1er dimanche de Carême par P. Claude TASSIN (Spiritain)

Commentaires des Lectures du dimanche 22 février 2015

carême 1

Genèse 9, 8-15 (Dieu fait une alliance avec l’homme)

Rappelons que, chaque année en Carême, la premier lecture des dimanches offre un parcours des grandes étapes de l’histoire du salut dans l’Ancien Testament. Ici, le déluge vient de s’achever. Bêtes et gens ont quitté *l’arche, et Noé a offert un sacrifice au Seigneur. En réponse, celui-ci établit une alliance : elle est une promesse de vie à l’adresse des hommes présents et à venir, et même des animaux.

C’est une nouvelle création : voir Genèse 9, 1.6 reprenant les expressions de la première création en 1, 27-28. Après le nettoyage par le déluge, Dieu s’engage à ne plus utiliser de tels moyens, aussi sûr que l’arc-en-ciel marque la fin des orages. Par ce signe, les hommes sauront qu’il « se souviendra » de son alliance, c’est-à-dire qu’il agira en conformité à sa promesse. Car, selon l’ordre des textes bibliques et sous le symbole de l’arc-en-ciel, c’est avec toute la création, toute l’humanité, que Dieu établit son alliance, avant de se choisir un peuple particulier, témoin et responsable de cette alliance universelle.

Cette page a été composée par un cercle de prêtres qui voulait rendre espoir aux Israélites exilés à Babylone. Ils ont subi le déluge de la déportation et leur pays a été englouti par la guerre. Mais Dieu leur promet « de ne plus ravager la Terre (d’Israël !) » ; il leur annonce un nouveau départ. Le texte révèle un Dieu qui veut la vie des hommes, des animaux et de tout le cosmos. C’est pourquoi la première alliance divine exige l’éradication de la violence entre les hommes (lire Genèse 9, 5-6). Comment Dieu accepterait-il qu’on haïsse et qu’on tue en son nom ? Le baptisé, qui a passé avec Jésus le déluge de la mort (2e lecture), sait que la promesse de Dieu est digne de foi.

* L’arche. « Les préfigurations de ce bois (de la croix) n’ont été depuis toujours que les principaux indices de ces merveilles. Regarde en effet, toi qui veux t’instruire. Est-ce que Noé sur un peu de bois n’a pas échappé, par un décret divin, avec ses fils et leurs épouses et avec les animaux de tout genre, à l’extermination du déluge ? » (saint Théodore « le studite », 8e siècle)

1 Pierre 3, 18-22 (L’eau du baptême nous sauve de nos péchés)

1) L’auteur écrit pour des chrétiens qui se sentaient exclus de la société à cause de leurs options chrétiennes, au milieu d’un environnement païen. Certains étaient tentés d’abandonner la foi pour retrouver le confort de « vivre comme tout le monde ». Cette angoisse peut troubler aujourd’hui n’importe quel nouveau converti.

2) En réponse, quel est le message de l’auteur ? Il leur cite l’exemple du Christ en qui ils se sont confiés. Jésus lui-même a été contesté, jusqu’à en mourir, par ce monde pécheur dont nous sortons à peine. Mais il a triomphé de la mort et du péché. Notre baptême nous associe à sa victoire. Retournerons-nous à un monde mauvais qui, selon le symbole du déluge (1ère lecture), est condamné ?

3) Où l’auteur puise-t-il son message ? Il recopie, en l’adaptant, un antique credo (depuis « le Christ est mort » jusque « rendu à la vie », puis « qui est monté » jusqu’à la fin). Il insère une catéchèse sur le baptême (depuis « c’est ainsi » jusque « la résurrection de Jésus Christ »). Il compare le baptême au salut des « huit personnes » traversant le déluge (Noé, sa femme, ses trois fils et leurs trois épouses), le chiffre huit étant devenu le symbole de la nouvelle création, de la résurrection (cf. Jn 20, 26). Mais quels sont ces « prisonniers » auxquels prêche le Christ ? S’agit-il de sa *descente aux enfers ? Ce message de libération annonce la mission de Jésus (évangile).

* La descente aux enfers. Le Christ est « descendu aux enfers », dit le Symbole des Apôtres, pour libérer les pécheurs d’autrefois, « ceux qui étaient prisonniers de la mort ». Il est le Rédempteur de tout le cosmos, puisqu’il en a traversé les trois étages : le ciel, la terre et le monde souterrain. Cette interprétation, inaugurée par Clément d’Alexandrie (2e s.), a sa vérité. Mais ce n’est pas ce que dit Pierre. Nourri par les légendes juives sur Génèse 6, 1-2, il dit, littéralement, que le Christ « est allé porter message aux esprits en prison ». Ces esprits sont les anges déchus qui, selon les traditions juives, poussent les hommes au mal et que Dieu a emprisonnés dans des cachots aériens. En remontant vers le Père, le Christ ressuscité leur a signifié, au passage, que leur rôle maléfique était terminé. Baptisés, nous ne nous laissons plus terrifier par la force cachée du Mal.

