affamés de justice, les artisans de paix seront bienheureux , alors que justement, un Royaume s’appuie d’abord sur la richesse, la force, les privilèges et le prestige !

Un roi, ce condamné à mort au supplice de la croix : le supplice réservé aux esclaves, couronné par dérision d’une coiffe de ronces avec dans la main, un roseau tenant lieu de sceptre !

.   Un roi, c’est un homme qui est fin, qui commande, qui se fait servir, qui est entouré de toute une cour brillante et luxueuse. Or, Jésus, lui, est humble, il ne commande pas, il conseille, il lave les pieds des autres. Quant à sa cour : il est entouré d’une bande de va-nu-pieds qui ne comprend pas grand-chose à ce qu’il dit.

.   Et pourtant, vous l’avez entendu de vos propres oreilles, dans la lecture  de l’Evangile, lorsque  Pilate  l’interroge, lorsqu’il  se trouve  au 36e dessous, bafoué, méprisé et hué par la foule :

– « Es-tu le roi des juifs ? »

Jésus répond avec assurance :

–   «’’ Oui, je suis roi, mais, (faisons bien attention à ce petit ‘’mais’’), ma royauté ne vient pas de ce monde’’.» « ‘’Ah ! Si ma royauté était terrestre, j’aurais des gardes qui se seraient battus pour moi. Non, ma royauté n’est pas d’ici’’. »

Pilate lui dit alors :

–   « Donc tu es roi ? »

Et sans hésiter, Jésus répond nettement :

–   « ‘’Tu l’as dit, je suis roi. Je suis né, je suis venu dans le monde pour ceci : rendre témoignage à la vérité. Tout homme qui est dans la vérité, entend ma voix’’. »

.   Quel est donc  ce Royaume dont Jésus est le souverain ? Et qu’est-ce-que cette royauté dont nous célébrons aujourd’hui la fête ?

  • C’est tout d’abord, une royauté de Vérité :

« ‘’Je suis venu pour rendre témoignage à la Vérité.’’ »

Il le dit tout net, il n’est pas roi à la manière des rois de la terre : ceux qui font, tous les six mois, des promesses à leurs peuples, en leur disant que ça ne va pas très bien aujourd’hui, mais que l’année prochaine, tout sera remis en ordre.

Si l’on relisait, mes frères, tous les discours des hommes politiques, ceux qui gouvernent les pays, toutes les promesses qu’ils nous ont faites, tous ces programmes magnifiques, toutes les annonces de ‘’lendemains qui chantent’’, et cela, d’ailleurs, quels que soient leurs partis, nous dirions aussitôt : « Que tout cela est loin de la vérité ! » et nous serions tentés de reprendre le mot de Talleyrand, qui en savait lui-même quelque chose :

« C’est effrayant ce que peuvent peu ceux qui peuvent tout !

Aussi  sont-ils  obligés   de  faire  sans  cesse   des  numéros  d’acrobatie

verbale pour essayer de faire croire ce qui n’est guère crédible…

Le Christ, lui, dit au monde, sans démagogie, avec, au contraire, un appel à des exigences personnelles :

« ‘’Je suis la Vérité, je suis la lumière ; celui qui me suit ne marchera pas dans les ténèbres.’’ »

Il va jusqu’à nous dire :

« ‘’…qu’il faut perdre sa vie pour la gagner, que la porte est étroite, que la route n’est pas facile et que celui qui se laisse aller est en train de se perdre.’’ ».

 

Royaume de Vérité, où ce qui ‘’oui est oui’’ et ce qui est ‘’non est non’’.

Vérité qui peut faire mal mais Vérité qui ne transige pas : épée qui tranche en nos cœurs entre le bien et le mal.

  • Royaume de Vérité mais aussi Royaume de Service.

Un roi, un gouvernant, un homme important est entouré de courtisans, de valets du régime, de fonctionnaires de toutes sortes qui se mettent à son service, qui obéissent au moindre de ses désirs, qui exécutent la plus petite volonté, gardes du corps, huissiers, nervis et gratte-papiers.

Or, que dit le roi que nous fêtons aujourd’hui :

« ‘’Je ne suis pas venu pour être servi, mais pour servir !’’ », me mettre à la disposition des hommes, de tous les hommes, pour les sauver.

Jésus nous le dit explicitement dans l’Evangile :

«’’ Les rois de la terre agissent en Seigneur ; ils tiennent les nations sous leur pouvoir et leurs peuples sous leur domination ! Qu’il n’en soit pas ainsi pour vous ! Bien au contraire, celui qui veut être grand, qu’il se fasse le serviteur des autres, et celui qui être le premier, qu’il se fasse l’esclave des autres. C’est ainsi que le fils de l’homme est venu, non pour être servi mais pour servir et donner sa vie pour la multitude’’. »

Le pouvoir  n’est pas d’abord une affaire de droit sur les autres, mais une affaire de devoir c’est-à-dire de service et d’amour.

  • Royaume de Vérité, Royaume de service, le Royaume de Jésus

va beaucoup plus loin encore : c’est un Royaume d’Amour. Là encore la différence est grande entre les pouvoirs de la terre et celui du fils de l’homme. Les princes, les gouvernants donnent des places, des décorations, des allocations, des dignités, des subventions.

N’attendez rien de tout cela de Jésus-Christ : il n’a pas à se faire bien voir. Il n’a rien à donner ; il va faire beaucoup plus : il va se donner et donner sa vie par amour pour nous = amour gratuit, désintéressé.

Ce n’est même pas notre bien-être qu’il cherche, c’est tout simplement notre être et son salut. Il est celui qui se jette à l’eau pour sauver celui qui se noie, qui se jette dans le feu pour sauver ses enfants, qui donne sa vie pour être le sauveteur, le sauveur des hommes.

Or, « ‘’il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux que l’on aime’’ ». Ce roi-là, c’est celui qui est en croix, pour nous, à notre place et qui crie à son père : « ‘’Pardonnez-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font’’ » et dont la pancarte au-dessus de sa tête sanglante proclame sur l’ordre de Pilate : « ‘’Jésus de Nazareth, roi des juifs’’ ».

Il ne croyait pas si bien dire Pilate, c’était plus encore que cela ! Pas seulement ‘’roi des juifs’’ mais ‘’Roi, sauveur du monde entier’’, qui s’offre à son père pour la rémission  de toutes les fautes des hommes de tous les siècles.

                    Jésus, ‘’doux et humble’’ de cœur, n’est pas un roi lointain : pas besoin de lui demander une entrevue, une audience. A chaque communion, il se donne à nous, il nous donne sa vie pour que, nous aussi, à son exemple, nous puissions établir en nous et autour de nous :

  •  un Royaume de Vérité où le mensonge est aboli

  • un  Royaume   de  Service   où  nous  ayons   à  cœur   de  devenir

serviteurs des autres

  • un Royaume d’Amour où chacun pourra aimer ses frères, comme

lui-même nous aime.

                                                         AMEN

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