Commentaires des Lectures du dimanche 25 octobre 2015
Jérémie 31, 7-9 (L’aveugle et le boiteux, je les fais revenir)
Ces trois versets appartiennent à une section du livre de Jérémie souvent intitulée « livret de la consolation » (Jérémie 30, 1 – 31, 40). Ces deux chapitres chantent l’espérance du prophète. Il envisage le retour des Israélites du Nord (Jacob, Éphraïm), le royaume de Samarie, emmenés captifs en Assyrie (en 722 avant notre ère), vers le « pays du Nord » (voir 2 Rois 17, 5-18). Il imagine même que les deux nations, celle de Samarie et celle de Juda, s’uniront de nouveau en un seul peuple (Jérémie 31, 38-40), vivant ensemble d’une nouvelle alliance dans laquelle la Loi du Seigneur serait inscrite dans les cœurs (Jérémie 31, 31-34). Mais il se peut que ces versets de Jérémie aient été « contaminés » par l’espérance ultérieure du nouvel exode des Judéens, revenant de leur déportation à Babylone (Isaïe 40 – 55). Ainsi va, dans l’épaisseur de l’histoire humaine, la transmission de la révélation biblique.
Retenons deux faits. C’est, d’une part, l’espérance d’un rassemblement universel, des « extrémités du monde ». C’est, d’autre part et contre ceux qui voient dans l’Ancien Testament l’image d’un Dieu sévère, cette tendre déclaration : « Je suis un père pour Israël. » Éphraïm, figure des tribus du Nord (Samarie), fut béni par Jacob en fils aîné à la place de Manassé, réel aîné (cf. Genèse 48, 9-20). Car, dans l’histoire des patriarches et contre la culture ambiante, Dieu choisit souvent pour ses desseins le cadet à la place de l’aîné. Relevons un beau parallélisme croisé (AB-BA) : « Je suis un père (A) pour Israël (B), Éphraïm (B) est mon fils aîné (A). »
La liturgie retient ce texte à cause d’une mention de l’aveugle, censée éclairer l’épisode de la guérison de Bartimée (évangile). On aurait pu aussi évoquer Isaïe 35, 5-6.
Hébreux 5, 1-6 (« Tu es prêtre de l’ordre de Melkisédek pour l’éternité. »)
L’auteur poursuit sa méditation sur le Christ « devenu grand prêtre » et exerçant sa fonction d’intercesseur auprès de Dieu en faveur des croyants. La première partie de la page insiste sur cette fonction d’ambassade, en soulignant la faiblesse d’un Jésus terrestre qui partage nottre condition humaine en sa fragilité. Le paragraphe s’achève par un point d’accrochage avec la suite : la fonction sacerdotale ne relève pas d’un honneur personnel, mais d’une vocation, d’une investiture divine. Le texte évoque Aaron, frère aîné de Moïse, ancêtre de tous les grands prêtres en Israël (cf. Exode 28, 1 et Lévitique 8 – 9) et mentionné trois cent fois dans l’Ancien Testament.
À ce sacerdoce « aaronique », la seconde partie de la page oppose celui de Melkisédek, un nom qui, ignoré du reste du Nouveau Testament, reviendra encore sept fois dans notre épître. Melkisédek surgit dans une rencontre avec Abram (Genèse 14, 17-20) et ne se retrouve que dans un verset du célèbre Psaume 109 [110], cité ici : « Tu es prêtre de l’ordre de Melkisédek pour l’éternité. » Le caractère énigmatique de ce dernier a poussé les légendes juives, jusque dans la bibliothèque de *Qoumrân, à voir en lui un « ovni », un personnage de nature angélique, grand prêtre du culte dans le Temple des cieux et destiné à juger l’univers à la fin des temps. Il n’en fallait pas plus pour que l’Épître aux Hébreux voie en Jésus l’accomplissement de cette figure mystérieuse. Notre auteur ajoute une autre citatrion psalmique : « Tu es mon Fils… » (Psaume 2, 7). Rappelons que, dans la tradition juive, le « Messie » (Psaume 2, 2) peut être soit un roi, soit un prophète, soit un prêtre, soit les trois figures à la fois.
* Qoumrân et Melkisédek. « (Dieu) a fait tomber leur lot dans la part de Melkisédek, lui qui les ramènera vers ceux-ci et proclamera pour eux la libération en leur remettant la dette de leurs fautes. Et cela se fera dans la première semaine du jubilé venant après neuf jubilés. Et le jour des Expiations, c’est la fin du dixième jubilé. (…) Ce sera le moment de l’année de la bienveillance de Melkisédek. C’est lui qui, dans sa puissance, jugera les Saints de Dieu selon les actes de justice, ainsi qu’il est écrit à son sujet dans les cantiques de David qui a dit : Un dieu est debout dans l’assemblée divine, au milieu des dieux il juge. C’est aussi à son sujet qu’il a dit : Au-dessus d’elle retourne vers la hauteur, un dieu jugera les peuples » (Légende hébraïque de Melkisédek, grotte 11 de Qoumrân).