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27ième Dimanche du Temps Ordinaire (Mc 10, 2-16) – Homélie du Père Louis DATTIN

Le couple et la famille

Mc 10, 2-16

Avant d’écouter l’Evangile du jour et de le commenter, il ne faut pas oublier la 1ère lecture : « la création du premier couple humain« . C’est la toile de fond sur la famille : le tableau idéal du plan de Dieu sur le couple. Si nous aimons les récits hauts en couleurs, nous sommes servis par ce vieux texte naïf et très ancien, où, sous la forme d’un conte savoureux, les vérités essentielles du couple humain sont abordées.

Or donc, il était une fois le premier homme ! Le Seigneur lui avait préparé un univers verdoyant, peuplé d’oiseaux et bêtes bien sympathiques et pourtant, l’homme n’était pas heureux. Il y avait bien le chien fidèle qui lui montrait plein de tendresse, mais il ne parlait pas. Alors Dieu dit :

« Non, il n’est pas bon que l’homme soit seul. Donnons-lui une compagne qui lui soit assortie ».

Et voilà la première leçon de ce texte. Dieu a voulu l’homme conjugal.

            Dieu pratiqua donc la première anesthésie totale (le conte continue) et l’homme tombe dans un sommeil profond et il n’assistera pas à la création d’Eve. Eve restera toujours un secret pour l’homme, la « radicalement différente« . L’action de Dieu est « mystère ». La sexualité est et reste un mystère malgré tous les bouquins modernes sur la sexualité, même Freud s’y casse les dents. C’est Dieu qui crée et non pas l’homme : Adam tiendra sa femme de Dieu : c’est la deuxième leçon.

 Après l’anesthésie, l’opération : « Il prit de la chair du côté d’Adam pour en façonner la femme, la fameuse « côte d’Adam ». Le symbole est merveilleux : la côte, c’est le côté, le cœur, le « côte à côte ». Eve est tirée du cœur de la tendresse de l’homme (ce qui suppose que l’homme possède bien cette tendresse), mais le scoop de ce conte, c’est de nous révéler l’identité absolue de nature entre l’homme et la femme. Elle est son EGALE, celle qui lui correspond pleinement : l’os de ses os. Lorsque ce conte a été écrit, dans tous les pays voisins, la femme était considérée comme la pièce la plus précieuse du cheptel de l’homme (ce texte devait passer pour être terriblement féministe) : c’est la troisième leçon de ce texte.

Mais voilà Adam qui se réveille : il pousse un cri d’admiration :

« Mais non ! Je ne rêve pas ! » Cri d’amour, cri d’admiration, premier cri de plaisir au début du monde. « Cette fois-ci, voilà l’os de mes os ! La chair de ma chair ! On l’appellera « femme ».

Quatrième leçon de cette lecture : Dieu veut le couple heureux.

Il désire un couple épanoui et Dieu va maintenant leur faire une très profonde préparation au mariage et leur dit : « L’homme quittera son père et sa mère ». C’est clair : le mariage est rupture avec la vie précédente. Beaucoup de maris ont bien du mal à se libérer de l’emprise de leur mère. Il s’attachera à sa femme (c’est la fidélité), non pas avec des liens de domination, mais de tendresse, de douceur si bien que cette fidélité ne sera pas une « corvée », mais une « cordée » pour affronter à deux, les difficultés de la vie.

Unité indissoluble qui va s’exprimer dans l’union des corps :

« Ils ne feront plus qu’un, en une seule chair ».

Voilà le couple prototype du foyer selon le rêve de Dieu !

Mais, il y a souvent une grande distance entre le rêve et la réalité. C’était déjà vrai du temps de Moïse qui avait été obligé de lâcher du lest avec la « répudiation ». C’était toujours aussi vrai du temps de Jésus à qui on pose la question. C’est toujours aussi vrai dans notre époque où la famille semble tellement ébranlée et fragile, et pourtant, encore aujourd’hui, l’Eglise nous répète inlassablement, à la suite de Jésus, « que l’homme ne sépare pas ce que Dieu a uni ».

