2ième Dimanche de l’Avent par P. Claude TASSIN (Spiritain)

    Commentaires des Lectures du dimanche 6 décembre 2015

 

Baruc 5, 1-9 (« Dieu va déployer sa splendeur »)

Le poète qui aime sa ville lui donne les traits d’une femme (« Bruxelles, ma belle »…), comme ici Jérusalem, épouse répudiée aux enfants déportés et dispersés. Mais Dieu lui rend sa parure de reine. Ses enfants reviennent en cortège dans un paysage transfiguré : tout est aplani, pour faciliter la marche, dans le désert paré d’une forêt de rêve, ce que pourraient les douloureux cortèges des migrants d’aujourd’hui.
Le poète se présente sous le nom de Baruc, secrétaire de Jérémie, et il écrirait en 582 à Babylone parmi les Juifs déportés. En fait, il s’agit d’une œuvre *pseudonymique. L’auteur est un sage du 2e siècle avant notre ère. Il réside à l’étranger en des jours où il devine que Jérusalem se libérera sous peu du joug des Grecs. Son poème est tissé à dessein d’expressions empruntées aux prophètes qui annonçaient le retour des exilés de Babylone, trois siècles plus tôt.
Oui, Dieu avait ramené les Exilés ! Mais si le pays est à nouveau opprimé et le peuple dispersé, il faut redire les anciennes prophéties, en actualiser les espérances : Dieu les accomplira sûrement et en plus grand. Car les prophètes sont à l’affût de l’actualité ; pressentent-ils une libération possible, c’est le signe que Dieu va agir, au cœur de notre histoire.

* Vous avez dit « pseudonymie » ? Un pseudonyme est un « faux nom ». Dans certains livres de la Bible, l’auteur, quoique réellement inspiré par Dieu, n’est pas celui qu’il prétend être ! Le vrai Baruc avait secondé Jérémie aux heures sombres de l’histoire de Jérusalem. Trois siècles plus tard, la Ville était à nouveau en crise. Alors un sage, relisant les écrits des prophètes, rédigea ce que Baruc aurait dit en la circonstance. Grâce à la pseudonymie, la Bible se relit elle-même et elle actualise la Parole de Dieu dans des situations nouvelles.

Philippiens 1, 4-6.8-11 (« Dans la droiture, marchez sans trébucher vers le jour du Christ »)

Paul, alors en prison (lire Philippiens 1, 12-26), écrit aux chrétiens de la ville de Philippes. Il les aime ! On le voit bien dans la *prière en deux parties qui ouvre sa lettre :
1) L’action de grâce. Paul rend grâce parce que les Philippiens soutiennent ses missions, lui envoyant même de l’argent quand ils le savent dans la gêne (voir Ph 4,10-20). Il loue ensuite le travail de conversion que Dieu lui-même opère dans leur communauté.
2) La supplication (« Et, dans ma prière… »). Les Philippiens vivent déjà l’amour. Que demander de plus ? D’aimer mieux ! acquérir clairvoyance et discernement dans la conduite quotidienne. Ainsi éviteront-ils les ambiguïtés et les faux pas dans leur marche vers « le jour du Christ ». Alors Dieu les tiendra pour des « justes », ajustés à son projet puisqu’ils auront montré leur parfait attachement au Christ.
Selon l’Ancien Testament, au jour du Seigneur, Dieu jugerait toute l’histoire humaine. La foi chrétienne parle désormais du jour du Christ ; et dans notre marche vers ce jour, Paul rappelle qu’il ne suffit pas d’aimer à la folie. Il faut ce tact qui voit au bon moment ce que Dieu attend de nous « pour sa gloire et sa louange ».

* La prière d’un apôtre. Paul ouvre ses lettres par le compte rendu d’une prière préparant les points qu’il développera par la suite dans l’épître. D’abord une action de grâce : il y proclame que ceux à qui il s’adresse sont déjà une page vivante de l’Évangile. Puis vient la supplication : il discerne ce qui manque encore à ses destinataires pour vivre pleinement cet Évangile. Bref, sa prière est un exercice prophétique : il cherche à lire les événements et les personnes avec les yeux de Dieu et à offrir à Dieu cette lecture. C’est peut-être le modèle d’une prière chrétienne qui ne se replie pas sur elle-même.