Marc 1, 12-15 (Jésus au début de sa mission)

Le 1er dimanche de Carême rappelle chaque année les tentations que Jésus a écartées au moment où il s’engageait dans la mission que Dieu lui confiait. Saint Augustin, dans ses commentaires des Psaumes, redira l’essentiel de la victoire du Christ : « Reconnais que c’est toi qui es tenté en lui ; et alors reconnais que c’est toi qui est vainqueur en lui. »

La tradition que Marc a reçue sur les tentations de Jésus diverge de celle, plus longue, parvenue à Matthieu et à Luc. Elle est trop courte (2 versets) pour faire une page dominicale d’évangile. C’est pourquoi la liturgie ajoute la première prise de parole de Jésus, son appel à la conversion, après qu’il ait lui-même vaincu nos tentations.

La tentation d’Adam, fils de Dieu

L’épisode suit la déclaration de Dieu entendue par Jésus lors de son baptême : « C’est toi mon Fils bien-aimé. » L’Esprit saint, reçu en ce baptême, pousse au désert ce Jésus afin que celui-ci décide en quoi il sera « fils de Dieu ». Les trois évangiles s’accordent sur ce point : c’est l’Esprit, donc l’intention divine, qui pousse Jésus au désert pour une mise à l’épreuve : quelles options prendrait pour sa mission celui qui avait reçu sa vocation et son investiture, lors de son baptême dans le Jourdain ? Bien entendu, les évangélistes envisagent l’épisode du point de vue de l’humanité de Jésus, des choix qu’il eut à faire. Le récit des tentations (Matthieu/Luc) ou de la tentation, selon Marc qui n’en explicite pas le contenu, résume commodément et par avance toutes les mkises à l’épreuve que Jésus rencontra au long de sa mission.

Dans la Bible, le désert symbolise l’épreuve, comme aussi les « quarante jours », rappelant les quarante ans de l’Exode. Mais cette épreuve vient du satan, l’adversaire assimilé par la tradition chrétienne à « l’antique serpent » (Apocalypse 20, 2) qui mit à l’épreuve Adam et Ève. D’après les légendes juives, Adam vivait en paix « parmi les bêtes sauvages », et les anges « le servaient », parce que, forcés par le Créateur, ils reconnaissaient en lui le fils et l’image de Dieu. C’est bien pourquoi, selon les mêmes légendes, le satan, ange jaloux, œuvra à sa chute. Marc envisage ici cette perspective, à la lumière de la de saint Paul, son maître en théologie (Romains 5, 12-21) : Jésus, nouvel Adam ou « anti-Adam » a vaincu la tentation d’orgueil que le premier homme n’avait pas su combattre. Désormais, à la suite de Jésus, chef d’une humanité nouvelle, et par notre conversion, nous pouvons repartir à zéro vers le règne de Dieu, au prix de cette conversion dont le Carême indique la voie. Surtout, le kérygme proclamé par Jésus apparaît dans la succession narrative comme la décision de Jésus à la suite de sa mise à l’épreuve.

Le « kérygme » de Jésus

Selon Matthieu, Jean Baptiste et Jésus proclamaient le même « kérygme », c’est-à-dire un message bref (comparer Jonas 3, 4) en forme de slogan : « Convertissez-vous, car le royaume des cieux est tout proche » (comparer Matthieu 3, 2 et 4, 17). Mais Marc sait que les deux prédicateurs n’ont pas la même conception du « règne de Dieu ». Aussi en réserve-t-il la proclamation à Jésus seul. Si le Baptiste annonçait un jugement divin sévère et imminent, Jésus annonce la venue du Règne comme une bonne nouvelle, un « évangile », pour ceux qui veulent bien changer de vie, se convertir.

Depuis le Concile, le prêtre, lors de l’imposition des cendres, peut choisir cette formule de l’évangile de Marc : « Convertissez-vous et croyez à l’Évangile.

Matthieu et Marc s’accordent sur le fait que, littéralement, « *le règne de Dieu s’est fait proche » ou « a fini son approche ». Marc précise : « Le temps est accompli », le temps que Dieu a fixé pour venir enfin régner sur l’humanité. C’est la frontière d’une nouvelle époque dont l’avènement est lié à l’accueil que lui fera l’homme par la foi et la conversion. Chaque fois que l’Évangile retentit à nos oreilles et nous appelle à la conversion, nous sommes placés sur cette même frontière. L’évangéliste situe le commencement de la mission de Jésus « après que Jean eut été livré ». Derrière ce drame se profile le jour où « le Fils de l’homme sera livré aux mains des hommes » (Marc 9, 31). Car la Bonne Nouvelle de Dieu passera par la Passion de son messager.

* Le règne de Dieu. « Voici que Jésus proclame que le moment est arrivé, qu’au royaume des hommes, au royaume des choses, au royaume de Satan, doit succéder le royaume de Dieu. L’attente des prophètes doit être enfin comblée, dans le peuple élu, dans toute l’humanité. La puissance divine approche et veut prendre le pouvoir, elle veut pardonner, sanctifier, illuminer, diriger et renouveler toute chose par la grâce divine. Mais sans violence, en ne faisant appel qu’à la foi et au libre don des hommes » (Romano Guardini).

 

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