23ième Dimanche du Temps Ordinaire – Homélie du Père Louis DATTIN

Mc 7, 31-37

Mes frères, en entendant le récit d’un miracle comme celui qui nous est raconté aujourd’hui : celui de cet homme qui est sourd et qui est muet et que Jésus guérit, si bien qu’il se met à entendre et à parler, nous risquons de mal comprendre, de faire un contre-sens, une erreur. Cette erreur serait de nous arrêter au miracle lui-même et d’être seulement admiratifs, comme cette foule qui entoure Jésus, « vivement frappés », nous dit l’Evangile. Ils disaient « Tout ce qu’il fait est admirable ! Il fait entendre les sourds, il fait parler les muets ». Nous risquons de nous arrêter au merveilleux, à l’insolite, à l’extraordinaire. On s’extasie, on dit : « C’est formidable » et on ne va pas plus loin. Or, quand Jésus fait un miracle, son geste a toujours une signification, un sens caché qu’il faut savoir comprendre, traduire, interpréter. St-Jean, dans son Evangile, ne nous parle même pas de « miracles » quand Jésus accomplit quelque chose d’extraordinaire, il dit : des signespar un miracle Jésus nous fait signe – et chaque miracle de Jésus a une signification, c’est-à-dire qu’il veut « dire » quelque chose, qu’il désire, par ce geste, non seulement nous faire comprendre quelque chose, mais qu’il nous donne un message.

Essayons aujourd’hui de réfléchir sur ce que Jésus veut nous dire quand il guérit ce sourd-muet.

Tout d’abord, l’Evangile nous signale que c’est en « Décapole » c’est-à-dire en pays étrangers aux juifs, chez les païens, que Jésus va faire ce miracle ; ce qui veut dire que Jésus n’est pas envoyé au petit peuple juif seulement, mais à tous, à tous ces étrangers pour qui les Judaïsants de l’époque n’avaient que mépris :

mission universelle du Christ, mission universelle du chrétien, envoyé à tous, vers tous.

La Parole de Dieu n’est pas réservée à une petite caste de privilégiés qui laisserait de côté la grande masse des non-initiés : tentation que nous avons, nous aussi, de nous rencontrer entre chrétiens, le petit groupe des « bien-pensants » ayant seulement un regard de pitié et de commisération pour tous ceux qui ne connaissent pas Dieu, qui sont loin de lui et qui ne sauront jamais. Jésus est missionnaire : c’est à un païen, à un étranger qu’il va rendre l’usage de ses oreilles et de sa langue.

– « Jésus l’emmène à l’écart de la foule » : une véritable conversion, un vrai changement spirituel ne peut se faire dans le brouhaha, le vacarme. Il faut le silence, le dialogue seul à seul, un minimum de recueillement, de réflexion, de prière.

– Remarquons ensuite que Jésus va guérir les oreilles avant la langue et ce n’est pas sans importance. Vous savez qu’un sourd-muet n’est muet que parce qu’il est sourd.

Un homme qui n’a jamais entendu de sons qui n’a jamais entendu de mots, de phrases, de paroles humaines ne peut à son tour en proférer. Il faut d’abord avoir « entendu » parler avant de pouvoir « parler » soi-même.

– « Jésus lui met ses doigts dans les oreilles » : avait-il besoin d’un tel geste ? Ce n’est pas une pratique de sorcellerie mais il porte, lui aussi, une « signification » : « C’est ma force, c’est ma grâce que je te passe ». Il y a communication sensible du doigt du Seigneur dans l’oreille de ce sourd.

 

– Comment un chrétien pourra-t-il dire quelque chose de l’Evangile, quelque chose du Seigneur aux autres ? Un chrétien doit d’abord écouter la Parole de Dieu, se mettre en état d’écoute et pouvoir entendre le message du Christ, avant de pouvoir le transmettre aux autres. Si parfois, mes frères, nous sommes muets, c’est-à-dire :

 – si nous ne disons rien de notre foi à ceux qui nous entourent,

 – si les autres ne savent même pas que nous sommes chrétiens,
– si, de notre bouche, ne sort jamais une parole de l’Evangile, c’est que nous n’avons pas assez entendu, écouté la Parole de Dieu. Pour le chrétien, il y a donc aussi une priorité de l’oreille sur la bouche. Ce n’est qu’après avoir entendu la Parole de Dieu, qu’après l’avoir écoutée, réfléchie, méditée que je peux, à mon tour, la dire aux autres, la proclamer, l’annoncer.

