2ième Dimanche de Pâques – Dimanche de la Miséricorde Divine par P. Claude TASSIN (Spiritain)

Commentaires des Lectures du dimanche 12 Avril 2015

Actes 4, 32-35  (Un seul cœur et une seule âme)

Luc décrit la première communauté chrétienne de Jérusalem. Chaque 2e dimanche de Pâques, on lit un de ses trois «sommaires» ou résumés – aujourd’hui, le 2e (le 1er se trouve en Actes 2, 42-47, le 3e en 5, 12-16).

Ici, Luc insiste sur le partage communautaire. En fait, il n’a qu’un exemple à rapporter, celui de Barnabé (voir Actes 4, 36-37), aussitôt suivi d’un contre-exemple, dans le drame d’Ananie et Saphira (voir Actes 5, 1-11). Il n’évoque donc pas un idéalisme qui aurait mal tourné, mais un projet. La première Église s’efforçait de réaliser un double idéal :

1. L’idéal de l’amitié grecque que vantait déjà Aristote : «Les amis n’ont qu’une âme entre eux et les biens sont propriété commune.» C’est ce qu’essayaient aussi de vivre les groupes se réclamant du philosophe Pythagore.

2. L’idéal du peuple de Dieu proclamé par le livre du Deutéronome : «Il n’y aura pas de pauvre chez toi» (15, 4). C’est ce qu’essayaient de vivre les esséniens de Qumrân. Et puisqu’on doit aimer Dieu «de tout son cœur et de toute son âme» (Deutéronome 6, 5), les croyants auront «un seul cœur et une seule âme».

Ces chrétiens s’approprient le projet d’unité inscrit dans la Parole de Dieu et dans toute expérience humaine allant en ce sens. Telle était «la puissance de la grâce (de Dieu)». Stimulés par leurs apôtres témoignant du Christ ressuscité, ils osaient s’engager sur des voies nouvelles.

1 Jean 5, 1-6 (Celui qui croit est né de Dieu)

Dans les Églises de Jean, certains prédicateurs refusaient d’annoncer Jésus comme Fils de Dieu. En deux temps, L’Apôtre encourage les fidèles qui résistent à ces perturbateurs :

Tout homme qui croit

L’auteur s’adresse à «celui qui croit (vraiment)». Croire, c’est voir en Jésus «le Christ». Par cette foi, on naît de Dieu (cf. Jean 1, 12). Croire, c’est se lier, donc aimer Dieu et ceux qui sont nés de lui. L’amour fraternel n’est pas un sentiment saisonnier: il vient de la foi qui voit dans les autres des «enfants de Dieu». Aimer Dieu, vouloir lui plaire, c’est accomplir les commandements qui, selon 1 Jean 3, 23, demandent la foi et l’amour. Ainsi sommes-nous vainqueurs du «monde», c’est-à-dire ces ténèbres de la non-foi où prospèrent les faux prophètes (cf. 1 Jean 4, 1-5).

Le triple témoignage divin

L’auteur rappelle un triple témoignage : Jésus «est venu par l’eau» : son baptême annonçait le don de l’Esprit Saint (Jean 1, 33). Mieux, *«l’eau et le sang» jaillis du côté ouvert (Jean 19, 34) témoignent d’un amour sans limites. Ces deux signes s’unissent dans l’Esprit de «Vérité». Donné dans le baptême et l’eucharistie, l’Esprit réalise en nous l’œuvre de Jésus : nous croyons, nous aimons, notre vie se transforme.

Thomas proclamait, en germe, cette profondeur de la foi pascale (évangile), une foi qui entraîne un amour mutuel (1ère lecture).

* L’eau et le sang. «Le soldat lui ouvrit le côté d’un coup de sa lance et il en jaillit de l’eau et du sang. Cette eau était le symbole du baptême et le sang celui des mystères [= le sacrement de l’eucharistie]. C’est pourquoi l’évangéliste ne dit pas : Il en jaillit du sang et de l’eau ; mais l’eau jaillit d’abord et ensuite le sang, car d’abord vient le baptême et ensuite les mystères. Ce soldat, donc, lui ouvrit le côté : il a percé le rempart du temple saint et c’est moi qui ai trouvé le trésor et m’en suis enrichi. Ainsi en fut-il de l’Agneau : les Juifs égorgeaient la victime, et moi j’ai recueilli le salut, fruit de ce sacrifice» (saint Jean Chrysostome).

