31ième Dimanche du Temps Ordinaire – Homélie du Père Louis DATTIN

Le grand commandement

Mc 12, 28-34

Après son passage à Jéricho, voilà Jésus qui arrive à Jérusalem : sa première démarche est d’aller au Temple qu’il fréquente toute la journée, sous les portiques, allant et venant.

Il est en butte à tous ces contradicteurs : les scribes et les anciens, puis les pharisiens et les hérodiens, enfin les saducéens.

Et voilà qu’on lui pose une question, la question best-seller, à l’époque de Jésus : « Quel est le premier commandement ? » Comment distinguer l’essentiel de l’accessoire dans la nuée de commandements juifs ? Il y en avait 613 à observer pour n’être pas en faute : 248 positifs (autant que d’éléments composant le corps humain) et 365 négatifs (autant que de jours dans l’année). Comment unifier tout ce maquis ? Isoler le précepte fondamental ? Dans ce fatras, comment discerner l’essentiel, comment s’y retrouver ? Quel est le désir principal de Dieu sur nous ? Qui va donner le sens à tout le reste et qui va nous permettre de nous adapter dans toutes les situations ?

Tout de suite, Jésus répond par la prière de ‘’Shema Israël’’, que tout Juif pieux récite deux fois par jour, le matin et le soir :

« Ecoute, Israël, le Seigneur Notre Dieu est notre unique Seigneur. Tu aimeras le Seigneur de tout ton cœur, de toute ton âme, de tout ton esprit et de toute ta force.»

Une prière, qui, pour les Juifs, a la même importance que le ‘’Notre Père’’ pour les chrétiens.

Jésus aurait pu s’arrêter là ! Mais non, et voilà ce qui va faire l’originalité du christianisme ; il enchaîne aussitôt avec une phrase du Lévitique : « Tu aimeras ton prochain comme toi-même ». Et il conclut : « Il n’y a pas de commandement plus grand que ceux-là », amour de Dieu, amour des autres. C’est dans le rapprochement de ces deux commandements qui n’en font plus qu’un seul, dans ce lien, indissociable entre l’amour de Dieu et du prochain, que réside toute l’originalité du message de Jésus : ‘’l’amour de Dieu’’ doit s’exprimer dans ‘’l’amour du prochain’’, qui en est le véritable test.

Plus moyen d’aimer Dieu sans aimer l’autre, sinon je suis un menteur.

Plus moyen d’aimer l’autre, sans aimer Dieu, sinon je ne suis qu’un philanthrope, parce que l’amour fraternel a son fondement en Dieu, Père unique, qui fait de nous tous des frères de la même Famille divine.

« Un seul Dieu et Père de tous », nous rappelle St-Paul.

« Comment pourrais-tu aimer Dieu que tu ne vois pas, alors que tu n’aimes pas ton voisin proche de toi ? » Illusion que de croire aimer Dieu, alors que celui qui est à côté de moi n’est qu’un étranger ! Que j’ignore !

Frères et sœurs, nous sommes tellement habitués à ce message que l’on nous a répété depuis notre petite enfance, que l’on a l’impression, ce soir (ce matin), en rappelant l’unicité de ces deux amours, d’enfoncer une porte ouverte : il faut y regarder de plus près.

Le scribe l’interrogeait sur le 1er commandement : Jésus répond par une prière, et c’est vrai qu’une religion n’est pas basée sur des commandements, mais fondée sur un amour. J’aurai beau pratiquer :

 – les 613 commandements de la loi,

 – les commandements de Dieu ou de l’Eglise,

 – la messe du dimanche,

 – le jeûne,

 – la prière du matin ou celle après le repas,

 – l’office ou le chapelet,

 – une neuvaine ou faire dire des messes,

 

si  je  n’ai pas  l’amour, tout le reste n’est rien, tout cela ne vaut rien, toutes mes pratiques sont insignifiantes et débiles et sans importance.

L’étoffe vivante du peuple de Dieu, ce ne sont pas les commandements : c’est un élan insatiable, un désir, une faim, une soif vers ce Dieu qu’il faut aimer de tout son cœur, de toute son âme, de tout son esprit et de toute sa force et vers ce prochain qu’il faut aimer comme soi-même.

L’amour vrai saura toujours trouver comment il doit s’exprimer, comment il doit se dire à l’autre, comment il se manifestera à l’être aimé. Si j’aime vraiment Dieu, je saurai trouver le 614e ou le 615e commandement qui est justement celui que Dieu me demande aujourd’hui, qu’il me réclame dans son amour pour moi et que je vais lui offrir dans mon amour pour lui.

Pour celui qui est vraiment branché sur Dieu, à la limite, il n’y a plus de commandements, il y a seulement dans son cœur, un amour impérieux qui le fera considérer comme une nécessité de faire tels gestes, d’entreprendre telle démarche pour dire à Dieu combien je l’aime, à mon tour, « lui, qui m’a aimé le premier ».

