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25ième Dimanche du Temps Ordinaire- Homélie du Frère Daniel BOURGEOIS, paroisse Saint-Jean-de-Malte (Aix-en-Provence)

Lecture : Luc 16, 1-13

 

Le cadeau de la liberté

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Frères et sœurs,

Ce texte pose une sorte de difficulté : qu’est-ce que Jésus est allé faire pour choisir un épisode aussi douteux ? Un intendant malhonnête, qui ensuite se fait mettre à pied sans aucune discussion, car la malhonnêteté était telle qu’il n’y avait pas besoin de lui faire un dessin ; il accepte tout de suite qu’on le renvoie, mais immédiatement, il devient apparemment encore plus malhonnête. Il se dit : voilà la facture, mais je vais fabriquer à l’inverse des fausses factures qui diminuent la somme. Cet intendant, vous ne lui confieriez jamais votre carte bleue.

Or, cette parabole a été prononcée, conservée, et quand saint Luc a rédigé définitivement son Evangile, il a été obligé de faire quelques petites considérations morales ; mais on a beau faire tous les correctifs voulus, la malhonnêteté est là, patente, indubitable, et Jésus a pris cet exemple pour expliquer quelque chose de notre comportement de chrétien.

Pourquoi ? Tromper le fisc ? Cela devient impossible. Essayer d’élargir le plus possible les marges bénéficiaires ? Cela repartira en impôts. Comment les fils de lumière, et l’on peut toujours dire que par le baptême nous sommes fils de lumière, comment pouvons-nous aujourd’hui imiter les fils de ce monde pour essayer d’appliquer cette parabole ?

Je dois vous dire au risque de choquer les parents qui se préparent à faire baptiser leurs enfants, et ceux qui accompagnent leurs enfants à la catéchèse, que c’est la plus belle parabole sur la liberté donnée par le baptême. En effet, de quoi s’agit-il ?

Cet intendant use mal de sa liberté, c’est indubitable. C’est un filou, un fripon, un voleur. Il a volé son maître dans les affaires. Heureusement, quelques âmes charitables et un peu délatrices ont averti le maître de ce qui se passait, et ensuite, quand il s’agit de sauver la situation, il est encore plus filou. Cela veut dire tout simplement que nous sommes tous des pécheurs.

4ième dimanche de paques1Vis-à-vis de la miséricorde de Dieu et de son amour, nous sommes tous des filous, nous ne méritons pas l’amour de Dieu. Ceux qui croient qu’ils méritent l’amour et la confiance de Dieu devraient se méfier et relire très profondément la parabole, et surtout relire leur vie en se disant : est-ce que véritablement je gère le bien que Dieu m’a donné aussi profitablement et aussi généreusement que Dieu l’a fait ? Il n’y a pas de souci, nous sommes tous des intendants malhonnêtes. Cela ne veut pas dire qu’il faut s’en contenter, mais cela veut dire au moins qu’il faut être lucide. Si nous sommes fils de lumière, sachons que nous sommes des pécheurs.

Voilà la base de la parabole. A mon avis, c’est pour cela que Jésus l’a choisie. C’est sans doute un fait divers qui avait parcouru la Galilée ou ailleurs à l’époque, tout le monde en parlait. Nous sommes tous des pécheurs avec l’amour de Dieu. Nous avons beau mal nous servir de notre liberté pour commettre le péché, en réalité, la liberté reste. Le premier enseignement de cette parabole, c’est l’inaliénabilité. Quand Dieu nous a fait libres, nous restons libres !

C’est précisément ce que signifie la sanction du maître, il dit à son intendant : tu m’as trompé, mais il ne dit pas immédiatement : rends-moi les comptes. Non, je te laisse encore libre. Même dans cette situation-là, tu es toujours libre. C’est toute la grandeur de la foi chrétienne, c’est de croire que tout homme, même le pire pécheur a encore comme un cadeau inaliénable la liberté qu’il a reçue de Dieu. Et parce que cette liberté n’est pas aliénable, l’homme a encore le moyen de se dire : il faut que je m’en sorte ! C’est cela la pointe de la parabole. Et cependant, il est assez fort pour rebondir. Au fond, c’est la parabole du rebond. Il avait tout pour être définitivement mis hors-jeu de la société, de l’économie et des amis, et là il rebondit, non pas de façon tout à fait honnête, c’est clair. Jésus le sait bien. Mais ce qu’il veut dire c’est que parce que la liberté est inaliénable, on peut rebondir. C’est cela qui intéressait le Christ. Cet homme dans la situation qui est la sienne est encore capable de se dire que ce n’est pas fini. C’est cela que Jésus veut dire à ses disciples, et c’est aussi ce que la première communauté avait besoin de se dire. Il est sûr que la première communauté chrétienne n’était pas dans une situation éblouissante. Ce n’étaient que des petites communautés qui avaient du mal à s’en sortir, il y avait des difficultés, des tensions, des rivalités, des petites communautés méprisées par les autres. Mais la parabole dit : souvenez-vous de l’intendant malhonnête, avec son argent et sa liberté, il a pu rebondir.

pardon force qui libére

C’est ce que le Christ veut dire : que les fils de lumière sachent que dans leur liberté consacrée par le baptême, ils peuvent toujours rebondir. Au fond, c’est une admirable parabole du pardon et de la vie baptismale. Qui d’entre nous est à la hauteur de la grâce du baptême qu’il a reçu ? Qui d’entre nous n’a pas comme premier devoir de rebondir sans arrêt par rapport à ses faiblesses, ses fautes, ses lâchetés et ses découragements ? C’est là toute la beauté et la profondeur de cette parabole. Dans la vie courante, avec les affaires tordues, les gens ont suffisamment d’énergie pour essayer de s’en sortir et avec le Royaume de Dieu le défi est encore plus grand puisqu’il s’agit d’avoir une demeure éternelle. Il faut répondre à l’amour de Dieu, mais on n’y répondra jamais, reprenez votre liberté à la base même si elle est blessée et marquée par le péché, et continuez !

Cette parabole veut nous dire aujourd’hui que le don de la liberté que Dieu fait à ses enfants ne sera pas toujours facile, mais de même que dans la vie on est aussi capable de rebondir, de même spirituellement, il n’y a jamais de raison de se décourager. Si apparemment les moyens ne sont parfois pas très honnêtes, car Dieu sonde les reins et les cœurs, cela n’empêche que devant cette nécessité le Christ dit : vous voulez entrer dans le Royaume de Dieu, ayez le même ressort, la même confiance et la même force que celle de cet intendant. C’est ce que je vous souhaite. Amen.