Mc 7, 31-37
Mes frères, en entendant le récit d’un miracle comme celui qui nous est raconté aujourd’hui : celui de cet homme qui est sourd et qui est muet et que Jésus guérit, si bien qu’il se met à entendre et à parler, nous risquons de mal comprendre, de faire un contre-sens, une erreur. Cette erreur serait de nous arrêter au miracle lui-même et d’être seulement admiratifs, comme cette foule qui entoure Jésus, « vivement frappés », nous dit l’Evangile. Ils disaient « Tout ce qu’il fait est admirable ! Il fait entendre les sourds, il fait parler les muets ». Nous risquons de nous arrêter au merveilleux, à l’insolite, à l’extraordinaire. On s’extasie, on dit : « C’est formidable » et on ne va pas plus loin. Or, quand Jésus fait un miracle, son geste a toujours une signification, un sens caché qu’il faut savoir comprendre, traduire, interpréter. St-Jean, dans son Evangile, ne nous parle même pas de « miracles » quand Jésus accomplit quelque chose d’extraordinaire, il dit : des signes – par un miracle Jésus nous fait signe – et chaque miracle de Jésus a une signification, c’est-à-dire qu’il veut « dire » quelque chose, qu’il désire, par ce geste, non seulement nous faire comprendre quelque chose, mais qu’il nous donne un message.
Essayons aujourd’hui de réfléchir sur ce que Jésus veut nous dire quand il guérit ce sourd-muet.
Tout d’abord, l’Evangile nous signale que c’est en « Décapole » c’est-à-dire en pays étrangers aux juifs, chez les païens, que Jésus va faire ce miracle ; ce qui veut dire que Jésus n’est pas envoyé au petit peuple juif seulement, mais à tous, à tous ces étrangers pour qui les Judaïsants de l’époque n’avaient que mépris :
mission universelle du Christ, mission universelle du chrétien, envoyé à tous, vers tous.
La Parole de Dieu n’est pas réservée à une petite caste de privilégiés qui laisserait de côté la grande masse des non-initiés : tentation que nous avons, nous aussi, de nous rencontrer entre chrétiens, le petit groupe des « bien-pensants » ayant seulement un regard de pitié et de commisération pour tous ceux qui ne connaissent pas Dieu, qui sont loin de lui et qui ne sauront jamais. Jésus est missionnaire : c’est à un païen, à un étranger qu’il va rendre l’usage de ses oreilles et de sa langue.
– « Jésus l’emmène à l’écart de la foule » : une véritable conversion, un vrai changement spirituel ne peut se faire dans le brouhaha, le vacarme. Il faut le silence, le dialogue seul à seul, un minimum de recueillement, de réflexion, de prière.
– Remarquons ensuite que Jésus va guérir les oreilles avant la langue et ce n’est pas sans importance. Vous savez qu’un sourd-muet n’est muet que parce qu’il est sourd.
Un homme qui n’a jamais entendu de sons qui n’a jamais entendu de mots, de phrases, de paroles humaines ne peut à son tour en proférer. Il faut d’abord avoir « entendu » parler avant de pouvoir « parler » soi-même.
– « Jésus lui met ses doigts dans les oreilles » : avait-il besoin d’un tel geste ? Ce n’est pas une pratique de sorcellerie mais il porte, lui aussi, une « signification » : « C’est ma force, c’est ma grâce que je te passe ». Il y a communication sensible du doigt du Seigneur dans l’oreille de ce sourd.