Dans une auto, vous avez, au fond, deux éléments essentiels :

la carrosserie et le moteur.

La carrosserie, c’est bien ; ça nous permet d’être encadré et protégé. C’est un confort et une sécurité. Nous ne pouvons pas être à cheval sur le moteur, comme une sorcière sur son balai.

C’est le rôle du commandement dans la religion : savoir être entouré de balises, ceintures de sécurité, airbags et le reste, qui nous ligotent un peu, qui peuvent nous enfermer, mais qui sont nécessaires pour ne pas être éjectés.

Mais que diriez-vous d’une belle voiture sans moteur ? Vous pouvez vous installer dedans et y rester, il y a peut-être un cendrier, une pendule, un chauffe-biberon ou même un bar. S’il n’y a pas de moteur, vous n’irez pas loin ! Vous ne sortirez jamais du garage ! Cette carrosserie sans moteur, c’est votre religion sans amour.

L’essentiel pour la voiture, c’est non pas de s’installer dans un cadre commode, c’est d’avancer, de se projeter en avant, d’aller plus loin, de découvrir.

Le moteur de notre religion, c’est l’amour qui nous fait aller vers Dieu et vers les autres de tout notre cœur, de toute notre âme, de tout notre esprit et de toute notre force. Notre religion n’est pas un état de stabilité, elle est une force de dynamisme. Elle n’est pas un sur place, elle est un starter.

Alors, ai-je assez d’amour dans le cœur, à la fois pour Dieu et pour les autres, pour embrayer une vie qui soit en prise sur l’énergie de Dieu qui me fera aller plus loin ?

L’Eglise est en route, et parfois, elle cherche son chemin et certains posent la question du scribe :

« Qu’est-ce-qui est le plus important ? »

« Quel est le premier des commandements ? »

Ce qui est 1er : ce n’est pas un commandement, c’est l’amour, qui justement n’est pas un commandement.

Qui peut dire à l’autre : « Je veux que tu m’aimes, je t’ordonne d’avoir de l’affection pour moi ? »

On n’est jamais obligé d’aimer. Qui pourrait obliger à aimer ? Personne, pas même Dieu !

Voyez-vous, ce commandement n’est pas un ordre, mais une supplique, une prière de Dieu adressée à chacun de nous par Dieu : car, si nous prions Dieu, Dieu, lui aussi, nous prie. Nous le sentons bien parfois dans notre cœur. Il nous invite à l’amour, un amour qui ne sera jamais qu’une faible réponse à son amour prévenant.

 

Dieu, c’est un amour qui se déclare et qui attend une réponse : ce n’est pas un raisonnement, ce n’est pas une théorie. Il s’agit d’une expérience qui a pour conséquence un appel : l’expérience de la Bible qui après avoir vu Dieu lui faire signe au long des siècles, ne peut dire qu’une chose : « Dieu nous aime. »

 « Si le Seigneur s’est attaché à vous et vous a choisis, ce n’était pas parce que vous étiez le plus important des peuples, vous étiez le plus petit ! Ce n’était pas parce que vous étiez le plus juste, vous étiez le plus pécheur ! C’est tout simplement parce qu’il vous aime ! »

L’amour de Dieu, pour nous, son peuple, c’est un choix, un attachement un peu fou pour des gens qui ne l’ont jamais mérité.

 Ce genre d’amour contient forcément un appel parce qu’il attend une réponse.

Quand Dominique dit qu’il aime Françoise, ce qu’il éprouve en lui-même ne suffit pas à son bonheur. Il va déclarer son amour et il ne sera pleinement heureux que si Françoise, à son tour, lui dit qu’elle l’aime et le lui prouve. Tel est aussi, l’amour de Dieu : un amour qui s’est déclaré et qui attend une réponse.

Notre réponse sera-t-elle à la mesure de l’appel, aussi totale, aussi définitive que l’amour de Dieu lui-même ? « Tu aimeras de tout ton cœur, de toute ton âme et de toute ta force. »

Et, finalement, la seule chose qui puisse être un signe valable de notre amour pour Dieu, ce sera comme dans un foyer : la ‘’fidélité’’ tout au long de notre vie, à travers toutes les occasions de notre existence, réponse à celui dont nous chantons qu’il est « le Dieu fidèle éternellement ».

Quand vous passiez votre examen du code pour le permis de conduire, on vous posait sans cesse la question : « Qui a la priorité ? »

            Pour un chrétien, la réponse est sans équivoque : c’est l’amour. Rappelez-vous la chanson de J. Brel : « Quand on n’a que l’amour ». Pour le chrétien, « sans amour, on n’est rien du tout » AMEN

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