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20ième Dimanche du Temps Ordinaire (Mt 15, 21-28) – P. Rodolphe EMARD

Frères et sœurs, les quatre lectures de ce vingtième dimanche du Temps Ordinaire insistent sur le Salut de Dieu qui est universel.

Le Psaume 66 proclame que le Salut est pour toutes les nations. Saint Paul dans sa lettre aux Romains rappelle que la miséricorde de Dieu est pour tous, à la fois pour Israël et les nations païennes.

Dans le livre d’Isaïe, l’universalité est également bien mise en évidence. Les « étrangers » qui professent leur foi dans le Dieu d’Israël et qui s’attachent fidèlement à son Alliance, sont accueillis dans la maison du Seigneur : « Ma maison s’appellera « « Maison de prière pour tous les peuples. » »

Le Salut que Jésus est venu apporter est pour tous les hommes. L’amour et la miséricorde de Dieu ont une portée universelle. Une telle révélation ne va pas de soi, ni hier, ni aujourd’hui. On le voit déjà dans l’Évangile : l’accueil de l’étranger n’est pas automatique.

L’autre « différent », peut être perçu comme un rival, comme quelqu’un qui vient occuper ce qui nous appartient de droit. L’autre « différent » peut déranger et on peut même s’en méfier par peur qu’il nous détruise. Cette perception amène à s’écarter, à se protéger, à se mettre à l’écart de cet autre « différent ».

C’est un peu l’attitude des disciples dans l’Évangile vis-à-vis de la femme cananéenne. Ses cris sont insupportables à tel point que les disciples demandent à Jésus de la renvoyer : « Renvoie-la, car elle nous poursuit de ses cris ! »

L’attitude de Jésus est également déconcertante. Il est le Sauveur universel mais alors pourquoi une réaction aussi vive vis-à-vis de cette femme qui souhaite seulement la guérison de sa fille ? « Prends pitié de moi, Seigneur, fils de David ! »

N’y voyons pas un mépris du Christ par cette expression les « petits chiens ». Jésus reprend une connotation négative de son époque envers les païens. Ils étaient traités de « petits chiens » par les Juifs qui refusaient de les fréquenter.

Le plus important dans notre récit, et c’est assez rare pour le relever, n’est pas l’expression que reprend Jésus mais la réaction de cette femme. Elle répond du tac au tac à Jésus, elle le prend au mot : Moi ? Un petit chien ? D’accord si c’est pour avoir droit de ramasser les miettes ! « Seigneur, viens à mon secours ! »

Quelle audace ! Quelle liberté ! Et quelle confiance ! Cette femme accepte tout, pourvu qu’elle puisse recevoir ne serait-ce que des miettes de Jésus. Celui-ci fera l’éloge de sa foi : « Femme, grande est ta foi, que tout se passe pour toi comme tu le veux ! »

L’attitude de la Cananéenne nous questionne sur deux points :

  • Où en en sommes-nous dans notre propre foi au Christ ? Quelle est plus précisément la qualité de notre foi ? Désirons-nous ne serait-ce que des miettes de ce que le Christ nous donne ?

La foi de cette femme a de quoi nous interpeller et nous réveiller. N’oublions pas que le Christ se donne entièrement dans sa Parole et dans ses sacrements que nous négligeons parfois…

  • L’actualité internationale nous montre des défis considérables que les peuples ont à relever pour des meilleures relations entre eux. Nous pouvons relever un paradoxe : d’un côté, nous remarquons une augmentation des échanges, une abolition des distances entre les nations ; de l’autre, nous assistons à des tensions, à des conflits souvent causés par des enjeux économiques et commerciaux. Et cela toujours au détriment des plus pauvres…

Le pape François dans son encyclique Laudato Si’ nous invite à la construction d’une « civilisation de l’amour ». Comment prenons-nous part à cette construction ? Nous sommes concrètement interrogés sur le regard que nous portons sur l’étranger, l’autrement croyant, les autres cultures.

La tentation du repli sur soi ou de vouloir rester entre soi, dans nos cercles intimes (avec des personnes qui nous correspondent)… est encore bien actuelle. Il ne s’agit pas de devenir naïf mais d’oser poser un regard plus bienveillant sur l’étranger et de toujours lutter contre toute forme de racisme indigne d’un chrétien.

Pour conclure frères et sœurs, si nous devons retenir un point majeur de l’Évangile, c’est que le Christ est l’unique Sauveur du monde. Ce qui est premier, ce n’est pas la pratique de tel ou tel rite ou l’appartenance à telle ou telle communauté, mais bien la foi au Christ.

Demandons au Seigneur au cours de cette Eucharistie d’augmenter en nous la foi et avec les mots de la cananéenne, implorons son secours : « Prends pitié de moi, Seigneur, fils de David ! » Amen.

Père Rodolphe Emard.