« La famille fout le camp », ai-je lu dans un magazine. Regardons autour de nous : les unions libres, les pacsés, les concubinages, les divorces, la chute de la natalité, les familles « monoparentales » (comme si c’était encore une famille !), les familles dites « recomposées » qui supposent combien de familles « décomposées » !

Les causes, on les connaît :

– Disparition des valeurs morales, droit à la liberté sans entrave, droit au bonheur à tout prix ;

– Causes économiques : chômage, pauvreté, exclusion d’où l’apparition de familles qui ne sont plus que des « pensions de famille« , famille dortoir, famille « formule 1 » où l’on ne se retrouve que devant le frigo ;

– Juxtaposition de personnes qui ne se retrouvent ensemble que par intérêt : famille qui recherche avant tout le bien-être matériel, civilisation du caddie, du standing, où le programme est d’abord la maison à construire avant même de construire le couple et d’entretenir leur amour ;

Famille « mer morte » où le couple a peur de l’enfant et où l’on demeure dans un « narcissisme à deux » ;

Famille « café du commerce » où ne sont abordées que des banalités, mais jamais des sujets profonds. Un enfant de 12 ans déclare : « Quand mes parents m’ont demandé si j’ai bien dormi ou si j’avais de bonnes notes, ils ont tout dit ». Un autre : « Je n’ai jamais su si mon père avait la foi. Je le pense, mais je n’en suis pas sûr, il n’en parlait jamais ».

– A côté de cela, il y a aussi la « famille cocon« , celle qui se replie sur elle-même, refuge affectif et douillet avec parfois une surchauffe affective qui faisait dire à un autre enfant : « Mes parents m’étouffent », surprotection pesante ;

Famille Blockhaus » aussi où l’on s’enterre pour se protéger des agressions d’un monde que l’on déclare « pourri » : les fenêtres sont fermées sur l’extérieur.

Et pourtant, malgré toutes ces imperfections, tous, nous avons besoin d’une famille et Dieu aussi. Il est facile de critiquer la famille, pas facile de la remplacer. La Société a besoin de familles solides et fidèles. Les nations sans enfants disparaissent inexorablement.

La famille, c’est pour chacun, l’apprentissage de la solidarité, de la gratuité, du respect des différences, de la non-violence, du partage. La délinquance fleurit là où il y a un manque de vie familiale.

Les ENFANTS ont besoin de grandir entre un père et une mère qui s’aiment. Ils ont besoin de recevoir l’amour gratuit d’une mère, mais ils ont autant besoin de la présence d’un père. Il faut qu’ils se sentent le fruit d’un amour commun.

Les adolescents ont besoin de famille , une famille qui les aide à partir du nid où ils ont tendance à s’incruster. C’est tellement plus commode de se faire servir par des parents esclaves, domestiques de leurs enfants. Pour 90% d’entre vous, vous avez puisé votre vision du monde, votre foi, votre manière de vivre ? A la maison, là sont les sources, là sont les racines.

La famille a besoin de Dieu. La fidélité, c’est qui ? « Tu es le Dieu fidèle éternellement ». L’unité, c’est qui ? C’est Dieu : Trinité-famille, amour en trois personnes. La création, le Créateur, c’est qui ? « Je crois en Dieu, créateur du ciel et de la terre ».

L’amour, c’est qui ? Amour du Père pour son Fils, du Fils pour son Père. Dieu seul est capable dans le Sacrement du Mariage d’offrir aux époux la capacité d’aimer son conjoint et ses enfants.

Puissions-nous, frères et sœurs, faire vivre nos familles sur le modèle de l’amour de Dieu, capable de donner sa vie pour ceux qu’il aime. Un proverbe indien dit que « nul n’est jamais perdu sur une route droite ».

Cette route de la famille chrétienne est ici-bas la seule route du « bonheur assuré », déjà maintenant et pour les noces éternelles.  AMEN