 

Luc 3, 1-6 (Jean Baptiste prépare le chemin du Seigneur)

Marc, Matthieu et Luc commencent la vie publique de Jésus par le portrait de son Précurseur, Jean Baptiste. Mais chaque évangéliste a ses centres d’intérêt; d’où des détails spécifiques chez chacun. Relevons les particularités de Luc.

Jean dans l’histoire universelle

Marc dit simplement : « Jean le Baptiste fut dans le désert ». Luc, lui en recopiant Marc, situe le personnage dans l’histoire universelle, car c’est l’histoire du monde qui est en jeu. Il nomme l’Empereur de Rome (en l’an 28) et son représentant en Judée (de l’an 26 à 36), Pilate, qui jugera Jésus, puis les fils d’Hérode le Grand qui régnaient au Proche Orient. Enfin, à l’empereur païen, il oppose le chef de la nation juive, le grand prêtre Hanne et son influent beau-père, Caïphe, ex- grand prêtre.

Jean, le dernier prophète ?

Luc introduit le Baptiste comme l’Ancien Testament présentait les prophètes : « La parole de Dieu fut adressée à Jean (…), fils de Zacharie ». Comparer, par exemple, Osée 1, 1 : « La parole du Seigneur fut adressée à Osée, fils de Bééri ». Luc fait de Jean le dernier prophète de l’Ancien Testament (voir Luc 16, 16) et il situe sa mission « dans la région du Jourdain », au seuil de la Terre promise, tandis que Jésus accomplira son Exode de la Galilée jusqu’à Jérusalem.

Le baptême de conversion en vue de la venue du Seigneur…

Héraut de Dieu, Jean proclame un *baptême de conversion : que l’on s’immerge, que l’on se noie symboliquement dans le fleuve en signe d’un retour à Dieu que l’on prouvera par des actes (voir l’évangile de dimanche prochain). On obtient ainsi le pardon des péchés : Dieu tire un trait sur le passé de quiconque se convertit pour accueillir la Bonne Nouvelle du Seigneur.
3) Car le Baptiste (ou « baptiseur ») a pour mission de préparer le chemin du Seigneur. Chaque évangéliste applique à Jean les versets 3 à 5 d’Isaïe 40. Ce poème écrit vers 539 avant notre ère demandait que l’on prépare le chemin dans le désert : le Seigneur (Dieu) prendrait la tête d’un cortège qui ramènerait à Jérusalem les Juifs exilés à Babylone. Dans la première lecture, nous avons vu Baruc relire ce passage trois siècles plus tard pour annoncer à nouveau un rassemblement du Peuple de Dieu. Quand les évangélistes relisent à leur tour cette prophétie, le « chemin du Seigneur » est le chemin que Jésus prendra pour nous conduire à une libération définitive.

… pour un salut universel

Luc est le seul évangéliste à lire jusqu’au bout le verset 5 du passage d’Isaïe, puisqu’il ajoute, littéralement : « Et toute chair verra le salut de Dieu . » Luc a aussi écrit les Actes des Apôtres qui s’achèvent avec l’arrivée de Paul à Rome et cette promesse : « C’est aux païens qu’a été envoyé ce salut de Dieu. Eux, ils écouteront » (Ac 28, 28).
Même si Jean l’ignorait lui-même, sa mission préparait l’accomplissement de l’intuition du livre d’Isaïe : le salut de Dieu est pour « toute chair », tout être humain créé, sans discrimination.

* Du baptême de Jean au baptême chrétien. Au 1er siècle, les bains rituels étaient à la mode. Les Juifs établis à Qoumrân les pratiquaient chaque jour dans un esprit de repentir. Le païen qui se convertissait au judaïsme recevait « le baptême des prosélytes » qui le purifiait de son état de païen.
Le baptême s’imposa aux Églises parce que plusieurs disciples du Christ avaient d’abord suivi le Baptiste; Jésus lui-même semble avoir un temps pratiqué ce rite (voir Jean 3, 22-26 et 4, 1-2). Chaque communauté chercha à donner un sens chrétien à ce baptême hérité de Jean. D’où, aux origines, un riche éventail de conceptions : pour Paul, ce sacrement nous plonge dans la mort du Christ pour noyer notre être pécheur et nous permettre une vie nouvelle (voir Romains 6, passage lu à la veillée pascale). Selon Luc, le baptême nous protège par le nom de Jésus Christ, nous obtient le pardon et nous communique l’Esprit Saint (voir Actes 2, 38). Pour Matthieu, le même rite signe notre totale appartenance à Dieu, Père, Fils et Saint Esprit (Matthieu 28,19).

 

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