Pourquoi trouve-t-on si peu de catéchistes pour la rentrée prochaine ? Pourquoi les chrétiens parlent-ils si peu de leur foi, entre eux et autour d’eux ? La plupart du temps, c’est qu’ils ne savent plus grand-chose du contenu de leur foi, qu’ils ne l’ont pas alimenté en lisant et relisant leur évangile. Oh, bien sûr, à la messe, on en entend un petit morceau par-ci par-là, (quand on arrive assez à l’heure pour écouter les différentes lectures), mais ce n’est pas suffisant ! Il faudrait de temps en temps se remettre à l’écoute de la Parole de Dieu. Alors, alors seulement, on pourrait en parler. On écoute bien sa femme, ses enfants, ses voisins, au café ou au marché, pourquoi n’écouterait-on pas le Christ ? Il a souvent des choses bien plus importantes à nous dire.

« Puis Jésus prend de la salive, lui touche la langue, il lève les yeux au ciel, il soupire et lui dit « Effata », c’est-à-dire « Ouvre-toi ». Ses oreilles s’ouvrent, sa langue se délie et il parlait correctement. Remarquez tous ces gestes de Jésus :

la salive, les yeux levés au ciel, il soupire comme s’il faisait un effort pour chasser la mal et dit : « Effata », « Ouvre-toi », ses oreilles étant ouvertes, sa langue se délia.

Alors c’est ici, et maintenant, mes frères, que nous avons à comprendre le sens de ce miracle. C’est le Christ qui nous dit à chacun de nous, maintenant : « Effata », « ouvre-toi ».

Ouvre tes oreilles pour m’écouter et écouter les autres autour de toi. Ouvre ta bouche pour proclamer les merveilles de Dieu et annoncer le message qu’il t’a confié. « Ne reste pas sourd, ne reste pas muet. Ecoute et ce que tu as entendu, dis-le ».

Impossible, mes frères, impossible de se dire chrétien et de rester fermé sur soi, en soi, de se replier, de s’enfermer comme un sourd-muet, insensible à la parole de l’autre et incapable de communiquer l’essentiel. Rappelez-vous la lecture d’Isaïe, la 1ère lecture, il disait : « Dieu va venir lui-même vous sauver, alors s’ouvriront les yeux des aveugles et les oreilles des sourds ». En faisant ce miracle, Jésus nous fait comprendre : « Ça y est ! Le Christ, le Messie est là ! Il est parmi vous ! » Ce temps du Royaume, du salut est commencé et maintenant tout s’éclaire : les hommes vont pouvoir communiquer, entendre et écouter Dieu, parler et annoncer Dieu.

Cette guérison du sourd-muet est, ce qu’on appelle, un « miracle d’ouverture » qui nous incite, nous aussi, à : nous ouvrir davantage, nous ouvrir à Dieu par une meilleure écoute de sa parole, nous ouvrir aux autres par une meilleure annonce de son Royaume.

Sommes-nous assez communicatifs ? Communicants ? Que faisons-nous pour faire passer notre foi aux autres ? Pour dire la Bonne Nouvelle ? Sommes-nous des chrétiens contagieux qui donnent envie aux autres de le devenir ? Ou bien passons-nous dans la vie comme des sourds-muets, isolés des autres parce que je ne les écoute pas et que je n’ai rien à leur dire ?

N’oublions pas, mes frères, que nous sommes porteurs de l’espérance du monde. Nous sommes, nous rappelle le Christ, la lumière dans la nuit, le levain dans la pâte, le sel de la terre. Alors, ouvrons nos oreilles, délions notre langue et annonçons comme Isaïe : « le Royaume va venir, le Messie est venu : il est là pour vous sauver ! »  AMEN

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