Jean 20, 19-31 (« Huit jours plus tard, Jésus vient »)

Cette page constituait primitivement la fin de l’évangile de Jean. Quatre séquences nous conduisent pas à pas à saisir notre situation de croyants :

L’apparition aux disciples le soir de Pâques

Jean ne précise pas l’identité du groupe à qui se montre le Ressuscité. Il vise toute la communauté chrétienne des lecteurs, et pas seulement les Onze. C’est une réunion liturgique, « le premier jour de la semaine », ou « jour du Seigneur ». Alors Jésus « vint », « il était là ». Il se fait reconnaître comme le Crucifié. On ne dit pas qu’il traverse les portes en passe-muraille, mais qu’il se rend présent dans une totale liberté. C’est pour les disciples une bénédiction (ils sont « remplis de joie »), et un acte de foi car ils voient non seulement l’homme Jésus, mais « le Seigneur ». Celui-ci apporte la paix naguère promise (cf. Jean 14, 27) et il les recrée : comme Dieu « insuffla dans les narines (d’Adam) le souffle de vie », Jésus « souffle sur eux » et leur donne mission de remettre ou de maintenir les péchés, de discerner le bien et le mal dans ce monde divisé. Ceci se réalisera, grâce au baptême et au combat contre le péché, par exemple par la prière (cf. 1 Jean 5, 16).

Ainsi s’accomplissent les grandes promesses de la Bible : la nouvelle création, la venue de l’Esprit qui purifie (Ezékiel 36, 25-27) et le pardon des péchés inaugurant l’Alliance nouvelle (Jérémie 31, 34).

Une transition

Les disciples ont vu et ils ont cru. Ils communiquent à Thomas leur credo pascal : «Nous avons vu (celui qui est maintenant) le Seigneur.» *Thomas repousse leur témoignage; il exige des signes miraculeux (voir le reproche de Jean 4, 40).

La seconde apparition, avec Thomas

«Le huitième jour» est le dimanche suivant. Déjà dans la tradition juive ancienne, ce huitième jour signifiait l’entrée dans la nouvelle création, après les sept jours symboliques de la première création (Genèse 1). L’évangéliste suggère que c’est l’assemblée dominicale qui retrempe notre foi pascale.

Grâce à la parole de Jésus, Thomas accède à la vraie foi. Les militaires romains, au temps où l’évangéliste rédigeait son œuvre, saluaient l’empereur Domitien comme «notre Seigneur et notre Dieu». C’est Jésus que Thomas confesse ainsi : «mon Seigneur et mon Dieu», c’est-à-dire les titres mêmes du Dieu d’Israël. Les autres avaient reconnu le Seigneur ; Thomas confesse enfin le Verbe de Dieu qui est retourné en Dieu, dans la gloire qu’il avait «avant le commencement du monde» (Jean 17, 5).

Thomas est donc à la croisée de deux générations de croyants. Il est béni comme le dernier de ceux qui ont vu et qui ont cru. «Mais, en regardant un vrai homme, il a proclamé que celui-ci était Dieu, et cela, il n’avait pas pu le voir » (Saint Grégoire le Grand). Depuis que ces témoins ont disparu, nous sommes bénis par Dieu comme «ceux qui croient sans avoir vu».

La première conclusion de l’Évangile

«Il y a encore beaucoup d’autres signes…» Jean ne dit pas que le Christ se sépare des disciples. Car il nous reste en présence invisible, grâce à l’Esprit qui apporte le pardon, qui nous rappelle et nous fait comprendre ce que Jésus a fait et dit «en présence des disciples». Ce souvenir nous conduit à la foi en Jésus comme Fils de Dieu, et la foi nous conduit à une vie en plénitude.

* Thomas fait partie de la liste des Douze (Matthieu 19, 3 ; Marc 3, 18 ; Luc 6, 15 ; Actes 1, 13). Sans commentaire, Jean (11, 16 ; 20, 24) rappelle le sens du nom de Thomas en araméen : «le jumeau». En revanche, à la différence des autres évangélistes, il lui confère des traits de caractère : à la fois, Thomas est un disciple ardent et bouillant (Jean 11, 16), mais ne comprenant pas bien son Seigneur (14, 5) et demandant les signes de sa résurrection, bref, un disciple qui nous représente bien. Selon Eusèbe de Césarée, Thomas fut l’évangélisateur des zones iraniennes et fut enseveli à Édesse. Selon les chrétiens syro-malabars, il porta l’Évangile en Inde et ils honorent son tombeau dans la cité de Madras. On ignore pourquoi, vers 150 de notre ère, apparut en Syrie un évangile apocryphe gnostique attribué à Thomas et enregistrant 114 paroles attribuées à Jésus. Était-ce en raison d’une supposée «gémellité» entre Thomas et Jésus ? Le texte n’en dit rien.

 

 

 

 

 

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